Open Access
Numéro
Nat. Sci. Soc.
Volume 30, Numéro 3-4, Juillet/Décembre 2022
Page(s) 265 - 277
DOI https://doi.org/10.1051/nss/2023007
Publié en ligne 17 mars 2023

© M. Jenatton et al., Hosted by EDP Sciences, 2023

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Approche interdisciplinaire venue des sciences sociales, la political ecology analyse de manière critique les problèmes environnementaux et les analyses qui tendent à les dépolitiser. Pour les political ecologists, les rapports des populations aux milieux ne sont que secondairement responsables de ces problèmes, ces rapports étant déterminés par les technologies, les politiques, les rapports sociaux, etc. Affirmée comme telle dans le monde universitaire anglophone, la political ecology s’est largement diffusée, s’hybridant avec les traditions intellectuelles des régions dans lesquelles elle s’est implantée. C’est ce qui s’est passé en Amérique latine, où − parmi d’autres spécificités locales – la dimension critique de la political ecology a pris un tour radical. Cet article décrit cette hybridation, son histoire, et fait l’hypothèse que cette political ecology latino-américaine (PELA) est devenue une approche à part entière, revendiquant son autonomie et sa spécificité.

La Rédaction

Ce texte a pour ambition, auprès du lectorat français, de faire un état de l’art de la political ecology « latino-américaine1 » (PELA) – de sa généalogie épistémologique, de ses influences et de ses concepts clés – ainsi que d’esquisser quelques perspectives pour son application empirique. En français, le terme « écologie politique » recouvre plusieurs sens qu’il est opportun de distinguer : 1) une prise en compte des questions environnementales par les institutions politiques ; 2) des mouvements sociaux et organisations militantes luttant contre la dégradation environnementale ; 3) une théorisation des questions socioenvironnementales à partir des sciences sociales et de la philosophie, qui a la particularité de s’articuler avec les deux premières conceptions dans le paysage français (Whiteside, 2002). Nous examinons la political ecology et sa traduction ecología política dans ce dernier sens (moins ambigu en anglais), comme un courant académique ancré dans une certaine littérature anglosaxonne et ensuite latino-américaine2. Nous verrons également comment cette littérature a été investie par les mondes militants et citoyens, apportant à leur tour de nouveaux concepts et transformant sa portée théorique. Nous employons la dénomination anglaise political ecology pour parler de ce champ de littérature spécifique et pour la distinguer des multiples sens de « l’écologie politique » en français, en suivant d’autres auteurs et autrices de la littérature francophone (Benjaminsen et Svarstad, 2009). Nous assumons la contradiction à employer une traduction anglaise pour parler d’une littérature principalement hispanophone.

Pour l’heure, peu de textes issus de la PELA ont été publiés en langue française et l’un de ses auteurs phares, l’anthropologue colombien Arturo Escobar, n’a été traduit que récemment (Escobar, 2018). Pour présenter l’intérêt de ces théories, nous retracerons dans une première partie la chronologie de leur développement partagé avec la political ecology anglophone et dans une deuxième partie, nous présenterons les principaux auteurs de la PELA qui ont contribué à leur élaboration ou à leur diffusion (à savoir, Escobar, le sociologue mexicain Enrique Leff, le sociologue brésilio-argentin Hector Alimonda et l’économiste catalan Joan Martinez Allier) afin de comprendre quels ont été les concepts clés de ce cadre à différentes périodes.

Pour cerner les frontières quelque peu floues de la PELA, nous avons utilisé une méthodologie de recherche bibliographique par « boule de neige », à partir de lectures croisées de ces auteurs de référence et des travaux qui les citent dans la littérature latino-américaine, ainsi qu’un recensement des efforts plus concertés dans les années 2000 et 2010 pour unifier ce champ intellectuel. Nous suggérons, pour finir, que les concepts centraux de ce cadre peuvent être intéressants dans l’analyse de la transition agroécologique des systèmes alimentaires territoriaux, bien que les travaux français, pour l’heure, s’appuient peu sur la political ecology et moins encore sur son courant latino-américain.

Trajectoire intellectuelle des political ecologies

Au sens très large, la political ecology se donne pour objectif de traiter les dimensions politiques des atteintes contre l’environnement et sa protection en prenant explicitement en compte les conflits et les relations de pouvoir (Benjaminsen et Svarstad, 2009). Elle constitue actuellement un champ de travail très développé dans la littérature anglophone et s’applique à un grand nombre de cas d’étude depuis des approches disciplinaires assez diverses. Néanmoins, la political ecology a une généalogie intellectuelle spécifique, reflétant des changements paradigmatiques plus globaux en sciences sociales que nous présentons ici sous forme de tableau chronologique (Tab. 1)3.

La trajectoire que nous avons reconstituée – en nous appuyant sur des généalogies revendiquées par les autrices et les auteurs anglophones et latino-américains de la political ecology – prend ses origines dans les années 1960 dans des approches critiques du développement au sens large et de l’impact négatif de la société industrielle sur l’environnement. Les travaux de cette époque se caractérisent par des interprétations catastrophistes de la croissance démographique et le développement des théories néomalthusiennes qui proposaient des solutions verticales et centralisées pour contenir une utilisation effrénée des ressources naturelles. Par la suite, ces théories ont été critiquées comme étant des explications fondamentalement apolitiques des processus de détérioration de l’environnement, abordées à travers l’analyse de variables isolées du contexte social, économique et politique. Les années 1970 ont été marquées en grande partie par un retour aux travaux de Marx et par une rethéorisation et une politisation des sujets environnementaux. Il s’agissait d’étudier les interactions des structures politico-économiques avec des processus écologiques, en analysant la dégradation environnementale générée par les systèmes de production capitalistes et leur appropriation de la nature. C’est à cette époque que l’on voit les premières utilisations du terme « political ecology » en anglais, notamment dans un texte de l’anthropologue austro-américain Eric Wolf (1972), et en français dans une publication du journaliste et militant austro-français André Gorz (1975).

La political ecology émerge comme champ distinct autour des années 1980, quand des universitaires anglais et nord-américains, principalement géographes, appliquent un cadre d’économie politique aux questions environnementales en s’appuyant fortement sur les théories marxiennes. L’objectif de ces chercheuses et chercheurs était de relier des dégradations environnementales locales à des questions politico-économiques plus macro à travers une analyse de nature structuraliste de la production : le changement environnemental s’explique par les choix effectués dans des systèmes de production régionaux contraints par des forces économiques et politiques mondiales (Robbins, 2012). De nombreuses études de cas du « tiers-monde » ont pris pour objets d’études privilégiés la dégradation des sols et la déforestation amazonienne, par exemple.

Tab 1

Trajectoire intellectuelle partagée des political ecologies.

La political ecology latino-américaine (PELA) : tournants et influences

Nous proposons de présenter les tournants de la pensée political ecology portés par des autrices et des auteurs latino-américains dans une trajectoire intellectuelle que nous détaillons dans le tableau 2. Néanmoins, certaines évolutions théoriques décrites dans notre texte concernent également le courant « anglophone », notamment dans le développement d’une political ecology féministe (Rocheleau, 1995 ; Sultana, 2021) ou sous l’influence des théories poststructuralistes et, plus tard, postcoloniales et décoloniales (Loftus, 2019 ; Sultana, 2021). Nous faisons l’impasse sur les débats et propositions de la political ecology anglophone depuis la période des années 1990 – qui se sont ouvertes à de nombreuses autres approches et voix internationales par la suite (Bryant, 2015) – pour approfondir plus précisément ceux de la PELA.

Tab 2

Trajectoire intellectuelle de la political ecology latino-américaine (PELA).

Années 1990 : de la question du pouvoir à la redéfinition des futurs

Dans un contexte plus général de critique des analyses marxiennes et de leur perspective déterministe, dans les années 1990 apparaissent d’autres manières de penser la question du pouvoir, marquées par un effort de recentrer les analyses sur les actions et les discours des acteurs et de « rejeter la vision des individus comme des acteurs passifs limités par leur condition sociale, en mettant en évidence leur capacité d’action et leurs luttes pour le contrôle et l’accès aux ressources naturelles » (Durand Smith et al., 2011, p. 298). Mais, pour ce faire, les auteurs et les autrices vont mobiliser des épistémologies différentes. L’école anglophone de political ecology, ancrée dans la géographie, s’appuie, par exemple, sur la sociologie politique de Max Weber et la notion de résistance quotidienne de John Scott (Bailey et Bryant, 1997). À la même époque, l’un des premiers textes d’Escobar (1994) s’appuie sur des théories poststructuralistes – inspirées du cadrage épistémologique d’intellectuels français comme Lacan, Derrida et Foucault – pour mettre en évidence les dimensions symboliques du pouvoir dans les notions de « développement » et de « tiers-monde » (Tab. 2), et déconstruire les discours qui composent ce modèle.

On voit alors se cristalliser des courants distincts au sein de la political ecology : alors que Bailey et Bryant (1997) affirment une « Third World political ecology » et mobilisent le Sud global comme fournisseur de cas d’étude, Escobar tâche de son côté de construire une critique de la notion même de « tiers-monde » et des conceptions de « modernité » imposées aux Suds. Il s’intéresse à la production historique de ce découpage sociogéographique et à l’« Occident » qui se positionne comme sauveur d’un tiers-monde vide de connaissances et qui a besoin d’intervention. En tant que doctorant à l’Université de Californie à Berkeley, il a suivi des séminaires de Foucault qui ont fortement marqué ses travaux par la suite. Sur la base d’une analyse principalement foucaldienne, il opère une critique des dualismes qui constitueraient les épistémologies « modernes » et qui confèrent une supériorité à l’un des pôles de la binarité : l’esprit sur le corps, la culture sur la nature, la raison sur l’affect, le masculin sur le féminin, le profane sur le sacré4.

L’un des principaux auteurs des années 1990-2000, mais moins en dialogue direct avec la political ecology anglophone, est le mexicain Victor Toledo. Biologiste de formation, il s’est d’abord intéressé aux approches d’ethnoécologie pour la reconnaissance des savoirs des peuples indigènes sur les dynamiques écologiques5. Il cherchait à montrer la pertinence de ces connaissances « traditionnelles » et a étudié les formes collectives d’utilisation des ressources naturelles comme alternatives aux ravages d’une modernité destructrice (Toledo, 2000).

Une notion centrale introduite à cette époque est celle du buen vivir (« vivre bien »). Souvent associé aux communautés quechuas, le terme est apparu dans les débats autour du « post-développement » (Gudynas, 2011) pour qualifier d’autres formes de vie s’appuyant non pas sur l’élaboration de biens pour un marché économique mais sur des relations plus harmonieuses et conviviales avec la Terre et privilégiant la dignité humaine et la justice sociale. Depuis la fin des années 2000, le concept est explicitement intégré dans les constitutions bolivienne et équatorienne, dessinant l’orientation d’une sorte de socialisme autochtone, et est largement discuté dans la littérature de la PELA comme exemple d’épistémologie contestataire élaborée « par le bas ».

L’orientation théorique d’Escobar vers les travaux de Foucault reflète une particularité importante de la PELA, celle de s’appuyer sur la philosophie pour traiter les questions environnementales. De la même manière, E. Leff, après un doctorat en économie du développement à l’École pratique des hautes études, a opéré un retour vers la philosophie pour questionner les bases épistémologiques de la crise environnementale, vue comme la conséquence d’une rationalité moderne et positiviste fondée sur une épistémologie cartésienne et universaliste qui conçoit la nature comme une ressource exploitable. Il propose la formulation « rationalité environnementale » (Leff, 2004a) et affirme le besoin d’une « réappropriation sociale de la nature » avec d’autres stratégies de pouvoir, langages et codes symboliques explicitement politisés, impliquant la confrontation de différentes visions et intérêts dans l’arène publique. Il suggère que ces postures peuvent contribuer à la construction d’autres futurs possibles, plus durables, et stimuler une sorte d’imagination collective pour ouvrir la voie à lo que aún no es (« ce qui n’est pas encore ») [Leff, 2003]. Il reconnaît la capacité potentielle et créative des acteurs à former des projets de résistance politique qui mêlent des temporalités du passé et du présent dans une même lecture.

Années 2000 : influence des tournants décoloniaux et ontologiques

Parmi les influences majeures de la PELA, on compte les travaux décoloniaux et le tournant plus large en sciences sociales vers le concept d’ontologie (Kohn, 2015). Le « Grupo modernidad/colonialidad » s’est constitué à la fin des années 1990 à partir d’échanges entre des universitaires originaires de ou en lien avec l’Amérique latine et pour la grande majorité statutaires dans des universités états-uniennes. Parmi les autrices et les auteurs centraux, on trouve le philosophe Enrique Dussel (Argentine), le sociologue Anibal Quijano (Péru) et le « sémiologue » Walter Mignolo (Argentine), et, à un « second niveau », des auteurs et autrices (dont Escobar lui-même) telles que le sociologue Edgardo Lander (Venezuela), le philosophe Nelson Maldonado Torres (Porto Rico), le sociologue Ramón Grosfoguel (Porto Rico) et la pédagogue Catherine Walsh (États-Unis). Puisant dans la théologie de la libération, la théorie de la dépendance, la philosophie de la libération de Dussel et les études subalternes (Escobar, 2003), le groupe interroge la centralité de la pensée européenne dans la production de connaissances. Il propose le terme « colonialité » (introduit par Quijano) pour renvoyer aux dimensions épistémiques et culturelles par lesquelles certaines formes de pensée sont invisibilisées, renvoyant à un concept plus large que celui de la « colonialisation » politique et juridique qui désigne quant à lui l’occupation territoriale des empires coloniaux.

Depuis les années 1960, les travaux de Dussel interrogent la notion d’« universalisme » (Hurtado López, 2017) et celle même de « modernité », qui imposeraient une vision centralisée et linéaire de l’histoire et de la Terre, avec le « développement » comme concept central pour amener le reste du monde vers le modèle du Nord global. L’auteur considère que, paradoxalement, l’universalisme est en fait particulier et régional, pensé depuis un espace spécifique, l’Europe, prétendant concevoir l’ensemble de l’humanité à partir de sa propre expérience érigée en modèle de référence. Dussel (2009, p. 124) propose un « pluriversalisme transmoderne », qui ne cherche pas à instituer d’autres modes de pensée à la place de l’hégémonie dominante, mais à « affirmer la valeur de ce qui a été déclaré par la modernité comme étant l’extériorité rejetée » et à développer les potentialités de ces philosophies dépréciées.

Outre qu’elles font l’objet de vifs débats dans les sphères politiques et médiatiques françaises6, les théories décoloniales sont contestées par d’autres autrices et auteurs latino-américains, dont la sociologue bolivienne Silvia Rivera Cusicanqui et l’anthropologue kaqchikel Aura Cumes (Guatemala) [2017], qui pointent l’importance de situer les conditions sociales de la production de connaissances et appellent à « décoloniser les études décoloniales », en interrogeant le « ventriloquisme d’altérité » ou « l’extractivisme épistémologique » d’une certaine élite blanche-métisse, qui du reste a souvent poursuivi ses études ou sa carrière en Europe ou aux États-Unis. Rivera Cusicanqui (2007, p. 4), par exemple, reproche à Walter Mignolo de « vouloir créer ce champ [décolonial] hégémonique de pouvoir depuis le Nord, fondé sur le monopole de l’usage des connaissances générées dans le Sud… [et occupé par] les secteurs les plus élitistes de la société ». Un ouvrage récent de Makaran et Gaussens (2020) rejoint d’autres militants, militantes et universitaires en proposant de distinguer les études « décoloniales », jugées élitistes et désancrées, d’un champ de réflexion et d’action « anticolonial » qui serait plus militant et véritablement émancipateur. Un tel champ s’enracine dans de nombreuses influences : des auteurs de la pensée critique latino-américaine comme José Martí et José Carlos Mariátegui, des études « postcoloniales » des anciennes colonies britanniques, la conception de l’orientalisme d’Edward Saïd, des épistémologies du Sud de Boaventura de Sousa Santos et surtout l’anticolonialisme révolutionnaire des figures comme Aimé Césaire et Frantz Fanon.

Une autre influence majeure sur la PELA est le tournant ontologique, largement discuté et retravaillé, notamment dans le sillon des propositions de l’anthropologue français Philippe Descola et du Brésilien Eduardo Viveiros de Castro (Dianteill, 2015), ainsi que de la théorie de l’acteur-réseau du sociologue Bruno Latour, parmi d’autres. Le tournant ontologique présente les différences dans les phénomènes culturels non comme des interprétations différentes d’un monde singulier et naturel – ce qui correspondrait au relativisme –, mais suggère plutôt qu’il existe des réalités alternatives et d’autres manières d’être au monde en parallèle de la nôtre (Kohn, 2015). Escobar intègre des éléments de ce tournant ontologique dans la notion décoloniale de « plurivers » qui, dans la continuité des propositions de Dussel, devient un de ses concepts fondamentaux. Le plurivers serait composé de plusieurs ontologies, qu’il nomme « mondes », en s’inspirant des théories décoloniales (Escobar, 2003, p. 52) et d’une phrase phare du personnage zapatiste, le subcomandante Marcos7 ; « Queremos un mundo donde quepan muchos mundos8 ». Ces mondes multiples s’opposeraient donc au « Monde Unique », de l’épistémologie eurocentrée « moderne », dans lequel n’existerait qu’« une seule réalité à laquelle correspondent de multiples cultures, perspectives ou représentations subjectives » (Escobar, 2015b, p. 18). Il promeut la reconnaissance d’autres façons d’habiter la Terre et d’imaginer la vie, c’est-à-dire d’autres « mondes » qui, ensemble, composeraient le « plurivers ».

Dans l’élaboration de ces concepts, Escobar a collaboré avec une chercheuse et un chercheur latino-américains travaillant en Amérique du Nord, les anthropologues Mario Blaser et Marisol de la Cadena, pour avancer la proposition d’ontologies « politiques » ou « relationnelles ». Ces ontologies seraient relationnelles en ce qu’elles représentent une tentative de comprendre les diverses relations que l’humain entretient avec le monde non humain, et affirment ainsi qu’aucun être ne peut être défini par lui-même, mais en fonction de ses relations. Elles seraient politiques en ce qu’il s’agit de se passer de l’attribution de certaines caractéristiques à un groupe socioculturel spécifique pour, au contraire, se concentrer avant tout sur les récits, performances et pratiques mêmes (Blaser, 2013) qui contribueraient à des formes émergentes de politique. Selon cet auteur et cette autrice, cette approche permet aux acteurs et actrices d’affirmer leur droit de maintenir d’autres relations et pratiques avec le non-humain et de faire en sorte que ces pratiques comptent pour la production de connaissances et de politique.

L’entrée en scène du « territoire » : influence de la géographie brésilienne et des mouvements sociaux

Les auteurs centraux de la PELA ont aussi été en dialogue avec la géographie brésilienne, notamment avec Carlos Walter Porto Gonçalves et Rogerio Haesbaert, qui ont entrepris une re-théorisation des notions de territoire et de « territorialisation », sous l’influence des travaux de Deleuze et ceux de Foucault. Chez Haesbaert, le concept de territoire s’éloigne du sens juridico-politique pour intégrer des dimensions « culturelles » et identitaires, comme « produit d’appropriation/valorisation symbolique d’un groupe sur l’espace » (Haesbaert 2003, p. 13). Avec la notion de « multiterritorialité », il suggère la possibilité de faire l’expérience simultanée de différents territoires sur le même espace et de contribuer activement à la construction du sien dans une perspective relevant d’une approche relationnelle du pouvoir. Dans un contexte où en Amérique latine les mouvements sociaux ont eu une forte influence sur la légitimation et l’institutionnalisation de la notion de territoire, celui-ci est conçu par la PELA comme un espace d’articulation de luttes (pour la « défense du territoire »), de résistances, de conception d’autres « mondes » et futurs plus durables (Escobar, 2015a ; Porto-Gonçalves et Leff, 2015).

Porto-Gonçalves (2006, p. 165) développera un autre concept qui deviendra clé dans la PELA, celui de r-existência, qu’il définit ainsi : « Plus que la résistance, qui consiste à réagir à une action antérieure et, donc, est toujours une action réflexe, nous avons une ré-existence, c’est-à-dire une manière d’exister, une matrice déterminée de rationalité qui agit dans des circonstances, voire réagit, à partir […] d’un lieu propre, à la fois géographique et épistémique ». Cette notion est adoptée par Leff pour exprimer le tournant ontologique des luttes contre les forces de l’économie capitaliste globalisée qui provoqueraient une déterritorialisation des activités. Elle suggère une redéfinition des formes d’existence ancrées dans un territoire précis à partir de projets émancipateurs. En termes empiriques, elle est surtout mobilisée par des études de cas de peuples indigènes ou afro-descendants dépossédés de leurs terres qui doivent se créer de nouvelles vies sur de nouveaux territoires.

Un champ d’étude privilégié : les conflits

Une figure centrale de la PELA, mais dont les travaux ne s’inscrivent pas dans la même généalogie épistémologique que ceux mentionnés précédemment, est l’économiste catalan Joan Martinez Alier, fondateur de la revue Ecología Política en 1994. Son ouvrage The environmentalism of the poor (2002) est devenu une référence sur les mobilisations pour la cause environnementale. Il conçoit cet « environnementalisme des pauvres » comme « un environnementalisme de première nécessité qui ne se préoccupe pas seulement de la sécurité économique dans la sphère du marché, mais aussi de l’accès en dehors du marché aux ressources et aux services environnementaux » (Martinez Alier, 2002, p. 6). Son texte présente plusieurs « conflits écologico-distributifs » à travers le monde, liés à une « injustice distributive » où les populations « pauvres » ou marginalisées subissent de façon disproportionnée les problèmes environnementaux. Les travaux de Martinez Alier (1995) prennent les conflits, de nature principalement matérielle et liés aux ressources naturelles, comme objets centraux d’étude et d’analyse, et avec le temps ils sont devenus un élément « presque intrinsèque de l’approche de la [PELA] » (Little, 2006, p. 91). Les études de cas empiriques, historiquement, ont porté sur deux types de conflits : 1) des activités extractives (Machado Aráoz, 2013 ; Svampa et Viale, 2014) souvent menées au sein de méga-projets (Merlinsky, 2009) ; 2) des aires protégées et parcs naturels (Durand, 2019).

Mais, sur un plan plus symbolique, les conflits ont également été théorisés par des auteurs de la PELA qui ont mis en avant la confrontation entre conceptions du monde, du « bon sens » et de la normalité. Escobar (2015b, p. 19) évoque les conflits ontologiques (en s’appuyant sur les travaux de Blaser et de Cadena) liés aux interactions des « mondes » en concurrence. Selon Leff (2015), les conflits sont au cœur de la création d’autres futurs plus justes et plus durables : ils ne sont pas à aplanir ni à éliminer dans la quête d’une forme d’harmonie englobante qui lisserait toutes les différences. Pour le sociologue colombien Omar Giraldo (2019), ils peuvent être vus comme des points de départ qui rendent possible l’action politique, représentant une sphère des possibles où des dissensions symboliques sont traitables, où des contre-histoires peuvent être affirmées.

Années 2010 : tentatives d’unification de la PELA et reconceptualisation sensible des rapports à la nature

Dans les années 2010, la PELA s’affirme comme champ théorique à part entière et voit son influence s’étendre à une deuxième et une troisième générations. Ces chercheurs et chercheuses la mobilisent dans leurs travaux, élargissant les études de cas et les thématiques abordées ainsi que les bases épistémologiques. Parmi ces auteurs et autrices figurent le sociologue Horacio Machado Aráoz (Argentine), la géographe María Gabriela Merlinsky (Argentine), la sociologue Mina Lorena Navarro Trujillo (Mexique), la sociologue Maristella Svampa (Argentine) et la politologue Catalina Toro Pérez (Colombie)9.

Mais depuis les années 2000 déjà, un effort collectif, dans lequel Héctor Alimonda a joué un rôle central, a été entrepris pour rassembler les travaux de la PELA dans une ligne commune. Dans ses travaux, Alimonda (2011) tente de concilier des approches matérialistes et des approches poststructuralistes en soulignant leur complémentarité, et consolide une perspective décoloniale. Il a été une figure importante du Consejo Latinoamericano de Ciencias Sociales (CLACSO)10, notamment à partir des années 2000, dans la coordination du groupe de travail « Ecología política » (anciennement « Medio Ambiente y Desarrollo »). Par la suite, il a codirigé deux ouvrages collectifs qui aujourd’hui définissent les contours de la « PELA » dans sa diversité (Alimonda et al., 2017).

Outre ces efforts fédérateurs, la période récente est aussi marquée par un rapprochement avec des conceptions de la nature qui mettent au premier plan un rapport affectif ou sensible. Escobar (2014), par exemple, adopte le sentipensar, concept proposé en 1979 par le sociologue colombien Orlando Fals Borda pour parler des modes de vies « amphibies » des communautés de pêcheurs de la côte sud-colombienne. Il s’agit d’une notion relativement intuitive, représentant une expérience dans laquelle on est capable de penser en ressentant et de ressentir en pensant (Fals Borda et Moncayo, 2009), ou, en d’autres termes, on « pense simultanément avec le cœur et l’esprit » (Escobar, 2018). Dans le sentir-penser, la raison se mélange avec l’affect et produit un savoir empathique. Le concept est aussi mobilisé par des universitaires-militantes féministes au sujet de l’agroécologie et de la souveraineté alimentaire : pour Trevilla Espinal et Peña Azcona (2020) il représente « une contribution à la construction des connaissances, ce qui implique de valoriser et reconnaître les affections, les émotions, les relations entre les êtres humains et la nature, présentes dans tous les processus qui façonnent le territoire-corps-terre » (p. 29).

Ce concept de corps-territoire est de plus en plus mobilisé dans ces travaux et dans la PELA plus largement, sous l’influence (évoquée par Haesbaert [2020]) pour certains des travaux de Deleuze et Guattari (1980). Pour l’anthropologue colombien Juan Álvaro Echeverri (2004, p. 263), « le premier territoire de toute créature est le ventre de la mère » et après la naissance, le corps devient la première échelle de construction de liens territoriaux avec d’autres êtres. Selon l’anthropologue mexicaine Delmy Tania Cruz Hernández (2016), le concept sert surtout de catégorie d’analyse et proposition épistémologique propre par des femmes indigènes, paysannes et/ou écoféministes. Elles l’utilisent comme outil de militantisme dans lequel le corps constitue l’échelle territoriale la plus micro, la plus intime, et donc le tout premier territoire de lutte. La militante maya-xinka Lorena Cabnal (Guatemala) [2010, p. 23] introduit sa conception du « territoire corps terre » comme contribution à des processus « pour générer de la vie, de la joie, de la vitalité, des plaisirs et la construction de connaissances libératrices pour la prise de décisions [autonomes] » sur le territoire. Dans ce sens émancipateur, le corps-territoire est également associé à des approches ontologiques comme « une forme d’accompagnement sororal et politique, […] un dialogue entre féministes et d’autres femmes mobilisées, toutes unies par leur intérêt pour d’autres mondes possibles » (Cruz Hernández, 2016, p. 8, nous soulignons). Cette catégorie d’analyse intègre une conception du territoire où l’affect occupe une place centrale et à partir de laquelle le corps peut « éprouver toutes les émotions, les sensations et les réactions physiques, pour y trouver un lieu de “résistance” et de re-signification » (p. 7).

Le concept reflète une réorientation plus large de la PELA vers des questions de genre et d’environnement, dans laquelle les travaux de Diana Ojeda (Colombie), Astrid Ulloa (Colombie) et M. Velázquez Gutiérrez (Mexique) sont particulièrement influents (De Luca Zuria et al., 2020), mais qui est également portée par une autre communauté de chercheuses antiracistes ne se revendiquant pas forcément du « féminisme » ni de la PELA telles que Lorena Cabnal, Aura Cumes (présentées plus haut), l’anthropologue k’iche’ Gladys Tzul Tzul (Guatemala) [2019], et la linguiste mixe Yásnaya Elena Aguilar Gil (Mexique). L’ensemble de ces travaux montre comment le genre est lié à l’accès aux ressources et aux conséquences différentielles des processus de dépossession. L’analyse de los cuidados (care work en anglais) joue, par exemple, un rôle central pour réfléchir à des alternatives aux formes intenables de production et de consommation liées au capitalisme.

Enfin, sans adopter une approche par le genre, Giraldo et Toro (2020) abordent également la crise environnementale depuis le registre affectif et montrent, en s’appuyant sur des travaux phénoménologiques, le lien puissant entre savoirs, émotions et expérience vécue d’un milieu donné. Ils affirment que « la seule réponse efficace à la catastrophe environnementale de notre époque est une révolution qui, en plus d’insister sur la transformation radicale des relations matérielles, politico-économiques et technologiques de la société, aborde avec tout le sérieux possible la dimension affective, sensible et consciente d’“Être” au monde » (p. 11).

Renouveau des praxis émancipatrices

Une dernière dimension fondamentale de la PELA est son engagement pour une approche émancipatrice, à la fois dans l’affirmation des capacités d’action et de renégociation des relations de pouvoir des acteurs, et dans l’articulation d’une posture de recherche transformatrice. Elle se distingue donc par la place privilégiée qu’elle accorde à la manière dont les acteurs résistent aux forces de domination qui engendrent la dégradation environnementale. Leff (2017, p. 242) avance qu’alors que les courants anglophones de la political ecology entreprennent des « études de cas sur les expressions et les manifestations du pouvoir dans les processus socio-environnementaux du Sud, [la PELA] est construite comme un amalgame discursif entre acteurs académiques et politiques, entre pensée théorique, recherche participative et imaginaires des peuples ; dans une alliance avec les mouvements de résistance et leurs stratégies de lutte ». Pour de nombreux auteurs et autrices de la PELA, cette perspective émancipatrice passe en grande partie par un rapprochement avec des mouvements sociaux et une posture normative de soutien aux actions et visions de ces mouvements. On constate de fait un important échange mutuel des concepts et actions théorisés entre monde académique et mouvements sociaux : droits collectifs et droits de la nature, lutte contre l’accumulation par dépossession (influencée par les travaux de Harvey, 2004), articulation d’une défense plus ancienne du territoire qui remonte à la conquête espagnole et qui refait surface lors des conflits actuels sur l’expansion du capitalisme.

Au-delà de cette proximité avec les mouvements sociaux, la PELA assume toutefois une posture globale vouée à comprendre et à faire valoir la manière dont les acteurs s’efforcent de changer leur réalité et les atteintes destructrices à leurs milieux. Comme l’exprime Leff (2017, p. 242), la PELA « ne s’arrête pas à l’étude et à l’analyse des processus et des conflits socio-environnementaux ou à la sociologie des mouvements de résistance. Elle a un engagement théorico-historico-politique pour la construction d’un futur durable et d’autres mondes possibles ». Dans ces approches, les actions de résistance permettraient aux acteurs de ne pas s’arrêter à la seule identification des formes de leur domination mais de s’en libérer en construisant de nouveaux imaginaires, manières d’être-au-monde et rapports à la nature. Il affirme que la PELA « voit l’émancipation non pas tant dans l’élimination des différences ontologiques que dans la construction d’une rationalité environnementale qui puisse les englober… [Elle] est plutôt une ré-identification, un repositionnement de “l’être-dans-le-monde” » (Leff, 2017, p. 251).

Pour cet auteur, ces processus d’émancipation sont particulièrement saillants dans le concept du diálogo de saberes, ou « dialogue de savoirs ». Initialement proposé dans les travaux de pédagogie critique du brésilien Paulo Freire (1969), le dialogue de savoirs renvoie aux processus de rencontre fertile entre individus et entre différentes connaissances. Depuis une perspective principalement marxienne, la pédagogie critique suggère que c’est par ce dialogue de savoirs que les individus construisent une conscientisation de leurs « oppressions » et deviennent alors capables de changer le monde dans lequel ils vivent. Leff (2004b) reprend cette notion et l’intègre dans sa « rationalité environnementale » où l’éducation et les processus d’apprentissage sont au cœur d’un projet émancipateur vers la construction d’autres savoirs environnementaux et d’autres futurs possibles, comme il le souligne dans son seul texte écrit en français (Leff, 2005). Sans prescrire une méthodologie univoque, cette approche repose sur un ensemble de principes, notamment sur le rejet de la supériorité d’un type de connaissances sur un autre et la reconnaissance du potentiel de la créativité, du dialogue et de l’entraide pour produire des solutions concrètes adaptées aux visions et aux contextes locaux. Cette rencontre de diversité théorique, géographique et culturelle permettrait de mettre en contact de véritables alternatives et de faire germer de nouvelles façons d’agir vers un futur durable.

Défendant également une posture de recherche transformative, Escobar (2018) s’appuie quant à lui sur la notion de « design ». Le terme renvoie à un ensemble de processus qui cherchent à inventer ou à modifier un objet, un service ou un lieu afin d’améliorer la qualité de vie, et permet d’associer la conception mentale et sa matérialisation (Poudray, 2021). Escobar (2011, p. 139) l’applique au développement territorial pour envisager des constructions de mondes alternatifs « dans lesquels les êtres humains et la Terre peuvent coexister et s’épanouir » et y contribuer activement.

Dans leur ensemble, ces approches émancipatrices de la PELA sont en dialogue avec les perspectives plus larges de la recherche-action participative, aujourd’hui largement légitimée et développée dans le monde anglophone et francophone, mais qui s’est construite de manière singulière en Amérique latine sur la base de la théorie critique marxienne, en s’appuyant notamment sur les travaux de Freire et de Fals Borda.

Conclusion

Nous avons essayé de retracer les spécificités et les influences de la PELA, notamment en relation à une political ecology anglophone qui a des liens plus forts avec la géographie (en France et ailleurs), alors que la PELA que nous décrivons ici puise davantage dans la sociologie, l’anthropologie et la philosophie. Il est néanmoins important de souligner que tous les auteurs, toutes les autrices de la PELA ne mobilisent pas l’ensemble de ces concepts ou épistémologies, et que différents pays ont développé des traditions diverses par rapport à ce courant toujours en cours d’affirmation. Les traits fédérateurs semblent tourner autour d’un déplacement des lieux d’articulation théorique, où le « Nord global » occupe historiquement une place centrale, ainsi qu’une approche dans laquelle se mêlent les activités de recherche et de militantisme. Comme le disent Toro Pérez et Martín, la PELA « est fondée sur la conviction du lien, parfois tendu et conflictuel mais aussi créatif et productif, entre la nécessité d’affiner les outils théorico-politiques pour assumer une analyse critique, et la construction prolongée d’alternatives au pillage, à la dépossession et à la dévastation socio-environnementale » (Alimonda et al., 2017, p. 13).

Cela rejoint des orientations historiques de l’écologie politique en France, qui a longuement entretenu une porosité entre l’action militante de « défense de l’environnement », la politisation institutionnelle des sujets environnementaux, et leur théorisation. Un lien qui s’est peut-être effrité avec le temps au profit d’un cloisonnement renforcé entre ces différentes sphères. Il s’agit aujourd’hui de mettre en dialogue différents paradigmes qui peuvent émerger dans des géographies et des communautés linguistiques distinctes. Dans le cas de la political ecology, les littératures anglophone et latino-américaine entretiennent un lien et une influence historique ; en France, la political ecology anglophone est de plus en plus mobilisée dans divers domaines, alors que la PELA reste largement méconnue, tout comme l’écologie politique française reste peu débattue dans les littératures anglophones. À l’heure où de multiples crises d’ampleur mondiale s’entrecroisent et s’amplifient, la mise en commun de ces différents courants ouvrirait la voie à une confrontation de leurs angles morts et à un enrichissement mutuel. Comme le dit Rivera Cusicanqui (2007, p. 3), il s’agit d’ouvrir ces dialogues théoriques et de rompre avec l’« aveuglement épistémologique au Nord, [selon lequel] le champ universel de la science est là-bas, et ici il n’y a que des bulles dont tu peux décider de faire usage ou non ».

Par ailleurs, le cadre analytique de la PELA offre des pistes conceptuelles intéressantes pour aborder l’écologisation des systèmes alimentaires par le biais d’une approche transversale qui se veut émancipatrice11 et qui peut ainsi être complémentaire des approches pragmatistes et critiques, plus présentes dans la littérature francophone sur ces sujets. Nous avons identifié trois entrées d’analyse qui nous semblent pertinentes à explorer : 1) le pouvoir, avec l’analyse des résistances quotidiennes et de la construction de contre-pouvoirs, de contre-histoires et d’ontologies libératrices ; 2) les processus d’apprentissage, compris comme les outils didactiques et les processus d’expérimentation conduisant à l’élaboration de futurs plus justes et plus durables ; 3) le rapport au milieu, à travers une expérience affective et sensible avec le territoire vécu. Nous proposons que ces trois axes puissent orienter des travaux empiriques futurs dans des géographies diverses, appuyés par le riche corpus conceptuel de la PELA désormais bien établi en Amérique latine et de plus en plus connu du public francophone.

Remerciements

Ce texte a été grandement enrichi par la relecture des évaluateurs ou évaluatrices anonymes, celle de Thierry Donnadier, assistant d’édition de la revue, et de plusieurs collègues, Davide Cacchioni, Omar Giraldo, Kirsten Koop, Anaïs Martin et Madeleine Sallustio, que nous tenons à remercier. Ce travail a bénéficié du soutien financier du Conseil national de la science et de la technologie du Mexique (Conacyt), de la fondation Martine Aublet et du métaprogramme INRAE Metabio (projet Ecosyat).

Références


1

Le terme « latino-américain » reste insatisfaisant. Il ne s’agit pas ici d’évoquer une expérience englobante qui lisserait des histoires, des vies et des épistémologies distinctes (Martinez, 2019), mais plutôt un espace d’articulation commun et une littérature partagée.

2

Nous pouvons néanmoins évoquer comment ce courant s’est transformé en dialogue avec des mouvements sociaux en Amérique latine, et comment aujourd’hui l’usage émic d’ecología política dépasse largement une référence explicite à une littérature universitaire. D’autres collègues (Dumoulin Kervran, Merlinsky et Gautreau) font d’ailleurs le choix de maintenir la dénomination en espagnol, ecología política, pour renvoyer aux particularités de ce paradigme tout à la fois théorique et militant, rassemblant un ensemble de critiques et de propositions pour un rapport plus vertueux au milieu, qui est proche finalement de l’usage d’ « écologie politique ».

3

Il est important de préciser que cette chronologie est une proposition nécessairement simplificatrice et que d’autres interprétations de périodisation sont possibles. Auteurs, autrices et concepts se chevauchent entre les décennies et coexistent également au cours d’une même période.

4

Ce tournant « post-structuraliste » influence plusieurs auteurs et autrices de la political ecology anglophone (Bryant, 2015 ; Peet et Watts, 1996 ; Robbins, 2012), qui y adhèreront plus tard.

5

Ce que recouvre aujourd’hui l’expression traditional ecological knowledge [TEK] (Roué, 2003).

7

Actuellement Galeano.

8

« Nous voulons un monde dans lequel peuvent tenir plusieurs mondes ».

9

Il semble pertinent de souligner que nombre d’entre eux ont effectué une partie de leur parcours académique en France. C’était déjà le cas de Dussel, Leff et Mignolo (auteurs de la génération précédente) qui ont soutenu leur thèse de doctorat à l’EHESS ou dans des universités parisiennes.

10

Réseau de formation et de recherche créé en 1967, implanté dans 51 pays, c’est une des plus importantes institutions de sciences sociales en Amérique latine.

11

Émancipatrice en ce qu’elle prend en compte les processus par lesquels les acteurs s’efforcent de se libérer des formes d’emprise vécues comme intenables, ce en quoi on trouve une certaine proximité avec une certaine sociologie pragmatiste (Chateauraynaud, 2015), et ce qui exige de déployer une perspective critique sur les rapports de force et inégalités à l’œuvre.

Citation de l’article : Jenatton M., Lamine C., Morales H., Durand L., Brandenburg A. Trajectoire intellectuelle d’une political ecology « latino-américaine » : une relecture émancipatrice des crises sociales et écologiques ? Nat. Sci. Soc. 30, 3-4, 265-277.

Liste des tableaux

Tab 1

Trajectoire intellectuelle partagée des political ecologies.

Tab 2

Trajectoire intellectuelle de la political ecology latino-américaine (PELA).

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