Open Access
Issue
Nat. Sci. Soc.
Volume 31, Number 1, Janvier/Mars 2023
Page(s) 110 - 119
Section Regards − Focus
DOI https://doi.org/10.1051/nss/2023015
Published online 07 June 2023

© R. Barré et M. Jollivet, Hosted by EDP Sciences, 2023

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.

De la révolution industrielle à nos jours, l’évolution de nos sociétés a été massivement portée par les avancées des connaissances scientifiques et la dynamique des innovations qui leur sont associées. Mais, depuis les années 1970, un courant de recherche qui ne cesse de revendiquer sa place prend à contre-pied cette problématique « industrialiste » de la recherche, en vue de lui en opposer une autre qui procède de la question environnementale et de l’idée de ce qu’on appelle aujourd’hui la nécessaire « transition écologique et solidaire ».

La question se pose alors de la conception et de la mise en œuvre d’un système de recherche susceptible de faire coexister en son sein deux paradigmes contradictoires commandant l’organisation générale du travail scientifique.

Au cours de ces dernières décennies, dans le contexte français (à l’image de ce qui se passe au niveau international), deux initiatives successives illustrent la quête d’une réponse à cette question : la recherche interdisciplinaire (RID) et la recherche participative (RP).

Dès les années 1970, la première met en cause la division de plus en plus spécialisée du travail scientifique. Elle y voit un processus qui a comme conséquence d’assujettir l’approche des objets et des questions de recherche aux points de vue disciplinaires. Suscitée par la prise de conscience croissante des problèmes environnementaux, elle propose de prendre au contraire acte de leur complexité (d’autant plus que celle-ci est à la fois d’ordre naturel et d’ordre social) et donc de fonder la démarche de recherche sur la coopération entre les disciplines que la compréhension de cette complexité requiert. Cela est d’autant plus indispensable que la recherche doit clairement viser à éclairer l’action.

La seconde fait l’objet d’initiatives dès les années 2000. Elle élargit la critique de la démarche scientifique en usage en lui attribuant sa part de responsabilité dans les problèmes environnementaux, non plus sur une base que l’on pourrait qualifier de « technique » (la division du travail scientifique sur une base disciplinaire), mais en raison de l’emprise que les connaissances qu’elle produit ont sur la société. La « participation citoyenne » est mise en avant comme moyen de limiter cette emprise en remettant en cause, sous deux angles, le monopole de la production de connaissances qui est attribué au système de recherche en place : celui – qui vient d’être évoqué – d’assujettir les orientations de la recherche aux dynamiques des disciplines et, plus encore, celui de valider la notion même de connaissance en la référant aux seuls critères qu’il reconnaît comme « scientifiques ». Elle lui oppose la nécessité de prendre en considération les besoins de recherche qui émanent de la société et la pluralité des savoirs sur la base desquels fonctionnent les sociétés humaines.

La radicalité de ces deux remises en cause ne pouvait que créer des obstacles de tous ordres à l’implantation tant de la recherche interdisciplinaire que de la recherche participative dans le paysage scientifique français. L’objectif de ce texte est de proposer une lecture de la façon dont cette cohabitation a tenté et tente de s’établir en France et des héritages qui en résultent. Bien comprendre la situation actuelle est indispensable dès lors que l’on admet que l’enjeu est plus que jamais de créer des formes de recherche qui se présentent comme des réponses nouvelles à des besoins de connaissances de sociétés ébranlées dans leurs fondements. Il s’agit pour la communauté scientifique française de tirer les enseignements de son passé pour les dépasser et donner à chaque démarche de recherche toute la place qui doit être la sienne dans une politique de recherche susceptible de mobiliser au mieux les énergies sociales nécessaires pour inventer et prendre en main les évolutions indispensables.

Pour ce faire, nous aurons recours à la notion de « régime de recherche » (Pestre, 2006). Nous l’introduisons parce qu’elle oblige à identifier et à mettre en rapport les unes avec les autres trois dimensions qui nous paraissent constitutives d’un système de recherche : 1) un paradigme (qui explicite le projet de production de connaissances auquel il répond) ; 2) une axiomatique (qui fixe les principes collectivement reconnus du travail de recherche et les règles de leur mise en œuvre) ; 3) une logistique (qui constitue les bases matérielles de son existence). Dans la confrontation entre recherche académique, recherche interdisciplinaire et recherche participative, c’est bien de tout cela à la fois qu’il s’agit. Nous qualifierons d’« industrialiste » le régime de recherche associé aux sociétés dites « industrielles » (Aron, 1962). Nous emprunterons aux économistes de la régulation le terme « fordisme » pour désigner son paradigme. Nous nous référerons à l’expression « transition écologique et solidaire » pour désigner le régime alternatif et nous placerons son paradigme sous le signe de la « durabilité ».

Nous exposerons d’abord les caractéristiques que nous retenons du paradigme fordiste tel que nous l’entendons, ainsi que ses limites. Puis nous présenterons les deux expérimentations de dépassement dont ce régime a fait – et fait encore – l’objet dans le système de recherche français depuis les années 1970. Ayant mis en évidence les écueils auxquels l’expérience interdisciplinaire s’est heurtée, nous terminerons en proposant les axes de la politique de la recherche qui, selon nous, s’imposent pour faire en sorte que, non seulement la recherche participative les évite, mais que la raison d’être commune à la RID et à la RP soit reconnue et justifie de les sortir ensemble des marges du système de recherche où elles sont cantonnées, pour qu’elles puissent fournir leurs apports propres dans le cadre du nouveau régime de recherche en cours de constitution.

Un modèle pour le capitalisme du XXe siècle : le « fordisme » et son régime de recherche

Les économistes de la régulation recourent à cette appellation1 (Coriat, 1994) parce que les usines Ford incarnent, dès le début du XXe siècle, les deux principes qui vont désormais constituer les bases du système de production industrielle : le travail à la chaîne et la production de masse en vue de la consommation de masse. Nous reprenons cette appellation à notre compte, 1) parce que, dans son acception la plus large, elle exprime le lien intrinsèque que le capitalisme noue entre un système de production et un projet de société ; 2) parce que c’est précisément ce lien qui va engendrer la crise environnementale et oblige à considérer ensemble réforme du système productif et réforme sociétale.

Un régime de recherche industrialiste fordiste2

Dans la société industrielle, la recherche occupe une place centrale et sans cesse croissante. Le rôle qu’elle joue se traduit par une triple fracture dans le champ général de la production de connaissances : a) une fracture entre les connaissances scientifiques et techniques, d’un côté, les savoirs et savoir-faire des collectifs de toutes natures qui existent dans les sociétés, de l’autre ; b) une fracture entre la recherche dite « fondamentale » et la recherche dite « appliquée » (pour l’essentiel industrielle) ; et c) une fracture entre « sciences » à proprement parler (c’est-à-dire reconnues comme telles, en fonction de leur conformité à la norme expérimentale) et « humanités », sciences sociales et sciences morales et politiques incluses.

Cette structuration en grands domaines gouverne l’organisation générale du système de recherche : elle consacre une épistémologie (celle de la recherche expérimentale) ; elle modèle tant les méthodes de travail (notamment la division du travail disciplinaire) que les contenus (notamment les problématiques) ; enfin, last but not least, elle s’incarne concrètement dans un ensemble d’organismes et institutions de recherche qui la consacrent comme la forme en soi de l’activité de recherche. C’est à ce titre que nous proposons de parler d’un « régime » de recherche. Et, en l’occurrence, d’un régime « fordiste » de la recherche. C’est l’impulsion massive donnée à cette conception de la recherche dans les années 1950-1960 qui est à la base des – tant célébrées ! – « Trente Glorieuses ».

Les limites de ce régime

Les années 1970 sont des années de rupture dans l’adhésion générale au modèle de développement dont les Trente Glorieuses sont l’apogée. Voilà que, soudain, à travers la montée en puissance de la question de l’environnement, le même appareil de recherche se trouve confronté à la nécessité de s’interroger sur lui-même à la lumière des conséquences négatives des applications des connaissances qu’il a produites. Il est important de souligner que ce ne sont pas les connaissances acquises et les méthodes utilisées pour les établir qui sont, en tant que telles, contestées. Certaines vont même, au contraire, être à l’origine de la prise de conscience des problèmes émergents (notamment en ce qui concerne le changement climatique). Ce qui est en cause, c’est le fait, qu’alors qu’elles ne sont que des réponses à des questions de recherche renvoyant au paradigme fordiste et qu’elles sont le produit de l’artifice qu’est la division du travail scientifique, elles sont érigées en représentations d’un réel en soi éclairé par La méthode scientifique.

En quête d’un nouveau paradigme pour la recherche : les deux expérimentations

Il ne s’agit rien de moins que d’inventer non seulement un autre paradigme de recherche, mais aussi un paradigme qui prenne le contre-pied du paradigme fordiste ! Il convient de souligner que les deux façons de relever ce défi n’ont pas la même origine. La première (la RID) prend corps dans les milieux de la recherche et est affaire – professionnelle, pourrait-on dire – de chercheurs. La seconde (la RP) sourd d’un malaise de la société et marque l’entrée en scène d’une notion – et d’un acteur – jusque-là absent des considérations ayant trait à la recherche : la « société civile » (terme emprunté à la philosophie politique). Le fait nouveau est la revendication de la part de celle-ci d’un droit de participer à part entière à la production des connaissances. Pour le coup, ce sont le monopole historiquement accordé à la recherche académique en matière de production des connaissances et la façon dont le régime de recherche industrialiste le pense et l’organise qui sont remis en cause. La RID et la RP qui retiennent notre attention s’inscrivent dans le cadre du paradigme de la « durabilité », mais chacune d’elles fait appel à une axiomatique propre : l’organisation du débat entre disciplines pour la première, cette même organisation du débat entre chercheurs, mais élargie à celle entre acteurs de la recherche et acteurs sociaux pour la seconde.

La recherche interdisciplinaire (RID) : d’une tentative prometteuse à l’échec

Dès les années 1970, une multiplicité d’initiatives met l’interdisciplinarité à l’ordre du jour. Ce n’est pas l’endroit ici d’en faire état dans le détail. Citons simplement les lieux essentiels d’où procède la multiplicité des initiatives prises : tout d’abord, la Délégation générale à la recherche scientifique et technique (DGRST3) (Jollivet, 1992), mais aussi certains des organismes de la recherche publique, qui inventent des modalités nouvelles d’organisation et de financement des recherches, la branche française du programme de l’Unesco « Man and the Biosphere » et enfin, le ministère en charge de l’environnement lui-même (Jollivet et al., 2017). Un examen des textes de présentation et des appels à projets de ces initiatives montrerait que le recours à l’interdisciplinarité répond à quatre nécessités liées à l’émergence de la question environnementale.

La première est que cette question ouvre des perspectives de recherche nouvelles, voire allant dans le sens opposé aux orientations générales de la recherche en place. Elle oblige à s’intéresser à des objets de recherche ignorés ou à les aborder sous un autre angle, à se poser de nouvelles questions et à concevoir de nouvelles problématiques. On sort des thématiques et des découpages habituels du travail scientifique et des conventions qui les rendent légitimes. Et ce, dans tous les domaines concernés.

La deuxième découle de la découverte de la complexité des phénomènes en cause. Les faire entrer dans un processus de recherche impose, au moins dans un premier temps, d’en passer par une interdisciplinarité claire, nette et assumée qui détonne dans un contexte placé sous le signe de la spécialisation (la démarche analytique les décomposera ensuite en objets renvoyant à de multiples disciplines).

La troisième renvoie à un trait particulier de cette complexité, à savoir le fait que les problèmes environnementaux résultent de la rencontre de deux chaînes de causalité : l’une du ressort des sciences de la nature, l’autre du ressort des sciences de l’homme et de la société. D’où la nécessité de les prendre en considération ensemble et de faire converger les deux recherches à mener de façon à pouvoir identifier correctement les termes et les causes du problème à traiter. L’association de ces deux grands champs de recherche est sans conteste l’innovation la plus radicale que les programmes et actions qui se réclamaient de l’interdisciplinarité ont tentée. Au point qu’il a paru nécessaire d’inventer une terminologie particulière pour en souligner l’originalité : celle d’« interdisciplinarité élargie » – expression qui a, au demeurant, l’intérêt de rappeler que la recherche use beaucoup de l’« interdisciplinarité de proximité » (entre disciplines voisines), plus courante et moins problématique.

La quatrième résulte de la gravité, de l’ampleur des problèmes soulevés et de l’urgence d’agir. Il s’agit d’éclairer l’action publique. D’où l’appellation, alors créée, de « recherche finalisée » qui est accolée aux programmes dits interdisciplinaires mis en place.

Ce portrait dit assez à quel point il était indispensable de souligner l’originalité de la démarche visée. Et à quel point aussi, elle sortait les chercheurs de l’épure académique.

Une interdisciplinarité « dialogique » en perspective

Mais ce sont en même temps, pour eux, autant de défis à relever. Fonder la recherche sur un échange approfondi entre des disciplines qui s’ignorent exige une organisation du processus de recherche en équipe qui, outre qu’elle prend beaucoup de temps, suppose un changement radical des habitudes de travail. Notamment un changement des rapports aux disciplines. Pour le chercheur, la priorité n’est plus d’abonder les problématiques qui sont jugées prioritaires dans sa discipline, mais d’inventer celles qui sont requises pour alimenter la démarche collective ; chacun d’eux met en jeu sa créativité dans le cadre de sa compétence. Au niveau du collectif, l’évaluation porte sur la pertinence et la portée heuristique des articulations entre les apports disciplinaires. Ces exigences font que l’interdisciplinarité repose sur le dialogue à toutes les phases de la recherche. D’où le qualificatif de « dialogique », au sens littéral du terme, que nous lui accolons (pour une approche théorique, cf. Darbellay, 2014).

Un collectif interdisciplinaire dialogique et une grille d’évaluation interdisciplinaire, tant individuelle que collective, lui correspondant étaient à inventer. Y travailler ne pouvait manquer d’obliger à remonter aux fondements épistémiques de la démarche de recherche. Encore eût-il fallu que l’organisation de la recherche le permît. De fait, l’affichage interdisciplinaire débouchait la plupart du temps au mieux sur une, souvent plus que modeste, juxtaposition de travaux. Dresser un tableau des progrès néanmoins accomplis dans cette quête d’une recomposition des pratiques en vue de substituer le paradigme de la durabilité au paradigme fordiste exigerait un travail d’historien. On peut néanmoins considérer que les programmes interdisciplinaires ont produit deux effets majeurs.

La constitution d’un paradigme autour de la transition écologique et solidaire…

Un est relativement positif : la constitution d’un champ de recherche multidimensionnel propre à la question environnementale grâce à la forte adhésion des sciences de l’homme et de la société à celui qui était déjà ouvert par les sciences de la nature. Les expériences tentées d’interdisciplinarité ont contribué à combler le fossé qui prévalait dans le paradigme fordiste entre les unes et les autres. Cette unification de tous les grands domaines de la recherche autour de thématiques générales partagées (par exemple, le changement climatique ou la crise affectant la biodiversité) crée des dynamiques de recherche collectives qui constituent une forme en soi de méta-interdisciplinarité : une interdisciplinarité que l’on peut qualifier « de filiation » dans la mesure où elle procède d’une prise en charge diversifiée de questions communes, de « distribuée » dans la mesure où elle s’opère en suivant les règles et normes de la division générale du travail scientifique, de « à distance » car, contrairement au travail d’équipe fondé sur l’échange, elle ne passe pas par le dialogue dans le cadre d’une recherche commune, mais uniquement par la bibliographie. C’est bel et bien un paradigme nouveau, fait de disciplines qui innovent dans leurs thématiques, leurs problématiques et dans leurs rapprochements avec d’autres, qui se constitue ainsi. Encore eût-il fallu que ce paradigme se stabilise autour d’une notion centrale, alors qu’en un demi-siècle, il est passé de celle initialement fédératrice d’« environnement » à celle de « développement durable », puis à celle de « transition écologique et solidaire » et aujourd’hui à celle du « vivant4 ». Cela vaudrait la peine d’examiner si ces couches successives laissent trace d’une sédimentation5. Le peu de cas fait de la notion de développement durable, notion interdisciplinaire s’il en est, fait craindre qu’il n’en soit rien.

Quoi qu’il en soit, cette méta-interdisciplinarité est tout le contraire de l’interdisciplinarité dialogique. Elle n’en est pas moins positive, car elle montre que la nécessité de porter le fer au niveau de l’ensemble du dispositif de recherche est en train de s’accomplir. En témoigne la multiplication des revues qui s’inscrivent dans cette démarche. Mais ce succès a eu sa contrepartie négative.

…au détriment de la recherche interdisciplinaire : l’échec d’un régime prometteur

Pour l’essentiel, le projet interdisciplinaire s’est accompli en passant par un ralliement sur tous les plans au régime commun de la recherche. Ce ralliement a empêché que la période où il bénéficiait d’un réel intérêt (du milieu des années 1970 au début des années 1990) soit mise à profit pour qu’il puisse se constituer en un régime de recherche plein et entier, reconnu avec ses spécificités et institutionnellement stabilisé. À toutes les tentatives de lui donner corps, il a été objecté, tantôt que l’interdisciplinarité était par définition condamnée à une diversité irréductible, tantôt qu’elle ne saurait être imposée, tantôt enfin qu’elle ne pouvait être qu’un exercice exceptionnel de seniors expérimentés. D’où – après près de cinquante années de tâtonnements dispersés et à reculons – le maintien de l’interdisciplinarité dans un statut indéfini.

La façon dont elle a été pratiquée durant sa période faste ne remplit aucune des cases qu’exige la constitution d’un régime de recherche l’associant au paradigme de la « durabilité ». Où est la littérature témoignant d’un débat sur les principes constitutifs du projet de production de connaissances6 ? Où sont les confrontations d’expériences permettant de mettre à jour la diversité des pratiques et des épistémologies concernées, et de dire en quoi consiste le résultat de leurs combinaisons (soit : de dire ce qu’est, en matière de durabilité écologique et sociale, un résultat de recherche interdisciplinaire). Où est la communauté scientifique soucieuse de construire son identité autour de ces questions7 ? Où sont dans le système de recherche français les lieux ou les formes d’organisation pérennes, dédiées, indispensables à la continuité de ces questionnements et débats, et au cumul des acquis8 ?

C’est ainsi qu’au lieu d’innover pour jouer sur la complémentarité entre « méta-interdisciplinarité » et « interdisciplinarité dialogique », la recherche sur l’environnement (et ses avatars successifs) s’est, pour l’essentiel, alignée sur le modèle en place de la division du travail scientifique. Or, si celle-ci s’avère bien incontournable, elle se heurte à la nécessité d’aborder la question environnementale dans sa multidimensionnalité au regard des actions qu’elle appelle. On peut interpréter la montée en puissance, au tournant du XXIe siècle, de l’idée de recherche participative comme une réaction de la société à un sentiment d’impuissance de la recherche académique à éclairer et préparer l’avenir en s’en tenant à ses règles de fonctionnement usuelles, mais aussi aux expériences d’interdisciplinarité tentées.

La recherche participative (RP) : une dynamique sociale forte, des incertitudes majeures

La mobilisation sociétale qui se produit autour de l’idée de recherche participative (Juan, 2019) est portée par des collectifs actifs de la société (qu’il est devenu courant de désigner comme constituant la « société civile »). Elle exprime leur volonté de ne plus déléguer au système de recherche la production de connaissances dont l’avenir commun dépend. En revendiquant de pouvoir participer à la conception et à la mise en œuvre de processus de recherches, ces collectifs veulent faire valoir, aux côtés des chercheurs et en coopération/interaction avec eux, les connaissances qu’ils tirent de leurs expériences de vie. La RP n’est pas un rejet de la démarche scientifique. Bien au contraire, elle exprime une volonté de la part des collectifs d’acteurs de se l’approprier pour faire prendre en considération et mettre en examen leurs savoirs et leurs attentes propres. Ils y voient le moyen de se donner une représentation rigoureuse des questions auxquelles ils se heurtent et d’appréhender les conditions et formes des actions qu’elles requièrent ; et, plus particulièrement, des actions qu’ils peuvent prendre en charge. On notera qu’il s’agit ni plus ni moins d’une remise en cause du principe considéré comme intangible de la coupure épistémologique à établir entre la science et la société qui est un des présupposés majeurs de la recherche académique.

La RP : une longue histoire et une grande diversité d’appellations

La recherche participative a déjà une longue histoire. Elle trouve son origine dans tout un courant dont la paternité est attribuée à John Dewey (1903, 19679). Son postulat fondateur est que « chaque individu, chaque collectif est porteur de savoirs qu’il peut mobiliser pour résoudre ses propres problèmes » (Argyris et Schön, 1996). En France, ce postulat a pris corps dans les associations d’éducation populaire, qui se sont développées depuis les années 1950, et a donné lieu à de nombreux travaux et de multiples expériences, notamment dans le monde anglo-saxon, sous une grande variété d’appellations : science citoyenne, recherche citoyenne, recherche participative, recherche-action, recherche-action participative, community-based research… Cette variété des dénominations renvoie à celle des pratiques que recouvre la RP. Dans ce qui suit, nous nous en tiendrons à l’appellation de « recherche participative » qui, sans leur être réservée, est largement associée aux recherches sur l’environnement, le développement durable et la transition écologique et solidaire.

La RP, un régime de recherche particulièrement pertinent pour la mise en œuvre de la transition écologique et solidaire

La Charte de la RP10 définit « les sciences et recherches participatives » comme « des formes de production de connaissances scientifiques auxquelles participent des acteurs de la société civile, à titre individuel ou collectif, de façon active et délibérée ». Elle qualifie ces acteurs de « non scientifiques professionnels ». Elle les énumère : « militants des associations et des organisations non gouvernementales, enseignants des établissements de formation, acteurs culturels, acteurs socio-économiques… » et évoque « leurs motivations : curiosité scientifique ou recherche de solutions à des enjeux complexes (économiques, sociaux, sanitaires, environnementaux, culturels, éducatifs, éthiques ou identitaires »). Ces précisions montrent bien que ce sont les préoccupations sociétales qui suscitent l’intérêt pour la RP. Celle-ci apparaît clairement comme visant à mobiliser les savoirs propres et la créativité des collectifs qui y adhèrent, en vue d’augmenter leur pouvoir d’agir. L’initiative venant d’eux, elle traduit de leur part le sentiment d’un manque à combler.

De fait, la RP ouvre une voie de recherche particulièrement prometteuse en faveur d’une transition écologique et solidaire (Sauermann et al., 2020). Cette transition a en effet pour caractéristique majeure de supposer une coévolution des techniques et des structures institutionnelles, ainsi que des comportements, des représentations sociales et des valeurs. De fait, la RP introduit dans le processus de recherche une variété de points de vue et de savoirs ; elle oblige à mettre en évidence le poids des intérêts, mais aussi des normes, des valeurs, des représentations et des postures et comportements qui commandent les stratégies des acteurs, chercheurs compris.

Au total, elle réalise un apprentissage collectif qui provoque un déplacement des mobiles des acteurs ; elle crée ainsi les conditions d’un passage à une innovation incluant la multiplicité des dimensions d’une transition écologique et solidaire. La RP est le dispositif par excellence de l’innovation dite « élargie » qu’exige, du fait de sa complexité, la transition écologique et solidaire.

La RP, en phase avec les évolutions de la société : l’émergence du tiers secteur de la recherche (TSR)

En ce début de siècle, de multiples changements tant dans la société (telle la hausse du niveau de formation) que dans la recherche (par exemple le numérique) se conjuguent pour modifier les relations entre la recherche et la société. En parallèle, les acteurs de la société civile11 amplifient et diversifient leurs domaines d’intervention (santé, solidarité, numérique, solidarité internationale, environnement…) et s’impliquent de façon croissante, notamment au niveau territorial, sur les relations entre les problématiques environnementales (par exemple, sur les relations santé-environnement ou les interactions agriculture-alimentation-environnement). La connaissance scientifique étant centrale pour toutes ces questions, ces acteurs ont souvent développé, de manière formelle ou non, des liens avec la recherche, constituant ainsi ce qu’on appelle le « tiers secteur de la recherche » (TSR). La RP apparaît alors comme une modalité privilégiée de collaboration de recherche entre ces acteurs.

Ce contexte explique la rapidité de la diffusion de l’idée de recherche participative depuis le début du siècle et le consensus apparent dont elle fait l’objet. Ainsi, des universités et plusieurs organismes de recherche (tels l’Institut national de la santé et de la recherche médicale [Inserm] avec les associations de malades et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement [INRAE] avec les acteurs de l’agriculture) mettent en œuvre des activités de RP. Elle est depuis plus de 15 ans, en France, l’objet de programmes tant de la part du ministère en charge de l’environnement (le programme REPERE et la série des programmes de recherche qu’il a soutenue de 1990 à 2016), que de la part des régions, tel le programme Partenariats institutions citoyens pour la recherche et l’innovation (Picri) créé par la région Île-de-France en 2005 et repris pas plusieurs régions.

Des initiatives intéressantes : vers une institutionnalisation de la RP ?

L’importance que l’idée de RP a prise dans le paysage de la recherche en France est telle qu’il a paru nécessaire de mener une enquête sur sa pratique en vue de la caractériser et d’en formaliser la démarche. Il en a résulté un rapport, Les sciences participatives en France. État des lieux, bonnes pratiques et recommandations (Houllier et Merilhou-Goudard, 2016) et la Charte des recherches et sciences participatives en France (2017), déjà citée, signée par une trentaine d’établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) et des ONG. Son existence traduit le besoin de construire la RP en un régime de recherche. Même si elles peuvent être discutées, les règles qu’elle prescrit ont le mérite d’offrir un point de départ à une réflexion dans cette direction.

Dans cette perspective, une initiative récente mérite d’être soulignée, car elle représente une avancée notable dans la mise en œuvre de la RP. Il s’agit du programme Coconstruction des connaissances (CO3) lancé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) en 2018 et désormais soutenu par un consortium de fondations et d’institutions de recherche12. Ce programme se caractérise par la mise au point par ses instances dirigeantes d’une batterie de critères d’évaluation jugés spécifiques à la RP. Citons notamment : 1) l’attention portée à la place du dialogue dans la conception et la mise en œuvre du projet ; 2) le soin porté à la prise en charge du processus d’« intermédiation13 » qui est appelé à l’organiser ; 3) la parité chercheurs professionnels et non professionnels dans la composition du Comité d’orientation scientifique et du jury ; 4) le principe de la rémunération des « chercheurs non professionnels » participant à ces instances. Cet ensemble de dispositions a clairement pour objectif la création d’un cadre de référence de portée générale pour la RP. À l’instar de la Charte, il constitue une contribution à la mise en place d’un véritable régime de recherche.

Une autre initiative significative est le lancement par l’Agence nationale de la recherche (ANR), en 2022, de deux appels à projets (AAP) pour « soutenir et structurer les sciences et recherches participatives ». Le premier concerne les consortiums déjà établis, le second est un soutien à la maturation de projets.

En parallèle, en 2014, a été créée l’association Alliance sciences sociétés (Alliss), outil de réflexion et de plaidoyer, regroupant des acteurs du TSR et visant à le constituer en un véritable acteur collectif de la recherche14. Il s’agit bien de mobiliser les acteurs sociaux qui sont en quête d’une alternative au régime fordiste et œuvrent pour la reconnaissance de la RP comme régime également légitime15.

La RP est en outre en bonne place dans la stratégie nationale (et européenne) de recherche, sous différentes formulations, dans le cadre des « grands défis16 ». De fait, on assisterait à un début d’institutionnalisation de la RP.

Cet apparent succès peut surprendre compte tenu du caractère exorbitant de la RP par rapport au modèle de la recherche académique. Sa montée en puissance fait partie de tous les processus de décloisonnement qui sont une des caractéristiques majeures des transformations de la société contemporaine. Cela donne à la RP l’apparence d’un phénomène social autant que scientifique.

Dans les faits et malgré ces atouts : fragilité et marginalité de la RP

Cette percée de la RP dans le paysage de la recherche pourrait donner à penser que son avenir est assuré. Mais le consensus apparent dont elle bénéficie ne serait-il pas l’expression d’une indifférence la reléguant mezzo voce, comme l’interdisciplinarité, au rang de recherche de seconde zone ? Ou traduit-il au contraire un véritable « changement de pied » dans la conception des rapports entre sciences et sociétés en raison des urgences de tous ordres ?

Notre analyse est que l’optimisme serait une erreur tant, globalement, la recherche reste assujettie à quatre héritages majeurs du régime fordiste : 1) la conception de la recherche comme une activité qui, pour rester rationnelle, doit se protéger de la société ; 2) l’organisation d’ensemble de la division du travail scientifique ; 3) les critères de l’excellence scientifique qui vont de pair avec cette dernière ; et 4) l’idée qu’il n’existe qu’une seule épistémologie garante de la scientificité de la recherche et que les chercheurs « patentés » en sont les seuls détenteurs.

Mais cette suspicion sur la nature épistémique des travaux menés dans le cadre de la RP trouve aussi – il est important de le souligner – une bonne part de sa justification dans la dispersion des expériences qui empêche toute capitalisation permettant l’élaboration d’un corpus méthodologique solide.

Ce qui fait problème, c’est cette caractéristique propre à la RP qu’est la nécessité de composer un collectif de recherche qui réunit les chercheurs et les acteurs concernés par la question de recherche et par sa finalité. Cette particularité a deux conséquences majeures : 1) celle d’obliger à inventer une façon de procéder, pour construire une problématique partagée à partir de points de vue hybrides, pour répartir les tâches de recherche sur la base de compétences différenciées et pour ajuster les uns aux autres les apports de connaissance hétérogènes qui en résultent ; 2) celle d’obliger à organiser une place particulière aux temps de dialogue – que la composition de l’équipe implique – dans la mise en place, la conduite et la production de la synthèse des résultats du projet. Ce sont là les deux axes de travail structurants de la RP.

Plus généralement, le développement de la RP passe par la mise en place d’une politique scientifique spécifique – à l’image de ce qui a été fait pendant des décennies pour favoriser les collaborations et partenariats entre la recherche publique et l’industrie. Sont en jeu ici des instruments de financement (directs et indirects, y compris non publics mais d’intérêt public), des infrastructures (d’incubation, de corecherche, d’expérimentations), des dispositifs de formations et d’incitations (financières et non financières) pour les chercheurs et les acteurs du TSR.

On le voit, les tâches requises soulèvent des questions majeures, qui sont autant de préalables – aujourd’hui hors de portée – à la mise en œuvre d’une recherche participative qui soit un véritable régime de recherche (Coutellec, 2015a, 2015b).

La RP n’en est qu’au stade d’une émergence fragile. Elle n’existe en réalité qu’à très petite échelle, malgré sa percée dans les discours. Et précisément parce qu’elle n’est pas outillée pour affronter le système de recherche sur ses critères classiques de qualité scientifique, elle n’est le fait que d’acteurs souvent périphériques par rapport à lui. Elle manque de lieux permettant de l’identifier et de la stabiliser. Elle n’a d’avenir que si elle peut échapper à ces handicaps fondamentaux.

Transition écologique et solidaire : mobiliser une pluralité de régimes de recherche

Dans le contexte actuel, il est plus que jamais nécessaire de disposer de connaissances scientifiques pour comprendre comment la société peut faire face à la radicalité, à la complexité et à la gravité extrêmes de la crise environnementale, et pour inventer les innovations à dimensions tant sociétales que techniques que celle-ci requiert. Mais, s’agissant d’œuvrer à une transformation globale de la société, est-il envisageable d’ignorer la volonté des acteurs sociaux de confronter leurs savoirs, attentes et valeurs à ceux de la recherche afin de produire en commun les connaissances éprouvées et fondées sur les choix éthiques sur lesquels bâtir l’avenir ? N’est-il pas dès lors indispensable de disposer aussi d’outils de recherche qui reposent sur la confrontation de partis pris différents sur le réel ?

La RID et la RP ont ceci de commun qu’elles ont pris corps en réponse à ces questions. Le fait qu’en dépit du fort soutien dont elle a bénéficié dans les politiques de recherche durant les années 1980, la RID ait échoué à imposer sa légitimité scientifique et, partant, à faire pleinement la preuve de sa pertinence propre et du bénéfice qui peut en être tiré, donne à craindre que les mêmes causes produisent les mêmes effets concernant la RP. C’est en ce sens qu’on peut qualifier la RP de régime prometteur en risque, lui aussi, d’échec.

Le système de recherche et ses acteurs face à leurs responsabilités

La raison d’être de ce texte est d’éviter cet écueil en ouvrant la discussion au sein de la communauté scientifique française sur les mesures à prendre pour sortir la RID et la RP des discours incantatoires. Faire en sorte qu’elles disposent des conditions pour travailler à leur propre construction comme démarches de recherche pleines et entières est la responsabilité du système de recherche et de ses acteurs, y compris ceux du TSR. La vogue en faveur de la RP fournit l’occasion de créer des synergies dans la réflexion sur leur scientificité.

Pour la RID, démarche qui se situe dans le champ académique, cela signifie y affronter à nouveaux frais le challenge classique de faire valoir ses options théoriques et méthodologiques à travers le débat. Mais encore faut-il pour cela que la nécessité de ce débat soit clairement affichée et reconnue. Dans les années 1980, c’était implicitement que l’interdisciplinarité était bridée ; les sollicitations dont elle était régulièrement l’objet cachaient le refus de lui accorder les conditions de sa pratique. C’est bien sûr aux chercheurs porteurs de longue date de l’idée d’interdisciplinarité d’être aujourd’hui à l’offensive pour faire en sorte que le regain d’intérêt qu’elle connaît soit l’occasion de la conforter scientifiquement. Encore faut-il que le régime de recherche réunisse les conditions d’une mise en œuvre pérenne d’une réelle interdisciplinarité. La nécessité d’en faire autant pour la RP ouvre l’occasion d’un débat de portée générale.

En ce qui concerne la RP, la tâche d’aujourd’hui est de créer les conditions pour que la créativité dont elle fait preuve (comme le montre le rapport de 2016) se construise en un régime de recherche évaluable. Cela suppose que les initiatives de RP qui ne cessent de se multiplier trouvent, elles aussi, un cadre de travail suffisamment stable, légitime et valorisant pour que les partenaires qui s’y engagent acceptent les contraintes de la démarche scientifique indispensable à cette construction.

On notera à quel point ces contraintes rappellent celles qui prévalent également à propos de la RID. Elles ont en commun de procéder de la prise en considération de la complexité, de reposer sur le dialogue entre partenaires d’une même recherche et de poser la question centrale de l’« intermédiation » (Barré, 2020 ; Jollivet, 2020) que ce dialogue suppose. La RP élargit même cet espace d’approfondissement de la recherche en mêlant des points de vue plus hétérogènes. L’occasion est ainsi offerte à la RID et à la RP de travailler ensemble à remédier à l’absence de réflexion et de capitalisation sur leurs fondements scientifiques, qui est le point sur lequel leur constitution en régimes de recherche achoppe en premier lieu. RID et RP, même combat !

La tâche est considérable, car elle couvre toutes les facettes du travail de recherche, de la formation, aux modes de financement et à la gestion des carrières. De fait, si certains pays ont une expérience plus importante de la RID et de la RP que la France (Pays-Bas, Canada), aucun ne s’est encore véritablement engagé dans les évolutions majeures de politique scientifique requises par l’émergence de la RID et de la RP comme régime de recherche.

C’est en effet tout un « écosystème de recherche », à l’image de celui qui constitue la base logistique et institutionnelle du régime académique, qui est à construire. Déjà partie prenante du système de recherche, la RID doit y consolider sa place. Par contre, y introduire la RP passe par un préalable politique : une décision qui consiste ni plus ni moins à reconnaître l’existence du TSR comme acteur de la recherche au côté de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) et de l’industrie et, en conséquence, à lui étendre les droits et les devoirs du contrat qui lie la recherche à la société. Ainsi instituées dans le cadre d’une pluralité des régimes de recherche, RID et RP pourront alors, à la fois chacune selon sa spécificité et ensemble, se construire, aux côtés de la recherche classique (Joly, 2020) en tant que démarches scientifiques robustes, œuvrant dans le sens du bien commun et des nécessaires transitions.

Références


1

À partir des années 1980, le régime de production est qualifié de « post-fordiste » et caractérisé notamment par le rôle de la connaissance, l’extension des régulations marchandes et un capitalisme financier qui devient dominant. Compte tenu du niveau de généralité auquel se situent les analyses présentées ici, nous considérons qu’elles concernent tant la période fordiste que post-fordiste.

2

Dans la suite du texte, nous parlerons de « régime fordiste ».

3

La DGRST a été créée en 1961. Placée auprès du Premier ministre, elle avait pour mission d’impulser une politique visant à mettre en ordre de marche et au niveau international le dispositif de recherche français à l’issue de la guerre. Sa politique a été très largement placée sous le signe de l’interdisciplinarité. Elle a été intégrée au ministère en charge de la recherche en 1981.

4

Et maintenant à celle de sobriété.

5

Comment situer les dites « communautés épistémiques » ? Peut-on les considérer comme des tentatives d’interdisciplinarité ? De toute façon, elles n’ont guère de place dans le paysage scientifique français.

6

Deux noms viennent à l’esprit : celui d’Edgar Morin, auteur des 6 volumes de La méthode (publiés entre 1977 et 2004 et regroupés par Le Seuil [Morin, 2008]) et celui de Jean-Louis Le Moigne, auteur d’une douzaine d’ouvrages portant sur la modélisation et le constructivisme publiés entre 1973 et 2003 (cf., en particulier, Le Moigne, 1977, 2003). Mais leurs travaux n’ont eu qu’un impact limité. La pensée systémique et l’épistémologie constructiviste n’ont jamais été érigées en bases de l’axiomatique de l’interdisciplinarité.

7

L’association « Natures Sciences Sociétés – Dialogues » qui publie la revue Natures Sciences Sociétés – Recherches et débats interdisciplinaires peut en être considérée comme le noyau. Elle a organisé des sessions autour de questions de portée générale sur l’interdisciplinarité et ouvert des chantiers théoriques (Legay et Schmid, 2004 ; Mathieu et Schmid, 2014), mais restés sans suite.

8

La seule tentative durable de créer un outil pérenne a été la création de la revue Natures Sciences Sociétés – Recherches et débats interdisciplinaires en 1993. Créée en vue de promouvoir une interdisciplinarité dialogique, celle-ci maintient bien, grâce à la diversité de ses rubriques et à son absence de toute filiation disciplinaire, un appel d’air pour des débats et pour des publications interdisciplinaires. Mais à l’expérience, elle se révèle surtout être l’outil d’une ouverture interdisciplinaire classique entre sciences sociales aux questions environnementales (mais une ouverture en l’occurrence novatrice, car placée sous le signe du paradigme de la durabilité).

9

Ces références renvoient globalement à sa philosophie pragmatiste et plus particulièrement à son concept et à sa théorie de « l’enquête ».

10

Charte des sciences et recherches participatives en France, 2017, https://www.science-ensemble.org/pdf/charte-francaise-des-sciences-et-recherches-participatives.pdf.

11

Associations, coopératives, mutuelles, fondations et économie sociale et solidaire (ESS) – acteurs qui n’émanent ni de l’État, ni d’investisseurs privés à but lucratif. Leur part dans le PIB est estimée à 10 %, celle dans l’emploi à 15 %.

12

Avec le concours de l’association Sciences citoyennes qui promeut la RP depuis de début des années 2000.

13

Voir le numéro spécial des Cahiers de l’action : « Construire la recherche avec la société civile : les enjeux de la démarche d’intermédiation », 2020, 55, https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-l-action-2020-1.htm.

14

En témoigne par exemple sa création du Forum français du TSR.

16

Même si, dans la réalité, les dimensions purement technologiques sont privilégiées.

Citation de l’article : Barré R., Jollivet M., 2023. Interdisciplinarité et recherche participative : deux régimes de recherche pour la transition écologique et solidaire. Une mise en perspective programmatique. Nat. Sci. Soc. 31, 1, 110-119.

Current usage metrics show cumulative count of Article Views (full-text article views including HTML views, PDF and ePub downloads, according to the available data) and Abstracts Views on Vision4Press platform.

Data correspond to usage on the plateform after 2015. The current usage metrics is available 48-96 hours after online publication and is updated daily on week days.

Initial download of the metrics may take a while.