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Nat. Sci. Soc.
Volume 25, Numéro 4, October-December 2017
Dossier « Des recherches participatives dans la production des savoirs liés à l’environnement »
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Page(s) | 393 - 402 | |
Section | Vie de la recherche - Research news | |
DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2018009 | |
Publié en ligne | 28 février 2018 |
Dossier : Des recherches participatives dans la production des savoirs liés à l’environnement – Étude comparée des dispositifs participatifs du Muséum national d’histoire naturelle★
A comparison between participatory research projects at the French National Museum of Natural History
1
Anthropologie de l’environnement, MNHN, UMR7204 Cesco,
Paris, France
2
Écologie, MNHN, UMR7204 Cesco,
Paris, France
3
Écologie, Centre Virchow-Villermé,
Paris, France
4
Anthropologie, MNHN, UMR7206 Éco-anthropologie et ethnobiologie,
Paris, France
5
Ethnologie, MNHN, UMR208 Paloc,
Paris, France
* Auteur correspondant : marine.m.legrand@gmail.com
L’ambition du projet « Étude comparée des dispositifs participatifs de production des savoirs naturalistes », soutenu par le programme « Savoirs naturalistes, expertise et politiques de la biodiversité » des Actions thématiques du Muséum a été de mettre en discussion ces différents dispositifs afin de dépasser le cloisonnement des réseaux, des territoires et des concepts analytiques. Il s’agissait d’aller au-delà de la séparation habituellement tracée entre « sciences participatives » et « recherches participatives », respectivement identifiées, de façon archétypale, à la collecte massive de données, d’une part, et à une recherche localement ancrée dans une communauté, d’autre part. Le pari est donc celui de la richesse du croisement des regards grâce à un décentrement et à une approche empirique des dispositifs. Les séminaires organisés et les discussions croisées ont mis en évidence des lignes de démarcation qui ne suivent ni les frontières disciplinaires ni les typologies binaires ou linéaires posées a priori. Issus d’un travail réflexif collectif, ces constats concernent les motivations du recours au participatif, la valeur scientifique des résultats produits, l’optimisation des dispositifs ainsi que les questions de dissymétries de savoir et de pouvoir.
Abstract
The project “Participation for Naturalist Knowledge Production” funded by the “Museum’s Thematic Actions” program, aimed to foster exchanges between scientists engaged in participatory research projects in relation with environmental management. This collective work was prompted by a challenge i.e. producing the conditions for an open discussion between practitioners from different research fields and disciplines, and crossing over the boundaries of specific networks, territories and analytic frameworks. Our aim was in particular to question the current opposition between “crowdsourcing” and “community based” approaches. This work was funded in 2014 and 2015 by a “Thematic Action” of the French National Museum of Natural History and resulted in seminars and the production of a web-documentary. Various regions and scales were concerned. The experiences presented included participatory cartography projects in relation with protected area creation or territorial claims; amateur practices in taxonomy and ecology; implementation of large scale monitoring devices concerning biodiversity and water management. Moreover different analytical practices coexisted, from autonomous reflexive approaches to ethnographies conducted by other researchers. The richness of the debate demonstrated the interest of this collective reflexive work. Finally, this work showed that the different research projects faced similar problems with, however, a strong convergence on different issues: motivations for engaging in a participative approach, data analysis and validation, device optimization, and knowledge and power asymmetries.
Mots clés : recherche / biodiversité / interdisciplinarité / participation / réflexivité
Key words: research / biodiversity / participation / interdisciplinarity / reflexivity
© NSS-Dialogues, EDP Sciences 2018
Le projet « Étude comparée des dispositifs participatifs » : de la dichotomie entre « recherche participative » et « sciences participatives » à une approche englobante de la participation
Dans l’histoire du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), la participation des amateurs trouve une place au long cours, de l’enrichissement des collections – à partir des grandes expéditions depuis le XVIIIe siècle – aux suivis standardisés. Néanmoins, la revendication d’une approche participative est un phénomène contemporain, qui touche les différentes missions du Muséum1. Le tournant participatif apparaît aujourd’hui potentiellement comme un moteur de transformation de la construction des savoirs scientifiques sur la nature, ainsi que des politiques publiques et mérite à ce titre une étude comparée à l’échelle de l’institution.
L’emploi alternatif des termes « recherche participative » et « sciences participatives » renvoie en première approche à deux traditions différentes, deux communautés scientifiques qui se distinguent sur le plan épistémologique, éthique et politique. De façon archétypale, on oppose habituellement des projets ancrés dans les communautés locales, visant à l’émancipation des groupes et individus concernés, via une mise en valeur de leurs savoirs et savoir-faire, à des projets plutôt à grande échelle, visant à rassembler des données en grand nombre sur de larges aires géographiques, motivés par une recherche d’efficacité dans la production de connaissances impossibles à obtenir autrement.
Mais il y a derrière cette apparente opposition une histoire complexe, une grande diversité de pratiques et des logiques d’emploi des termes qui diffèrent d’une aire géographique à l’autre. On trouvera dans ce même dossier des éléments d’approfondissement avec l’introduction qui pose les bases historiques des pratiques participatives concernant l’environnement, et l’article de Patricia Dias da Silva et ses collaboratrices qui présente une revue de littérature concernant le mouvement « citizen science ». Un point saillant, qui peut être ajouté ici, concerne l’essor plus récent des « sciences participatives2 ». Tandis que les écoles relevant peu ou prou de ce que l’on entend aujourd’hui par « recherche participative » (nous regroupons ici notamment : recherche-action, recherche-action participative, approche participative) émergent dans les années 1960 et 1970, c’est seulement dans les années 2000 que les « sciences participatives » prennent leur essor comme pratique spécifique et explicite en termes de publications académiques (Marc Barbier, com. pers.).
C’est à l’occasion d’un appel à projets concernant les travaux communs interlaboratoires au MNHN qu’a émergé un travail collectif pour, à l’échelle de l’institution, interroger cette diversité théorique ainsi que les pratiques qui s’y rattachent. Les « Actions thématiques du Muséum » ont un mode de financement interne au MNHN qui vise à stimuler les collaborations interdisciplinaires entre chercheurs des différents laboratoires travaillant sur des thématiques communes. En 2013, un appel à projets d’une de ces actions thématiques, intitulé « Savoirs naturalistes, expertise et politiques de la biodiversité », est lancé par Élise Demeulenaere et Frédéric Jiguet3. L’objectif général était présenté comme suit : « mieux comprendre la complexité et les dynamiques des interactions entre systèmes de savoirs, construction de l’expertise, et politiques de la biodiversité ». L’appel visait notamment à favoriser un croisement des regards des différentes disciplines pouvant se revendiquer de la participation (écologie, ethnologie, géographie, muséologie, etc.). Cet appel à projets a conduit au rapprochement de deux équipes de chercheurs du Muséum qui élaboraient en parallèle des réflexions semblables autour des pratiques participatives ; leurs analyses concernaient deux communautés ancrées dans des histoires différentes, celle de la « recherche participative », d’une part, et celle des « sciences participatives », d’autre part.
Le premier groupe, ancré dans l’histoire de la « recherche participative », rassemblait des chercheurs du laboratoire Patrimoine locaux et gouvernance (Paloc, UMR IRD-MNHN), qui souhaitaient mettre en regard la richesse et la diversité des expériences menées : des dispositifs participatifs variés sont ainsi mobilisés sur différents continents, qui affichent comme principe et moteur communs la reconnaissance de la légitimité des populations locales et de leurs savoirs et savoir-faire dans les dynamiques de patrimonialisation. L’identification et la gestion des patrimoines naturels et culturels (de la semence à l’aire protégée) en relation avec les populations locales suscitent de nombreuses expériences participatives pour la reconnaissance de droits, la valorisation de savoirs ou la gestion territoriale. Les réflexions concernent la patrimonialisation et la gouvernance ainsi que le partage des avantages issus de la biodiversité, en associant des approches localisées et l’analyse des politiques internationales et nationales. Les dispositifs participatifs sont alors censés favoriser l’identification et l’intégration des savoirs locaux dans les politiques publiques. En parallèle, les dispositifs muséaux participatifs s’appuient, eux, sur les visions que les communautés ont d’elles-mêmes et mettent en avant leurs savoirs et savoir-faire.
Le second groupe de chercheurs partageait un intérêt pour les programmes de « science participative », en particulier les observatoires de biodiversité ordinaire à grande échelle rassemblés au sein de Vigie-Nature4, programme fédérateur à l’échelle du Muséum. Il rassemblait des membres de deux laboratoires : le Centre d’écologie et des sciences de la conservation (Cesco, UMR MNHN-CNRS-UPMC) et l’UMR Éco-anthropologie et ethnobiologie (MNHN-CNRS-Université Paris Diderot). Il était composé de la directrice adjointe de Vigie-Nature, écologue, et de deux doctorantes en anthropologie, rencontrant toutes les deux des projets de sciences participatives sur leurs terrains de recherche. Dans ce second groupe, toutes portaient un intérêt scientifique à l’étude comparative du fonctionnement de ces observatoires sur le terrain, dans leurs déclinaisons locales en tant que collectifs situés de production de connaissances sur l’environnement.
La rencontre entre les deux groupes5 s’opère au moment de la réponse à l’appel à projets « Savoirs naturalistes, expertise et politiques de la biodiversité », suite à la sollicitation du Cesco par le groupe du Laboratoire Paloc, qui souhaitait intégrer les observatoires de biodiversité à grande échelle dans leur démarche comparative. Nous réalisons alors que nos propositions, si elles abordent des objets différents, sont semblables dans leurs objectifs et leurs méthodes. La réunion des objets d’étude mène donc à l’écriture d’une réponse commune. Le projet prend le nom fédérateur d’« Étude comparée des dispositifs participatifs de production des savoirs naturalistes : questions de méthodes et d’objectifs en France et dans le monde ».
L’objectif était d’installer un dialogue entre les porteurs de dispositifs en se détachant des catégories préétablies, faisant l’hypothèse qu’elles pourraient le freiner. Nous avons donc considéré les expériences qui se réclament d’une « approche participative » : soit, la collecte de savoirs locaux visant explicitement la participation du plus grand nombre, par exemple en vue d’une démarche de patrimonialisation ; soit, la création d’observatoires de la biodiversité qui s’appuient sur les réseaux associatifs préexistants ou qui souhaitent impliquer des citoyens. En cela, nous nous rapprochons de la définition très générale développée dans le rapport Les sciences participatives en France (Houllier et Merilhou-Goudard, 2016) qui considère les sciences participatives comme « des formes de production de connaissances scientifiques auxquelles des acteurs non-scientifiques-professionnels – qu’il s’agisse d’individus ou de groupes – participent de façon active et délibérée ». Il est à noter que, suite à la publication de ce rapport, le terme de « recherche » a été ajouté lors de la signature d’une charte « des sciences et recherches participatives » en mars 2017. Cela reflète bien l’importance de prêter attention à l’histoire des termes employés, aux différentes communautés de pratiques auxquelles ils renvoient, et à la pluralité qui se dessine au-delà d’une stricte dichotomie.
L’organisation des séminaires : une approche comparative et réflexive ancrée dans les récits d’expérience
L’étude comparée menée au Muséum s’est donné comme but d’interroger le tournant participatif dans la gestion de la biodiversité et la production des savoirs naturalistes en partant du constat de la multiplicité des formes à l’œuvre afin de dépasser le cloisonnement de réseaux spécifiques, de territoires et de concepts analytiques. Nous avons donc cherché à établir une méthode collégiale pour mieux les décrire, les qualifier, et surtout mieux les situer dans les diverses typologies déjà dressées du terme « participatif ». La démarche s’est structurée autour de journées d’études visant à dresser l’inventaire des dispositifs participatifs existants au Muséum tant en France que dans les pays du Sud. À travers la diversité de ces dispositifs, nous avons pu nous interroger sur leurs attendus, qu’ils soient explicités ou non, leurs logiques de fonctionnement et leurs dynamiques quotidiennes.
Plusieurs principes ont guidé l’organisation des séminaires : nous voulions dépasser la simple description. Nous avons donc proposé aux intervenants une trame pour leur conférence afin de permettre une réflexion sur les questions transversales identifiées. Cette trame a été conçue autour de la présentation de l’expérience (contextualisation géographique, sociale, politique et scientifique) et de questionnements : les motivations des chercheurs pour avoir recours au « participatif », celles des partenaires institutionnels ou associatifs, les retombées attendues et inattendues, les modalités d’optimisation des dispositifs, l’incidence des outils mis en œuvre et la question des relais locaux. Trois journées de séminaires ont été organisées, qui ont permis de présenter dix expériences et d’engager des discussions thématisées entre des chercheurs de disciplines différentes, travaillant en France métropolitaine ou sur d’autres continents et utilisant des dispositifs variés.
Ensuite, il nous a semblé important de proposer des formes de prise de parole favorisant la production d’une réflexion collective. Ainsi, une large place a été accordée aux débats suite à chaque exposé et un « world café » a été organisé autour de cinq thématiques allant au-delà du canevas proposé aux intervenants. Ils ont permis de nombreuses discussions autour de questions transversales aux approches participatives : pourquoi avoir recours au participatif ? Qu’est-ce qui motive les participants ? La collaboration entre scientifiques et non-scientifiques est-elle problématique ? Diriez-vous que la recherche participative permet de réduire les fractures entre la science et la société ? Les dissymétries de savoirs et de pouvoirs sont-elles solubles dans la participation ?
Enfin, la captation vidéo de l’ensemble des échanges nous a paru essentielle pour favoriser le partage des discussions avec la communauté intéressée par la démarche entamée lors des séminaires. Un web-documentaire a été réalisé6. La problématisation, l’analyse des données et la rigueur scientifique sont à la base de ce type de média, qui permet de faciliter les échanges entre des disciplines variées qui n’ont ni la même culture ni le même vocabulaire. À terme, il est possible d’imaginer que cet objet devienne un outil pédagogique.
Panorama des expériences présentées : la participation et ses quotidiens
Ces séminaires ont conduit à prendre la mesure de la diversité des expériences menées à travers les différents types de finalités, de réseaux d’échanges, de dispositifs, de savoirs, de publics participants, mais aussi en termes d’ancienneté et de longévité ainsi que de leur démarche top down ou bottom up.
Un retour sur la cartographie participative
Un premier angle d’approche a concerné la cartographie participative, au travers de deux projets. Le projet « Te haatumu o te taimoana », exposé par F. Chlous, vise à enrichir les connaissances concernant le patrimoine culturel lié à la mer aux Marquises (Polynésie française), dans le cadre du processus d’inscription au patrimoine mondial et de la création d’une aire marine protégée. Le recueil de la parole des Marquisiens met ici en jeu une méthodologie standardisée, impliquant ateliers de cartographie participative et création d’une base de données. Pascale de Robert (géographe, IRD) a relaté son expérience en territoires Kayapo (Amazonie brésilienne) : ici, la cartographie participative a été mise en œuvre à la demande de la communauté comme support de revendications territoriales face au front de déforestation. Ces cartes (portant sur la faune, la flore, la toponymie, l’organisation du territoire…) permettent également la transmission aux générations suivantes des savoirs sur le milieu naturel.
L’actualité des réseaux naturalistes amateurs
Par ailleurs, plusieurs interventions ont pris comme point d’entrée les pratiques des amateurs naturalistes. Emmanuel Charonnet (doctorant en anthropologie, MNHN) et É. Demeulenaere ont détaillé une recherche ethnologique sur les amateurs lépidoptéristes français. S’intéressant à la construction des savoirs naturalistes au cœur des liens sociaux qui structurent les réseaux d’amateurs de papillons, ils mettent en regard deux projets d’étude : un atlas local et un suivi quantitatif national.
Benoît Fontaine (écologue et systématicien, MNHN) s’est penché de son côté sur « la taxonomie des taxonomistes », un jeu de mot pour désigner la classification des pratiques de classement (Fontaine et al., 2012). Il a présenté une étude quantitative sur le rôle que jouent actuellement les amateurs dans la découverte d’espèces nouvelles et la constitution des collections. Il montre ainsi que si le rôle des amateurs est bien connu en écologie et astronomie, il a été largement sous-estimé en taxonomie : à partir d’une étude portant sur les affiliations indiquées sur les publications, il constate avec ses collègues qu’à l’échelle européenne, pas loin de deux tiers des découvertes de nouvelles espèces sont le fait de non-professionnels. Cela appelle de fait à une reconnaissance accrue de ces contributions, d’autant que même sur un continent très bien connu du point de vue scientifique, de très nombreuses découvertes restent à faire, notamment à partir des collections.
Julie Marmet (écologue, MNHN) a évoqué la coordination de l’activité de capture des chiroptères au sein du réseau de naturalistes français, qui comprend aussi bien des professionnels de la recherche académique et de la protection de la nature que des amateurs exerçant d’autres métiers : la mise en place d’une formation, dans le cadre du Plan national d’actions en faveur des chiroptères, pose la question de la mise en commun des savoirs entre le secteur associatif, professionnel et académique. Ainsi, la place du Muséum est interrogée, en lien avec ce qui s’apparente à une démarche de normalisation des pratiques : la coordinatrice insiste sur son rôle d’animation et de médiation qui consiste à éviter les effets centralisateurs et ascendants liés à la position institutionnelle du Muséum. Si celui-ci est alors dépositaire d’une responsabilité vis-à-vis du ministère de l’Écologie comme organe expert concernant la biodiversité, il n’a pas de légitimité historique spécifique concernant les chiroptères : les efforts de la coordinatrice vont donc vers la mise en place de procédures qui s’appuient à chaque étape sur l’exigence d’un consensus à l’échelle du réseau.
L’essor de la participation à grande échelle
Les programmes de suivis environnementaux à grande échelle forment un troisième angle d’approche marqué. L’intervention de Stéphanie Duvail (géographe, IRD) a ainsi porté sur les réseaux d’observation et d’analyse collective de l’état des fleuves au Kenya, impliquant chercheurs, partenaires locaux, habitants : ces derniers forment des réseaux d’informateurs distribués qui permettent d’alimenter des bases de données à grande échelle.
Romain Julliard (écologue, MNHN), directeur scientifique de Vigie-Nature, est revenu sur l’histoire et les ambitions de cet observatoire de la biodiversité ordinaire en France, au fil de la diversification des objets suivis et de l’émergence de nouveaux partenariats. S’appuyant au départ sur les relations anciennes entre le Muséum et les réseaux ornithologues amateurs, Vigie-Nature7 a construit un modèle de participation orienté vers la production de larges bases de données sur la biodiversité ordinaire et propose aujourd’hui plusieurs observatoires (oiseaux, papillons, chauves-souris, insectes pollinisateurs…). Ainsi, F. Jiguet (écologue, MNHN), directeur du Centre de recherche sur la biologie des populations d’oiseaux (CRBPO) du MNHN, a présenté l’histoire des suivis ornithologiques initiés par le MNHN dès les années 1990, et la diversification actuelle des participants : historiquement, le premier observatoire est le Suivi temporel des oiseaux communs, un programme de suivi printanier, qui implique les ornithologues confirmés capables de reconnaître au chant l’ensemble des oiseaux nicheurs de leur région. Sont venus ensuite le Suivi hivernal des oiseaux des champs et l’Observatoire des oiseaux des jardins. Ce dernier s’adresse à un public plus large et accueille aussi les novices.
Nicolas Deguines (écologue, MNHN) a évoqué les objectifs, le fonctionnement et les résultats du Suivi photographique des insectes pollinisateurs (SPIPOLL), l’un des observatoires de Vigie-Nature qui s’attache à comprendre la structure des réseaux de pollinisation. Ce dispositif a plusieurs particularités : il ne s’agit ni d’inventaire ni de suivi des dynamiques écologiques dans le temps mais d’une recherche concernant les réseaux d’interactions entre plantes et organismes pollinisateurs (en particulier les insectes). Ce virage par rapport aux inventaires et suivis va avec la production d’un protocole ad hoc, qui passe par la constitution de collections de photographies rassemblées par les participants8. Ils interagissent en ligne en commentant leurs photos et identifications respectives. Le protocole et l’outil internet associé ont ici un effet d’entraînement qui engendre des phénomènes d’apprentissage collectif et de socialisation, donnant lieu à la constitution de groupes « SPIPOLL » in real life – pour reprendre le vocabulaire des jeux vidéo multijoueurs – qui partagent également d’autres centres d’intérêt : l’intensité des relations sociales découlant de la création de ces groupes apparaît comme un phénomène relativement unique en son genre dans le monde des sciences participatives sur la biodiversité.
Émergences : ce que les participants font des dispositifs en situation
Pour finir, deux présentations peuvent être lues sous l’angle de l’émergence, à partir de la confrontation d’un cadre préétabli avec une situation particulière, poussant le dispositif à s’y adapter en empruntant des itinéraires contrastés.
A. Dozières (écologue et directrice adjointe de Vigie-Nature, MNHN) et J. Scapino (doctorante en anthropologie, MNHN) ont relaté la mise en place de suivis participatifs de la biodiversité dans un contexte particulier, celui des pratiques d’apprentis-jardiniers en insertion chargés de la gestion de la petite ceinture ferroviaire parisienne. À travers le croisement de leurs regards, l’écologue et l’anthropologue nous ont parlé des différentes implications d’un tel projet. Ainsi, la rencontre d’un groupe a priori très éloigné de la culture savante, voire du monde scolaire et de l’écriture, donne lieu à une démarche d’animation qui prend des chemins de traverse au-delà de l’horizon initial qui était d’impliquer les apprentis-jardiniers dans la mise en œuvre d’un « protocole scientifique de collecte de données » : ici, l’inventaire devient prétexte à confronter les manières diverses d’entrer en relation avec la nature où chacun vient avec ce qu’il est – ses connaissances, son imaginaire et son parcours parfois chaotique –, ce qui donne lieu à un espace de créativité partagée, à mesure que le cadre fixé a priori par le protocole est laissé de côté pour construire à partir de la situation.
Citons enfin la participation de bénévoles au processus de documentation accompagnant la numérisation des collections de l’herbier national de Paris, qui va avec un tout autre type d’émergence. Marc Pignal (botaniste, MNHN) et Lisa Chupin (doctorante en sciences de la communication, CNAM) ont présenté les « Herbonautes », qui sont des internautes participant à la création d’une base de données scientifique à partir des millions de photos de plantes issues de la numérisation des planches de l’herbier. Ces explorateurs de planches d’herbier se spécialisent et investissent des compétences différentes dans la recherche d’informations : botanique, étymologie, géographie, etc. On assiste ainsi à des phénomènes de spécialisation, certains participants se focalisent sur la géolocalisation des lieux de collecte, en se formant sur les changements de noms des lieux au cours de l’histoire, tandis que d’autres approfondissent leurs connaissances de la synonymie botanique – une même espèce porte en effet bien souvent plusieurs noms latins différents. Le dispositif incite ces démarches spécialisées en proposant des missions ciblées. Celles-ci sont associées à des récompenses sous forme de médailles virtuelles qui offrent une reconnaissance aux participants au sein du réseau.
Pistes d’analyse croisées : participation et pluralité épistémique
Le projet « Étude comparée des dispositifs participatifs » a eu pour résultats de produire une cartographie des pratiques participatives au Muséum, d’initier un dialogue entre chercheurs et d’identifier les questions et les pistes d’analyses communes. Il a montré l’intérêt heuristique de dépasser l’opposition entre des approches participatives qui privilégieraient des objectifs éthiques et politiques et celles plus utilitaristes qui chercheraient, soit à capter les connaissances de vastes réseaux d’informateurs périphériques pour les injecter dans les « centres de calcul » que sont les institutions scientifiques et les transformer en des données scientifiques, soit à utiliser les dispositifs participatifs comme instruments de gestion de controverses scientifiques, pour produire du consensus.
L’intérêt d’un abord empirique pour enclencher la réflexivité collective
Les présentations et discussions révèlent en pratique une certaine proximité entre expériences ayant des objectifs différents : elles ont certains outils et procédures en commun (bases de données, standardisation de la collecte d’information) et elles sont confrontées à des problèmes analogues, par exemple la formation des participants aux outils proposés ou encore la mise en œuvre de partenariats. Nous nous sommes détachés de la classification en catégories englobantes qui ne rendent pas nécessairement compte de la réalité concrète et quotidienne du travail et des collaborations. Ainsi, les dispositifs étudiés dans notre projet relevaient selon Haklay (2015) de quatre niveaux : crowdsourcing, intelligence distribuée, sciences participatives et collaboration complète. Nous avons donc choisi de ne pas étiqueter ces différents dispositifs et de nous appuyer sur une approche empirique. Nous souhaitions réunir les protagonistes des dispositifs pour qu’ils exposent leurs expériences, les objectifs, ainsi que les résultats. Nous nous intéressions particulièrement aux méthodologies concrètement mises en œuvre lors du recueil ou de l’analyse des données, et à la réflexivité des chercheurs sur leur propre pratique, en considérant que la posture réflexive n’est pas seulement le fait des théoriciens. Il s’agissait ainsi de dépasser une représentation des sciences participatives dans la production des savoirs naturalistes au MNHN, assignant aux sciences de la nature la conception et la mise en œuvre des dispositifs et attribuant aux sciences humaines et sociales une analyse réflexive. Au contraire, ces praxis plurielles favorisent l’analyse des dispositifs participatifs et mettent en avant que la réflexivité ne doit pas se comprendre comme la volonté de mobiliser davantage d’experts, mais plutôt comme la nécessité de multiplier les forums hybrides (Callon et al., 2001 ; Latour, 1999) constitués ici par divers praticiens des formes participatives. Le projet permet de réaliser ce travail collectivement (Bourdieu, 2003) et il contribue à construire des interrogations croisées sur les paradigmes qui vont de soi dans une discipline donnée, sur le vocabulaire employé et les définitions des concepts.
Des motivations diverses et imbriquées
Les raisons du recours au participatif sont plurielles d’autant que le plus souvent, ces projets ne peuvent exister sans la construction de partenariats avec des acteurs institutionnels, des collectivités, des associations et que les objectifs des uns et des autres se superposent ou se rejoignent.
Les raisons peuvent être pragmatiques ou utilitaristes, et concerner d’abord les résultats escomptés des dispositifs en termes de connaissances produites. L’objectif est ici de démultiplier l’effort de production et de réunir de multiples connaissances, qu’elles soient disciplinaires ou issues de savoirs locaux ou professionnels. Le recours au participatif répond aussi ici à des contraintes géographiques, temporelles et économiques.
Du côté des effets des dispositifs sur les participants via leur implication, plusieurs motivations coexistent. Les raisons mentionnées se rapportent d’un côté au souhait des partenaires de répondre à la demande d’une communauté, de favoriser l’empowerment, de contribuer à la transmission des savoirs aux générations suivantes et de faciliter le partage des connaissances. D’un autre côté et de façon connexe, une autre motivation est la volonté de sensibiliser et former les participants – qui sont dans ce cas plutôt des néophytes – aux savoirs et pratiques naturalistes et d’accroître le lien ou la connexion à l’environnement. Dans le prolongement de ces deux itinéraires (empowerment vs sensibilisation/formation) se dessinent des objectifs politiques, étant donné l’importance de disposer de données dans la construction des politiques publiques, mais également d’intégrer les populations à la gestion de l’environnement (ce qui peut se comprendre de plusieurs manières, entre adhésion et pouvoir d’agir).
Par ailleurs, une série de motivations renvoient au contexte institutionnel actuel et aux orientations politiques afférentes concernant la pratique scientifique, avec des motivations qui entrent en tension : ainsi les injonctions à la participation sont mentionnées selon deux horizons inverses. Les chercheurs citent la néolibéralisation des politiques de développement (désengagement de l’État qui s’appuie sur les communautés locales), ou le participatif comme « pan social du développement durable », ou encore l’instrumentalisation des dispositifs participatifs par des groupes sociaux qui n’ont pas toujours de légitimité démocratique en vue de modifier les rapports de force. À l’opposé, d’autres évoquent la construction d’une démocratie technique qui est un contre-pouvoir à une classe politique. Enfin, une dernière raison est l’intérêt porté aux « nouvelles » démarches scientifiques, qu’il s’agisse d’approches interdisciplinaires et intersectorielles ou d’analyse prospective.
Des grilles de lecture pour qualifier les projets en fonction des objectifs poursuivis
Les séminaires ont mis en discussion des sujets renvoyant à différents objectifs associés à la participation, le plus souvent entrecroisés à des degrés divers au sein d’un même projet. Sont détaillées ici les discussions concernant (i) la robustesse des données et la valeur scientifique des résultats produits ; (ii) l’optimisation des dispositifs en vue de leur pérennisation ; (iii) la réduction des asymétries de savoir et pouvoir entre acteurs impliqués.
Le premier sujet mis en discussion concerne les résultats de ces dispositifs et leur validation. De ce point de vue, différentes questions ont été soulevées : ces résultats sont-ils robustes ? Quels sont les biais et les limites ? Nous avons distingué entre plusieurs procédures de validation, en plus du cas où cette tâche est assurée par les chercheurs :
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les participants les plus experts, reconnus par leurs pairs, souvent en position d’animateur local, ont de façon privilégiée, un regard sur les données qu’ils valident : ce sont les pratiques historiques des réseaux naturalistes ;
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la validation est distribuée au sein d’un réseau en ligne, elle passe par un accès de chaque participant à l’ensemble des données collectées, ils peuvent alors émettre des doutes ou confirmer la valeur des données collectée (ex. des identifications d’insectes sur photo pour le SPIPOLL) ;
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la validation se fait également de manière automatique par redondance quand plusieurs participants sont amenés à effectuer la même tâche (cas des lectures d’étiquette dans les Herbonautes) ; on retrouve ici une analogie avec la réplication des tests en contexte expérimental ;
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les procédures de validation sont parfois inhérentes à la méthodologie de collecte, par exemple lorsque les participants s’expriment sous le regard d’un groupe (ex. des démarches de cartographie participative) ;
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enfin, des systèmes de validation statistique, basés sur des contrôles de cohérence des données, permettent d’identifier des données « aberrantes ».
Les discussions ont montré que ces différentes procédures de validation peuvent coexister et qu’elles évoluent. La formation des participants, et notamment la construction d’un langage commun, devient alors une étape importante. Les réflexions concernant la validation des données renvoient donc à des enjeux de pouvoir : cette exigence réintroduit en effet, dans certains cas, la distinction entre sachant et non-sachant.
En second lieu, les résultats ont aussi porté sur les modalités d’optimisation en vue de la pérennisation des démarches participatives. Les dispositifs doivent être ludiques et/ou conviviaux pour intéresser les participants ; ces derniers souhaitent par ailleurs être reconnus comme producteurs de données uniques. Les discutants se sont accordés sur le fait qu’il est nécessaire de favoriser la constitution des communautés, de créer des liens entre elles et de dynamiser les réseaux présents. La restitution des résultats aux participants est un aspect important, pour montrer à la fois l’utilité (scientifique et politique) des données mais également l’innovation en termes d’accès aux données (mise à disposition de bases de données, analyses collaboratives, musée virtuel…).
La collecte de données à grande échelle génère ici un effet « macroscope » qui peut parfois être un frein à la constitution ou à la reconnaissance de communautés suffisamment denses et structurées pour y permettre le déploiement et le maintien de véritables liens sociaux au sein du réseau sur lequel repose le dispositif. Cette condition est reconnue en majorité comme un levier de pérennisation : il est alors essentiel d’inscrire les restitutions dans les espaces géographiques et sociaux clairement situés, via la production de résultats interprétables aux échelles locales. Cet objectif s’avère cependant parfois difficile à réaliser dans le cadre de projets construits de façon à répondre à des questions globales. Par ailleurs, la diffusion des résultats elle-même n’est pas forcément aisée – notamment lorsqu’il s’agit de savoirs locaux, ou d’espèces rares –, les partenaires s’interrogent alors sur les données à transmettre, les publics concernés et les finalités des dispositifs, qui se trouvent réanalysées à l’étape de restitution. En outre, l’optimisation des dispositifs relève de l’implication des participants dans l’ensemble du processus, qui peut parfois conduire à leur autonomisation. Cette dernière nécessite avec les partenaires un travail – plus ou moins complexe à mettre en œuvre – de coconstruction du questionnement, de la méthodologie de l’analyse et de la diffusion des résultats. Enfin, les motivations des participants évoluent avec le temps et les discussions ont montré que les dispositifs (quels qu’ils soient) se transforment en réponse à l’évolution de ces motivations.
Pour finir, les questions de légitimité et de dissymétries des savoirs et pouvoirs n’ont pas été notre porte d’entrée principale mais une question abordée de façon parallèle aux précédentes. Les dissymétries entre chercheurs et participants sont identifiées explicitement au sein des projets. D’autres existent également dans les populations concernées, elles sont alors prises en compte dans la conception des dispositifs. Ces dissymétries se révèlent particulièrement visibles à plusieurs étapes : au moment de l’élaboration des problématiques et méthodologies, puis lors de l’analyse des données, enfin lors de la validation et de la restitution des résultats : autant de stades où l’implication d’acteurs extérieurs au monde académique est la plus difficile à mettre en place − la plus facile étant, évidemment, la production de données. Cela invite à adopter une grille de lecture qui distingue les niveaux de participation en termes d’étapes au cours desquelles interviennent ou non les différents protagonistes : du niveau le plus faible où les participants, isolés, sont cantonnés à la production de données, à des partenariats étroits tout au long du processus. Le dernier stade, celui de la restitution, pose clairement la question de l’accessibilité des données à l’ensemble des acteurs impliqués. Ainsi, les dispositifs participatifs peuvent ici être considérés sous l’angle de la fabrication de « communs » (Ostrom, 2010). Cela ouvre sur une grille de lecture connexe à la précédente, concernant le périmètre plus ou moins large de ceux qui peuvent bénéficier des résultats produits (les ayants droit), de ceux qui fixent des conditions d’exclusion et de ceux qui ont la possibilité de changer les règles de fonctionnement du dispositif. Ces questions sont cruciales car même si la volonté de réduire les dissymétries au sein du dispositif existe, il n’en demeure pas moins que le chemin favorisant les contre-expertises citoyennes est encore long. Par ailleurs, lorsque dans les faits, la participation s’apparente à une mainmise de certains acteurs sur les connaissances – qu’il s’agisse d’une institution scientifique ou d’une autre entité –, cela peut mettre en péril le dispositif lui-même, les participants ne souhaitant pas coopérer au sein d’un tel projet considéré comme fermé.
Conclusion
De façon transversale à l’ensemble des constats énoncés ci-dessus, les discussions ont montré que les différences d’opinion entre porteurs de dispositifs dépassent les disciplines, les objets et les types de pratiques. Les participants ont convergé autour de la fertilité de cette méthode de travail comparatif partant du principe que les dispositifs ne sont jamais figés. Ainsi, les reconfigurations éventuelles des dissymétries entre les partenaires sont importantes à analyser et de ce point de vue, la démarche d’étude comparée a aussi permis d’interroger, à la marge, le caractère subversif de la participation, c’est-à-dire sa capacité à produire de nouveaux cadres pour l’activité scientifique en déplaçant les critères de validité et de pertinence sociale des connaissances produites.
Ne pas cloisonner, mais au contraire ouvrir les frontières et favoriser les discussions portant sur la production dite « participative » des savoirs naturalistes, est une démarche extrêmement féconde. En nous appuyant sur les différentes cités de Thévenot et Boltanski (1991), nous arrivons au constat que les processus participatifs se distribuent – quelle que soit leur étiquette – entre la recherche d’efficacité (en termes de production de données), qui renvoie à la cité « industrielle », et la volonté de former des relations entre acteurs, qui renvoie à la cité « connexioniste par projet ». S’il semblait possible de distribuer a priori les projets dans l’un ou l’autre monde, la réalité est tout autre, les deux mondes coexistent et se superposent ; d’où l’intérêt d’envisager les analyses des dispositifs de manière fluide et contextuelle. Enfin, les processus participatifs sont chargés des attentes les plus positives (production de données de qualité, renouvellement des relations sciences-sociétés, ouverture à d’autres types de savoirs, sensibilisation aux connaissances naturalistes, empowerment des populations…) comme des critiques les plus dures face à différentes formes d’instrumentalisation de la participation (une mode, un prétexte à l’obtention de crédits, une réponse à l’exigence de productivité scientifique, à la néolibéralisation des politiques de conservation menant à un désengagement des États). Les débats ont été vifs, mais outre le partage d’expériences et de connaissances, la volonté a été également de débusquer les faux accords.
En termes de perspectives, les liens construits lors de ces échanges ont contribué à la formation d’un groupe de travail interdisciplinaire en accompagnement du projet « 65 millions d’observateurs9 ». Ce projet, porté par le MNHN, a été lancé au début de l’année 2015 pour une durée de quatre ans et demi, en vue de restructurer le champ des sciences participatives, en particulier en s’interrogeant sur le rôle des observateurs. Le groupe de travail aura pour mission d’apporter un regard analytique sur les évolutions des dispositifs participatifs, dans une volonté de nourrir et d’approfondir le travail réflexif mené par les acteurs engagés dans le développement des programmes. Par ailleurs, les réflexions issues de ce séminaire ont été partagées au sein de réseaux dépassant l’institution Muséum10. Le séminaire a enfin participé à fédérer un réseau interdisciplinaire renforçant les capacités des chercheurs concernés à concevoir des projets de recherche à propos de la question participative11.
À l’heure où les sciences et recherches participatives vivent une phase d’institutionnalisation rapide à l’échelle nationale, cette initiative a également contribué à conforter la posture du MNHN dans le paysage académique français, nourrie d’une dialectique renouvelée entre professionnels et amateurs, chercheurs et citoyens.
Remerciements
Les auteures tiennent à remercier les personnes ayant présenté leurs travaux ainsi que l’ensemble des participants des séminaires « Étude comparée des dispositifs participatifs de production des savoirs naturalistes : questions de méthodes et d’objectifs en France et dans le monde ». Les réflexions présentées dans cet article proviennent des échanges avec l’ensemble des personnes suivantes (et d’autres qui ont participé sans se présenter) : Aubertin Catherine, Babou Igor, Belaïdi Nadia, Bertheau Yves, Boulain Nicolas, Brevet Lætitia, Casile Anne, Charonnet Emmanuel, Chupin Lisa, Clavel Joanne, Conversy Pauline, Cormier-Salem Marie-Christine, de Robert Pascale, Deguines Nicolas, Delacôte Annelise, Delaunay Mathilde, Desutter Laure, Demeulenaere Élise, Devers Florence, Duvail Stéphanie, Fontaine Benoît, Fontaine Colin, Fortier Agnès, Fournier Anne, Froger Aurélie, Galangau Fabienne, Garnier Lisa, Girault Yves, Gonzalez Diane, Gourmand Anne-Laure, Guillaud Dominique, Jiguet Frédéric, Juhe-Beaulaton Dominique, Julliard Romain, Leblan Vincent, Leraut Patrice, Lois Grégoire, Marilly-Tomasik Laura, Marmet Julie, Pamerlon Sophie, Pénicaud Pierre, Pignal Marc, Plattner Gilles, Preud’Homme Rose-Line, Revelin Florence, Robert Solène, Rougerie Rodolphe, Salpeteur Matthieu, Thomas Frédéric, Torres Ana Cristina.
Références
- Bourdieu P., 2003. L’objectivation participante, Actes de la recherche en sciences sociales, 150, 43-57. [CrossRef] [Google Scholar]
- Callon M., Lascoumes P., Barthes Y., 2001. Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Le Seuil. [Google Scholar]
- Fontaine B., van Achterberg K., Alonso-Zarazaga M.A., Araujo R., Asche M., Aspöck H., et al., 2012. New species in the Old World: Europe as a frontier in biodiversity exploration, a test bed for 21st century taxonomy, PLoS One, 7, 5, e36881, https://doi.org/10.1371/journal.pone.0036881. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Haklay M., 2015. Citizen science and policy: a european perspective, Washington, The Woodrow Wilson International Center for Scholars, https://www.wilsoncenter.org/sites/default/files/Citizen_Science_Policy_European_Perspective_Haklay.pdf. [Google Scholar]
- Houllier F., Merilhou-Goudard J.-B., 2016. Les sciences participatives en France. État des lieux, bonnes pratiques et recommandations. Rapport élaboré à la demande des ministres en charge de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, doi : 10.15454/1.4606201248693647E12, www.sciences-participatives.com/rapport. [Google Scholar]
- Latour B., 1999. Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie ? Paris, La Découverte. [Google Scholar]
- Ostrom E., 2010. La gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Louvain-la-Neuve, de Boeck. [Google Scholar]
- Thévenot L., Boltanski L., 1991. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard. [Google Scholar]
Le terme renvoie alors au terme anglais « citizen science » utilisé en général pour désigner les approches de collecte de données à grande échelle pilotées par des laboratoires de recherche. Au Québec, le terme de « sciences citoyennes » est également employé pour désigner ce type de projet mais en France, cette dernière expression renvoie plutôt à la question du pilotage citoyen de la recherche et à une certaine autonomie de la production de connaissances savantes vis-à-vis des institutions académiques.
Une fois le financement accordé, la conception du projet et l’animation des séminaires ont réuni une équipe de cinq personnes aux statuts différents : deux chercheurs titulaires (Frédérique Chlous, Frédéric Thomas), deux doctorantes (Marine Legrand, Julie Scapino) et une post-doctorante (Anne Dozières). Cette équipe a été accompagnée par une vidéaste qui a assuré la captation et le montage des séminaires (Hélène Dupont).
Le web-documentaire issu du projet « Étude comparée des dispositifs participatifs de production des savoirs naturalistes » est accessible à l’adresse suivante : https://sites.google.com/site/dispositifsparticipatifsmuseum/.
Les « données » produites consistent ici en une collection de photographies établie par une séance d’observation de 20 minutes au moins d’une même plante : cette série de photos, prise en un lieu et un temps donnés, est associée à la liste des « morpho-espèces » de pollinisateurs concernés et à une espèce botanique, identifiés grâce à une clé en ligne.
Trois ans après la fin de l’expérience, il nous faut préciser que certaines ambitions n’ont pu entièrement se réaliser : cela concerne d’une part, une plateforme d’échange d’expériences et de ressources bibliographiques que nous espérions enclencher à l’échelle du MNHN et, d’autre part, le groupe de travail autour de 65 millions d’observateurs, qui n’a pas perduré en tant que tel. Cela tient à un manque de disponibilité de la part des chercheurs impliqués pour animer ces initiatives sur la durée. De leur côté, les étudiantes et contractuelles largement engagées dans l’animation de l’étude comparée se sont par la suite concentrées sur leurs missions d’animation principale (pour la directrice adjointe de Vigie-Nature) ou ont quitté l’établissement pour poursuivre leur propre parcours (pour les doctorantes devenues docteures).
Citation de l’article : Legrand M., Dozières A., Dupont H., Scapino J., Chlous F., 2017. Étude comparée des dispositifs participatifs du Muséum national d’histoire naturelle. Nat. Sci. Soc. 25, 4, 393-402.
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