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Nat. Sci. Soc.
Volume 29, Numéro 2, Avril/Juin 2021
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Page(s) | 198 - 205 | |
Section | Vie de la recherche – Research news | |
DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2021037 | |
Publié en ligne | 17 septembre 2021 |
Des mers anthropocéniques ? Un colloque au Muséum national d’histoire naturelle
Anthropocene seas? A symposium at the French National Museum of Natural History
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Anthropologie sociale, MNHN, UMR PALOC,
Paris, France
2
Anthropologie sociale, Université de Strasbourg, Institut d’ethnologie,
Strasbourg, France
* Auteur correspondant : helene.artaud@mnhn.fr
Le 6 février 2020 a eu lieu, à l’auditorium de la grande galerie du Muséum national d’histoire naturelle, le colloque intitulé « Mer et Anthropocène », organisé par H. Artaud, F. Chlous et É. Mariat-Roy. Cet évènement entendait réfléchir à un objet devenu désormais incontournable et pourtant relativement peu exploré dans une perspective interdisciplinaire par les études récentes menées sur la mer : la notion d’Anthropocène. L’objectif du colloque était donc d’ouvrir frontalement ce débat, en interrogeant le caractère tardif et relativement marginal de son application à la mer, et en précisant les façons dont ces mers anthropocéniques se déclinent dans l’histoire environnementale, l’anthropologie, l’histoire de l’art, l’art plastique ou les sciences politiques. Nous présentons dans ce compte rendu le contexte scientifique qui a stimulé cet évènement, l’apport de chacune des communications ainsi que les principales pistes de réflexion ouvertes par les débats.
Abstract
On February 6, 2020, a symposium entitled “Sea and the Anthropocene”, organized by H. Artaud, F. Chlous and É. Mariat-Roy was held at the auditorium of the Grand Gallery of the French National Museum of Natural History in Paris. The purpose of this event was to reflect on an issue that has now become crucial, although so far little explored in an interdisciplinary perspective by recent studies on the sea, i.e., the notion of the Anthropocene. The aim of the symposium was therefore to open up a debate head-on by questioning the late and relatively marginal nature of its application to the sea, and specifying the ways in which these anthropocenic seas are linked to environmental history, anthropology, art history, plastic arts and political science. In this report, we present the scientific background that fostered this event, the contribution of each of the papers as well as the main avenues of reflection opened up by the debates.
Mots clés : Anthropocène / interdisciplinarité / tournant océanique / conservation / modes d’existence
Key words: Anthropocene / interdisciplinarity / ocean turn / conservation / modes of existence
© H. Artaud et al., Hosted by EDP Sciences, 2021
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Le colloque « Mer et Anthropocène », organisé par H. Artaud, F. Chlous et É. Mariat-Roy a eu lieu le 6 février 2020 à l’auditorium de la grande galerie du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), avec le soutien de l’UMR PALOC, de la direction de la recherche du Muséum et le concours du Centre d’ethno-technologie en milieux aquatiques. Cet évènement prolongeait une réflexion interdisciplinaire, autour des relations entre humains et non-humains maritimes, engagée au Muséum durant quatre ans dans le cadre du séminaire « Maritimités ». Compilées dans un livre à paraître dans la collection « Natures en Sociétés » des publications du MNHN, ces réflexions avaient continûment mis en évidence un objet saillant, problématique et relativement peu exploré dans une perspective interdisciplinaire par les études récentes menées sur la mer : la notion d’Anthropocène. L’objectif du colloque était donc d’ouvrir frontalement ce débat en interrogeant le caractère tardif et relativement marginal de son application à la mer, et en précisant les façons dont ces mers anthropocéniques se déclinent dans l’histoire environnementale, l’anthropologie, l’histoire de l’art, l’art plastique ou les sciences politiques.
Nous présentons tout d’abord dans ce compte rendu le cadre scientifique qui a stimulé cet évènement, et a été exposé en introduction du colloque par H. Artaud et É. Mariat-Roy ; dans un second temps, nous abordons de façon synthétique et successive chacune des communications et les principaux éléments qui ont affleuré des discussions qui ont suivi.
Contexte scientifique et institutionnel
Le 6 mai 2019, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) indiquait que 75 % des milieux terrestres et 66 % des milieux aquatiques étaient « sévèrement altérés ». Des phases de dégradation du milieu et d’extinction des espèces ont toujours existé, mais celles qui caractérisent l’Anthropocène ont ceci de particulier qu’elles sont imputables à l’action d’une seule espèce : l’homme. En modifiant radicalement le visage de la planète, cette ère géologique nouvelle, qui succéderait à l’Holocène, change également les questionnements, les méthodologies et les objets qui occupaient traditionnellement les sciences humaines. L’Anthropocène engage en effet deux bouleversements scientifiques majeurs.
Il ébranle tout d’abord les prémisses sur lesquelles reposait jusqu’à une date récente le débat écologique, en remettant en question le déterminisme naturel. Comme le rappelle l’historien indien Chakrabarty (2015), dont les travaux ont largement participé à la connaissance et la diffusion du concept d’Anthropocène, il n’est plus question de « considérer l’homme comme un prisonnier du climat » puisqu’il fait (désormais) le climat. L’Anthropocène ne permet plus de penser les sociétés humaines au sein d’une nature lointaine et muette à laquelle elles devraient s’adapter, puisque cette nature est devenue « chatouilleuse » (Stengers, 2003) et répond à des actions anthropiques dont elle ne peut désormais être distinguée : « partout où l’on a affaire à un phénomène “naturel”, on rencontre anthropos » (Latour, 2015). Cette continuité inédite, entre histoire humaine et histoire de la Terre, nature et culture, proche et lointain, implique, ensuite, une nouvelle posture de recherche : résolument interdisciplinaire, entre des sciences naturelles et humaines dont les objets respectifs ont désormais des contours incertains ; plus réflexive et critique qu’elle ne l’a jamais été, vis-à-vis du modèle scientifique, économique ou ontologique qui a rendu ce bouleversement possible. De plus en plus d’intellectuels prennent le parti de faire de l’Anthropocène l’occasion de remettre en cause « un mode de composition du monde que l’on a diversement appelé […] technocène, modernité ou naturalisme » (Descola, 2015) et ce faisant, d’en faire simultanément apparaître d’autres formes. En effet, la pensée de l’Anthropocène exacerbe plutôt qu’elle ne nivelle les disparités qui existent au sein d’une humanité inégalement responsable des bouleversements induits par l’Anthropocène, et inégalement exposée à leurs conséquences.
Si l’Anthropocène met donc en branle le monde, comme les catégories intellectuelles qui nous avaient jusqu’alors permis de le penser, il en fait toutefois surgir un autre qui n’avait pas jusqu’alors eu la possibilité d’apparaître pleinement, et dont la mer est sans doute le plus emblématique. Cet océan, dont l’immensité jusqu’alors invisible émerge, dont l’anthropisation jusqu’alors impensable inquiète, se présente en effet comme la métaphore la plus vivace de ces existences jusqu’alors oubliées, négligées, minorées. Le basculement soudain, qui fait passer l’océan de la marge au cœur des débats environnementaux, anthropologiques et esthétiques contemporains, est relevé par DeLoughrey (2017) lorsqu’elle écrit qu’avec « l’Anthropocène […] un nouvel imaginaire océanique » est né : « l’océan n’est soudainement plus aussi extérieur et étranger à l’expérience humaine […] L’océan n’est plus relégué au rang d’aqua nullius, il est désormais compris en termes de son agence ». En avançant cette idée, DeLoughrey, comme d’autres (Mentz, 2009 ; Steinberg et Peters, 2015 ; Ratté, 2019), fait de l’Anthropocène l’origine d’un attrait sans précédent dans le champ des sciences humaines pour la mer, attrait dont le caractère soudain autant que décisif justifierait l’idée d’un « tournant océanique ».
Dire que la mer a été absente des recherches en sciences humaines et sociales et qu’elle apparaît brusquement à la faveur de l’émergence du concept d’Anthropocène n’est évidemment pas exact. En Occident, la relation de l’homme à la mer a stimulé au cours des âges de très nombreux témoignages. Il n’y a qu’à puiser dans la littérature, la peinture, la musique ou la filmographie pour qu’apparaisse l’ampleur des réflexions esthétiques, morales, en somme sociales, que cet espace a continûment suscitée. Alain Corbin (2010), pour ne citer que lui, a magistralement analysé dans un ouvrage à l’intitulé suggestif, Le territoire du vide, ce florilège de représentations, d’affects, de récits qui ont fait de la mer un élément heuristique dans la culture occidentale. Dans l’anthropologie sociale également, la mer a été l’objet d’un intérêt notable qui a d’ailleurs stimulé, au tournant des années 1970-1980, l’élaboration d’un sous-champ disciplinaire, l’anthropologie maritime. Tous ces éléments témoignent bien d’un intérêt manifeste pour un océan pensé comme un espace de sociabilité (de travail, de transit, d’échanges) évident, mais dont la fragilité et la familiarité semblent toutefois avoir été tardivement perçues. L’océan est longtemps demeuré en effet un espace « dangereux et incertain » (Acheson, 1981), « irrémédiablement sauvage » (Corbin, 2010), « hostile » et « terrifiant » (Bellingham et Rajan, 2007 ; Brito, 2013 ; Orbach, 2003), qui pouvait, du rivage, stimuler ce tressaillement d’humanité que les penseurs du sublime ont largement décrit, mais qui impliquait, une fois embarqués, une « lutte » (Michelet, 1861) « éternelle » (Baudelaire, 2011 [1857]). Rarement, la mer a été perçue comme un monde sur lequel l’homme pouvait laisser des empreintes indélébiles. Jusque dans les années 1960, en effet, l’idée selon laquelle « la mer n’a aucun caractère, au sens originel du mot, qui vient du grec charassein, signifiant graver, gratter, imprimer » (Schmitt, 2003 [1950], p. 42-43), prévaut, y compris parmi les scientifiques sensibilisés à la question, qui s’accordent bien volontiers à reconnaître qu’il « n’est pas de conquérant, pas de travailleur ni d’artiste qui ait laissé une seule trace sur la mer » (Conti, 2017 [1953], p. 198). De même, rarement la mer a été perçue comme un espace fragile qui nécessiterait un soin particulier. Carson, éminente océanographe à laquelle on doit les prémices d’une conscience océanique mondiale, indiquait dans la première édition de The sea around us (Carson, 2003 [1951], p. 7) que « man cannot control or change the ocean ».
Cette tendance à penser la mer comme un espace muet (Barthes, 2015 [1957]), « un paysage dilué » dont la « monotonie et la platitude » oppressent (Lévi-Strauss, 1973, p. 338-339) semble toutefois être le fait d’un mode bien précis d’existence (Artaud, 2018 ; Artaud et Surrallés, 2017). Il est en effet important de saisir cette occasion que nous donne l’Anthropocène pour rétablir des différences et disparités dans les modes de composition des mondes océaniques. Pour certains peuples, en effet, la fragilité de ce milieu semble avoir été largement et précocement perçue. L’halieute et anthropologue Johannes remarquait dans les années 1970 que « les autochtones d’Océanie, sachant que leurs précieuses pêcheries pouvaient facilement être épuisées, avaient conçu, il y a des siècles, diverses mesures destinées à prévenir cette éventualité », à la différence, disait-il, des « Occidentaux qui, jusqu’à récemment, considéraient l’approvisionnement en poissons de la mer comme pratiquement illimité [...] » (Johannes, 1978). Dans d’autres modes d’existence, la mer ne se présente pas davantage comme un espace « veuf de routes » (Detienne et Vernant, 2009 [1974], p. 275), mais comme un monde sur lequel tout devient signifiant : les « essaims de poissons, de bandes d’oiseaux, de groupes de bois flottés, ou de conditions de vagues et de ciel particulières à certaines zones de la mer » (Grimble, 1989). Dans d’autres ontologies, la mer n’est pas ressentie comme étrange ou séparatrice, mais comme un océan familier et matriciel dont Epeli Hau’ofa, écrivain et anthropologue fidjien, disait qu’il « nous lie les uns aux autres » et « est en nous » (Hau’ofa, 1995). Cette adhésion profonde entre l’océan et un corps soumis à ses constantes étreintes, c’est ce que l’anthropologue Sharp rapporte en citant les propos d’un aborigène Meriam qui lui disait faire partie « de la mer autant que la mer faisait partie de lui » (Sharp, 2002, p. 27). Cette forme de cosubstantialité entre collectifs humains et l’océan, redoublée dans le contexte postcolonial (Artaud, 2020) qui a vu se démultiplier les « saltwater identities » (Kearney, 2018), indique bien en effet que ce « tournant océanique » ne recouvre pas pour tous la même signification, bien que tous semblent amenés, à la faveur de l’Anthropocène à prendre également part de façon désormais plus intime, profonde, émotionnelle à cet océan.
Carson, comme Earle (2009) ou Whitty (2006) avaient en effet pressenti l’importance de cette « transcorporeal connection between terrestrial humans and the seas » en mentionnant l’enchevêtrement essentiel qui nous caractérise et fait que « the sea is in our very blood » (Carson, 2003 [1951]). Cette intuition trouve dans le travail de plasticiens contemporains un écho manifeste. Nombre d’artistes prennent en effet, le parti de penser, plutôt qu’une étrangeté fondamentale, notre part intime et constitutive, avec l’océan ; plutôt que le caractère destructeur et soudain de cette ère nouvelle, l’impulsion créative qu’elle soulève ; plutôt que l’angoisse de la responsabilité, la capacité à répondre (respons-ability) qu’elle engage (Haraway 2008 ; Puig de la Bellacasa, 2011, p. 89). Cette ère « chtulucénique » (Haraway, 2015) qui nous enjoint à apprendre à « vivre avec le trouble », à poursuivre les enchevêtrements interspécifiques dont nous sommes faits, trouve en mer, dans certaines espèces marines emblématiques de ces symbioses et recompositions (Helmreich, 2009 ; Elias, 2019), une inspiration majeure. Le travail d’artistes tels qu’entre autres, Jason DeCaires, Dominique Koch, le collectif de plasticiens de l’Institute for Figuring ou Pinar Yoldas, atteste par exemple de la fertilité de ce vivier remuant d’inspirations qui font de nos liens avec l’océan ceux d’une communauté d’origine, mais également de destins.
Ce sont ces transformations à l’œuvre que l’ensemble des chercheurs ont explorées et sur lesquelles nous allons à présent successivement revenir.
Résumés et apports principaux des interventions
Le colloque a réuni une douzaine de chercheurs et s’est organisé selon trois volets à tonalités largement disciplinaires. Le premier volet, intitulé « Mers anthropocéniques : l’éveil de la conscience écologique ? », auquel participaient Jean-Baptiste Fressoz, Fabien Locher et Romain Grancher1, avait pour discutant Sebastian Grevsmühl (historien des sciences, CNRS) et retraçait l’itinéraire historique de cette notion.
L’intervention inaugurale de Jean-Baptiste Fressoz (historien, CNRS), « Perdre la terre sciemment », avait pour ambition de dresser un inventaire général, critique et réflexif, sur le concept d’Anthropocène pour le penser, moins comme le surgissement soudain d’une « prise de conscience environnementale » que comme l’aboutissement d’une histoire de destructions au cœur de laquelle le politique a joué, et continue de jouer, un rôle de premier ordre. Pour J.-B. Fressoz, en effet, notre époque ne serait en rien la première à questionner les conséquences de la modernité industrielle. Aussi, cette première intervention, à l’instar de celles qui ont suivi, a-t-elle posé des continuités entre différentes périodes historiques qui ont également pressenti les conséquences néfastes sur l’environnement d’une appropriation incontrôlée des ressources naturelles. J.-B. Fressoz a insisté de la même manière sur l’antériorité de l’idée d’une Terre appréhendée en tant que système. Celle-ci a déjà connu avec la théologie naturelle, qui, à partir du XVIIe siècle, en Angleterre, connecte la nature, la science, la religion, l’État et l’économie politique, des antécédents qui se sont poursuivis au XIXe avec l’essor d’une réflexion globale et systémique sur le cycle de l’eau et la déforestation. J.-B. Fressoz a discuté ainsi directement l’intitulé de la session en relevant une tendance très actuelle à surestimer le caractère récent, brutal d’un réveil/éveil écologique. Il s’est appuyé d’ailleurs sur deux exemples pour le démontrer : d’une part, les controverses suscitées par la récolte du varech en France au XIXe siècle, avec une référence aux travaux de Grancher (2015), d’autre part, le thème de l’épuisement des ressources marines qui, dès le Moyen Âge, sous des appellations variées, apparaissait déjà comme un objet important de réflexion, stimulant l’idée d’une gestion menée à grande échelle.
Cette évocation de la surpêche a permis une transition aisée vers l’intervention de Fabien Locher (historien des sciences, CNRS), « Blue environmentalism. Où, quand et comment a émergé le diagnostic d’une surpêche globale des océans ? ». F. Locher est revenu en effet sur l’histoire du gouvernement des ressources marines au XXe siècle dans une perspective d’analyse comparative entre la France, l’Angleterre et les États-Unis. Ce régime de réflexivité qui s’intéresse à la surpêche prend une résonance globale dans les années 1950-1970, avec la crainte d’une pénurie planétaire à l’ampleur inédite. Pendant la décennie 1960-1970, la mer est perçue comme un univers de conquête, une autre « frontière » au dépassement de laquelle des moyens financiers équivalents à ceux de la NASA sont alloués. Au cœur de ce moment, les penseurs néomalthusiens tiennent un discours décliniste, qui a une portée considérable dans l’élaboration des futures politiques de gestion des ressources marines à l’échelon mondial, avec par exemple la création des premières ZEE dès le milieu des années 1970. Ces idées sont portées par des biologistes, Paul Ehrlich, Fairfield Osborn Jr, Garrett Hardin, Rachel Carson ou encore Josué de Castro. Le développement de ces recherches, expertises et diagnostics conduira à l’élaboration de modèles toujours plus nombreux et complexes, intégrant un nombre de variables toujours plus important. F. Locher est revenu sur des écarts en matière de méthodes de recherche, de formation et d’outillage intellectuel qui se sont notamment creusés entre écologues marins et halieutes, les amenant à former deux communautés scientifiques distinctes. Cette montée en globalité, en expertise et en réflexivité en matière environnementale sur la question de la surpêche conduira à une reconfiguration de notre conception de la pêche comme exercice de prélèvement d’une ressource inépuisable à l’échelle de la planète. Nous sommes encore aujourd’hui dans ce paradigme hérité de Hardin − à qui F. Locher a consacré un article (Locher, 2013) –, qui présente comme incompatibles la propriété commune d’une ressource et son exploitation durable.
La seconde session du colloque, intitulée « Enjeux juridiques et anthropologiques nouveaux autour des océans », dans laquelle communiquaient Anne Choquet, Maëlle Calandra, Guigone Camus et Géraldine Le Roux, avec pour discutante Frédérique Chlous (anthropologue, MNHN), a mis en lumière les implications politiques, émotionnelles ou identitaires de l’Anthropocène.
L’intervention d’Anne Choquet (chercheuse en droit, Brest Business School), « Gouvernance des régions polaires et Anthropocène, une approche juridique exploratoire », a présenté les enjeux, nouveaux et nombreux, que stimule, au niveau des pôles, l’ère anthropocénique. Elle a ainsi exploré simultanément la situation de l’océan Arctique, composé de 8 États qui forment le Conseil de l’Arctique, et celle de l’Antarctique, qui est un continent régi depuis 1954 par un traité international regroupant 54 États. Pendant longtemps, les régions polaires ont été présentées comme des environnements vierges, en dépit des communautés autochtones en Arctique, qui y avaient développé des modes de vie singuliers. Ces deux régions sont aujourd’hui des terrains sur lesquels se concentrent de très nombreux enjeux politiques, économiques ou scientifiques. C’est ce renversement qu’a relevé A. Choquet qui a insisté également sur deux paradoxes notables, à certains égards caractéristiques de l’Anthropocène : d’abord, le fait que des terres prétendument isolées et marginalisées soient désormais la vitrine des enjeux globaux, voire plus directement affectées que d’autres par les dérèglements du système climatique mondial ; ensuite, le fait que les pressions anthropiques redoublent sur ces écosystèmes menacés, alors qu’il faudrait au contraire stimuler les mesures visant à renforcer leur conservation. Les voies maritimes nouvelles, ouvertes par la fonte des glaces, attisent en effet en Arctique la convoitise des États. C’est cet engrenage, apparemment sans issue, qu’a décrit A. Choquet qui a dressé la liste des défis majeurs auxquels les acteurs de la gouvernance des régions polaires sont confrontés. Les modalités d’organisation des discussions font en effet en Antarctique une large part au consensus et à des procédures de décision qui s’ajustent mal à l’urgence climatique. Quant à l’Arctique, son Conseil, qui donne la priorité aux États, n’a pas été conçu comme un outil opérationnel et peine à agir sur les conséquences environnementales.
Si l’intervention d’A. Choquet portait sur les enjeux globaux du changement climatique, celle de Maëlle Calandra (anthropologue, Université Clermont-Auvergne), « Penser la catastrophe à l’heure de l’Anthropocène : l’exemple de Tongoa », se proposait de repartir de la localité et d’engager une réflexion autour de la perception du changement climatique au Vanuatu. Cet archipel est connu pour être particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique et exposé aux catastrophes environnementales (séismes, ouragans, augmentation de la température et élévation du niveau marin). De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) sont d’ailleurs présentes sur le territoire pour sensibiliser et aider les populations à faire face aux conséquences du changement climatique. Or, comme l’a relevé M. Calandra, il n’existe pas de mots dans les langues vernaculaires du pays pour désigner la catastrophe en tant que telle. En revanche, depuis une dizaine d’années, la notion exogène de changement climatique dite « klimate jen » en bislama, le pidgin du pays, fait partie intégrante du langage courant. À partir d’une ethnographie conduite sur l’île de Tongoa (centre du pays), M. Calandra nous a permis de comprendre comment ce vocabulaire s’est déployé et ce qu’il recouvre pour les habitants. Si les phénomènes climatiques extrêmes étaient auparavant perçus par les populations locales comme positifs, notamment en rétablissant des égalités entre les différents villageois, chacun perdant ce qu’il avait pu accumuler avant l’événement, l’omniprésence des discours sur le « climate change » semble désormais introduire des transformations notables dans la relation des populations aux phénomènes indésirables ou jugés « catastrophiques ». L’expression « climate change » est ainsi employée à propos d’éléments négatifs qui dépassent les enjeux environnementaux, comme des comportements déviants ou jugés non opportuns chez des jeunes (utilisation intensive du smartphone, par exemple). Cette communication a su faire apparaître, au lieu du nivellement qu’aurait pu induire l’importation d’une catégorie allogène sur les représentations locales, la diversité et la vitalité des interprétations qu’elle stimule ; au lieu de la rupture que cette notion inédite dans la langue vernaculaire aurait pu occasionner, son intégration spontanée aux logiques préexistantes.
Guigone Camus (anthropologue, EHESS) a prolongé cette réflexion, dans une communication intitulée « Émotions et Anthropocène, esquisse de questions nouvelles pour une nation insulaire de l’océan Pacifique ». G. Camus s’est en effet intéressée aux réponses émotionnelles des insulaires des atolls coralliens de Kiribati (Micronésie, Pacifique) face aux changements climatiques. Leurs attitudes, globalement indifférentes, dérogent en tout point à ce qu’on pourrait attendre en cas de situation catastrophique, ce qui rend particulièrement problématique leur interprétation pour un observateur étranger. L’originalité de l’intervention de G. Camus a consisté en la définition d’une syntaxe globale de l’affectivité au Kiribati pour comprendre le sens de cette réponse émotionnelle inattendue. Elle a mis ainsi en relation l’attitude des habitants de Kiribati face aux événements dramatiques qui touchent la collectivité (dont les changements d’origine climatique sont sans doute paradigmatiques) et leur attitude face à des épreuves qui les affectent à titre individuel, comme la mort d’un proche ou la maladie. Dans les deux cas, G. Camus a indiqué qu’il n’est pas convenable de manifester de la tristesse, voire d’extérioriser sa douleur sous peine de susciter la moquerie de l’entourage. Dans l’adversité, il n’est donc pas question de demander de l’aide ni de se plaindre. Que nous dévoilent ces comportements ? G. Camus note qu’il s’agit d’une conduite socialement normée dont elle analyse l’origine. Si les sentiments intérieurs sont contenus, passés sous silence ou tournés en dérision, c’est afin qu’aucune dette ne soit contractée, mais également pour préserver la collectivité des cataclysmes qui résulteraient d’un comportement non maîtrisé. Cette présentation a démontré l’extraordinaire propension qu’ont les sociétés à absorber les phénomènes nouveaux en les incorporant à des logiques sociales préexistantes pour faire de phénomènes brutaux et apparemment invasifs des prolongements intérieurs.
La dernière intervention de cette seconde session, celle de Géraldine Le Roux (anthropologue, Université de Bretagne occidentale), intitulée « Des filets-fantômes, un art et des hommes en Asie–Pacifique », a posé un regard anthropologique sur une pratique jusqu’alors pauvrement documentée, en dépit de l’importance et l’originalité qu’elle recouvre depuis quelques années en Australie : le recyclage artistique des déchets marins, et plus particulièrement celui portant sur les filets de pêche dérivant en mer. Dans cette communication, G. Le Roux a présenté l’initiative de l’alliance GhostNets Australia, constituée en 2010 et composée d’une cinquantaine d’artistes installés le long des côtes du Queensland, dont l’ambition est de donner une seconde vie aux déchets marins que collectent les rangers et les écogardes autochtones. L’alliance entre communautés aborigènes et insulaires du détroit de Torres, collectifs de pêcheurs, scientifiques et artistes a non seulement permis de réguler les flux de filets perdus en mer d’Arafura, mais également de trouver une continuité entre les pratiques et discours de différents groupes. L’intention de ces artistes, pour certains constitués en collectifs, pour d’autres travaillant seuls, est plurielle : sensibiliser le grand public à la question de la pollution marine ; sortir de l’eau les filets perdus avant qu’ils n’endommagent les écosystèmes ; privilégier le principe du recyclage ; réinterpréter l’art de la vannerie et réaffirmer le rapport singulier, bien souvent occulté ou volontairement tu, que les aborigènes ont à la mer.
Le volet qui clôt le colloque, « Arts et mers anthropocéniques », auquel ont participé Julie Noirot, François Ribac et Sonia Levy, avec pour discutante Joëlle Le Marec (sciences de l’information et de la communication, Université Paris-Sorbonne), avait pour objectif d’interroger la place et le rôle de l’art dans les débats contemporains engagés autour de l’Anthropocène.
Julie Noirot (historienne de l’art, Université Lyon 2), dans une communication intitulée « La mer, espace oublié du Capitalocène dans l’art d’Allan Sekula », a choisi de mobiliser le travail d’Allan Sekula (1951-2013). Cette figure majeure du « documentaire critique » aux États-Unis a fait de l’espace maritime et des enjeux économiques, sociaux et environnementaux qui lui sont liés, une thématique centrale de ses productions photographiques et cinématographiques. J. Noirot a ainsi engagé l’analyse croisée de quelques-unes de ses œuvres (Fish Story, The Forgotten Space et Black Tide/Marea Negra) pour rejoindre un questionnement majeur que s’était proposé d’aborder le colloque et qui consistait à interroger la contribution spécifique de l’activité artistique à la réflexion des rapports entre mer et Anthropocène. C’est en partant de la notion de « Capitalocène », telle que la définissent entre autres Andreas Malm et Jason Moore, que Julie Noirot a choisi d’orienter son analyse. Elle a justifié ce parti pris terminologique en indiquant que, s’il désigne sensiblement la même réalité phénoménologique que la notion d’Anthropocène, le concept de Capitalocène « [...] prend comme point de départ l’idée selon laquelle c’est le capitalisme [et non cette humanité universelle et indifférenciée que recouvre la dimension d’Anthropocène] qui est le principal responsable des déséquilibres environnementaux actuels ». Or, la position artistique et éminemment politique de Sekula s’inscrit précisément à contre-courant de l’esthétique dominante et de la « vision déterrestrée » de l’Anthropocène, dont J.-B. Fressoz a rappelé qu’elle réactivait certains ressorts de l’esthétique sublime. J. Noirot a opposé en effet à cette esthétique de l’Anthropocène, souvent traduite sur le plan plastique par la réalisation d’images aériennes, de grande échelle et dépourvues de présence humaine, telles les œuvres de Louis Helbig (Beautiful destruction, 2014) ou d’Edward Burtynksy (Anthropocène. L’époque humaine, 2018) qui transforment de façon ambiguë les paysages ravagés par l’industrie en tableaux expressionnistes abstraits, la perspective de Sekula qui est celle d’une photographie située, engagée. J. Noirot a indiqué ainsi combien la démarche de Sekula cherche, par des moyens formels et plastiques singuliers, à combattre ce que Steve Edwards nomme la « cécité cognitive » qui « gomme la mer et les marins de la conscience populaire ».
L’intervention de François Ribac (compositeur de théâtres musical et sociologue, Université de Bourgogne), « Pour une généalogie spectaculaire et sonore de la mer », entendait démontrer, sur la base d’exemples musicaux précis, l’importance centrale que recouvre l’art dans la façon de transmettre et ressentir le sentiment de la nature dans nos sociétés modernes. Pour ce faire, F. Ribac a proposé de montrer comment la mer et ses habitants ont été sonorisés dans quelques productions théâtrales et musicales de la deuxième moitié du XIXe siècle et au début du XXe à Paris. Revenant en particulier sur les œuvres de Debussy (1862-1918), Reflets dans l’eau (1905) et La mer (1905), F. Ribac les a replacées dans le contexte historique très particulier qui a permis à ces mers exotiques d’être audibles. Spectateur assidu de l’Exposition universelle de Paris de 1889, Debussy y a été particulièrement intrigué par l’écoute d’un ensemble d’instruments à percussion javanais appelé gamelan, qui a sans doute cristallisé son intérêt pour des populations exotiques supposées être plus proches de la nature, et dont il fait état dans un article paru dans la Revue internationale de musique (Debussy, 1913). Debussy cherche donc à reproduire, par les performances musicales de ces « peuples naturels », cette relation immédiate à la mer. Ce faisant, ces pièces musicales font advenir un paysage maritime singulier et exotique mais elles mettent aussi en lumière les effets de l’impérialisme colonial sur la nature. La communication de F. Ribac s’inscrit dans un projet plus général qu’il poursuit notamment dans le cadre d’un séminaire, « Le son de l’Anthropocène » (IRCAM), et qui consiste à étudier la façon dont les mondes musicaux et les arts de la scène font face aux défis écologiques.
La dernière intervention du colloque est un court métrage, For the love of corals (2018, 24 min) de Sonia Levy. Ce projet cinématographique a été réalisé à partir de 2017 sur la base d’une recherche menée par l’artiste au Hornimam Museum, à Londres, dans le sous-sol duquel une équipe de biologistes marins et d’aquariophiles, sous la direction de Jamie Cragg, a initié Project Coral, une entreprise visant à assister la procréation des coraux. En simulant les conditions climatiques − changements saisonniers de température, irradiances solaires et cycles lunaires – de la Grande Barrière de corail au sein d’aquariums spécialement conçus, l’équipe est devenue la première au monde à parvenir à la ponte assistée des coraux en laboratoire. Neuf coraux collectés dans la Grande Barrière en 2015 et fertilisés in vitro ont pondu près de 130 000 œufs. Pourquoi le corail ? C’est sans doute, comme nous l’avons indiqué en introduction, son caractère étrange en même temps que familier, extraordinaire sur le plan classificatoire et exemplaire au niveau architectural qui en fait, pour l’Occident (Helmreich, 2016), un témoin éloquent, emblématique de l’océan, un élément susceptible de renverser, par l’enchevêtrement interspécifique qu’il incarne et les possibilités qu’il déploie, le désespoir de l’Anthropocène. S. Levy a posé, avec une sobriété narrative efficace et sensible, un geste scientifique qui alterne entre contemplation esthétique et rigueur technique. Elle a insinué l’ambivalence de cette initiative qui consiste à reproduire un écosystème effondré et a esquissé les paradoxes d’un Anthropocène qui oscille entre toute puissance et extrême fragilité, maîtrise et impuissance.
Pour conclure, des renversements semblent présager une relation nouvelle des sociétés européennes à l’océan : l’inquiétude, dont la mer aurait jusqu’alors été globalement exempte et qui, désormais, la caractériserait avec une acuité sans précédent ; la peur, que sa puissance sauvage générait et dont l’objet serait désormais son extraordinaire fragilité. Ces renversements constituent autant d’éléments dont le colloque a discuté le sens et la radicalité, faisant apparaître des continuités, plutôt que des ruptures ; des hybridations, plutôt que des oppositions ; des formes d’appropriations créatives plutôt que le défaitisme d’un désastre annoncé. L’ensemble des interventions a en effet porté sur ce « tournant océanique » (DeLoughrey, 2017), un éclairage nouveau et complémentaire. Évitant l’écueil des réflexions interdisciplinaires engagées autour d’une thématique dont elles donnent bien souvent des aperçus impressionnistes autant que fragmentaires, l’ensemble des contributions a défini, en démultipliant les angles et les perspectives, l’épaisseur heuristique de ce concept : la nature labile et complexe de l’Anthropocène autant que la diversité des réponses interprétatives, affectives ou pratiques qu’il stimule.
Références
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Romain Grancher (historien, CNRS) n’a malheureusement pas pu participer au colloque. Il proposait une intervention « Labourer les fonds marins : une histoire des arts de pêche traînants (France, XVIIe-XIXe siècle) ». L’intervention se donnait pour objectif d’appuyer l’hypothèse de la nécessité d’appréhender la perception de l’environnement sur le temps long, et devait apporter une contribution substantielle au thème de la sensibilité environnementale des sociétés passées ainsi qu’à la réflexion sur une spécificité du fait maritime. Cette intervention devait aborder la perception que les populations littorales et maritimes, en France et en Angleterre, non moins que les administrateurs, se faisaient des arts traînants, comme facteurs majeurs de perturbation, voire de destruction, des écosystèmes marins, en appelant à la mise au point de dispositifs de régulation dans un souci de prévenir une « dépopulation » progressive de la mer.
Citation de l’article : Artaud H., Chlous F., Mariat-Roy É. Des mers anthropocéniques ? Un colloque au Muséum national d’histoire naturelle. Nat. Sci. Soc. 29, 2, 198-205.
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