Open Access
Issue
Nat. Sci. Soc.
Volume 30, Number 2, Avril/Juin 2022
Dossier : « Patrimoines, savoirs, pouvoirs »
Page(s) 144 - 156
DOI https://doi.org/10.1051/nss/2022036
Published online 19 December 2022

© F. Marin, Hosted by EDP Sciences, 2022

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.

Sur la côte de la province de Chubut (Patagonie argentine), la péninsule Valdés (Fig. 1) fait l’objet de programmes de conservation depuis cinquante ans. Les actions de conservation se sont principalement concentrées sur les mammifères marins : baleines franches australes, otaries à crinière, éléphants de mer et orques. Elles intègrent aussi des oiseaux de rivage et des oiseaux marins tels que les manchots de Magellan, les bécasseaux maubèches, les huîtriers d’Amérique et les pluviers à deux bandes, ainsi que certains animaux terrestres tels que les guanacos (un camélidé).

Dans la péninsule, les activités humaines comprennent le tourisme, l’élevage de bovins et de moutons, la voile, la plongée sous-marine, le kayak, la pêche sportive et artisanale. Des formes de protection environnementale ont été conçues aux niveaux local, provincial et international pour contrôler l’impact des activités humaines sur l’environnement terrestre, côtier et marin sans pour autant les interdire systématiquement. En principe, la conservation des espèces sauvages et de leurs habitats doit être compatible avec un développement durable des activités. À la fin des années 1990, au moment de la conception de l’aire naturelle protégée péninsule Valdés (ANPPV)1, le gouvernement provincial de Chubut ayant juridiction sur cette aire s’est basé sur les catégories de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN) et a choisi la catégorie VI (la moins restrictive) : « Aire protégée de ressources naturelles gérée : aire protégée gérée principalement à des fins d’utilisation durable des écosystèmes naturels ». Le processus (1998-1999) de rédaction du plan de gestion de l’aire protégée (Provincia de Chubut, 2001) s’est inspiré des théories internationales de gestion participative des ressources naturelles.

Au milieu des années 1970, quand l’échec des projets de développement top-down devenait évident même pour les grandes organisations d’aide internationale qui les finançaient, le virage vers la « participation » s’imposa (Rahnema, 1992, p. 128). Peu après, cette transformation a commencé à se propager dans les discours et les pratiques internationales de conservation (Rahnema, 1992 ; Drijver, 1992 ; Peace, 1993 ; Campbell et Vainio-Mattila, 2003). En plus de cet intérêt global, la participation a une histoire spécifique en Amérique du Sud. Les initiatives de participation au sein des gouvernements locaux telles que la budgétisation participative expérimentée pour la première fois en 1989 à Porto Alegre (Santos, 1998) et la loi sur la participation populaire en Bolivie (Medeiros, 2001) ont été érigées en modèles pour le reste du monde. Toutes ces expériences ont pour intérêt de prendre en compte le savoir des populations locales sur leur environnement, les savoirs locaux étant considérés comme essentiels à la réussite des projets de développement et de conservation2.

Parmi les parties prenantes invitées aux dizaines de réunions qui ont constitué le processus de rédaction du plan de gestion de l’ANPPV, on trouvait le président et le vice-président de l’Association des pêcheurs artisans de Puerto Madryn (APAPM), née dans les années 1990 précisément en réaction aux rumeurs concernant la création d’une aire protégée dont les pêcheurs craignaient d’être exclus. Ces pêcheurs travaillent depuis la fin des années 1990 avec un groupe de biologistes du Centre national de Patagonie (CENPAT), site local du Conseil national argentin de la recherche scientifique et technologique (CONICET). Ils collaborent pour évaluer les stocks halieutiques (notamment les coquilles Saint-Jacques récoltées en plongée et les moules récoltées manuellement dans l’estran de la baie du Riacho) [Fig. 1]. Leur objectif est de favoriser une gestion avertie et durable de la part du gouvernement provincial, qui a la compétence en matière de gestion de la pêche artisanale. Si la pêche aux mollusques bivalves est encore possible aujourd’hui dans le golfe San José, c’est en grande partie grâce à des pêcheurs et à des biologistes3 qui, au début des années 1970, ont fait pression sur le gouvernement de Chubut pour empêcher le chalutage (qui commençait à se répandre, notamment pour répondre à la demande du marché international en coquilles Saint-Jacques). En 1974, le parc marin du golfe San José a été créé dans le but d’interdire le chalutage industriel et d’encourager la conservation (Ciocco, 1995). Par ailleurs, les biologistes et les pêcheurs ont également élaboré ensemble les plans de gestion pour les trois techniques de pêche et encouragent la gestion participative des ressources de la pêche artisanale depuis au moins 20 ans4.

Bien que la participation valorise en principe les savoirs locaux, elle ne conduit pas nécessairement à l’empowerment des détenteurs de ces connaissances. Dans le cas d’étude, pêcheurs et scientifiques partagent, voire coproduisent, des connaissances sur les ressources halieutiques et l’environnement côtier et marin. Les résultats de leurs projets communs ne peuvent être qualifiés de scientifiques ou de non scientifiques et l’hybridation des connaissances locales et scientifiques est considérée comme une valeur5. La cosignature des résultats issus de projets collaboratifs est saluée par tous − c’est le cas d’un rapport rédigé par deux chercheurs, un ingénieur de recherche et deux pêcheurs (Marin et al., 2017). Pourtant, nous verrons au cours du texte que le savoir des pêcheurs reste un savoir assujetti, disqualifié par une hiérarchie des savoirs défendue pas tant par les chercheurs impliqués que par les gouvernements de Chubut qui n’ont pas élargi leur « politique générale de vérité » (Foucault, 1980, p. 131) et n’incluent pas le discours des représentants des pêcheurs parmi les types de discours véridiques.

En général, la participation a ses limites. En nous référant à des auteurs analysant les processus participatifs (Fiorino, 1990 ; Chambers, 1997 ; Weber et Christopherson, 2002 ; Tippett et al., 2007 ; Reed, 2008), nous montrons que le cas de l’ANPPV est loin d’être vraiment « participatif ». Nous nous appuyons ensuite sur des approches concernant les limites intrinsèques de la participation (Cleaver, 2001 ; Cooke et Kothari, 2001 ; Taylor, 2001 ; Nadasdy, 2005) pour conclure que les processus participatifs ne bénéficieront probablement jamais aux groupes moins puissants tels que les pêcheurs artisans, car ces processus sont compatibles – et d’ailleurs souvent combinés – avec des systèmes de planification top-down (Mosse, 2001).

Cet article porte sur l’implication des pêcheurs artisans dans les processus de rédaction et de révision du plan de gestion. En partant du contexte argentin dans lequel s’inscrivent les processus participatifs de l’ANPPV, nous analysons la création du plan de gestion, son contenu, en particulier vis-à-vis de la pêche artisanale et les tentatives de révision de ce plan. Nous nous concentrons sur l’analyse du processus de la dernière tentative.

Cette analyse s’inscrit dans une recherche plus ample qui a visé à comprendre comment les connaissances des pêcheurs informent les politiques locales de conservation. L’adoption d’un cadre analytique de l’anthropologie de la correspondance amène à intégrer l’implication du chercheur dans les processus de connaissance locale et son insertion dans les dispositifs institutionnels, ce qui a pour effet de susciter diverses formes de réflexivité chez ses interlocuteurs, a fortiori lorsqu’il s’inscrit dans des cadres participatifs. Puisqu’il s’agit de questionner leur insertion dans des dispositifs de pouvoir au sein desquels l’auteur a tenu un rôle, même si en non continu, il est utile de recourir à une forme de personnalisation des données ethnographiques et de privilégier la première personne du singulier au cours du récit. Au cours d’un terrain de 18 mois (répartis sur plusieurs années) basé sur l’observation participante et la méthode d’entretien non directif et semi-directif, j’ai en effet participé à des réunions entre pêcheurs artisans et politiciens, techniciens et consultants du gouvernement provincial, local et parfois national. J’ai longuement discuté avec les pêcheurs engagés dans ces réunions et interviewé aussi des représentants du gouvernement et des coordinateurs de telles réunions. J’ai suivi les activités des chercheurs travaillant sur la gestion des ressources de la pêche artisanale et participé aux collaborations entre pêcheurs et chercheurs. Pour me rapprocher des connaissances des pêcheurs, je les ai accompagnés dans leur travail sur l’estran (cueillette côtière de mollusques) [Fig. 2], dans les eaux côtières (pêche à la senne de plage et pêche au trémail) [Fig. 3] ou en m’embarquant avec eux (cueillette en plongée de fruits de mer, particulièrement mollusques bivalves) [Fig. 4 et 5]. Ces trois techniques de pêche sont pratiquées respectivement depuis les années 1960, depuis le début du vingtième siècle et depuis 19766.

Création et planification de l’ANPPV : le rôle des pêcheurs

Dans la seconde moitié des années 1990, la conviction répandue en Argentine comme dans toute l’Amérique latine était que, malgré l’augmentation du nombre de zones naturelles protégées au cours des deux décennies précédentes, il n’y avait pas eu de progression significative des activités de conservation. Le document Las áreas naturales protegidas de la Argentina, élaboré par l’Administration des parcs nationaux en 1998, recommandait aux gouvernements provinciaux et au gouvernement central l’élaboration d’un plan de gestion (et l’amélioration de ceux déjà existants) dans chaque aire naturelle protégée du pays dans un délai de cinq ans (APN, 1998). Il n’est donc pas surprenant qu’au cours de ces années, la province de Chubut ait développé une politique de gestion et de planification de ses zones naturelles protégées. Si on ajoute l’agenda gouvernemental de promotion et de développement touristique, on comprend pourquoi la province a décidé de créer une aire protégée dans la péninsule Valdés. Comme l’indique le prologue du plan de gestion, « outre l’importance des plans de gestion en tant qu’instruments d’organisation de la conservation, dans la province de Chubut, les zones protégées sous juridiction nationale et provinciale constituent l’essence de l’offre touristique7 » (Provincia de Chubut, 2001, p. 3). Ainsi, l’organisme provincial du tourisme a initié un programme pour « élaborer et mettre à jour les plans de gestion des zones naturelles protégées de Chubut ». Parallèlement à la création de l’ANPPV, le gouvernement de Chubut poursuivait le processus de reconnaissance de la péninsule comme patrimoine mondial de l’UNESCO, conditionnée par l’existence d’un plan de gestion.

Pour sa rédaction, le gouvernement de Chubut a recruté deux consultants qui ont décidé de coordonner le processus selon le paradigme participatif prévalant dans les arènes internationales de la conservation et fortement soutenu lors du premier « Congrès latino-américain des parcs nationaux et autres zones protégées » qui s’est tenu en Colombie en 1997. Le congrès avait recommandé la participation de tous les secteurs impliqués dans le processus de planification de la gestion et dans la gestion elle-même. Ayant participé à ce congrès, Belén8, biologiste de formation et consultante qui sera par la suite présente à tous les moments importants de l’histoire du plan de gestion, a convaincu le gouvernement que les parties prenantes se sentiraient davantage impliquées dans la réussite de l’ANPPV et accepteraient mieux les mesures de conservation si le projet adoptait une approche participative.

Ainsi, une liste des représentants à inviter comprenant secteur public, secteur privé, ONG environnementales et institutions scientifiques et universitaires a été établie. La longue série de réunions avec ces participants a été coordonnée par sept personnes qui étaient en communication constante avec les plus hauts responsables politiques de la province. En outre, les deux consultants ont été assistés par un employé de l’Organisme provincial du tourisme et trois des quatre coordinateurs des commissions de travail créées pour le processus de rédaction provenaient de cet organisme.

Le processus d’élaboration du plan de gestion s’est étalé sur deux ans, entre 1998 et 1999. Parmi les nombreuses réunions, 56 ont impliqué les pêcheurs artisans, représentés par l’APAPM, dont les membres les plus actifs se souviennent encore de la difficulté de s’approprier des concepts tels que « durabilité » et « objectif programmatique », jusqu’alors inconnus d’eux. Après le travail, parfois aidés par les chercheurs, ils passaient des heures à lire pour se familiariser avec le nouvel univers langagier.

Un résultat important du processus, pour l’APAPM, a été l’inclusion de représentants de pêcheurs au sein du comité exécutif de l’administration de l’ANPPV. Cela devait leur permettre de prendre part à tous les principaux moments de planification et de gestion de l’ANPPV. Néanmoins, avant que le plan de gestion ne soit validé par la loi, la configuration du comité a été modifiée par une décision arbitraire du gouvernement qui a exclu les pêcheurs non seulement du comité exécutif (composé d’institutions politiques, administratives et commerciales, et des propriétaires des terres incluses dans l’ANPPV), mais aussi de l’autre organisme de l’administration de l’ANPPV, le comité consultatif (opérateurs de tourisme, universités et CENPAT). Les pêcheurs, qui ont appris ce changement après la publication officielle de la loi, n’ont jamais été informés des raisons de cette décision. Et pour cause : aucun obstacle légal ou réglementaire à la participation des pêcheurs au comité n’a été identifié.

Le plan de gestion et la pêche artisanale

Le plan de gestion est composé d’une partie décrivant la péninsule (caractéristiques socioculturelles, biologiques, écologiques et géologiques, et les espèces de faune et de flore) et d’une partie axée sur les mesures de gestion. Pour commencer, il rappelle que la pêche est déclarée « activité d’intérêt » par la province de Chubut et la ville de Puerto Madryn. Appréciée pour sa capacité à approvisionner le marché en produits de bonne qualité et à générer des emplois, elle a un impact minime sur l’environnement (à condition que sa gestion soit efficace). La mariculture9 est présentée, suscitant en cela l’intérêt des acteurs privés, comme une activité reposant sur des études scientifiques et capable de se substituer à la cueillette de coquillages pour garantir le futur de l’activité (Provincia de Chubut, 2001, p. 65). Les déficiences du système de contrôle de l’État provincial sont présentées comme compromettant la gestion des ressources, favorisant la pêche illégale et provoquant des inégalités entre pêcheurs légaux et illégaux (Provincia de Chubut, 2001, p. 64). Toutefois, le contrôle reste incomplet et la mariculture ainsi que d’autres projets de développement de la pêche n’ont jamais été soutenus par la province.

Dans la deuxième partie du plan de gestion, la pêche est incluse dans le programme de « conservation et gestion du patrimoine naturel et culturel ». Des actions sont prévues, telles que la création de couloirs d’accès à travers les réserves strictes pour permettre aux pêcheurs d’atteindre leurs zones de travail, le respect des quotas (lorsqu’ils sont fixés) et le soutien des pratiques de pêche non agressives. Bon nombre de ces actions n’ont jamais été détaillées au niveau législatif ou n’ont jamais été mises en œuvre.

Au sujet du zonage, la pêche est certes interdite dans les zones de réserve stricte, mais elle est la seule ou l’une des très rares activités, selon le cas, autorisées dans les cinq zones à usage durable limité. En outre, dans les zones à usage durable, la pêche artisanale est autorisée ainsi que d’autres « activités productives planifiées et contrôlées, garantissant la durabilité écologique, économique et sociale (Provincia de Chubut, 2001, p. 100) » telles que l’élevage de moutons et de bovins, l’écotourisme et les activités de loisir. Enfin, les pêcheurs artisans sont autorisés à disposer d’unités mobiles opérationnelles sur cinq plages.

La mise en application du zonage dévoile le véritable but de l’ANPPV, au-delà de la rhétorique environnementale. Bien que la gestion durable des ressources halieutiques soit prévue par le plan de gestion, l’administration de l’ANPPV et les ministères des zones protégées des différents gouvernements provinciaux n’ont jusqu’à présent pas agi pour assurer la durabilité de la pêche. Ils prennent à peine part dans la prévention de la pêche illégale ou le contrôle des quotas établis par le gouvernement provincial. En revanche, l’administration de l’ANPPV exige des pêcheurs de ne pas interférer avec la vie des différentes espèces d’intérêt touristique et naturel (notamment les animaux mentionnés dans l’introduction de cet article). La conception du zonage ne relève en rien de la gestion de la pêche. L’importance de la variable naturelle-touristique est évidente puisque seuls les sites du tourisme axé sur la faune sauvage sont contrôlés. Ailleurs, même dans les sites de tourisme balnéaire, ce contrôle est absent. Les zones d’observation de la faune sauvage étaient auparavant d’importants sites pour la pêche artisanale.

Le gouvernement provincial a réglementé la pêche artisanale en 2011 (décret réglementaire n° 1899/11, Province de Chubut). Bien avant le début du processus d’élaboration du décret réglementaire, un autre processus d’élaboration était en cours depuis longtemps (à travers une série de tentatives infructueuses) : le plan de gestion de la cueillette en plongée de coquillages (dans un premier temps) et des trois techniques de pêche (depuis début 2011). Ce plan de gestion de la pêche artisanale était censé devenir le règlement de la pêche artisanale issu des lignes directrices du plan de gestion de l’ANPPV. Bien qu’il n’ait pas dépassé le stade de projet, une partie de celui-ci a été incluse dans le décret réglementaire n° 1899/11. Le processus de rédaction de ce décret a été promu par le secrétariat et le sous-secrétariat de la Pêche, qui ont appelé les pêcheurs artisans à participer et ont convenu avec le CENPAT que des biologistes marins (María et Carlos) coordonneraient le processus. Ainsi, le règlement existant, qui prévoit un système de gestion consultatif incluant une série de règles spécifiques pour l’attribution des permis avec les pêcheurs, est le résultat d’une bonne collaboration entre les biologistes du CENPAT, les pêcheurs et le sous-secrétaire de la pêche en poste au début des années 2010. La pêche artisanale est donc l’une des activités les plus réglementées dans la péninsule. Cependant, les gouvernements provinciaux ont toujours appliqué ces règlements de manière irrégulière et peu rigoureuse.

Pour en revenir à l’administration de l’ANPPV, il faut tenir compte du fait qu’elle approvisionne en eau potable les logements (temporaires ou permanents) des pêcheurs. Le soutien aux pêcheurs ne va pas beaucoup plus loin. Malgré les demandes des pêcheurs, aucune infrastructure (par exemple des endroits où se laver et se changer après les sorties de pêche) n’a été mise en place pour soutenir leurs activités. En outre, les accès menant aux plages de la péninsule sont mal entretenus, alors que les principaux accès utilisés par les touristes sont généralement en bon état. Les plus petits, moins régulièrement entretenus, deviennent impraticables. Cet entretien sélectif des accès à la côte, qui se concentre sur les besoins de gestion des flux touristiques, semble oublier que les pêcheurs artisans ont le droit d’accéder à toutes les plages de la péninsule, à l’exception des réserves strictes. De plus, le contrôle de la pêche illégale est inefficace alors qu’il serait facilement réalisable. Tout bateau navigant dans le golfe San José (le seul où la cueillette en plongée a lieu) est d’abord transporté jusqu’à ces côtes par la seule route10 qui mène à la péninsule. Sur la route se trouve l’entrée de l’ANPPV, où des gardes-faune installés dans des guérites enregistrent chaque véhicule qui entre.

Face à la négligence du gouvernement et de l’administration de l’ANPPV vis-à-vis des besoins de la pêche artisanale, les pêcheurs, avec les chercheurs du CENPAT, ont à maintes reprises tenté de favoriser la collaboration entre le secteur productif, le secteur technique et les organes politico-administratifs ; mais cela n’a pas permis un changement dans la relation entre les pêcheurs et le gouvernement, qui ne prend aucunement en compte les connaissances des pêcheurs. Les chercheurs et les pêcheurs ont pourtant rédigé des plans de gestion pour les trois pêcheries, participé à la rédaction des textes réglementaires pour l’application de la loi provinciale sur la pêche artisanale, participé aux différents processus de révision du plan de gestion de l’ANPPV et contribué aux campagnes de monitorage des stocks halieutiques. À certaines de ces occasions, au cours de tables rondes avec des ministres des gouvernements provinciaux, des accords ont été conclus et des décisions officiellement approuvées par le gouvernement pour régler les principaux problèmes. Malgré cela, l’État ne considère toujours pas les pêcheurs comme de véritables experts de leur milieu ni comme des interlocuteurs fiables.

Les tentatives de révision du plan de gestion

Initialement prévue tous les cinq ans, la première révision du plan de gestion n’a commencé qu’en 2010. Selon Álvaro, membre de la plus puissante11 ONG environnementale de Puerto Madryn, ce retard serait dû à la phase d’évaluation de la gestion de l’ANPPV entre 2001 et 2010 et dont les résultats se sont révélés négatifs. Álvaro et ses collègues, mais aussi Belén, considèrent que la forme de l’évaluation était trop sévère et donc inappropriée. Par exemple, on y affirmait que seulement un peu plus de 10 % des activités prévues par le plan de gestion de l’ANPPV avaient été développées ou mises en œuvre. Pour Belén, les objectifs d’un plan de gestion ne doivent pas être pris au pied de la lettre ni évalués de manière stricte. Par exemple, le plan de gestion de l’élevage bovin et ovin ou la définition de la capacité de charge de certaines zones de l’ANPPV n’ont pas encore été achevés12. Ils sont donc apparus dans l’évaluation comme des objectifs de gestion non atteints, malgré le fait que les activités étaient durables. Cette évaluation sévère aurait eu un effet contre-productif en incitant le gouvernement à ne pas transmettre le rapport à l’Unesco, qui l’exigeait pour confirmer le label de site du patrimoine mondial attribué en 2000. Le gouvernement a finalement envoyé une version abrégée du rapport et n’a pas lancé le processus de modification du plan de gestion.

La deuxième tentative de révision a eu lieu en 2012. Cette fois-ci, le processus a été interrompu car trop de parties prenantes ont été invitées à participer par le gouvernement, sur avis d’un nouveau consultant. « Même le président du terrain de football de Puerto Pirámides (village d’environ 600 habitants situé dans l’ANPPV) a été autorisé à participer » (Álvaro13). En novembre 2012, après la première réunion plénière de 150 participants, le gouvernement a décidé, suite au lobbying fait par l’ONG d’Alvaro, de suspendre la révision, provoquant la démission du consultant-coordonnateur. Ainsi, le processus a été suspendu sans que les parties prenantes – jusqu’alors plutôt satisfaites de la participation qui leur avait été offerte – ne reçoivent aucune explication.

À l’initiative du gouvernement de Chubut, une troisième tentative de révision a eu lieu entre 2014 et 2015 sous la coordination de Belén, un avocat spécialisé en droit environnemental et une diplômée en sciences politiques en charge des relations avec les participants. L’objectif était de produire un nouveau plan de gestion composé d’un premier volume décrivant la péninsule et d’un second volume comprenant les voix des parties prenantes.

Pour le premier volume, les consultants ont fait appel aux chercheurs du CENPAT, leur demandant de contribuer sous une forme écrite. Ainsi, en octobre 2014, Belén a demandé aux biologistes des ressources halieutiques Carlos, María et Linda d’évaluer la durabilité des techniques locales de pêche artisanale et leur convergence avec les principes de l’aire protégée. L’une des premières questions posées par Belén témoignait de l’esprit de la contribution demandée. Elle cherchait à savoir si, comme elle l’avait entendu dire, la population locale de coquilles Saint-Jacques était menacée par une surexploitation liée à la cueillette en plongée. En ce qui concerne la pêche et les autres activités humaines, l’objectif des consultants était de définir leur niveau de dangerosité pour l’environnement. Malgré cette approche unidimensionnelle à l’égard des activités de pêche, les chercheurs ont accepté d’apporter leur contribution.

Carlos a suggéré à Belén l’idée que la cueillette de coquillages en plongée était utile pour éviter le retour des dragues dans le golfe San José. Elle ne devait pas être évaluée comme une menace potentielle pour l’ANPPV, mais plutôt comme l’un des « points focaux de la conservation » (catégorie utilisée par les consultants pour indiquer les « qualités objectives de l’ANPPV et les raisons pour lesquelles elle devrait être protégée »). Belén a réagi positivement à cette proposition (notamment en raison de l’autorité scientifique reconnue de María et Carlos) et a demandé aux trois scientifiques de rédiger un texte en ce sens. Pourtant, une condition devait être respectée : la protection de la cueillette en plongée devait clairement apparaître comme cruciale pour les coquillages, et non pour les pêcheurs14. Acceptant cette condition, les biologistes ont présenté la cueillette en plongée et aussi la pêche au filet et la cueillette de mollusques sur l’estran comme importantes pour la préservation de la biodiversité marine.

Le compromis accepté par les biologistes a conduit à une modification de la manière dont les activités de pêche artisanale étaient présentées : de menaces pour la biodiversité à alliées de la conservation. De plus, avant de soumettre leur contribution aux consultants, les biologistes ont secrètement demandé à quelques pêcheurs de l’amender. Chercher l’approbation des pêcheurs était à la fois un moyen de leur reconnaître le droit à intervenir et une manière de soumettre la présupposée neutralité de la science à un processus politique et social de validation du savoir. Les trois biologistes, bien que faisant partie d’une « entreprise scientifique », définie par Michel Certeau (1984) comme une structure de pouvoir organisationnelle poursuivant des stratégies pour imposer un ordre social, ont privilégié un comportement différent. Ils ont mis en pratique une tactique – définie comme l’action des négligés, exclus, vaincus de l’histoire15 – et se sont ainsi un peu plus rapprochés des pêcheurs. Par cette tactique, déployée dans l’espace imposé par l’institution définissant le processus de révision du plan de gestion, les biologistes ont cherché à contrebalancer les inégalités de pouvoir. Ils ont pu avantageusement s’investir dans les écarts entre politiques et pratiques – entre la conception et la pratique de la révision – et y trouver une occasion pour promouvoir un savoir, davantage fondé sur la collaboration entre chercheurs et pêcheurs.

La convocation des « parties prenantes » et le cadre de la réunion

Après avoir récolté les informations, à leur avis objectives et nécessaires pour évaluer l’état et les besoins de conservation de l’ANPPV, les consultants commencèrent « la phase de participation » : une vingtaine de réunions avec les représentants d’institutions, secteurs productifs, opérateurs touristiques et propriétaires fonciers. La plupart des consultations ont été planifiées pour durer jusqu’à trois heures. Aucune distinction significative de durée n’a été faite entre les réunions destinées aux participants plus habitués à ce type de réunion (comme les politiciens et les fonctionnaires de l’administration) et celles des pêcheurs artisans ayant besoin de plus de temps pour s’approprier les enjeux de la réunion (Encadré 1).

Participants à la révision du plan de gestion

Ministère du Développement territorial et des secteurs productifs, ministère du Contrôle de l’environnement et du Développement durable, corps législatif (Commission du tourisme et de l’environnement), municipalité de Puerto Pirámides, municipalité de Puerto Madryn, Administration des parcs nationaux et forces armées (tous deux détenant des portions de territoire dans l’ANPPV), préfecture navale, Commission nationale argentine pour l’Unesco (CONAPLU) – secrétariat national du Tourisme et de l’Environnement, administration portuaire, agences de voyage et de tourisme, opérateurs d’observation des baleines, guides touristiques, opérateurs de plongée, opérateurs de kayak et de tourisme d’aventure, entités et chambre de tourisme de la région de la péninsule Valdés, club nautique, titulaires de propriétés rurales incluses dans l’ANPPV, propriétaires fonciers de la zone sud, pêcheurs artisans, ONG, CENPAT-Université San Juan Bosco.

Ainsi que le souligne Walley (2004) dans son étude sur le parc marin de l’île Mafia (Tanzanie), le fait que des acteurs très disparates soient tous présumés être des parties prenantes dont les intérêts sont considérés comme également légitimes dissimule les relations de pouvoir préexistantes. D’une part, dans le cas de la Tanzanie comme dans celui de l’Argentine, les organismes gouvernementaux n’étaient pas simplement des « groupes d’intérêt », mais des membres ou partenaires officiels du gouvernement qui dirigeait, avec les consultants, le processus de révision. Les réunions formelles et les plans de gestion font partie du travail quotidien d’institutions politiques et d’ONG dont les employés sont à même de tirer le meilleur parti. Au contraire, le fonctionnement quotidien des secteurs productifs artisanaux n’est pas basé sur des réunions formelles et certains représentants de pêcheurs ont très peu ou pas du tout l’expérience de ce type de réunion. Dans le contexte de la conservation, leurs connaissances apparaissent comme « non articulées » (Choy, 2005, p. 10), et leur utilité, voire leur valeur, est plus difficilement reconnue. Pour comprendre comment ce processus dit participatif marginalise ce type d’acteurs, il convient de se pencher sur la réunion concernant la pêche artisanale.

Le cadre de la réunion

Un lundi de plein été, les représentants des pêcheurs ont été invités à assister à une réunion prévue pour le mercredi suivant. Outre l’APAPM, l’Association de El Riacho (créée dans les années 2000 et regroupant les cueilleurs à pied de El Riacho) et l’Association des pêcheurs au filet (créée en 2012) étaient également représentées. Josefa (APAPM) était indignée d’avoir été invitée de manière si impromptue et, avec Mariano (président de l’APAPM), elle a envisagé de ne pas y assister pour affirmer publiquement leur critique à l’égard de ce processus de révision, avant de finalement se présenter.

La réunion s’est tenue au Ecocentro, un espace culturel actif entre 1996 et 2021 promouvant « une attitude plus harmonieuse vis-à-vis de l’océan par l’intermédiaire des arts, de l’éducation et de la science », financé par Isaura (ancienne raffinerie de pétrole et actuelle société agrochimique), Aluar (usine locale d’aluminium), la fondation YPF (société argentine de pétrole et gaz) et le secrétariat national du tourisme. Le joli et original bâtiment de l’Ecocentro, situé loin du centre-ville sur un piton rocheux dominant la mer, accueillait une exposition permanente sur la baleine franche australe, espèce « charismatique » (Lorimer, 2007), mise en avant par la province de Chubut comme espèce emblématique (Leader-Williams et Dublin, 2000) de l’ANPPV.

Toutes ces caractéristiques ne sont pas triviales car « ce qui est connu est lié à l’endroit où il est connu et à la façon dont le lieu participe à la connaissance qui est produite » (Brown et al., 2017, p. 20 ; Corsín Jiménez et Estalella, 2017). Les réunions se déroulant dans des salles de bureau semblent délibérément destinées à « effacer la spécificité spatiale » (Yarrow, 2017, p. 103) et ont « un aspect institutionnel aseptisé ». La salle de réunion de l’Ecocentro, déconnectée des plages et de la mer, a eu pour effet auprès des participants de « détacher leurs propres connaissances des objets auxquels ils appartiennent » (Yarrow, 2017, p. 103). Étant donné que les connaissances des pêcheurs sont intrinsèquement propres à un lieu (Marin, 2022), la salle de réunion a miné la capacité des pêcheurs à exprimer leurs connaissances. À d’autres occasions, les pêcheurs avaient tenté en vain de surmonter cet obstacle en invitant hommes politiques et administrateurs à les rejoindre sur la côte pour discuter de la gestion environnementale. Le jour de la réunion, il s’est avéré que les trois associations n’étaient pas représentées par un nombre égal de personnes. De plus, deux autres pêcheurs avaient été invités : Pablo, qui assistait en tant que pêcheur « indépendant », et Pedro, représentant une coopérative considérée par beaucoup comme fictive.

Compte tenu du fait que le gouvernement provincial entretient des relations avec les pêcheurs par l’entremise des représentants des associations enregistrées, la logique derrière l’invitation de Pablo et Pedro n’est pas claire. Pablo est considéré par les autres pêcheurs, les chercheurs et les administrateurs gouvernementaux comme quelqu’un qui défend ses propres intérêts et qui ne veut pas faire partie d’un groupe. Il est cependant reconnu pour son expérience de pêcheur constamment présent à bord de son bateau. Pedro, lui, fait partie des « permissionnaires » qui louent illégalement leur permis de pêche à d’autres embarcations. Sa coopérative, que l’on dit totalement fictive, peut compter sur le fait que les autres associations ont aussi du mal à garder leurs documents en ordre.

De plus, au moment de la révision de 2014-2015, il était de notoriété publique qu’au moins une association avait depuis longtemps des problèmes de coordination interne, au point que ses membres n’étaient peut-être pas pleinement conscients de la politique de l’association. La pratique de représentation choisie par les coordinateurs de la révision du plan de gestion a empêché d’apprécier la complexité des avis des pêcheurs, à tort considérés comme un groupe homogène. Comprendre que les pêcheurs ne constituent pas une catégorie homogène, la diversité des types de pêche artisanale supposant différentes manières de connaître et d’interagir avec l’environnement, aurait permis d’intégrer des connaissances variées susceptibles d’enrichir le nouveau plan de gestion.

Un outil de diagnostic inutile face à des problèmes bien connus

Les discussions au sein du groupe

Le sous-secrétaire à la conservation et aux aires protégées a ouvert la réunion en expliquant que le gouvernement provincial tenait à modifier le plan de gestion avant les élections (dix mois plus tard)16. Les consultants ont présenté les principes de la révision. En outre, l’avocat a affirmé sans équivoque que lui et ses collègues étaient là pour écouter les opinions des pêcheurs, « mais cela ne signifie pas que nous allons tout inclure dans le plan de gestion » (28 janvier 2015). Belén, sur un ton conciliant, a reconnu que le plan de gestion original a une dette envers les pêcheurs artisans qui, en 1999, avaient été exclus sans préavis du conseil d’administration naissant. Le débat s’est déroulé de manière ouverte, bien que cadré par les questions posées et les notes ordonnées par une consultante selon les quatre catégories de l’analyse SWOT (strengths, weaknesses, opportunities, and threats).

Au cours de cette discussion, Mariano a mentionné l’insuffisante mise en œuvre du plan de gestion existant et a critiqué l’absence de représentants d’autres secrétariats et ministères du gouvernement provincial à la réunion. Les gouvernements provinciaux (celui en place et les précédents) « ont toujours été divisés à propos de la gestion de l’ANPPV et le développement de la pêche et de la mariculture » (Mariano, 28 janvier 2015), obligeant les pêcheurs à s’adapter à des politiques contradictoires. Un autre pêcheur a mentionné que les termes « écosystémique et participatif » avaient été employés déjà pour le premier plan de gestion « et pourtant nous avons été mis de côté » (Ernesto, APAPM). Il a rappelé que les autorités s’étaient engagées à entretenir les chemins de terre menant aux plages de pêche, alors que seuls les principaux sont praticables. En outre, il a rappelé que parmi les nombreux touristes, certains pêchent et sortent de l’ANPPV pour vendre les captures. Pablo a proposé d’interdire les bateaux privés dans le golfe San José – où la navigation est déjà limitée – et de permettre aux seuls pêcheurs en plongée de devenir guides de pêche embarquée. Grâce à l’expérience de navigation et la connaissance des lieux de pêche, ces pêcheurs pourraient travailler avec les touristes pendant l’été, période où la plongée pour les coquillages s’arrête. En revanche, Pedro a préconisé les aides aux projets de mariculture. Ces propositions n’ont pas été débattues.

Ainsi, pendant deux heures, il n’y eut que des plaintes et des propositions formulées à de nombreuses autres occasions, et la frustration des personnes ayant participé à des réunions similaires pendant plus de vingt ans sans obtenir de résultats probants était palpable. Francisco, le premier président de l’APAPM, et son frère Alfredo, observaient la scène en silence, dépités et ennuyés. En même temps, les pêcheurs sans expérience de telles réunions tentaient de comprendre comment se comporter dans ce contexte (Abram, 2017, p. 42) et de saisir les secrets de l’élaboration du plan de gestion pour le rendre conforme à leurs propres objectifs. Certains pêcheurs émettaient des idées qui n’avaient pas été partagées avec les pêcheurs non présents et n’étaient donc pas représentatives de l’opinion du groupe dans son ensemble. Les trois consultants ne pouvaient pas comprendre tous les niveaux de négociation de pouvoir qui se déroulaient sous leurs yeux entre pêcheurs et gouvernement (Shore et al., 2011). En tout cas, ils tentaient de cantonner les pêcheurs dans une condition de « demandeurs », leur posant des questions sur leurs besoins, sans jamais les placer dans une situation de « connaisseurs ».

Un retour sur les connaissances des pêcheurs

L’anthropologie de la correspondance (Gatt et Ingold, 2013 ; Ingold, 2014) prévoit que la tâche analytique ne soit pas reléguée à la phase d’écriture, mais partagée avec les personnes rencontrées sur le terrain. De ce fait, j’ai attiré l’attention sur la nécessité d’une réflexion sur les savoirs des pêcheurs et encouragé les consultants à en profiter. Les pêcheurs pouvaient enrichir le premier volume du plan de gestion. Toutefois, puisque gouvernement et consultants attribuaient aux pêcheurs le rôle prédéfini d’« usagers17 des ressources halieutiques », les connaissances et réflexions qu’ils leur demandaient d’apporter étaient d’un seul type : quels sont les bénéfices et les désavantages de l’aire protégée sur la pêche ?

Selon l’approche du gouvernement de Chubut, alors que les biologistes sont des observateurs externes du milieu naturel, les pêcheurs sont des utilisateurs des ressources. De ce fait, toutes les actions et pensées des pêcheurs sont interprétées comme dépendantes de calculs économiques et utilitaires. Cette perspective est si répandue parmi les politiciens et les administrateurs locaux qu’un « virtualisme » (Carrier, 1998) s’est installé, lequel considère les pêcheurs artisans comme des personnes qui n’ont qu’une relation économique avec l’environnement, comme de simples « usagers » des ressources. Lorsqu’il y a un problème concernant les ressources halieutiques, les pêcheurs sont impliqués dans la recherche de solutions. Pour toute question qui concerne l’environnement de l’ANPPV, hormis les espèces ciblées par la pêche artisanale, ils ne sont pas consultés. Les consultants et représentants du gouvernement continuent d’ignorer les observations des pêcheurs et les considèrent au contraire comme biaisées par leurs activités de pêche qui ne leur permettraient pas d’avoir une relation avec l’environnement autre qu’utilitaire. Les consultants de la troisième révision étaient convaincus que chaque groupe de participants serait intéressé seulement par la discussion de son propre champ d’intérêt. Des groupes comme les pêcheurs n’auraient pas eu l’occasion d’exprimer leurs points de vue en toute sincérité et n’auraient « mis de côté la pression de montrer publiquement leur préoccupation pour la nature et la conservation18 » qu’une fois à l’écart des autres parties prenantes.

L’effet performatif du virtualisme se produit lorsque les pêcheurs développent un discours public et une représentation d’eux-mêmes se concentrant uniquement sur les aspects économiques de leur activité, se référant sans cesse à leur besoin de travailler, car ils savent que c’est leur seul moyen d’être écoutés par les administrateurs. Pourtant, ce virtualisme n’est pas complètement advenu. En effet, les pêcheurs expriment leur attachement à l’environnement de l’ANPPV à travers des termes qui, hors du contexte des négociations avec le gouvernement, vont au-delà des logiques économiques. Ils mentionnent, par exemple, le plaisir d’avoir les marées, les vents et les animaux pour uniques maîtres. Certains pêcheurs contribuent déjà à la connaissance dite objective à travers les collaborations avec certains chercheurs, expérience qu’ils auraient également pu mobiliser dans le cadre de la révision du plan de gestion s’ils avaient été interpellés en tant qu’experts.

Malgré mon intervention, la réunion s’est poursuivie sans changement de la dynamique du débat. La seule exception s’est produite lorsque les consultants ont demandé aux pêcheurs de donner leur avis sur une idée du gouvernement : celle de mettre en place des infrastructures de camping sur les plages où de nombreux camping-cars de touristes s’installent en été en dépit du plan de gestion. Néanmoins, le cadre de la conversation avait été fermement circonscrit dès le début. On a demandé aux pêcheurs de se concentrer sur les avantages et les inconvénients que ces infrastructures apporteraient aux activités de pêche artisanale, sans solliciter aucune contribution sur la connaissance de l’ANPPV.

Conclusion

Les consultants ont envoyé par email un brouillon du procès-verbal de la réunion aux représentants de pêcheurs afin qu’ils puissent le modifier à travers un processus nécessitant des compétences techniques (usage du « mode révision » entre autres) et des capacités élevées d’organisation (contributions et corrections devaient être consolidées par toutes les associations et incluses dans un document unifié). Ces instructions arrivaient trois semaines après la réunion, un laps de temps suffisant pour oublier les détails d’une discussion de quatre heures, d’autant plus que la majorité des participants n’avaient pris aucune note. Seulement cinq jours ont été accordés pour proposer des modifications. Or, seule une collaboration très étroite, alors inexistante, entre les différentes associations aurait pu permettre de mener à bien cette tâche. Finalement, le pêcheur indépendant, le président de la coopérative et les représentants de l’Association de pêcheur au filet n’ont pas révisé le document. Marcela (association du Riacho) a envoyé une contribution peu utilisable en raison notamment de confusions réglementaires. Josefa (APAPM), consciente de l’importance du document et de la nécessité d’inclure autant de détails que possible19, a demandé un délai supplémentaire d’une semaine. Elle a édité le document avec Mariano et l’a partagé avec Linda, la biologiste, et moi-même. Les pêcheurs ont ainsi eu une possibilité très limitée d’influencer le contenu du procès-verbal de la réunion. Il s’agit là d’un autre point critique du processus de participation car le gouvernement et les consultants savaient que peu de représentants sont à l’aise avec le langage législatif et que la plupart des pêcheurs écrivent rarement. Les pêcheurs ignorent comment leurs contributions ont été utilisées par les consultants et le gouvernement. Depuis 2015, ils n’ont reçu aucune communication sur la révision du plan de gestion, qui a de fait été abandonnée par le gouvernement.

Lorsque les participants n’ont pas le pouvoir d’influencer les décisions, il n’y a pas de réelle participation (Tippett et al., 2007 ; Fiorino, 1990). Le principal enjeu de la réunion examinée ici était le contenu du procès-verbal de la réunion. Ce document écrit aurait pu contribuer au futur plan de gestion, participant ainsi à définir les droits et les restrictions des pêcheurs dans l’ANPPV.

Les chercheurs impliqués dans la gestion de l’environnement sont visiblement conscients de l’impact des documents écrits, ont des tactiques pour garder le contrôle sur les comptes rendus, par exemple se porter volontaires pour les rédiger pendant des réunions, et partagent les rapports avec leurs collègues ou d’autres personnes de confiance (y compris des pêcheurs) avant d’en soumettre les versions finales. Rédaction, lecture et révision de documents issus de réunions demandent aussi des compétences particulières. Ces documents ne fournissent que des informations parcellaires. Pour les sujets vraiment controversés – comme la gestion de l’ANPPV –, « la lecture entre les lignes […] est une compétence essentielle » (Abram, 2017, p. 34). Il est évident que les représentants de pêcheurs, dans l’ensemble, ne disposent pas de ces compétences et que leur pouvoir reste donc minime, malgré leur présence dans des réunions consultatives – plus que participatives – convoquées par le gouvernement.

En leur déniant tout statut de collaborateurs à égalité avec les administrateurs de l’ANPPV, le gouvernement s’adresse aux pêcheurs en tant que « demandeurs », usagers dont on écoute les besoins. Les pêcheurs plus avisés ne peuvent espérer gagner un peu de pouvoir qu’en mettant en œuvre une série de tactiques. Ils collaborent ainsi pour produire des connaissances dont seuls les chercheurs semblent être les auteurs, ce qui incite le gouvernement à les considérer plus favorablement. Dans d’autres cas, ils se dotent d’outils qui ne peuvent être ignorés par le gouvernement. C’est le cas d’un rapport sur l’évolution spatiale de la pêche à la senne de plage, signé par des pêcheurs et des chercheurs, avec le soutien de centres de recherche nationaux et internationaux (Marin et al., 2017). Ce type de document, écrit et doté de cartes beaucoup plus proches des paramètres de véracité et du style des documents manipulés par les fonctionnaires que de la manière dont les connaissances sont transmises entre pêcheurs, est utilisé par les pêcheurs pour se faire entendre. Comme pour d’autres cas analysés dans la littérature (Adams, 2017 ; Adams et Hulme, 2001 ; Western et al., 1994), la participation n’a pas permis, malgré les promesses, la redistribution du pouvoir décisionnel, l’inclusion sociale et l’attention pour les personnes affectées par les actions de conservation.

Remerciements

Je suis reconnaissante au Conseil européen de la recherche (ERC) [projet 323677-Knowing from the Inside, 2013-18] et à l’Université d’Aberdeen pour avoir financé la recherche doctorale dont est issu cet article. Je suis également reconnaissante vis-à-vis de l’IRD et de l’UMR PALOC, où je travaillais en tant que chercheuse postdoctorale lorsque j’ai rédigé la première version de cet article. Je tiens à exprimer ma gratitude aux pêcheurs artisans, aux biologistes et aux consultants qui ont accepté de partager avec moi des moments de travail et de réflexion. Je remercie Tarik Dahou, Sarah Benabou et les relecteurs anonymes pour leurs précieux conseils.

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1

L’ANPPV englobe dans son territoire la quasi-totalité des aires protégées précédentes : cinq des six réserves de faune (déclarées en 1967), le parc marin du golfe San José (1974) et la réserve naturelle intégrale de la péninsule objectif Valdés (1983). Seule la réserve Punta Loma (1967) n’a pas été incluse car elle est située à plusieurs dizaines de km au sud de la péninsule.

2

Nous privilégions le terme « savoir local » – au lieu de savoir autochtone, indigène ou savoir (écologique) traditionnel – parce que « cette dénomination permet de prendre en compte les paysans, marins et autres locaux qui détiennent des corpus de savoirs sur leur environnement naturel sans pour autant se considérer comme, ou être, une population autochtone » (Roué, 2012, p. 4). Ce qui correspond à la condition des pêcheurs de la péninsule Valdés qui sont au cœur de cet article.

3

Parmi eux, Carlos, chercheur qui, après avoir passé une vingtaine d’années aux États-Unis, est retourné vivre et travailler à Puerto Madryn en 2000.

4

En dehors du CENPAT, d’autres professionnels (par exemple des ingénieurs halieutes) travaillent sur la pêche artisanale, quoique non directement sur la gestion.

5

Sur les processus d’hybridation, voir Demeulenaere, 2013.

6

Ce sont les dates d’apparition des formes contemporaines de ces techniques de pêche dans les golfes entourant la péninsule. Or, les populations de chasseurs-cueilleurs − peuplant les côtes de Chubut depuis 7 400 ans avant le présent et jusqu’à il y a 200 ans (Gómez Otero, 2006) – mangeaient des mollusques récoltés dans l’estran (Gómez Otero et al., 1998) et pratiquaient certaines formes de pêche au filet (Gómez Otero, 2006).

7

La traduction de tous les textes cités en espagnol et en anglais a été effectuée par l’auteure de l’article.

8

Les prénoms sont des pseudonymes.

9

Élevage d’organismes aquatiques marins, notamment mollusques bivalves.

10

Le golfe San José étant protégé, seuls les petits bateaux sont autorisés à y naviguer et l’accès par la haute mer n’est pas pratiqué à cause de forts courants marins.

11

Pour la création de l’aire protégée municipale El Doradillo (entièrement incluse dans la zone tampon de l’ANPPV), la municipalité a compté sur la collaboration de cette ONG et d’une autre, mais n’a pas fait intervenir d’autres parties prenantes. En outre, l’ONG a contribué à la création, finalisée en 2014, de la Réserve de biosphère Valdés. Cette réserve (2 millions d’hectares) comprend la péninsule (360 000 hectares). Ces instruments de conservation, postérieurs à la création de l’ANPPV, ne modifient en rien la juridiction sur l’ANPPV, qui reste aux mains de la province de Chubut.

12

Conversation avec Belén, 10 mars 2014, Puerto Madryn.

13

27 mai 2013, Puerto Madryn.

14

Plus tard, Belén proposera les coquilles Saint-Jacques comme point focal de conservation et la pêche comme son objectif associé.

15

Les tactiques servent à résister face aux règles, aux schémas et aux systèmes de valeurs imposés par les « stratégies » de figures telles que l’État, l’empire, la loi. « La tactique n’a pour lieu que celui de l’autre. Aussi doit-elle jouer avec le terrain qui lui est imposé tel que l’organise la loi d’une force étrangère » (Certeau, 1984, p. 60).

16

Cependant, sans en expliquer la raison aux parties prenantes, le processus s’est arrêté avant les élections et le plan de gestion n’a jamais été modifié.

17

Le terme usagers (usuarios) était utilisé lors de cette réunion.

18

Belén, juin 2017.

19

Josefa a un niveau d’éducation et une familiarité avec les documents formels (y compris les textes de loi) qui sont tout à fait exceptionnels dans le milieu de la pêche locale.

Citation de l’article : Marin F. Participation, savoirs et pouvoirs dans la gestion de la péninsule Valdés (Argentine). Nat. Sci. Soc., 30, 2, 144-156.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Localisation de la péninsule Valdés (réalisation : O.P. Dell’Arciprete [CESIMAR-CONICET]).

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Estran du golfe San José, un cueilleur de mollusques attrape un poulpe (© F. Marin, 2016).

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Golfe Nuevo, un pêcheur rame pour poser la senne (© F. Marin, 2015).

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Golfe San José, un marin-pêcheur au travail (© F. Marin, 2014).

Dans le texte
thumbnail Fig. 5

Golfe San José, un plongeur au travail (© F. Marin, 2015).

Dans le texte

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