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Nat. Sci. Soc.
Volume 26, Numéro 1, January-March 2018
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Page(s) | 49 - 59 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2018016 | |
Publié en ligne | 27 avril 2018 |
Interdiction de l’exploitation minière en Antarctique, une réalité menacée ?
Prohibition of Antarctic mineral resources activities, a threatened reality?
Droit, Brest Business School,
Brest, France
* Auteur correspondant : anne.choquet@brest-bs.com
Reçu :
8
Novembre
2016
Accepté :
24
Octobre
2017
Plus de vingt-cinq ans ont passé depuis l’adoption du protocole au traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement (signé à Madrid en 1991) qui consacre l’interdiction des activités relatives aux ressources minérales, sauf à des fins scientifiques. L’enjeu de la raréfaction des sources d’énergie fossile accentue les convoitises de ceux qui souhaiteraient exploiter des ressources antarctiques. Dans la mesure où le protocole de Madrid prévoit la possibilité d’amender ses dispositions et en raison de malentendus parmi le grand public et les médias sur les conditions d’une levée de l’interdiction des activités minières, les États ont choisi de réaffirmer, en 2016, l’interdiction des activités relatives aux ressources minérales en Antarctique autres que la recherche scientifique.
Abstract
Twenty-five years have passed since the adoption of the Protocol on Environmental Protection to the Antarctic Treaty (signed in Madrid in 1991), which designates Antarctica as a “natural reserve, devoted to peace and science”, thus setting up a comprehensive system for the protection of the Antarctic environment and its dependent and associated ecosystems. Contrary to the Convention on the Regulation of Antarctic Mineral Resource Activities (adopted in Wellington in 1988) which has not entered into force, the Madrid Protocol prohibits all activities relating to Antarctic mineral resources, except for scientific research. The issue of limited fossil fuels intensifies the appetites of those who wish to exploit mineral resources in Antarctica. It is often rumoured that protection afforded by the Madrid Protocol would expire in 2048 as it provides for the possibility to amend its provisions. The Protocol does indeed offer a possible lifting of the ban on mineral resource activities fifty years after its entry into force in 1998. Nevertheless, its requirements need to be spelled out as the conditions they pose are far more restrictive than appears. The conditions laid down include decision-making and the entry into force of the measures selected. There is widespread misconception and misunderstanding regarding an expiry date of the prohibition on mining activity in Antarctica. For this reason, the prohibition of Antarctic mineral resources activities was reaffirmed in 2016 within the Antarctic Treaty System.
Mots clés : environnement / développement durable / droit / Antarctique / ressources minérales
Key words: environment / sustainable development / law / Antarctic / mineral resources
© NSS-Dialogues, EDP Sciences 2018
La prise de conscience progressive des enjeux des changements climatiques par les décideurs et le grand public a attiré l’attention sur un continent lointain et mal connu : l’Antarctique. L’évolution de ce continent est vitale pour la planète, mais les industries extractives s’intéressent de plus en plus aux gisements potentiels de nombreuses ressources minières terrestres qui y sont présentes. Cet article propose une mise au point qui est la bienvenue sur les conditions de modifications, à partir de 2048, de l’interdiction de l’exploitation des ressources minérales en Antarctique mise en place par le protocole de Madrid relatif à la protection de l’environnement, qui a été adopté en 1991 et est entré en vigueur en 1998. Ce dernier est venu compléter le traité sur l’Antarctique de 1959. L’article donne des arguments à la communauté scientifique française en faveur du renouvellement de l’engagement des États membres de ce traité en matière de la protection du sixième continent et de l’interdiction de l’exploitation des ressources minérales de l’Antarctique.
La Rédaction
Les perspectives d’exploitation de nouvelles richesses − il s’agissait alors de phoques, de baleines, etc. − ont certainement été l’une des motivations premières des explorateurs de la région antarctique, autant que la possibilité d’offrir de nouveaux espaces (territoires sans maître) à l’État dont ils relevaient1. Les ressources antarctiques ont pendant longtemps bénéficié d’une protection naturelle qui tient à la rigueur du climat et l’éloignement du continent. Elles éveillent pourtant toujours les convoitises. Le « potentiel minier de l’Antarctique n’est pas parfaitement connu, mais sa constitution géologique a été déduite de certaines reconnaissances directes et d’approches indirectes, en particulier géophysiques » (Bihouix et de Guillebon, 2010, pp. 36-35). La « fragmentation » du supercontinent Gondwana (Blieck et al., 1994), au centre duquel se trouvait l’Antarctique, et la présence de ressources minérales abondantes en Australie, Inde, Afrique et Amérique latine, avec lesquels l’Antarctique était en contact, permettent de penser que l’on pourrait aussi trouver du cuivre, de l’or et de l’argent sur ce continent, du moins sur son pourtour. L’Antarctique est d’ailleurs parfois qualifié de « nouvel Eldorado » (Coutansais, 2011).
L’année 2016 marque l’anniversaire de l’interdiction des activités relatives aux ressources minérales de l’Antarctique, autres que les activités de recherche scientifique (article 7), qu’avait permise l’adoption du protocole de Madrid au traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement en Antarctique (signé à Madrid en 1991)2.
La technologie a fortement évolué depuis plus de vingt-cinq ans. Les contraintes techniques que devraient dépasser les opérateurs miniers sont peut-être pour certaines moins rédhibitoires qu’à une époque antérieure, mais elles restent très lourdes en raison du milieu qui les accueillerait. L’augmentation du prix du pétrole et des minerais fait que certaines activités, jugées coûteuses auparavant, deviennent économiquement viables aujourd’hui. En outre, en période de récession économique, les préoccupations économiques risquent de l’emporter sur les préoccupations purement environnementales. L’enjeu de la raréfaction des sources d’énergie fossile (Babusiaux et Bauquis, 2007) pourrait accentuer l’ambition de ceux qui aimeraient exploiter les ressources minérales antarctiques.
L’année 2048 est souvent mise en avant comme étant une année butoir à partir de laquelle tout serait possible. Elle correspond au cinquantième anniversaire de l’entrée en vigueur du protocole de Madrid, qui a eu lieu en 1998. À partir de cette date charnière, les conditions pour lever l’interdiction des activités minières seraient plus souples. Face à une telle échéance, les entreprises s’épient, s’intéressent de près aux initiatives de chacune d’entre elles. Les médias sont d’ailleurs souvent alarmistes, comme si les engins de forage n’attendaient plus que 2048 pour se mettre en activité en Antarctique.
Le continent austral aurait-il une épée de Damoclès au-dessus de la tête ? L’interdiction de l’exploitation minière en Antarctique serait-elle une réalité menacée ? En mai 2016, les États parties consultatives au traité sur l’Antarctique ont rappelé l’importance toujours actuelle de l’interdiction des activités relatives aux ressources minérales en Antarctique. Dans la mesure où la région pourrait tenter certaines compagnies pétrolières, il importe d’étudier la valeur juridique de l’interdiction. Les États ont inscrit dans la durée cette interdiction, posée par le protocole de Madrid, en choisissant d’en faire une prohibition non limitée dans le temps.
L’interdiction des activités relatives aux ressources minérales de l’Antarctique
Dans les années 1980, les entreprises voient en l’Antarctique un nouvel espace pour exploiter des ressources naturelles, notamment minérales. Elles sont prêtes à dépasser les difficultés d’un projet mené dans un milieu hostile aux activités humaines et distant de milliers de kilomètres d’autres continents3. Les États vont réfléchir aux modalités d’exploitation minière et adopter la convention sur la réglementation des activités relatives aux ressources minérales de l’Antarctique (à Wellington en 1988)4. Néanmoins, ce sera sans compter le sursaut de l’Australie et de la France, peu de temps après.
La consécration d’une opposition à la convention de Wellington de 1988
La convention de Wellington prévoyait un mécanisme de gestion des activités d’exploration, de prospection et d’exploitation des ressources minérales en Antarctique5. Le régime juridique qu’elle développe a fait craindre les conséquences écologiques qu’elle entraînerait. Peu après son adoption, les régions polaires connaissent des marées noires sans précédent. Le Bahia Paraiso s’échoue en janvier 1989 au large de la station Palmer en Antarctique (Mahlon et al., 1992). L’Exxon Valdez s’échoue, quant à lui, en mars 1989 dans le détroit du Prince William en Arctique (Wiens, 2013). Le grand public découvre alors les risques environnementaux de l’exploitation des ressources minérales polaires. Ces menaces sont d’autant plus vraies que les ressources qui en seraient retirées ne seraient pas utilisées dans la région mais transportées vers d’autres lieux. Or le transport maritime est une activité à risque (Gilbert, 2004, p. 133), et ceci encore plus dans des espaces où la glace est omniprésente.
Face aux réactions vives d’organisations de protection de l’environnement (notamment Greenpeace et la Fondation Cousteau) et à leur contre-offensive écologique à l’encontre de la convention de Wellington, l’Australie et la France, alors qu’elles ont signé cette dernière, s’opposent à son entrée en vigueur. Les autorités françaises regrettent, par exemple, une « absence de régime de responsabilité des opérateurs et un risque d’un encouragement à l’exploitation minière au lieu de la décourager »6.
La convention de Wellington ne peut alors entrer en vigueur, faute d’un nombre de ratifications suffisant. Elle pose en effet comme préalable sa ratification par seize parties consultatives « qui ont participé à ce titre à la session finale de la quatrième réunion consultative spéciale sur le traité sur l’Antarctique ; ce nombre comprenant tous les États requis pour la création de toutes les institutions de la présente convention pour toutes les zones de l’Antarctique, dont cinq pays en développement et onze pays développés » (article 62, § 1 de la convention). L’Acte final précise également que « toutes les institutions de la convention ne pourraient être mises en place pour toutes les zones de l’Antarctique que si tous les États visés aux alinéas a et b du § 1 de l’article IV du traité sur l’Antarctique7 étaient parties à la convention »8.
Le refus de la France et de l’Australie de ratifier la convention empêche celle-ci d’entrer en vigueur pour deux raisons. Les deux États étant parties consultatives et ayant participé à la réunion consultative spéciale, leur ratification de la convention est impérative. Elle est également nécessaire car ils sont tous deux des États « requis pour la création de toutes les institutions de la convention ». Or, la présence d’États possessionnés est prévue dans les comités de la réglementation qu’institue la convention pour régir et administrer les zones ouvertes à l’exploration et à l’exploitation des ressources minérales (Bermejo, 1990, p. 122). Ayant émis des prétentions territoriales en Antarctique, la France et l’Australie sont parmi les sept États qualifiés de « possessionnés » pour lesquels le traité de 1959 précise qu’aucune de ses dispositions ne peut être interprétée « comme constituant, de la part d’aucune des parties contractantes, une renonciation à ses droits de souveraineté territoriale, ou aux revendications territoriales, précédemment affirmées par elle dans l’Antarctique » (article 4, § 1a du traité sur l’Antarctique). L’Acte final et l’article 62, dans la mesure où ils font non seulement référence aux parties consultatives mais également à « tous les États requis pour la création de toutes les institutions » de la convention, font donc que la convention de Wellington ne peut entrer en vigueur « sans la participation de l’ensemble des États possessionnés » (Rothwell, 1996, p. 137) et par conséquent sans la participation de la France et de l’Australie.
L’initiative franco-australienne relance la discussion autour de l’exploitation minière en Antarctique. Avec l’Espagne9, les deux pays vont œuvrer pour que la convention soit abandonnée. Puisqu’en 1988, les États avaient conclu un cadre juridique envisageant l’exploitation minière, des entreprises ont des ambitions de cet ordre. À défaut d’entrée en vigueur de la convention, le traité sur l’Antarctique adopté en 195910 redevient le texte de référence en la matière. Mais ce dernier ne contient aucune référence aux ressources minérales, c’est « moins une omission que le résultat d’une intention délibérée de ne pas inclure dans les discussions un sujet qui ne pourrait conduire à un accord sur la discussion délicate des prétentions territoriales » (Orrego Vicuña, 1988, p. 39). Devant « l’échec de la convention de Wellington », les mesures existantes de protection de l’environnement « restaient dispersées dans de nombreuses recommandations et laissaient subsister des lacunes » (Pannatier, 1996, p. 441). La réaction contre la convention de Wellington et le sentiment que le système du traité sur l’Antarctique manque de mesures globales et effectives de protection de l’environnement ont conduit à la volonté politique de négocier un protocole au traité sur l’Antarctique (Angelini et Mansfield, 1994, p. 192) pour pallier l’absence de cadre juridique des activités minérales.
Le protocole au traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement a été ouvert à la signature en octobre 1991 (article 21 du protocole). Moins de trois ans le séparent de la signature de la convention de Wellington qui était ouverte à partir du 25 novembre 1988 (article 60 de la convention). En temps juridique, on pourrait dire que le temps d’adoption a été particulièrement court11, ce qui s’explique par la volonté de trouver une réponse adéquate aux critiques formulées à l’encontre de la convention. Des considérations environnementales ont certainement été déterminantes dans le choix de la prohibition qu’il consacre. Les coûts et difficultés logistiques associés à l’exploitation des ressources minérales ont sans doute facilité son adoption.
Une interdiction large mais limitée : le champ matériel de l’interdiction
L’interdiction des activités relatives aux ressources minérales couvre la « région située au sud du 60e degré de latitude Sud, y compris toutes les plateformes glaciaires » (article 6 du traité sur l’Antarctique et article 1b du protocole). Le protocole ouvre néanmoins cette région aux activités minières menées à des fins scientifiques et il fait l’objet d’une mise en œuvre nationale.
Des activités relatives aux ressources minérales envisagées seulement à des fins scientifiques
L’interdiction minière ne portant pas sur les activités scientifiques, on retrouve l’esprit du traité sur l’Antarctique. Y avaient été posés les « principes qui doivent garantir la liberté de la recherche scientifique et la coopération internationale » (Frenot, 2013). Si le traité établit, en 1959, « la liberté de la recherche scientifique dans l’Antarctique et la coopération à cette fin » (article 2 du traité), le protocole de Madrid va plus loin et fait de l’Antarctique une « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science » (article 2). Plus encore, la recherche est estimée comme plus importante que toute autre activité. Les activités « sont organisées et conduites dans la zone du traité sur l’Antarctique de façon à accorder la priorité à la recherche scientifique et à préserver la valeur de l’Antarctique en tant que zone consacrée à la recherche » (article 3, § 3). C’est la raison pour laquelle, contrairement à ce qui est souvent avancé, l’Antarctique n’est pas réservé à la recherche scientifique, mais plus généralement aux activités pacifiques respectueuses de l’environnement. Les seules activités économiques qui peuvent y être envisagées sont, actuellement, le tourisme et la pêche.
Un droit exclusif relatif aux activités minières est accordé aux scientifiques. Le protocole pose le principe que « toute activité relative aux ressources minérales, autre que la recherche scientifique, est interdite » (article 7). Il ne précise toutefois pas ces activités. La recherche scientifique n’y est pas définie, pas plus qu’elle ne l’est dans la convention de Wellington. La distinction entre la recherche scientifique stricto sensu et les activités relatives aux ressources minérales reste incertaine. On pourrait néanmoins se rapprocher de la convention de Wellington pour laquelle l’expression « activités relatives aux ressources minérales de l’Antarctique » désigne les « activités de prospection, d’exploration ou d’exploitation, mais ne comprend pas les activités de recherche scientifique » (article 1, § 7 de la convention). La convention précise, par ailleurs, que la prospection concerne les activités « visant à identifier des zones ayant un potentiel en ressources minérales, aux fins d’exploration et d’exploitation éventuelles », que l’exploration concerne celles visant « à identifier et à évaluer les traces ou les gisements de ressources minérales spécifiques », alors que l’exploitation vise celles « consécutives à l’exploration et qui visent ou sont associées à la mise en exploitation de gisements de ressources minérales spécifiques »12. Des activités relatives aux ressources minérales à des fins scientifiques pourraient être envisagées dès lors qu’il ne s’agit pas de prospection, d’exploration ni d’exploitation. Reste à ne pas négliger que des recherches scientifiques peuvent être le point de départ de démarches de prospection.
Lorsque des activités scientifiques menées sur les ressources minérales sont envisagées, les risques environnementaux doivent être considérés. Des mesures réglementaires ont été adoptées afin de réduire les effets environnementaux négatifs de tout forage scientifique13. Les porteurs de projets scientifiques ont l’obligation de respecter le protocole de Madrid et les mesures nationales prises en application de ce protocole. Les activités en Antarctique doivent ainsi être planifiées et conduites afin de « limiter leurs incidences négatives sur l’environnement » (article 3, § 2a du protocole). Comme tous les projets d’activités humaines en Antarctique, les projets scientifiques doivent faire l’objet d’une évaluation d’impact sur l’environnement préalable (article 8 du protocole). À la suite de cette évaluation, l’autorité nationale compétente laisse, ou non, les porteurs de projets mener les activités projetées.
Des mesures nationales confortant le protocole de Madrid : le cas français
Il appartient aux États parties de prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre du protocole de Madrid et de l’interdiction qu’il pose. Sans vouloir retenir ici une approche de droit comparé des réglementations nationales, le cas français peut être évoqué. En France, une loi de 200314 et son décret d’application de 200515 ont complété le code de l’environnement par un livre VII sur la protection de l’environnement en Antarctique. Depuis, le fait de mener dans la région une activité de prospection ou d’exploitation des ressources minérales est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, « à l’exception des activités menées pour les besoins de la recherche scientifique » (article L 713-5, § 2 du code de l’environnement).
Lorsqu’elle n’est pas interdite, une activité n’est toutefois pas automatiquement envisageable dans la région. Tout projet d’activité est soumis soit à déclaration préalable soit à autorisation, suivant l’impact qu’elle aurait. Une déclaration préalable est exigée lorsque l’activité projetée a un « impact moindre que mineur ou transitoire sur l’environnement ». Parmi les activités ainsi « soumises à déclaration », figurent « les recherches menées à des fins strictement scientifiques nécessitant des prélèvements de roche (y compris des fossiles, des micrométéorites), de sol, d’eau, de neige ou de glace », les « opérations menées à des fins strictement scientifiques de sondages ou de carottages effectuées manuellement sans recours à des outils motorisés, et de forage glaciaire lorsque celui-ci ne nécessite pas l’utilisation d’un fluide de forage », ainsi que les « prélèvements de sédiments sur les fonds marins à des fins strictement scientifiques »16. Dès lors que l’activité projetée a un « impact au moins mineur ou transitoire sur l’environnement17 », une autorisation est exigée (article L 712-1 du code de l’environnement). La liste des activités relevant de l’article R 712-3 du code de l’environnement18 est définie par arrêté, les activités qui n’y figurent pas sont obligatoirement soumises à autorisation. Les démarches sont à effectuer auprès de l’administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises qui est destinataire des déclarations d’activités et statue sur les demandes d’autorisation (article R 712-1 du code de l’environnement).
Le champ territorial de la réglementation française est large. Celle-ci s’applique en Terre Adélie (territoire revendiqué par la France) à toute personne, quelle que soit sa nationalité, « qui exerce quelque activité que ce soit » ainsi que « tout navire ou aéronef utilisé à cette fin ». Elle s’applique dans la zone du traité sur l’Antarctique en son entier aux personnes physiques de nationalité française et aux personnes morales constituées conformément au droit français qui « organisent des activités dans les autres parties de l’Antarctique ou y participent et aux navires battant pavillon français et aéronefs immatriculés en France utilisés à cette fin ». Elle s’applique, enfin, aux « personnes qui, quelle que soit leur nationalité, organisent sur le territoire français ou à partir de celui-ci des activités se déroulant dans une partie quelconque de l’Antarctique, ou y participent » (article R 711-3 du code de l’environnement). Un régime d’exception existe néanmoins pour les activités autorisées par un autre État partie au protocole de Madrid (article R 711-2, § 2 du code de l’environnement).
Une interdiction indéfinie
Le protocole pose le principe d’une interdiction large de l’exploitation des ressources minérales. Limitée car ne couvrant pas les activités scientifiques, cette interdiction présente néanmoins l’avantage d’être indéfinie. Sa levée est conditionnée mais les États lui ont réaffirmé leur attachement.
Une levée de l’interdiction conditionnée
Le protocole interdit les activités relatives aux ressources minérales pour une période indéfinie (Harris et Meadows, 1992, p. 240). Comme tout article du protocole, l’article 7 qui contient cette interdiction peut faire l’objet d’un amendement. Deux options peuvent être envisagées en matière de levée de l’interdiction : à tout moment, ou à partir de cinquante ans après l’entrée en vigueur du protocole de Madrid, soit avant ou après 2048.
Une levée envisagée avant 2048
À n’importe quel moment, un amendement du protocole peut être envisagé « conformément aux procédures prévues à l’article XII, § 1, alinéas a et b du traité sur l’Antarctique » (article 25, § 1 du protocole de Madrid). L’unanimité des parties consultatives y est exigée. L’amendement entrera en vigueur lorsque l’ensemble des parties consultatives aura déposé un avis de ratification. Après cette entrée en vigueur, tout autre État partie au traité pourra déposer un avis de ratification. À défaut d’avoir déposé un avis dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur de l’amendement, l’État cesse d’être partie au protocole de Madrid. On peut se réjouir de l’unanimité exigée ici. Seuls vingt-neuf États sur cinquante-trois États membres du traité sur l’Antarctique ont actuellement le statut de parties consultatives. Ils disposent, à ce titre, d’un droit de vote au sein de la réunion consultative. Outre les États signataires (au nombre de douze), d’autres ont été cooptés et ont acquis ce statut. À cette fin, ces derniers ont démontré « l’intérêt » qu’ils portent à l’Antarctique « en y menant des activités substantielles de recherche scientifique telles que l’établissement d’une station ou l’envoi d’une expédition » (article 9, § 2 du traité sur l’Antarctique). Le critère pour être une partie consultative dépend de l’activité scientifique conduite dans la région (Villamizar Lamus, 2013, p. 463) et également de la cooptation par les autres parties.
Dans le cadre d’une négociation d’un amendement de l’article 7, celui-ci pourrait être bloqué par les vingt-neuf parties consultatives. Il suffirait qu’une seule le refuse pour que l’interdiction relative aux ressources minérales soit maintenue. La levée de l’interdiction pourrait néanmoins être envisagée après 2048.
Une levée envisagée à partir de 2048
Cinquante ans après l’entrée en vigueur du protocole, « l’une quelconque des parties consultatives » peut demander une conférence « pour réexaminer le fonctionnement » du protocole (article 25, § 2). Une modification ou un amendement « proposés au cours de toute conférence de réexamen » seront adoptés « à la majorité des parties y compris les trois quarts des États qui sont parties consultatives » au moment de l’adoption du protocole (article 25, § 3 du protocole). Puisqu’en 1991, on comptait vingt-six parties consultatives, l’adoption de l’amendement devrait être le fait de vingt d’entre elles.
Les conditions d’adoption sont, par conséquent, exigeantes. Elles le sont encore plus dans la mesure où elles doivent être combinées avec les conditions d’entrée en vigueur de cette évolution. Il est exigé que la ratification de la décision de modification soit également le fait des « trois quarts des parties consultatives, y compris la ratification, acceptation, approbation ou adhésion par tous les États » qui étaient parties consultatives au moment de l’adoption du protocole (soit vingt-six parties consultatives). Si l’amendement n’est pas entré en vigueur dans un délai de trois ans à compter de son adoption, toute partie a le droit de notifier son retrait du protocole (article 25, § 5b du protocole).
Ainsi, à partir de 2048, il faudrait au moins une partie consultative pour initier la procédure de réexamen du fonctionnement du protocole, au moins vingt des vingt-six parties consultatives de 1991 pour adopter une modification ou un amendement et au moins les vingt-six parties consultatives de 1991 pour ratifier et permettre l’entrée en vigueur. Et, même dans ces conditions, l’interdiction des activités relatives aux ressources minérales de l’Antarctique serait maintenue, à moins que ne soit en vigueur un régime juridique obligatoire les concernant (article 25, § 5 du protocole). Ce régime devrait présenter la particularité de « sauvegarder pleinement les intérêts de tous les États mentionnés à l’article IV du traité sur l’Antarctique et appliquer les principes qui y sont énoncés » (article 26, § 5a du protocole).
L’Antarctique a été revendiqué par sept États (Argentine, Australie, Chili, France, Norvège, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni) [Fig. 1]. En 1959, le traité sur l’Antarctique prévoit le « gel » des prétentions territoriales. Il confirme le projet de statu quo juridique proposé « de façon à ce que la coopération en matière scientifique et administrative ne soit gênée par aucune considération politique » (Dupuy, 1958, p. 220). Pendant toute la durée du traité, aucune nouvelle prétention territoriale ne peut être soumise. Les prétentions territoriales déjà émises peuvent être reconnues, ou non, par d’autres États. L’article 4 du traité permet de différencier parmi les États parties ceux qui, comme nous l’avons vu, sont qualifiés d’États « possessionnés » parce qu’ils ont affirmé « des droits de souveraineté territoriale, ou des revendications territoriales » en Antarctique, et ceux qui sont parties contractantes « en ce qui concerne la reconnaissance ou la non-reconnaissance » par ces États « du droit de souveraineté, d’une revendication ou d’une base de revendication de souveraineté territoriale de tout autre État, dans l’Antarctique ». Espace international pour certains, l’Antarctique est donc, pour d’autres, un espace qui a été revendiqué par certains États. Mais, pour tous, la coopération entre États doit constituer l’esprit de la gestion de la région.
Le gel des prétentions territoriales devrait ainsi être au cœur du régime qui serait négocié si la levée de l’interdiction des activités minières était envisagée. La convention de Wellington pourrait, en conséquence, présenter un intérêt. Sans reprendre la convention in extenso car les préoccupations environnementales des États se sont renforcées depuis, certaines de ses dispositions pourraient être une source pour un projet de texte à négocier si elles étaient associées à des principes environnementaux forts. La convention institue, en effet, « un régime de liberté de prospection des ressources minérales et énergétiques de l’Antarctique sous réserve d’un mécanisme de parrainage étatique permettant la mise en œuvre d’une responsabilité objective ». Ce texte prévoit des « conditions de fond et de procédure extrêmement limitatives pour l’exploitation éventuelle de ces ressources » (Puissochet, 1991, p. 755). « L’État parrain », qui est partie à la convention, doit se porter garant de la capacité de « l’opérateur », qui doit lui être rattaché « par un lien substantiel », « à répondre à ses obligations en matière de préservation de l’environnement antarctique » (Oraison, 2005, p. 158). Par la composition des comités de la réglementation qui interviennent dans le processus de décision et dans les règles de vote en leur sein, les États possessionnés se voient reconnaître des droits particuliers. Ils ont notamment « un pouvoir de blocage » au moment de « l’ouverture » d’une zone aux activités d’exploitation (Choquet et Queffelec, 2005).
Dans le cadre d’un nouveau régime souhaité à la suite d’une levée de l’interdiction minière, d’autres options qui ont pu déjà être envisagées, notamment lors des négociations de la convention de Wellington, pourraient être à nouveau discutées. L’option de faire de l’Antarctique un parc mondial (ou « world park ») en renforçant l’approche retenue par le protocole de Madrid pourrait ainsi être à nouveau considérée, tout comme l’option plus extrême qui conduirait à accepter les sept prétentions territoriales (Abdel-Motaal, 2016, p. 148). La notion de « world park » avait été proposée pour l’Antarctique en 1972 par Greenpeace. Lors de la seconde conférence mondiale sur les parcs nationaux, l’association invitait les parties consultatives à « faire du continent antarctique et des mers avoisinantes le premier parc mondial, sous les auspices de l’organisation des Nations unies »19. Les arguments avancés en faveur de la création d’un parc mondial sont souvent associés aux théories économiques de « bien publics internationaux » et de « ressources communes internationales » (Herber, 1991, p. 852), mais elle conduirait néanmoins à reconsidérer le gel territorial de 1959 auquel les États restent très attachés.
Il ne faut pas négliger les risques environnementaux que soulèverait une exploitation des ressources minérales en Antarctique, même si les opérateurs pétroliers bénéficiaient d’une technologie de pointe. Par la convention de Wellington, l’Antarctique était « a priori fermé aux activités minières », les conditions préalables imposées « fort nombreuses et difficiles à remplir, constituent autant d’obstacles qui aboutissent à rendre l’exploitation improbable au pire, assez lointaine au mieux » (Couratier, 1988, p. 772). On pourrait donc « revisiter » la convention de Wellington car, même si elle n’est pas entrée en vigueur, elle était un « document de consensus et a peut-être encore une pertinence » (Jabour-Green et Nicol, 2003).
En raison des exigences du protocole de Madrid à remplir pour lever l’interdiction relative aux ressources minérales, la protection de l’Antarctique face aux prétentions minières courrait sur au moins cinquante-six ans (Rothwell, 1992, p. 18). Cette durée se décompose comme suit : cinquante ans d’interdiction, plus une année de négociation, plus trois années pour l’entrée en vigueur et deux ans pour que la dénonciation prenne effet (Puissochet, 1991, p. 763). Le protocole étant entré en vigueur en 1998, des activités relatives aux ressources minérales ne seraient envisageables qu’à partir de 2054. Cette échéance est néanmoins loin d’être automatique car les modalités exigées pour lever l’interdiction sont fortement contraignantes. À cette fin, les États auront utilisé auparavant trois clés de déblocage : l’adoption lors d’une conférence de révision de la levée de l’interdiction des activités relatives aux ressources minérales, l’entrée en vigueur de la modification, mais également l’adoption et l’entrée en vigueur d’un régime relatif aux ressources minérales.
Avoir des activités minières antarctiques semble ainsi être, même à terme, toujours spéculatif car dépendant d’un cumul de facteurs préalables, et ce d’autant plus que les États ont été amenés, à nouveau, à réitérer leur attachement à l’interdiction.
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Fig. 1 Carte du continent antarctique avec les secteurs revendiqués par sept États. Réalisation : J.-P. Humblot / Service Communication, Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) |
L’attachement réaffirmé à l’interdiction
Le débat à propos des activités minières a été relancé d’une manière inattendue après l’entrée en vigueur du protocole de Madrid, avec le risque de voir se développer la collecte de météorites (Brumeaux et Choquet, 2010). Fortement présentes sur le continent austral, les météorites sont recherchées pour leur intérêt scientifique incontestable, étant notamment une source d’informations sur la formation du système solaire. Elles présentent également une grande valeur économique, particulièrement sur le marché des collectionneurs. En 2003, le Comité pour la protection de l’environnement (CPE) a rappelé que l’interdiction des activités relatives aux ressources minérales concernait l’exploitation des météorites. Des expéditions privées en ont en effet collecté et des ventes de fragments de météorites antarctiques ont été mises aux enchères électroniques20. Établi par le protocole de Madrid, le CPE est l’organe consultatif de la réunion consultative (article 12 du protocole de Madrid). Cependant, faute de consensus, l’interdiction de l’exploitation des météorites n’a pas été retenue par la réunion consultative. Celle-ci a précisé néanmoins qu’il dépend des États de préserver les météorites de telle sorte qu’elles soient ramassées et conservées sur la base de normes scientifiques agréées et disponibles à des fins scientifiques21.
Le débat autour des activités relatives aux ressources minérales a été surtout relancé par un document sur la stratégie pour le développement des activités de la Fédération de Russie dans l’Antarctique pour l’horizon 2020 et à plus long terme. La Russie avait précisé que, « pour atteindre les objectifs de la stratégie », il est nécessaire d’aborder « les investigations géologiques et géophysiques sur les ressources minérales et en hydrocarbures sur le continent de l’Antarctique et dans les eaux environnantes »22. En prévention de réactions de la part des autres parties, la Russie a précisé, lors de la réunion consultative de 2001, que ces activités avaient pour but « de renforcer la capacité économique de la Russie grâce à son utilisation de ressources biologiques marines disponibles dans l’océan Austral et grâce aussi à ses investigations complexes sur les ressources minérales, les hydrocarbures et d’autres ressources naturelles de l’Antarctique ». Ces investigations seront « purement scientifiques » et conformes à l’article 7 du protocole »23.
Dans une déclaration ministérielle de Washington à l’occasion du cinquantième anniversaire du traité sur l’Antarctique, les États ont réaffirmé, en 2009, « leur attachement » à l’article 7 du protocole24. Ils ont cherché à exprimer leur attachement aux objectifs et aux fins du traité et aux autres éléments du système du traité sur l’Antarctique (Skagestad, 2013, p. 16).
En 2016, les États ont profité de la célébration des vingt-cinq ans de la signature du protocole de Madrid pour réitérer leur initiative avec la résolution 6 (2016) relative à la « confirmation de l’engagement permanent envers l’interdiction de toute activité relative aux ressources minérales en Antarctique, autre que pour la recherche ». Alors même que les négociations antarctiques sont souvent longues car l’adoption de nouveaux textes requiert le consensus, les États ont pu facilement obtenir un accord sur le texte. Ils y ont même choisi des termes forts qui répondent certainement au fait qu’ils ont reconnu la « réalisation majeure qu’a représentée l’interdiction de l’exploitation des ressources minérales en Antarctique » et qu’une résolution en la matière était « nécessaire »25. Ils « déclarent avoir la ferme intention de conserver et de continuer à appliquer cette disposition comme objet de la plus haute priorité afin de garantir la protection globale de l’environnement en Antarctique et des écosystèmes dépendants et associés ». Ils avaient, préalablement, rappelé que « conformément à son article 25, le protocole n’expirera pas en 2048 »26.
Les États ont réalisé que l’interdiction posée par l’article 7 du protocole de Madrid était souvent « mal comprise ». Ils voulaient résoudre le malentendu sur l’expiration de l’interdiction en 204827 et répondre aux propos inexacts rapportés par certains médias qui expliquent que l’interdiction expire en 2048, alors que c’est uniquement la date à laquelle un réexamen du protocole pourrait être demandé. Il y a souvent des spéculations sur le fait que les États ont l’intention de revoir le protocole en 2048 pour permettre l’exploitation. Cette résolution donne un message clair que ce n’est pas le cas et que la protection de l’environnement prime sur les intérêts économiques.
Conclusion
L’adoption d’une résolution n’ajoute rien à la valeur accordée à la prohibition. Elle présente toutefois l’intérêt de permettre aux États d’attirer, à nouveau, l’attention sur cette disposition phare du protocole de Madrid, qui pose l’interdiction des activités minières et en fait un des piliers de la protection de l’environnement en Antarctique. Les États ont voulu transmettre un message politique fort en faveur de la réserve naturelle consacrée à la paix et à la science déclarée par le protocole. On retrouve là les termes du préambule du protocole où les États reconnaissaient « qu’il est de l’intérêt de l’humanité tout entière que l’Antarctique soit à jamais réservé aux seules activités pacifiques et ne devienne ni le théâtre ni l’enjeu de différends internationaux ».
Cette initiative est remarquable en raison des conséquences environnementales d’une activité d’exploitation et du fait que même le meilleur des régimes juridiques ne mettrait pas totalement de côté les risques environnementaux. En plus de cette résolution, les États ont adopté la déclaration de Santiago sur le vingt-cinquième anniversaire de la signature du protocole. Ils y réaffirment leur volonté de voir mis en vigueur les principes que ce dernier établit et demandent des efforts complémentaires pour le mettre en œuvre et préserver l’environnement. Déjà, les États avaient rappelé que la « réalisation des objectifs et des principes » du protocole « ne serait que mieux assurée si le protocole était soutenu par un plus grand nombre d’États » et avaient soutenu l’initiative de l’Australie, la France et l’Espagne28 de coordonner les démarches auprès des États non encore parties29. En 2012, les États avaient également recommandé que la réunion consultative « reste saisie de la nécessité d’appeler les États parties au traité sur l’Antarctique mais pas encore parties au protocole » à accéder à ce dernier30. Lors de la réunion consultative de 2016, les parties consultatives ont, à nouveau, encouragé les parties au traité à envisager d’adhérer au protocole31. En 2017, elles ont rappelé aux États parties qui envisageraient d’obtenir le statut de partie consultative l’obligation de ratifier, accepter, approuver ou accéder au protocole de Madrid32. Le protocole est ainsi entré en vigueur pour la Suisse en juin 2017 et pour la Turquie en octobre 2017. Sur les cinquante-trois États parties au traité sur l’Antarctique, seuls quarante sont à la fois parties au protocole et au traité. Certains États ont expliqué leur frilosité à ratifier le protocole de Madrid par les conséquences financières et administratives qu’entraînerait leur adhésion33. On peut regretter que ces conséquences soient mises en balance dans l’initiative d’un processus de ratification car des entreprises peuvent chercher à profiter de cette faille pour envisager des activités minières avec l’aval d’États non-parties au protocole de Madrid. Même si on peut envisager qu’en cas de conflit, cette interdiction puisse être qualifiée de règle coutumière du droit international pour les États parties au traité sur l’Antarctique mais non au protocole de Madrid, il serait intéressant, puisque le protocole a été signé il y a plus de vingt-cinq ans, qu’il soit, enfin, ratifié par l’ensemble des parties au traité sur l’Antarctique.
Mais rien n’est acquis, même s’il existe un cadre juridique comprenant une interdiction des activités relatives aux ressources minérales, sauf à des fins scientifiques, et que cette prohibition est régulièrement réaffirmée. Une règle n’est jamais suffisante si elle ne s’accompagne pas d’une réelle volonté de la respecter à long terme.
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L’étude qui a conduit au présent article fait suite notamment à une communication aux 8e journées scientifiques du Comité national français des recherches arctiques et antarctiques (CNFRA) en mai 2012 et repose sur un suivi de l’actualité du cadre réglementaire du système du traité sur l’Antarctique.
Environ 1 000 km séparent le cap Horn de la péninsule Antarctique, laquelle se trouve à 2 600 km de la Tasmanie et à 4 000 km de l’Afrique du Sud (Strobel et Tétart, 2007).
Convention sur la réglementation des activités relatives aux ressources minérales de l’Antarctique, adoptée à Wellington le 2 juin 1988, non entrée en vigueur, in rapport final de la quatrième réunion consultative spéciale du traité sur l’Antarctique relative aux ressources minérales de l’Antarctique, adopté à Wellington le 2 juin 1988.
Pour une analyse de la convention de Wellington, voir Wolfrum, 1991.
Il s’agit des États dits possessionnés. L’article 4 précise : « 1. Aucune disposition du présent traité ne peut être interprétée : a) comme constituant, de la part d’aucune des parties contractantes, une renonciation à ses droits de souveraineté territoriale, ou aux revendications territoriales, précédemment affirmées par elle dans l’Antarctique ; b) comme un abandon total ou partiel, de la part d’aucune des parties contractantes, d’une base de revendication de souveraineté territoriale dans l’Antarctique, qui pourrait résulter de ses propres activités ou de celles de ses ressortissants dans l’Antarctique, ou de toute autre cause ».
L’Espagne a adhéré au traité sur l’Antarctique en 1982 et acquis le statut de partie consultative en septembre 1988. Elle n’a pas participé aux travaux de la réunion consultative spéciale du traité sur l’Antarctique au cours de laquelle la convention de Wellington a été adoptée et donc ne figure pas parmi les dix-neuf États signataires de ce traité (rapport final de la quatrième réunion consultative spéciale du traité sur l’Antarctique relative aux ressources minérales de l’Antarctique, adopté à Wellington le 2 juin 1988).
Résolution 6 (2016) relative à la confirmation de l’engagement permanent envers l’interdiction de toute activité relative aux ressources minérales en Antarctique, autre que pour la recherche scientifique ; soutien à l’interdiction de l’exploitation minière en Antarctique, rapport de la trente-neuvième réunion consultative (Santiago, 2016).
La coopération qui avait été menée entre Michel Rocard (ancien Premier ministre de France), Robert Hawke (ancien Premier ministre d’Australie) et Felipe González (ancien Président du Gouvernement espagnol) a été renouée ces dernières années par leurs successeurs pour inciter les États à adhérer au protocole.
Citation de l’article : Choquet A., 2018. Interdiction de l’exploitation minière en Antarctique, une réalité menacée ? Nat. Sci. Soc. 26, 1, 49-59.
Liste des figures
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Fig. 1 Carte du continent antarctique avec les secteurs revendiqués par sept États. Réalisation : J.-P. Humblot / Service Communication, Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) |
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