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Nat. Sci. Soc.
Volume 29, 2021
Pour une géologie politique
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Page(s) | S12 - S24 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2021043 | |
Publié en ligne | 1 décembre 2021 |
L’acceptabilité au prisme du stockage géologique de CO2 : retour sur un débat non émergé★
Public acceptance of carbon dioxide capture and storage: a debate that did not take place
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Sciences politiques, Université de Pau et des Pays de l’Adour, E2S UPPA, UMR TREE, ICL,
Pau, France
2
Géographie, Université de Pau et des Pays de l’Adour, E2S UPPA, UMR TREE, ICL,
Pau, France
* Auteur correspondant : sebastien.chailleux@univ-pau.fr
L’acceptabilité sociale, notamment des techniques de géo-ingénierie (et plus particulièrement d’ingénierie du sous-sol), est réputée poser problème et limiter le déploiement de ces technologies. En se fondant sur le cas de la capture et du stockage géologique de CO2 (CSC) en Europe, l’article met en évidence, au travers d’une comparaison de tentatives de déploiement et d’une analyse de presse, le fait que même si la faible acceptabilité du CSC est un des facteurs qui limite son déploiement, celle-ci semble avoir un rôle moindre dans ses difficultés au regard des fragilités de son portage politique et son modèle économique, voire la maturité de cet assemblage technologique. Le CSC est donc moins confronté à un rejet massif qu’il ne souffre d’un manque de portage industriel et politique. En fait, c’est surtout l’absence d’un véritable débat autour de cet assemblage de technologies que révèle l’analyse des débats autour de l’acceptabilité sociale de cette manière de lutter contre le changement climatique.
Abstract
Social acceptability, particularly of geoengineering (and specially subsoil engineering) techniques, is said to cause problems and limit the development of those technologies. Analysing the case of carbon capture and storage (CCS) in Europe, the article shows through the comparison of CCS projects and a press analysis that social acceptability of CCS is limiting its development, but so as political leadership, economic model, and technological maturity. CCS is less massively rejected than it lacks industrial and political leaderships. In fact, this is mostly the absence of a true public debate about this technology in particular, and geoengineering in general, that the analysis of the debates about social acceptability of those instruments to fight climate change unveiled.
Mots clés : acceptabilité / stockage géologique de CO2 / géo-ingénierie / changement climatique / sous-sol
Key words: public acceptance / carbon dioxide capture and storage / climate change / geoengineering / subsoil
© S. Chailleux et X. Arnauld de Sartre, Hosted by EDP Sciences, 2021
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
Les scénarios pour maintenir le changement climatique sous la barre des deux degrés impliquent de réaliser, vers la moitié du siècle, des émissions négatives, c’est-à-dire non seulement d’arrêter d’émettre du CO2, mais d’en absorber une partie1 (IEA, 2019 ; IPCC, 2016). Quatre grands moyens permettent de capter du CO2 : trois d’entre eux utilisent le piégeage naturel par des écosystèmes (le stockage dans la végétation, les sols et les océans), alors que le quatrième implique la mise en œuvre d’une infrastructure industrielle pour, d’une part, capter le CO2 émis et, d’autre part, soit le stocker dans le sous-sol (CSC, pour captage et stockage de carbone – CCS en anglais), soit le réutiliser (CCUS, pour Carbon Capture, Use and Storage).
C’est ce stockage géologique (CSC), qui entre dans la grande famille de l’ingénierie du sous-sol, qui nous intéresse dans cet article2, en cohérence avec la thématique du numéro spécial, mais aussi parce que les débats qui l’entourent nous paraissent symptomatiques de ceux autour de la géo-ingénierie. Techniquement, le CSC renvoie en effet aux solutions de géo-ingénierie : il permet d’agir sur le système Terre dans une visée corrective, en l’occurrence du climat, en soustrayant de l’atmosphère une partie du carbone pour l’injecter dans une autre partie de la Terre, le sous-sol (Boucher et al., 2014). Le CSC est un assemblage de trois opérations distinctes : le captage de CO2, le plus souvent là où il est le plus concentré – c’est-à-dire en sortie de cheminée, associé à une étape, coûteuse, de purification ; son transport ; et son injection dans des couches souterraines où il devra rester confiné indéfiniment.
Chacune des briques de cet assemblage contient des défis technologiques importants et la nécessité de choix techniques (Bui et al., 2018). Toutefois, contrairement aux approches linéaires et fonctionnalistes de l’innovation, comme la Multi-Level Perspective qui considère le développement technologique de sa niche vers le régime et le paysage sociotechniques (Geels, 2005), dans un assemblage technologique comme celui du CSC la somme des choix à faire dépasse les conséquences de chaque choix. Surtout, et c’est notre argument principal dans cet article, ces choix sont intrinsèquement sociaux et politiques ; ils sont profondément enchâssés dans le social par le récit qui les accompagne, les acteurs qui les portent (notamment un soutien politique – Rayner et al., 2013) et par leur territorialisation, c’est-à-dire leur intégration dans un socio-écosystème spécifique. Or, le récit qui accompagne le déploiement du CSC est un récit qui, classiquement en matière d’innovation technologique, oppose l’innovation – technique – à la territorialisation – sociale. Ainsi, dans une synthèse bibliographique destinée à identifier les enjeux du développement du CSC, une équipe de chercheurs internationaux sépare les verrous technologiques des « barrières non technologiques » (Bui et al., 2018). Les auteurs valorisent un éventail de solutions technologiques pour le CSC (en termes de TRL, Technical readiness level) dont le développement se heurte à des « barrières politiques et commerciales » parmi lesquelles des arguments environnementaux sur les faux espoirs que porterait le CSC, le caractère nouveau de la technologie, les oppositions de populations inquiètes ou dans une attitude Nimby3, les revirements politiques à l’approche d’élections, le choix préférentiel pour des technologies décarbonées – soit une « économie politique » qui ne serait pas favorable au déploiement de la technologie.
Or, les réticences des populations, des décideurs politiques et des marchés à l’endroit d’une technologie sont considérées, par les promoteurs du CSC, indépendamment des technologies elles-mêmes et de la manière dont elles ont été développées. Cette vision du déploiement du CSC considère que les doutes – émis depuis l’origine de la solution technologique (O’Neill et Nadaï, 2012) et manifestés dans les plus grandes revues scientifiques, sur l’utilité réelle du CSC pour lutter contre le changement climatique (McGlade et Ekins, 2015) et les « troubles » autour d’une solution qui vise à perpétuer un système économique carboné en internalisant une partie de ses externalités (Anderson et Peters, 2016) – sont extérieurs à la technologie et portés par des « écologistes » qui défendent une vision « idéologique ». Si ces débats, pourtant centraux dans l’histoire du CSC, ne sont pas repris dans l’article de Bui et al. (2018), c’est parce que ces auteurs sont porteurs d’une vision de la politisation du sous-sol qui tend justement à le dépolitiser. En effet, en considérant qu’une technologie est a priori « bonne » pour lutter contre le changement climatique et que les raisons de son échec sont à chercher dans un « climat politique » défavorable, une telle vision omet le caractère profondément politique de la lutte contre le changement climatique, des technologies censées participer à cette lutte, en même temps qu’elle omet la complexité des milieux sociaux qui doivent les accueillir. Elle omet le caractère éminemment social et politique de l’agencement entre le cadrage du problème et la définition de sa solution.
Or, en matière de CSC, le débat n’a pas manqué d’occasions de se développer, mais ses porteurs ont immanquablement confiné les controverses dans des « arènes discrètes » (Gilbert et Henry, 2012). Nous souhaitons dans cet article étudier la manière dont le débat se développe en France depuis que, au début des années 2010, le stockage géologique de CO2 a été tenté à grande échelle. En prolongeant et complétant l’histoire du CSC déjà faite par ailleurs (O’Neill et Nadaï, 2012) par celle des contestations intervenues depuis le début des années 2010, nous souhaitons, par une revue d’expérimentations européennes du CSC, des récits d’acteurs impliqués dans ces expérimentations, une analyse de presse et une analyse de la littérature scientifique, montrer comment le confinement du CSC dans des arènes techniques et scientifiques marque non seulement l’histoire « ancienne » de cet assemblage technologique – comme le montrent Rebeca Neri O’Neil et Alain Nadaï, mais aussi son histoire récente. Nous montrons qu’en abordant la dimension « non technologique » du CSC principalement en termes d’acceptabilité, les instruments de gouvernance mis en œuvre n’ont fait qu’éviter le débat et participer au reconfinement de la thématique qui caractérise aujourd’hui encore cette technologie et participe de son échec.
Nous procédons, pour mener cette démonstration, en trois temps. Nous revenons dans un premier temps sur l’histoire du développement du CSC, pour montrer comment l’expérimentation du CSC a aussi été celle de sa mise en débat. Puis, nous analysons la manière dont cette mise en débat s’est déroulée – bien que, nous le verrons, de manière très incomplète : d’abord en regardant factuellement les débats qui ont émergé, puis en étudiant leur cohérence thématique. Cela nous permettra de revenir, en conclusion, sur la très imparfaite politisation de cette technologie, entendue comme l’insertion du CSC dans une lutte politique engageant la mise en lumière des valeurs sous-jacentes aux choix technologiques.
Histoire du déploiement d’un assemblage de technologies
Le cadrage du CSC comme une technologie ayant atteint une certaine maturité et cherchant à se territorialiser est cohérent avec la manière dont cette dernière a été construite par ses porteurs qui adoptent la vision d’une innovation conçue dans une niche à l’abri des regards qui doit ensuite être progressivement mise à l’épreuve des marchés et des territoires.
Une technologie confinée
O’Neill et Nadaï (2012) développent une histoire de la technologie jusqu’en 2012 qui permet de comprendre la manière dont ses promoteurs définissent les rapports du CSC au « réel »4 : « Le CSC passe du statut de notion scientifique ayant connu quelques applications (1970-1996) à celui de technologie industrielle (1996-2002), inscrite comme possible solution aux enjeux énergie-climat dans l’UE (2003-2005), et dont il s’agit de démontrer le bien-fondé par son inscription au cœur de la politique énergie-climat (2005-2008). Le CSC devient dès lors un champ d’application de la démonstration technologique qui est au cœur de l’Europe de la recherche (2008-2010). » Initialement, le CSC est une technique de stimulation pétrolière (Enhanced Oil Recovery – EOR – technique) qui permet, en injectant un gaz dans le sous-sol, d’augmenter la pression souterraine et d’améliorer la production d’hydrocarbure ; c’est principalement sous cette forme qu’elle se développe aux États-Unis où elle trouve un modèle économique. À l’inverse, en Europe, c’est dans le cadre d’une politique climatique que le CSC est soutenu. La Directive CCS de 2009 (Directive 2009/31/EC) s’inscrit clairement dans la lutte contre le changement climatique, de même que le programme de financement des démonstrateurs CSC (NER300) s’intègre dans des subventions aux technologies bas-carbone et aux énergies renouvelables. O’Neill et Nadaï montrent comment l’histoire du CSC dans l’UE s’articule à la fois autour de l’idée de démonstrateur technologique et de construction d’une solution technique aux changements climatiques, préalablement définis comme un problème d’émissions de CO2. On construit le CSC comme une solution à un problème en même temps que l’on développe la technologie elle-même. En effet, cette dernière n’est pas développée pour répondre à un marché (le marché carbone est développé en parallèle) et la fonction que remplit l’assemblage de technologies est une fonction récente (transformer une externalité en déchet à traiter) qui est largement à construire : l’utilité de la technologie, problème éminemment politique, doit être construite en même temps qu’elle est développée.
Cette construction se fait dans des arènes assez confinées. O’Neill et Nadaï en identifient trois : les arènes internationales où l’on discute du changement climatique (notamment le Giec), l’espace européen de la recherche (qui cherche à développer une technologie) et la politique européenne de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces arènes concernent peu le grand public et bien plus un public de pairs dans lequel il existe un accord tacite sur le cadre de la discussion et le régime de vérité dominant. S’il existe des débats sur l’utilité du CSC et les risques qui y sont liés, O’Neill et Nadaï (2012) montrent que « la controverse ne trouve pour ainsi dire pas d’arène pour se déployer et mettre en débat le cadrage et l’opérationnalisation du risque qui est à l’œuvre »).
Ainsi, les démonstrateurs que l’Union européenne a planifiés à la fin des années 2010 sont une épreuve grandeur nature pour le CSC. La démonstration n’est pas seulement celle de la possibilité technologique, elle est aussi celle de sa rencontre avec le public.
Une technologie partiellement mise à l’épreuve
Si les démonstrateurs ont été centraux dans l’histoire du CSC en Europe, on ne peut pas dire que depuis 2010 cette histoire ait été couronnée de succès – à l’exception de Sleipner en Norvège. Ce cas, assez particulier, mérite un détour. Première unité de captage et de stockage de carbone, Sleipner est opérationnelle depuis 1996 à la suite de la mise en place d’une taxe carbone en Norvège en 1991. Aujourd’hui, le dispositif permet d’éviter 0,9 Mt de CO2 par an : installé sur une plateforme d’exploitation de gaz naturel en mer du Nord, le dispositif CSC permet d’expurger le méthane produit de son surplus de CO2 qui est réinjecté dans la formation géologique sous le gisement gazier. Le dispositif permet par ailleurs à la compagnie nationale Statoil (aujourd’hui Equinor) d’éviter 90 000 euros de taxe carbone par jour5. Sur le même modèle, Statoil a développé le site de Snohvit en 2008 (0,7 Mt de carbone par an).
Si Sleipner est le premier projet commercialement viable en Europe, c’est un modèle très particulier (financé par l’évitement de la taxe carbone et réalisé sur une plateforme gazière offshore) par rapport aux projets proposés ailleurs dans l’Union européenne (hypothétiquement financés sur le marché carbone européen et réalisés sur des sites onshore). En effet, seuls deux démonstrateurs de stockage parmi la douzaine initialement prévus au sein de l’UE vont effectivement être mis en œuvre : l’un en Allemagne (à Ketzin, dans le Brandebourg), l’autre dans le sud-ouest de la France (à Chapelle-de-Rousse, commune de Jurançon, dans le Béarn). Les autres projets ne sont pas menés à leur terme.
Le rôle des associations environnementales peut être souligné dans ces difficultés : à l’exception de Bellona, la plupart des associations environnementales se sont opposées au déploiement du CSC, mais uniquement lors d’épisodes locaux – sauf dans le cas de l’opposition de Barendrecht aux Pays-Bas et Altmark en Allemagne. C’est seulement récemment qu’elles se sont clairement positionnées6. Au tournant des années 2010, elles ne semblent pas penser le CSC comme un positionnement stratégique, alors même que les projets sont abandonnés les uns après les autres.
D’autres facteurs expliquent ces difficultés. Le contexte économique international n’est en effet pas porteur. La crise de 2008, et ses répercussions sur les États, a considérablement affaibli les capacités d’investissement en faveur du CSC, mais aussi paradoxalement limité l’augmentation des émissions de CO2. En outre, la COP de Copenhague, qui s’est traduite par l’abandon de la généralisation du Protocole de Kyoto, a fragilisé les marchés carbone. Or, ces derniers, qui n’étaient déjà pas bien actifs (Aubertin et Damian, 2010), sont essentiels au financement du CSC. L’essor des renouvelables et le déclin des centrales à charbon ont enfin rendu la mise en œuvre du CSC obsolète pour la décarbonation du secteur de l’énergie en Europe.
Ainsi, la période 2012-2015 est surtout marquée par un recul de la proposition de CSC avant tout pour des raisons économiques. Certes, les expériences de stockage menées, notamment à Chapelle-de-Rousse, sont considérées comme concluantes : les projets ont pu être menés à bien sans accident industriel. Mais les difficultés à implanter des projets, qui ont conduit à nombre d’échecs, et les difficultés à imaginer le déploiement d’une filière complète ont considérablement découragé les industriels. De ce fait, les industriels – notamment dans le secteur de l’énergie – se détachent, à partir de 2012, de la technologie. En France, EDF et GDF Suez par exemple désinvestissent cette solution face à la montée en puissance des énergies renouvelables et les faibles capacités de stockage identifiées par le projet France Nord. Mais la technologie échoue aussi à s’intégrer à des projets non énergétiques, comme avec les hauts fourneaux de Florange (projet Ulcos) qu’ArcelorMittal abandonne en 2012. L’absence de marché et l’importance des investissements à réaliser pour monter une infrastructure de captage, transport et stockage de CO2 ont raison du volontarisme – relatif – affiché.
L’intérêt pour le CSC reprend à partir de la COP 21 et de la signature de l’Accord de Paris en 2015. Si cet accord ne prévoit pas un arrêt des émissions de CO2, il prévoit que les parties doivent, le plus rapidement possible, mettre en place une neutralité carbone qui implique, si l’on veut continuer à émettre du CO2, d’être capable de le stocker. Si, dans certains pays, le CSC reste attaché à la décarbonation de l’énergie et au « charbon propre » comme en Chine, en Europe ce sont surtout les émissions de CO2 non énergétique, c’est-à-dire liées à des processus industriels générant du CO2 comme la production d’acier et de ciment, qui sont ciblées. Ce sont typiquement les projets portés par les Norvégiens et les compagnies pétrolières qui soutiennent de gros projets principalement en offshore. En parallèle, le Giec défend également la Beccs (Bio-Energy Carbon Capture and Storage) qui associe production de biogaz et séquestration du carbone émis lors de sa combustion pour produire de l’électricité. Ces projets sont généralement de taille plus modeste et onshore ; ils sont défendus en France par les experts du sous-sol qui considèrent que la technologie est mature. La Beccs est présente dans la SNBC 2020 (Stratégie nationale bas carbone) française et est située dans la continuité des projets CSC. Il est cohérent, dans la continuité de l’histoire évoquée plus haut, que le CSC soit dorénavant présenté comme une technologie mature, puisque deux projets ont été mis en œuvre et considérés comme des succès.
Pour autant, la maîtrise technique reste incertaine à l’intérieur même des consortiums montés à l’occasion des projets CSC. En effet, la maîtrise par l’ensemble des acteurs de toute une chaîne technologique pose aussi des problèmes aux industriels. « C’est vrai que le fait d’avoir cette chaîne-là avec différentes technos, je trouve que c’était l’un des points faibles. On demandait en effet à un seul opérateur de gérer toutes les briques : le captage, le transport, le stockage. Et on s’est rendu compte, avec l’échec notamment d’Ulcos, qu’Arcelormittal ne se voyait pas être opérateur et que nous allions devoir gérer toutes les briques de captage, transport, stockage… » (chargée de mission, Ademe, 2018).
Il s’agit donc de réinventer la filière depuis 2015 en séparant et en améliorant les différentes composantes technologiques, notamment sur la base du modèle des ordures ménagères, en transformant le CO2 en un déchet industriel pris en charge par un prestataire de transport et de stockage.
Une technologie bloquée par l’absence d’acceptabilité ?
Le passage vers les démonstrateurs industriels onshore à partir de la fin des années 2000 s’accompagne d’un nouveau cadrage de la question du rapport de la technologie au social. Alors que jusqu’au début des années 2010 il s’agit surtout de prouver l’utilité de la technologie, d’en réduire les risques et d’expérimenter les techniques de captage et les types de stockage, les expériences de déploiement de la technologie ont fait émerger un nouveau problème, celui de son « acceptabilité ». Les quelques projets qui ont trouvé un équilibre financier et économique ont été en effet confrontés à des oppositions locales. Parmi les barrières non technologiques présentées par Bui et al. (2018), celle de l’acceptation par des populations riveraines des risques liés à la technologie, en même temps que ce qui est présenté comme une dégradation de leur environnement, est présentée comme un problème majeur.
La tendance est plus générale. Le début des années 2010 a en effet vu se développer toute une série de questionnements liés à l’acceptabilité des projets (Batellier et Maillé, 2017). Pour tout un ensemble d’acteurs, allant des industriels aux chercheurs en sciences et techniques, en passant par les écologues soucieux du devenir d’une mesure environnementale et les organismes de débat public, la question de la manière dont un projet technologique, un parc national ou une mesure fiscale va devenir réalité, dans un territoire donné, est posée en termes d’évitement du conflit et de désamorçage des controverses (Fortin et Fournis, 2015). Les refus d’implantation de projets industriels ou d’aménagements, considérés par ces acteurs comme nombreux, les amènent à craindre les contestations de leurs projets – qui seraient devenues à la fois plus virulentes et plus nombreuses. Batellier et Maillé (2017) montrent que, derrière l’apparente complexité de cette notion, il y a une pensée assez pauvre du social – qu’il faut informer ou impliquer pour faire accepter un projet – et une aversion pour le conflit – qui serait une manifestation de l’échec d’une controverse. À l’inverse, les projets d’aménagement sont pensés comme rationnels ; ils deviendraient légitimes s’ils étaient déployés de manière participative (Batellier, 2016). Ce type de pensée sur l’acceptabilité se retrouve directement dans les débats sur le CSC. On la retrouve formulée de multiples manières dans les entretiens que nous avons réalisés, au point que cette dernière serait la principale cause de l’échec de l’implantation des projets. « On s’est rendu compte que non seulement il était difficile de trouver des sites de stockage du CO2, mais en plus on avait une opposition de la population locale contre ces sites de stockage de CO2. Du fait de potentiels risques ou dangers, mais surtout parce que les opposants accusaient cette technologie de potentiellement permettre aux pollueurs de continuer à polluer… […] Je pense à Barendrecht, aux Pays-Bas… Et Ulcos, on n’a pas été jusqu’au bout, mais ça a été l’un des arguments avancés par Arcelormittal. Ils ont dû faire une enquête publique et ouvrir avec un débat public auprès de la population pour avoir l’acceptation entre guillemets […], mais cela n’a pas été évident, surtout que la problématique c’est que ce n’était pas sur les mêmes régions. Il y avait la région où ils émettaient, où il y avait les emplois à maintenir et l’autre région, à côté, où vous allez trouver le site de stockage, mais où pour la région, y’avait aucun impact, à part le potentiel risque. Et donc la population disait : qu’est-ce qu’on y gagne nous ? » (chargée de mission, Ademe, 2018).
Ce cadrage est cohérent avec l’histoire du confinement du CSC dans des arènes de débats détachées des populations. Mais ce qui est étonnant, c’est que l’expérimentation n’a pas donné lieu à une reformulation du manque de débat autour du CSC. Le problème identifié par O’Neill et Nadaï (2012) d’absence d’arène où déployer la controverse ne paraît pas résolu. Si le débat public a pu avoir lieu localement sur certains projets, il n’a jamais été question de débattre du CSC, mais plutôt de l’implantation d’un projet particulier sur un site précis. Malgré des regrets constatés chez de nombreux acteurs, notamment au sein de la DG climat-énergie et au BRGM, sur le manque de débat général sur la place du CSC dans une politique nationale de lutte contre le changement climatique, la réémergence du CSC depuis 2015 ne laisse pas apercevoir de transformation dans la manière de considérer le débat public et le conflit par les porteurs de projet.
Oppositions constatées sur le stockage géologique de CO2
Afin de mieux comprendre ce processus de confinement qui fait obstacle à un véritable débat public sur le CSC, un retour sur les oppositions aux projets européens est nécessaire. Nous avons, pour analyser les controverses autour du stockage de CO2, mené trois types d’études. Nous avons d’abord synthétisé les analyses des échecs et réussites de projets de stockage de CO2. Nous avons mené une étude bibliographique des travaux de sciences sociales ayant analysé les ressorts des oppositions aux projets de stockage géologique du CO2. Nous avons enfin mené une recherche originale portant sur l’analyse de la presse francophone relative au CSC.
Retour sur les cas d’opposition au stockage géologique de CO2 en Europe
Parmi la dizaine de projets de démonstrateurs de stockage initialement identifiés7, seuls six ont donné lieu à des projets mis en débat dans des territoires précis (notons que les projets britanniques ont tous été arrêtés par manque de fonds), débats qui ont connu des succès différents puisque seuls deux projets ont été effectivement déployés.
C’est à Barendrecht aux Pays-Bas que le rôle des populations dans l’abandon du projet (prévu en 2013, mais annulé en 2010) a été le plus important. Ce projet8 était un des projets phares du dispositif européen de soutien au CSC (par le biais d’un financement via le programme NER300). Le CO2 devait être capté en sortie de raffineries du port de Rotterdam, et stocké à hauteur de 0,4 million de tonnes par an pendant 25 ans dans un réservoir de gaz déplété à 2000 mètres de profondeur – sous la ville de Barendrecht. Les populations se sont clairement opposées au projet, ce qui a conduit à son échec. Les analyses qui sont faites de ce rejet dans la littérature se font autour d’une opposition Nimby, des lacunes argumentatives et pédagogiques, un défaut de calcul coût-avantage (Brunsting et al., 2011a ; Mors et al., 2014).
L’Allemagne avait fait du stockage de CO2 une politique nationale, notamment pour tenir ses engagements de réduction de gaz à effet de serre pour absorber le CO2 émis par les centrales à charbon. Trois projets différents ont été portés, qui ont notamment été analysés dans un rapport de recherche sur l’acceptabilité des technologies liées au sous-sol (Bertaud du Chazaud et al., 2018). Ces trois projets ont donné lieu à des réactions différentes des populations : l’un, le projet de Ketzin (2008-2013, 67 kilotonnes de CO2 issues de la production d’hydrogène stockées à 630 mètres de profondeur dans du grès), n’a donné lieu à aucune opposition particulière, le territoire étant, selon les auteurs du rapport, largement habitué au stockage de gaz naturel et le portage étant assuré par une entreprise locale. Le second projet, Altmark Clean (stockage de 0,1 million de tonnes de CO2 dans un réservoir de gaz déplété, voir Kühn et al., 2012), a vu une montée progressive des oppositions liées aux craintes de fuites et à l’histoire industrielle du lieu marquée par des pollutions générées par l’opérateur du stockage de CO2, conduisant à l’abandon du projet. Le troisième projet, Jänschwalde (prévu pour 2008, 1,7 million de tonnes de CO2 par an stockées dans des formations salines ou un réservoir de gaz déplété), a aussi été abandonné à la suite des oppositions se focalisant notamment sur les risques de fuite et de pollution de la nappe. Dans les deux derniers cas, le manque d’insertion du projet dans une dynamique de développement local paraît contribuer à son refus (Bertaud du Chazaud et al., 2018). Le cas allemand a en outre montré la difficulté d’un trop grand éloignement entre les zones de captage et les zones de stockage. Non seulement le transport par pipeline est problématique, mais la démarche de conviction des populations est compliquée du fait de déplacer ce qui est perçu comme un déchet d’une région vers une autre.
Prévu pour s’implanter en France, mais abandonné en 2012, le projet Ulcos9 Florange était un projet de CSC associé à la fabrication d’acier dont il devait permettre de réduire les émissions de CO2. Ce projet, fortement soutenu par l’État français et l’Union européenne, devait permettre d’éviter la délocalisation des aciéries vers des régions du monde moins regardantes sur les émissions de CO2. Le projet a été arrêté du fait des nombreuses difficultés qui se sont posées : les menaces sur la production d’acier par le groupe Arcelor Mittal, le coût de la technologie, ses difficultés techniques et le relatif échec du marché du carbone européen ont été le plus souvent cités pour justifier son abandon. L’acceptabilité par les populations aurait en outre joué, selon un conseiller ministériel, un rôle important dans cet abandon : « Il y avait beaucoup trop d’inconnues. L’acceptabilité, par les populations, qu’on stocke du CO2 sous ses pieds n’étant pas la moindre10. »
Enfin, Chapelle-de-Rousse (2010-2013, 50 kilotonnes injectées à 4500 mètres dans un réservoir de gaz déplété) est un projet porté par Total dans le sud-ouest de la France, dans le bassin de Lacq, destiné à servir de pilote pour la chaîne complète du CSC (et de la capacité de Total de le mener à bien). L’entreprise n’avait initialement pas prévu d’oppositions particulières, considérant que l’habitude du territoire avec les projets d’extraction du sous-sol et l’implantation historique de l’entreprise dans le territoire garantiraient sa bonne acceptation – comme à Ketzin. Pourtant, une opposition a surgi et s’est exprimée de manière virulente dans les réunions publiques, les arguments mobilisant surtout des risques de fuite et de sismicité. L’entreprise a petit à petit pris la mesure des oppositions et a mené des opérations de communication et de créations d’instances de contrôle en faveur du public et des élus qui ont conduit à une atténuation des oppositions (Ha-Duong et al., 2011). Celles-ci sont restées présentes, mais circonscrites à des réseaux. Elles n’ont pas empêché que le projet soit mené à son terme, Total considérant comme réussi ce pilote11.
L’opérationnalisation des projets s’est donc clairement heurtée à un rejet des populations. Sur les six projets évoqués ci-dessus, quatre ont été bloqués, notamment du fait des oppositions émanant de populations, deux ayant pu se développer, en dépit là encore d’oppositions.
Analyse bibliographique des arguments des populations
L’opposition locale apparaît donc comme un facteur important des échecs de déploiement du stockage géologique de CO2 dans la littérature traitant du CSC. Il est toutefois important de préciser de quelle manière sont traitées ces oppositions et le type d’arguments mis en avant par ces travaux comme justifiant le rejet des populations locales. La synthèse bibliographique de Bui et al. (2018) pointe deux types de risques associés au stockage de CO2 : les fuites de CO2 (soit par les points d’injection, soit par capillarité) pouvant arriver en surface ou toucher des nappes phréatiques, et les séismes induits par l’injection de produits dans le sous-sol. En outre, le stockage géologique implique soit l’existence d’infrastructures de transports (types gazoducs), soit le transfert par camions du gaz – ce qui, avec un éventuel stockage sur site, peut provoquer des fuites et des contaminations.
Mais ces arguments ne sont qu’une partie des raisons des oppositions au stockage géologique de CO2. Pour préciser les oppositions, nous avons réalisé une revue bibliographique des principaux arguments venus des populations relativement au CSC12 (Ashworth et Cormick, 2011 ; Ashworth et al., 2009, 2013 ; de Best-Waldhober et al., 2011 ; Brunsting et al., 2011a, b, 2013 ; European Commission, 2011 ; Ha-Duong et al., 2011 ; Howell et al., 2012, 2017 ; Huijts et al., 2012 ; Mabon et al., 2013 ; Mors et al., 2014 ; McLachlan et al., 2004 ; Vercelli et al., 2013, 2016, 2017). Plusieurs types d’arguments sont mobilisés dans les projets de stockage de CO2.
Comme attendu, les craintes liées aux remontées de gaz, à la pollution des nappes souterraines et/ou à la sismicité induite se retrouvent dans de nombreux cas. Ces craintes ne sont pas présentes à l’arrivée de l’assemblage technologique, qui est souvent méconnu par les populations (Vercelli et al., 2016), mais elles émergent petit à petit (Ashworth et al., 2013) et donnent lieu à une communication de la part des entreprises (Brunsting et al., 2011a). Présent dans tous les cas, le refus des nuisances dépend de la manière dont les risques sont présentés (Bertaud du Chazaud et al., 2018) : dans le projet Altmark, le fait que l’opérateur de stockage, GDF Suez, ait indiqué qu’il n’y avait pas de risques, a posé problème lorsqu’il a finalement indiqué que des risques existaient, mais qu’ils pouvaient être circonscrits. L’impression du public qu’on lui cachait quelque chose a provoqué alors des réactions négatives, participant de l’abandon du projet. Dans le sud-ouest de la France, Total a géré ces risques par la mise en place d’une commission locale d’information et de surveillance présidée par une personnalité indépendante.
Certains articles font toutefois remarquer, notamment quand il y a des comparaisons de cas (Ashworth et al., 2013 ; Mabon et al., 2013 ; Vercelli et al., 2013), que les arguments liés à la technologie elle-même entrent en conjonction avec des arguments qualifiés par les auteurs de « contextuels, liés à des représentations sociales subjectives ou objectives » renvoyant à des montées en généralité, qui se retrouvent dans trois grands arguments couramment mobilisés.
Le refus de servir de « poubelle » est couramment évoqué. Cela a été un puissant moteur des oppositions aux projets Jänschwalde (Allemagne) et Barendrecht (Pays-Bas). La qualification du CO2 comme un déchet ne facilite pas son acceptation par les populations, qui voient leur territoire devenir une « décharge ». Si en plus les déchets sont produits extérieurement, la situation devient problématique.
L’opposition à une entreprise est l’autre grand moteur des oppositions. En Allemagne, la différence entre le site où le projet a été accepté, Ketzin, et ceux de son refus, Altmark et Jänschwalde, s’explique en partie par le fait qu’à Ketzin l’entreprise était connue et impliquée dans le développement local (Bertaud du Chazaud et al., 2018). À Chapelle-de-Rousse, l’image de Total a joué dans les deux sens : entreprise très fortement implantée localement, elle a bénéficié à la fois d’un soutien des acteurs du territoire, mais aussi de mobilisations contre un groupe du CAC 40 (Ha-Duong et al., 2011 ; Total, 2015).
Enfin, l’opposition à une fausse solution est un argument qui, s’il monte en puissance progressivement, notamment depuis la COP 21, ne s’est retrouvé que dans deux projets, à Barendrecht et Altmark Clean. Dans ce dernier cas, les oppositions ont fait du site un point focal de leurs oppositions contre la politique énergétique allemande, prenant le relais des anti-nucléaires.
L’opposition à la fausse solution se retrouve donc finalement assez rarement. Les conditions d’implantation de la technologie semblent avoir été déterminantes pour expliquer les conflits. Ces conflits sont assez classiques et renvoient à des riverains qui s’opposent à des projets perçus comme néfastes. Localement, le débat sur le CSC a plutôt été confiné dans des oppositions « riveraines » classiques.
Dans la presse, une technologie loin de son déploiement
La presse est le troisième moyen que nous avons eu d’appréhender la réception des technologies de CSC. À la différence des analyses portant sur les oppositions des populations, l’analyse de presse fait apparaître des discours d’acteurs porteurs de technologies ; elle permet de mettre en évidence, en fonction du lectorat du journal, la manière dont ces acteurs présentent leur solution à différents publics et dont les journalistes traitent ce sujet.
Pour des raisons de corpus, nous nous sommes limités à la presse francophone – limitant de ce fait la portée de notre échantillon13. L’analyse de presse se fait par extraction de corpus de 579 articles de presse publiés en français sur le thème du stockage géologique de CO2 entre 1997 et 2017 dans les bases de données Factiva et Europresse. Les principaux titres représentés sont Le Journal de l’Environnement, Green Univers, Les Échos, La Tribune et Le Monde.
La figure 1 permet de visualiser la chronologie de publication d’articles. On observe une très progressive montée en puissance des articles sur ce thème à la fin des années 1990, suivie de deux pics d’attention médiatique (l’un en 2009, l’autre en 2015) entrecoupés d’une période de baisse relative d’intérêt. Les pics peuvent s’expliquer par la tenue des deux COP majeures de Copenhague et de Paris, d’autant qu’une analyse par mois de parution des articles montre clairement que l’attention médiatique intervient autour des COP. Entre les deux COP, l’attention retombe. On peut faire émerger trois tendances : de 2002 à 2009, de forts espoirs sont placés dans la filière, avec une majorité d’articles positifs. Durant cette période, de nombreux projets sont annoncés avec un pic de mention au voisinage de la COP de Copenhague. Puis, la période 2010-2015 est caractérisée par les nombreux échecs mentionnés. Le pic de cette période est l’échec du projet Ulcos (Florange) en 2012. De 2015 à 2017, on observe un renouveau, avec plus d’articles et une tonalité de nouveau positive.
Après avoir lu chacun des articles de presse parus sur la période, nous avons résumé les arguments défendus dans chaque article autour d’une phrase clef. Après fusion des arguments proches, nous avons identifié 21 arguments récurrents, dont une douzaine qui se répète suffisamment souvent pour être analysée.
Cinq arguments principaux reviennent plus de cent fois dans l’échantillon. Le premier argument, de loin le plus présent, pointe le rôle stratégique du stockage géologique pour lutter contre le changement climatique, notamment dans le cas des centrales à charbon, et comme un argument en faveur du déploiement de la technologie. Le second argument est relatif à l’absence de rentabilité de la technologie. Sans marché du carbone ayant un prix minimum, les coûts, très élevés, sont à la charge des entreprises. Le caractère expérimental de la technologie, les incertitudes qui l’entourent interviennent aussi souvent, soit de manière critique, soit comme argument porté par des acteurs industriels qui soulignent le processus lent d’innovation et se questionnent sur son accessibilité économique à moyen terme. Le premier argument réellement critique est le cinquième : montrant que la technologie est un outil marginal par rapport à l’ampleur du changement climatique, il fait craindre que cette dernière ne soit un argument destiné à faire du greenwashing.
Les arguments secondaires sont en lien avec les précédents. On peut résumer l’ensemble de ces arguments en deux grandes logiques. L’argument sur l’acceptabilité sociale apparaît assez faible même s’il est présent sur l’ensemble de la période. Il apparaît surtout en relation avec des projets concrets comme Barendrecht et Chapelle-de-Rousse. Il figure à égalité de traitement avec des arguments sur le manque de soutien politique, notamment après l’échec d’Ulcos en 2012.
Au fond, les articles de presse montrent qu’au-delà des contestations émanant des populations il y a d’importants débats relatifs à la viabilité économique et au portage politique de la technologie. Mais ces débats ne génèrent pas de controverse au sens où il n’y a pas de forum installé : les débats ont lieu dans des arènes relativement séparées et ne sont pas centralisés. Ils prennent sens quand il y a des projets précis de déploiement, sans qu’il existe de contestation globale de la technologie – absence de contestation concertée qui est finalement le miroir de l’absence de portage global de la technologie.
Fig. 1 Occurrences des arguments principaux mobilisés dans le corpus de 579 articles. |
Une controverse qui n’a toujours pas atteint le stade du débat public
L’analyse des débats sur le CSC montre une controverse qui n’a pas atteint le stade du débat public et qui demeure confinée dans des arènes discrètes. Sur le continuum des débats triadiques (une opposition entre deux camps devant un juge) défini par Lemieux (2007) entre la controverse limitée à un public de pairs et la crise institutionnelle qui étend le débat à l’ensemble de la société, les débats sur le CSC demeurent plus proches des échanges entre pairs. L’analyse des débats à travers la littérature académique et la presse écrite est révélatrice d’un échange argumentatif entre les promoteurs qui cherchent, d’une part, à orienter le cadrage des projets et des technologies CSC, et, d’autre part, à convaincre leurs alliés du bien-fondé de la solution CSC, et leurs opposants, qui se cantonnent sur les risques de la technologie, la manière dont elle est déployée et son utilité marginale. Ces débats permettent de comprendre le sens qui est attribué à un projet ou à l’assemblage de technologies par différents acteurs. Ils n’expliquent pas directement l’échec ou la réussite des projets qui ont leur propre logique économique et industrielle, mais permettent de représenter la lutte symbolique qui s’opère sur ces objets et la construction de leur légitimité.
Cette lutte symbolique reste toutefois limitée à une mosaïque de controverses qui ne parviennent pas à muter en débat public. On peut identifier cinq controverses distinctes : l’acceptabilité des populations, la faisabilité technique, le rôle par rapport aux changements climatiques, le modèle économique et le soutien politique. Chacune de ces controverses fait intervenir un public plus ou moins large pour juger du bien-fondé des propositions. Leur analyse met en lumière non seulement le confinement dans des arènes discrètes (qu’il s’agisse d’espaces professionnels scientifiques et techniques comme le Club CO2 qui réunit le BRGM, l’Ifpen, l’Ademe et de nombreux industriels, ou d’espaces plus politiques comme celui de l’octroi de financements ou de modification législative), mais aussi les biais des porteurs eux-mêmes dans le jugement émis sur ce qui pose véritablement problème au déploiement du CSC en Europe.
Les populations ne sont qu’un acteur parmi d’autres des débats autour du déploiement du stockage géologique de CO2. Nous avons déjà insisté sur leur rôle dans le blocage de certains projets, mais leur statut reste ambigu : on peut observer, dans certains cas, une utilisation stratégique de l’opposition des populations. Celles-ci sont loin d’être les uniques responsables de l’échec de projet : elles interviennent, comme toutes populations riveraines, au moment de la territorialisation du projet, pour mettre en évidence les risques et une perte d’image de leur territoire. Le cas de Chapelle-de-Rousse montre que ces oppositions peuvent être levées par une action volontaire de la part des porteurs – impliquant notamment la mise en place de commissions locales. Certains projets échouent parce que ces oppositions ne sont pas levées, mais aussi pour des raisons économiques et politiques, comme à Florange. Tout se passe comme si on renvoyait aux populations la responsabilité d’un échec qui est loin d’être uniquement de leur fait pour cacher des problèmes plus structurels, liés à la technologie même, comme le montre cet échange avec un représentant de chez Total à propos de la cartographie des sites potentiels de stockage en France. « Le management était bien content que la phase 1 de France Nord aboutisse à une recommandation négative sur la phase 2, parce qu’elle disait : aller, dans la région parisienne, créer un pilote d’injection de CO2 comme on l’avait fait à Lacq… Alors là, ce n’était plus possible. Un an avant, c’était possible, mais après l’explosion de José Bové [sur le gaz de schiste en 2011], c’était terminé. On allait se retrouver cloués au pilori, l’acceptabilité, elle chutait à toute vitesse… De toute façon, je crois que l’on n’aurait pas fait le pilote, on n’aurait pas pu le faire, dans le contexte de l’époque » (coordinateur, Total, 2018).
Mais au-delà de ces reconstructions a posteriori, l’analyse de presse montre bien que les problèmes liés au CSC sont plutôt des problèmes de modèle économique et de crédibilité technique.
L’arène principale de débat est celle, plutôt confinée, des techniciens et scientifiques qui cherchent à construire une crédibilité technique (O’Neill et Nadaï, 2012). L’enjeu de crédibilité concernait initialement le débat technique autour des technologies et des risques. L’échange argumentaire sur les verrous technologiques et la crédibilité technique et scientifique des projets a marqué la première phase du développement du CSC (1997-2009), mais est apparu en déclin dans les années 2010. « Vraiment, il y avait une grosse recherche et il y avait une grosse avancée sur les verrous technologiques, il y avait des technologies qui existaient. Mais ce que les uns et les autres voyaient, c’est que les déploiements n’étaient pas au rendez-vous. Donc, vous continuez à développer des technologies et, si vous savez que ces technologies-là, elles sont matures, mais elles ne vont pas être déployées avant vingt ou trente ans, c’est-à-dire que ce n’est pas forcément vous qui allez en tirer les fruits. Donc il y a eu une dépression sur la technologie CCS en 2010 » (directeur scientifique, ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, 2018).
La crédibilité technique est une caractéristique de la phase de développement du CSC et des débats qu’il déclenche, au cours de la politique de démonstration. Cette démonstration est jugée positive par bon nombre d’acteurs, notamment industriels comme par exemple Total avec le pilote de Lacq. « C’était un projet qui avait une visée internationale. Vraiment. La motivation, c’était : personne ne l’avait fait, on va démontrer que c’est faisable et effectivement. Ce projet de Lacq nous a valu un nombre de communications, des conférences internationales, absolument énorme. Tout le monde voulait savoir ce qu’on avait fait. Et en fait, honnêtement, sur le stockage, c’était très facile, parce que remettre du CO2 là où il y avait [eu du méthane], ce n’était pas compliqué » (coordinateur, Total, 2018).
Ce succès affiché de la démonstration renforce d’une part le sentiment que les échecs sont liés à des facteurs extérieurs à la technologie pour ses porteurs, mais aussi d’autre part la critique verte d’un « verdissement » d’activités polluantes et d’une stratégie de retardement de décisions plus radicales contre le changement climatique.
En effet, sur la fin de la période, si le débat technique semble avoir tourné en faveur des porteurs de la solution CSC, la critique verte est plus présente quant aux effets de cette solution sur les changements climatiques, notamment parce que les scénarios de déploiement sont des échecs et que les projections sont de moins en moins réalistes au rythme actuel de développement. C’est le troisième débat, celui sur le rôle par rapport aux changements climatiques. Il ne s’agit alors pas tant de critiquer la faisabilité technique, mais plutôt l’ampleur de ses effets sur les objectifs de réduction des émissions de CO2. Cette critique verte est intégrée par une majorité d’acteurs interrogés dont le soutien au CSC s’est réduit au fil des ans. S’ils sont peu nombreux à adhérer à la critique radicale de la solution, ils reconnaissent que le déploiement est un échec et interprètent la montée de la critique verte comme un signal envoyé aux décideurs politiques qui les empêcheraient de soutenir publiquement le CSC. « Il y a un problème politique, c’est beaucoup plus facile de soutenir un projet d’énergies renouvelables qu’un projet CCS pour tout un tas de raisons. Les projets énergies renouvelables, ce sont vraiment les projets du futur. On sait bien que les projets de CCS sont plutôt des projets de transition, qu’ils continuent à fonctionner avec des ressources fossiles » (responsable de programme, Ifpen, 2018).
Plus fondamentalement, l’analyse met en avant un grand nombre de projets qui doivent leur échec à un défaut de financement ou à un montage hasardeux. Le modèle de développement économique européen du CSC fondé sur un marché du carbone avec un prix suffisamment élevé de la tonne de carbone fait figure de principal responsable du déclin d’intérêt pour cette solution contre les changements climatiques. « En dix ans de politique du prix du carbone en Europe, il ne s’est rien passé ! Rien ! Rien ! Rien ! Rien ! Il ne s’est rien passé ! J’en ai marre de voir des scénarios où en 2000… alors, maintenant, on dit plutôt 2020… parce que c’est… c’est trop tard ! (chef de projet, Ifpen, 2018). « In the US, it was a less sophisticated way but it produced more projects. In Europe, we tried to create something, a mechanism very perfect, transparent and cool, and all that, it ended up not working » (chef de programme, IEA, 2019).
Le frein économique reste majeur après vingt ans de développement, puisque, d’une part, le marché carbone ne fonctionne pas et que, d’autre part, le coût des projets n’a pas réellement été réduit, tout cela dans une situation où bon nombre de pays européens souhaitent éviter la délocalisation d’activités industrielles.
Enfin, il faut souligner le soutien politique aléatoire au CSC qui est également responsable d’un portage en demi-teinte. Si le CSC est présent, en France, dans de nombreuses politiques publiques, dont notamment la dernière stratégie bas carbone (SNBC, 2020), sa mise en œuvre est peu défendue publiquement et de nombreux acteurs critiquent le manque d’engagement politique à long terme. Or, le CSC reste fortement dépendant des actions politiques aux échelles nationale et européenne, puisque les sommes engagées pour les projets de grande envergure dépassent les capacités de financement locales. Mais ce manque de soutien est aussi présent dans les politiques internes des entreprises concernées, puisque, non seulement aucun acteur politique de premier plan ne défend le CSC, mais au sein des entreprises les responsables ne mettent plus la technologie dans les priorités stratégiques (la récente politique de Total sur le sujet en est le contre-exemple). « Le soutien politique a quand même pas mal diminué. Et moi je le vois, je continue à participer à pas mal de groupes de travail au niveau français, au niveau européen, international. À l’époque, c’était les grands patrons de l’industrie qui siégeaient là-dedans. [Aujourd’hui], le niveau a baissé, quoi. Ce n’est pas un jugement de valeur sur la qualité des gens et tout ça… mais simplement, ça n’a plus le même impact politique. On a raté le NER 30014. Voilà, on n’était pas prêt finalement » (responsable de programme, Ifpen, 2018).
Ce manque de soutien politique participe aussi du confinement du débat à travers l’absence de mise à l’agenda politique (Schattschneider, 1960). En effet, la notion d’agenda met en lumière la profusion de problèmes potentiels pour les décideurs politiques et la nécessité de hiérarchiser les problèmes. De nombreuses stratégies s’offrent aux porteurs de problèmes publics potentiels, du lobbying interne au mouvement social, mais dans le cas du CSC, mis à part pour des contestations localisées, le sujet n’a été mis à l’agenda ni politique ni médiatique. Cette absence de mise à l’agenda ne permet pas d’ouvrir un débat public dans lequel non seulement la crédibilité technique du CSC serait évaluée, mais aussi sa légitimité en tant que solution contre le changement climatique.
Conclusion
L’histoire de l’expérimentation du CSC n’a pas fondamentalement changé le diagnostic fait par O’Neill et Nadaï qui, au début des années 2010, disaient que le CSC n’avait pas trouvé d’arène de débat public et qu’il restait confiné au sein de débats d’experts. Or, l’occasion de débattre sur cette technologie aurait pu être saisie au cours de la phase qui a eu lieu au début des années 2010, celle de l’expérimentation. Mais le débat n’a pas eu lieu, et les contestations se sont exprimées comme des oppositions classiques à un projet d’aménagement et ont été traitées sous l’angle, éminemment instrumental, de l’acceptabilité sociale. Or ces oppositions ont rarement été dépassées pour donner lieu à un débat public.
Le problème du récit associé à l’acceptabilité sociale n’est pas tant de convaincre les populations riveraines d’un projet – ce qui a été possible dans l’exemple de Lacq notamment – que de l’insérer dans un scénario technique, politique, social et in fine climatique qui soit crédible. La construction de l’utilité climatique qui, à défaut d’un modèle économique, a accompagné le déploiement du CSC n’a pas convaincu en dehors du monde des porteurs de la technologie – en tout cas pas suffisamment pour justifier de développer un modèle économique, de donner une volonté politique et de convaincre les populations – ce que Bui et al. (2018) appellent une « économie politique favorable au déploiement du CSC ». Le problème n’est pas tant qu’il existerait une bonne technologie qui attend un soutien pour se déployer, mais plutôt qu’il n’existe pas une technologie ayant, économiquement et environnementalement parlant, une crédibilité et une maturité suffisante pour donner lieu à un débat public.
Les contestations auxquelles le CSC a donné lieu dans les années 2010 ont montré que son confinement dans des arènes techniques est une raison importante de cette contestation ; mais les instruments de gouvernance mis en œuvre n’ont fait qu’éviter le débat et participer à reconfiner la thématique. D’où le fait qu’après la phase d’expérimentation et un relatif abandon après l’échec de cette dernière, celui-ci revienne, notamment depuis l’Accord de Paris, comme une solution au changement climatique qui doit encore démontrer son utilité et qui se positionne en termes d’acceptabilité. Mais il lui manque toujours le passage par un débat public qui permettrait d’assumer la dimension politique du choix de cet assemblage technologique.
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Nimby : Not in my back yard, catégorie d’opposition à des projets d’infrastructures fondée sur une aversion aux nuisances locales ayant des effets directs sur l’individu. C’est une notion controversée en sciences sociales et principalement utilisée par les porteurs de projet pour décrédibiliser l’opposition locale accusée par ce terme d’égoïsme (l’opposition serait uniquement individuelle) et d’irrationalité (l’opposition ne serait pas fondée sur des connaissances).
Dans une perspective constructiviste, on distingue ici le monde « réel » (extérieur) de la « réalité » socialement construite, ainsi il existe une multitude d’interprétations du réel (Lemieux, 2012 ; Barthe et al., 2013). En questionnant le rapport des promoteurs du CSC au « réel », on vise ainsi à mettre à jour comment ils construisent une certaine représentation de la réalité dans laquelle le CSC prend sens.
Total, 2015. Carbon capture and storage. The Lacq pilot – project and injection period 2006-2013, https://totalenergies.com/sites/g/files/nytnzq121/files/atoms/file/Captage-Carbon-capture-and-storage-the-Lacq-pilot.pdf.
Nous avons toutefois mené une analyse quantitative de la presse anglo-saxonne en nous aidant d’un logiciel d’analyse textuelle, Iramuteq. Si nous n’avons pas pu avoir la même finesse d’analyse que celle permise par une lecture exhaustive de la presse, nous avons constaté par cette analyse que cette presse ne faisait pas apparaître d’arguments fondamentalement différents.
NER 300 est un programme de financement qui mobilise environ 2 milliards d’euros en faveur de technologies innovantes à faibles émissions de carbone. Il tire son nom de la vente de 300 millions de quotas d’émissions sur le marché carbone européen provenant de la réserve destinée aux nouveaux entrants (NER).
Citation de l’article: Chailleux S., Arnauld de Sartre X. L’acceptabilité au prisme du stockage géologique de CO2 : retour sur un débat non émergé. Nat. Sci. Soc. 29, S12-S24.
Liste des figures
Fig. 1 Occurrences des arguments principaux mobilisés dans le corpus de 579 articles. |
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Dans le texte |
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