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Nat. Sci. Soc.
Volume 28, Numéro 2, Avril/Juin 2020
Dossier « L’économie circulaire : modes de gouvernance et développement territorial »
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Page(s) | 178 - 189 | |
Section | Regards – Focus | |
DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2020028 | |
Publié en ligne | 18 décembre 2020 |
Quelle place pour les experts d’hier et d’aujourd’hui face aux risques de catastrophes ? Dialogue entre générations
Where do yesterday’s and today’s experts in disaster risk reduction stand? An intergenerational dialogue
1
Sciences de la Terre et psychologie, Université de Paris, Institut de physique du globe de Paris, Institut Humanités Sciences Sociétés,
Paris, France
2
Gestion de la recherche en ingénierie de l’agriculture et de l’environnement,
Antony, France
* Auteur correspondant : Ylb.conseils@orange.fr
Dans cet article, construit sous la forme d’une conversation, deux spécialistes des risques issus de deux générations d’experts croisent leurs regards et leurs expériences afin d’éclairer les transformations ayant eu lieu à l’interface entre expertise, décisions et opinions publiques depuis la fin des années 1990.
Abstract
In 1989, the researchers and practitioners gathered at the Arc-et-Senans colloquium (“Experts are categorical” 11, 12 and 13 September 1989) concluded that “faced with the impossible choice between absolute rationality and widespread scepticism, only one path [seemed] acceptable: to modify the traditional relationships between knowledge and ignorance, profane knowledge and expert knowledge, and finally between political power, expertise and democracy”. Yet, more than 30 years later, “experts” are still looking for their place in the making of public decisions and in the relationship with what is confusingly referred to as the “public opinion”. Have not the last few decades brought about profound changes? In this article, organized as a conversation, two risk specialists from different generations cross their views and experiences to shed light on the changes that have taken place at the interface between expertise, decisions and public opinion since the end of the 1990s. Their dialogue is inspired by a collective work conducted by a multidisciplinary group of experts within the framework of the Scientific Council of the French Association for Natural Disaster Prevention between 2013 and 2018.
Mots clés : environnement / réduction des risques de catastrophe / gouvernance / expertise / décision publique / participation
Key words: environment / disaster risk reduction / governance / expertise / public decision making / participation
© M. Devès et Y. Le Bars, Hosted by EDP Sciences, 2020
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, excepted for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
Maud Devès est docteur en géophysique (2010), maître de conférences en environnement, risques et catastrophes à l’Université de Paris à l’Institut de physique du globe de Paris et à l’Institut humanités, sciences et sociétés (Centre de recherche psychanalyse, médecine société) depuis 2016. Elle est membre du conseil scientifique du Collège international des sciences du territoire (CIST) depuis 2018 et expert pour l’Agence nationale de la recherche. Membre de l’Association française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN) depuis 2013, elle en a présidé le conseil scientifique entre 2016 et 2019.
Yves Le Bars est ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts, promotion 1966 (honoraire). Ancien dirigeant d’organisme de recherche finalisée (Centre national du machinisme agricole, du génie rural et des forêts [Cemagref], Bureau de recherches géologiques et minières [BRGM], Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs [Andra]), il est le président du Comité français pour la solidarité internationale (CFSI) depuis 2012 et membre du conseil scientifique de l’AFPCN depuis 2005.
En 1989, les chercheurs et praticiens réunis au colloque d’Arc-et-Senans (« Les experts sont formels » 11, 12 et 13 septembre 1989) concluaient que « face à l’impossible choix entre rationalité catégorique et scepticisme généralisé, une seule voie [semblait] acceptable : modifier les rapports traditionnels entre connaissance et ignorance, savoir profane et savoir d’initié, et enfin entre pouvoir politique, expertise et démocratie » (Theys et Kalaora, 1992). Force est de constater que plus de 30 ans après, les « experts » cherchent encore leur place dans la fabrication des décisions publiques ainsi que vis-à-vis de ce qui est désigné confusément par « l’opinion publique ». Les dernières décennies n’ont-elles pourtant pas été l’occasion de profonds changements ? Dans cet article, construit sous la forme d’une conversation, deux spécialistes des risques issus de deux générations d’experts croisent leurs regards et leurs expériences afin d’éclairer les transformations ayant eu lieu à l’interface entre expertise, décisions et opinions publiques depuis la fin des années 1990. Leur dialogue s’inspire d’une réflexion plus large, menée au sein d’un groupe d’experts pluridisciplinaire dans le cadre du conseil scientifique de l’Association française de prévention des catastrophes naturelles entre 2013 et 20181.
Les ambiguïtés de la fonction d’expert
Yves Le Bars : En tant que jeune chercheuse à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP), tu es amenée à te prononcer en tant qu’expert sur les risques naturels. Aujourd’hui qu’elle est ton expérience de la relation de l’expertise avec les processus de décision ?
Maud Devès : « On fait confiance aux scientifiques pour nous dire quand il faudra s’inquiéter ! ». J’ai entendu un haut responsable de la sécurité civile prononcer cette phrase en 2019 alors que nous échangions à propos de la gestion de l’alerte volcanique en Martinique et en Guadeloupe. De telles déclarations de confiance mettent les scientifiques mal à l’aise. La prochaine crise éruptive ne peut que révéler l’écart entre cette vision magnifiée de l’expertise scientifique (l’expert étant perçu comme, si ce n’est tout-puissant, du moins « tout sachant ») et ses limites effectives.
L’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) où je travaille est en charge des observatoires volcanologiques et sismologiques français. La surveillance des phénomènes naturels (ce qu’on appelle le « monitoring » en anglais) est une tâche complexe qui se situe à la frontière entre recherche fondamentale et aide à la décision et les personnels des observatoires sont soumis à des injonctions souvent contradictoires. L’IPGP est un grand établissement d’enseignement supérieur et de recherche dont la culture est organisée autour d’un idéal d’excellence académique. L’opérationnalisation du savoir à des fins d’aide à la décision est un enjeu reconnu comme important mais qui reste secondaire au regard du statut de l’institution. Or, à l’échelle des observatoires, l’équilibre entre activités de recherche et activités d’aide à la décision est différent. Pour prendre l’exemple de la Martinique, l’observatoire du Morne des Cadets, créé il y a plus d’un siècle à la suite de la dernière éruption dévastatrice de la montagne Pelée (qui a détruit la ville de Saint-Pierre en 1902 causant plus de 28 000 morts), occupe une place particulière dans le paysage local. Acteur historique, il est l’interlocuteur naturel des populations et des autorités pour tout ce qui touche non seulement aux aléas sismiques et volcaniques mais aussi aux risques qui y sont associés. De fait, les personnels de l’observatoire se retrouvent à devoir composer entre des attentes parfois divergentes : d’un côté, mettre en œuvre l’idéal d’excellence académique qui préside à l’organisation de leur institution de rattachement ; de l’autre, produire un savoir situé et à visée opérationnelle qui permette de répondre aux besoins d’information des populations et des pouvoirs publics. L’articulation de ces deux pratiques est loin d’être évidente, d’autant plus qu’en France aujourd’hui, les chercheurs en sciences de la Terre ne sont pas formés à la pratique de l’expertise et apprennent à leurs dépens ce qui en constitue la spécificité.
La communauté des sciences de la Terre a en outre été profondément marquée par plusieurs grandes polémiques qui ont rendu certains de ses membres réticents à s’aventurer à l’interface entre science et décision. Difficile d’oublier par exemple que les sismologues ayant participé au comité d’experts mandaté par le gouvernement italien lors de la crise sismique de l’Aquila en 2009 ont dû répondre d’une accusation de mauvaise communication des risques devant les tribunaux italiens (voir Encadré 3). Pour ma part, ces polémiques m’ont poussée à compléter ma formation de géophysicienne par une formation en sciences humaines afin d’être mieux outillée pour produire une science qui soit réellement au service de la société. Faire le pont entre la recherche fondamentale et l’aide à la décision me paraît essentiel pour surmonter les défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. L’ancrage des institutions de recherche française comme l’IPGP dans le monde académique international est le gage incontournable d’une expertise de qualité mais cela ne suffit pas à produire un savoir utile à la prise de décision. Pour cela, il faut encore comprendre comment se fabriquent les décisions et savoir se situer quant au rôle que l’expertise scientifique est susceptible d’y jouer… ou non.
M.D. : Quant à toi, Yves, quelle est ton expérience de la situation d’expertise et de ses ambiguïtés ? Comment a-t-elle évolué au long de ta carrière ?
Y.L.B. : La figure de l’expert tout-puissant a été largement dominante dans les années de l’après-guerre. Dans la tradition colbertiste, le mode d’action publique dans ces années tient compte de la pénurie de ressources et de cadres, confrontée à la nécessaire reconstruction. Répondre aux besoins se fait alors par la création de grandes structures publiques où l’on regroupe les rares ingénieurs et chercheurs experts en leur confiant une mission large : c’est le temps du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et des corps techniques. Pour ces derniers (ingénieurs des ponts et chaussées, ingénieurs du génie rural, tous fonctionnaires de l’État), un régime de rémunération les incite à travailler pour d’autres maîtres d’ouvrage que l’État, en particulier pour l’équipement des communes. Il y a délégation aux rares experts. Les objectifs sont relativement simples à formuler, il s’agit d’apporter les services de base, avec un modèle peu remis en cause : le mode de vie de l’Amérique du Nord. De façon schématique, on peut dire qu’il y a un but, et les experts en définissent le chemin, que tout le monde suit en confiance…
M.D. : L’expert « tout puissant » aurait donc en partie existé… Crois-tu que ce soit son ombre qui nous embarrasse encore aujourd’hui dans notre relation au public et, dans une certaine mesure aussi, aux autorités ?
Y.L.B. : Ce mode de décision reste présent dans notre démocratie. Pierre Rosanvallon note le retour remarqué de ce qu’il appelle les théories « décisionnistes » : « Réapparaissent avec elles la nostalgie d’une volonté souveraine, immédiatement sensible, ainsi que le culte des moments d’exception qui simplifient avec évidence les données de l’action » (Rosanvallon, 2006, p. 317). Le passé se retrouve indéniablement dans le présent. Mais l’histoire de la vie de l’expertise dans les processus de décision ne s’arrête heureusement pas là…
Les leçons tirées des crises passées font bouger les choses
Y.L.B. : Revenons d’abord au présent : l’impact des crises passées n’a-t-il pas fait bouger les pratiques d’expertise aujourd’hui ?
M.D. : Les difficultés rencontrées lors des crises passées ont sans aucun doute contribué à faire évoluer les pratiques. La plus célèbre de ces crises dans le domaine des risques volcaniques en France est celle de la Soufrière de Guadeloupe en 1976. La décision d’évacuer une partie de l’île de Basse-Terre (environ 73 000 personnes) avait alors donné lieu à une violente dispute entre les experts, abondamment reprise et commentée dans les médias. La polémique se cristallisait autour de deux grandes figures des sciences de la Terre : d’un côté, le très populaire volcanologue de terrain, Haroun Tazieff, alors responsable des observatoires volcanologiques, et de l’autre, Claude Allègre, jeune géochimiste inconnu du grand public mais récemment promu au poste de directeur de l’IPGP.
Tazieff et Allègre étaient porteurs de deux visions différentes, et fondamentalement contradictoires, du rôle que les scientifiques devaient jouer en situation de crise. Défenseur d’une vision intégrée du risque, Tazieff considérait qu’il était de son devoir de citoyen de mettre en regard la connaissance scientifique des phénomènes volcaniques et une estimation des conséquences potentielles de l’évacuation pour les populations. Il était en l’occurrence persuadé que la probabilité d’une éruption catastrophique était trop faible pour obliger les populations à subir une évacuation dont les conséquences économiques seraient inévitablement désastreuses. Défenseur d’une approche moins holistique, et surtout non prescriptive, Allègre considérait quant à lui ne devoir transmettre au préfet que le strict état des connaissances de son domaine d’expertise. Il considérait que la parole du scientifique devait se cantonner aux limites assignées par ses outils, quitte à transmettre une incertitude ne permettant pas de décider autrement qu’en appliquant brutalement le principe de précaution. Deux scientifiques, deux éthiques… avec des pratiques et des résultats très différents en termes d’aide à la décision.
Cette ligne de partage perdure aujourd’hui encore au sein de la communauté des chercheurs. De mon point de vue, elle s’explique par l’existence de deux sous-cultures disciplinaires. Des sous-champs disciplinaires comme la volcanologie ou la sismologie se donnent pour objectif de produire de la connaissance sur un objet complexe – le volcan, le séisme. Des sous-champs disciplinaires comme la géochimie ou la géophysique se donnent pour objectif de construire de la connaissance grâce à l’application des outils particuliers que sont la physique et la chimie (j’utilise ici le terme d’outils de manière très large). La première posture épistémologique conduit assez naturellement le chercheur à adopter une approche globale de son objet, le conduisant à en devenir l’interprète et le porte-parole auprès des profanes. La seconde posture épistémologique conduit au contraire le chercheur à développer un discours sur les limites de ses outils. En situation d’expertise, on comprend que le premier soit plus enclin à franchir le pas qui sépare la connaissance scientifique de la décision et que le second soit tenté de se retrancher derrière les bornes de l’incertitude.
Si une crise éruptive devait éclater aujourd’hui, les choses se passeraient probablement assez différemment. La connaissance scientifique a beaucoup progressé depuis 1976, mais ce n’est pas tant cela qui a changé que la capacité des scientifiques à organiser leur expertise pour la rendre intelligible aux non-experts. Depuis 1976, plusieurs crises importantes ont agité la communauté. L’éruption de la Soufrière Hills de Montserrat (Encadré 1) a notamment conduit à utiliser des techniques dites « d’expert elicitation » qui permettent de rendre visibles et, dans une certaine mesure, de « gérer » les divergences d’opinions susceptibles d’émerger au cours de l’élaboration d’un avis d’expert. Ces techniques s’accompagnent de deux évolutions : 1) les scientifiques se recentrent sur un discours quantitativiste mettant en avant des probabilités et des incertitudes, 2) à la demande des mandataires, ils font appel à des collègues d’autres disciplines pour tenter de couvrir les différentes dimensions des crises auxquelles ils ont affaire. De ce point de vue, il reste néanmoins des efforts à fournir. La crise de l’éruption de l’Eyjafjöll (Encadré 2) en Islande en 2010 a montré que, réunis pour la première fois en une même cellule de crise, les spécialistes de l’atmosphère et les spécialistes des volcans étaient bien incapables d’articuler leurs connaissances : leurs cultures et les boîtes à outils conceptuelles et pratiques en découlant, n’étant tout simplement pas interopérables.
Les éruptions de la Soufrière Hills de Montserrat (1995-2010).
L’édifice volcanique de la Soufrière Hills de Montserrat connaît une recrudescence d’activité en 1995 qui va durer, avec une succession de phases plus ou moins intenses, durant plus d’une décennie. Au fil du temps, les scientifiques impliqués dans le suivi de cette activité vont être amenés à structurer leur activité d’observation et de surveillance et à revisiter sans cesse les limites et les modalités des interactions entre observation, surveillance et aide à la décision. Il en résulte une littérature particulièrement féconde sur la gestion des crises volcaniques du point de vue des experts (voir, par exemple, Aspinall et al., 2002 ; Donovan et Oppenheimer, 2014 ; Fearnley et Beaven, 2018). Les manifestations du volcan, polymorphes dans leurs effets (lahars, sismicité, nuées ardentes, cendres…), feront 19 morts et menaceront jusqu’à 60 % de la surface totale de l’île conduisant à l’instauration de zones d’exclusion couvrant une large partie du territoire et finalement au départ d’une majeure partie des habitants de l’île vers l’île voisine d’Antigua ou le Royaume-Uni.
L’éruption de l’Eyjafjöll (2010).
La recrudescence d’activité de ce volcan islandais, de mars à juin 2010, se manifeste par une éruption plinienne qui conduit à l’injection d’une grande quantité de cendres dans l’atmosphère. Ces dernières sont une menace pour le trafic aérien nord européen (qui sera très perturbé et même presque entièrement suspendu entre le 15 et le 23 avril) et conduisent à la mobilisation en urgence de spécialistes des volcans et de spécialistes de l’atmosphère afin de tenter de caractériser et de prédire le déplacement des cendres et leur concentration aux altitudes concernées par le vol des avions.
De ces évolutions, j’ai tiré pour ma part la leçon que le scientifique de la Terre qui s’intéressait aux risques associés à son objet d’étude (séisme, volcan, etc.) ne pouvait pas se cantonner à un travail sur l’aléa. Cela étant dit, si l’interdisciplinarité est une expérience nécessaire, c’est également un défi. Produire un savoir interdisciplinaire requiert du temps… un temps souvent difficile à prendre dans le contexte académique actuel. Je m’interroge en outre sur le développement de ces solutions « d’expert elicitation ». Je me demande si elles ne consistent pas à repousser un peu plus loin le leurre d’une maîtrise forcément illusoire. Je ne suis pas certaine qu’ajouter une estimation d’incertitude plus précise à une faible probabilité soit en mesure de rendre la décision plus évidente ou plus fluide. De mon point de vue, ce qui manque aujourd’hui, ce sont les conditions d’un dialogue régulier entre les scientifiques et les autorités responsables de la gestion de crise et de la prévention des risques. In fine, la capacité à travailler ensemble efficacement dépend de la capacité à s’écouter et à se comprendre. Pour cela, il faut des occasions pour apprendre à se connaître et du temps pour développer des éléments d’une culture commune. Enfin, j’ai retenu de l’analyse des crises passées que « l’expert » n’existait pas dans l’absolu mais qu’il n’existait que face à une demande, et pris dans un contexte de fabrication de la décision dont les modalités étaient déterminantes. La manière dont la connaissance scientifique est mobilisée dans un processus de décision contraint fortement le travail de l’expert.
L’expert au sein d’un processus de fabrication des décisions
M.D. : Peut-être faut-il d’ailleurs reposer la question de l’évolution de l’expertise en l’abordant par le biais des processus de décision. Qu’est-il advenu de l’expert tout-puissant qui, si j’ai bien compris, était aussi bien le sachant que le décideur ?
Y.L.B. : Je te remercie d’aborder la question de l’expert et de l’expertise à travers l’analyse des processus de fabrication de décision. C’est une approche que je défends depuis longtemps. Dans un article publié en 2008 (Le Bars, 2008), je mettais en lien mon expérience personnelle des 50 dernières années avec les apports de Lucien Sfez. Pour lui, la décision a une triple fonction sociale (Sfez, 1994) :
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Elle est libératrice car elle permet aux différents acteurs d’agir avec le sentiment qu’ils sont libres et créateurs.
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Elle permet au citoyen de supporter le monde. C’est un intermédiaire entre la liberté et le déterminisme. Elle crée le bouc émissaire, celui qui portera la responsabilité des conséquences du travail de fabrication de la décision.
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Elle permet la liberté dans l’ordre. Elle fragmente les actes étatiques en autant de compétences respectives, ce qui permet de créer des contrepoids.
Lucien Sfez définissait trois âges de la décision. Ce que j’ai dit plus haut de l’immédiat après-guerre représente un premier âge, qu’il décrit comme la décision « classique ». Il s’agit de « la “bonne” décision, en ligne, rationnelle, normale, rentable… » (ibid., p. 35). Elle associe une « fragmentation en trois moments de préparation, décision et exécution, privilège accordé au moment décisif, sans durée, mépris pour l’exécution, purement servile » (ibid., p. 26). L’étape intermédiaire est perçue comme étant « le moment de l’acte créateur par excellence, et ne reconnaissant pas que la décision est un enchaînement, que la création est continue… ».
Ce que tu as décrit de la crise de la Soufrière de 1976 peut correspondre à un 2e âge, que Lucien Sfez décrit comme la décision moderne. Pour lui, « la décision moderne est un processus d’engagement progressif, connecté à d’autres, marqué par l’équifinalité, c’est-à-dire l’existence reconnue de plusieurs chemins pour parvenir au même et unique but » (ibid., p. 77) : ici la protection de la population. Il précise que « c’est la notion de système dynamique et ouvert qui est la plus féconde dans la méthodologie que l’on appelle approche systémique » (ibid., p. 40). On est ici sorti de la linéarité de la décision : la définition du problème à traiter par une décision et l’étude de la décision elle-même sont en interaction, peuvent évoluer ensemble. Et une pluralité de l’expertise est admise : expert et contre-expert construisent la décision comme la critique de la décision… Bien sûr, cela peut conduire à des blocages, comme le montre le cas de la Soufrière en 1976…
Mais il y a un 3e âge. Un autre mode de fabrication des décisions qui aurait émergé, selon Lucien Sfez, à l’occasion de crises autour de nouveaux risques sur la santé et l’environnement, dans une société où il y a maintenant une relative abondance de ressources et de cadres. L’expert et le décideur ont dû introduire « les autres » dans le système de décision. C’est un jeu à trois, le concept de « décideur » disparaissant au profit de celui de « fabricant de décision », pilote d’un processus pour inventer un futur collectif original, et facilitant la confiance dans les institutions chargées de la mise en œuvre.
Je retiens pour ma part plusieurs moteurs possibles de ce changement :
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La nature des enjeux collectifs a changé, la société est plus complexe. Les politiques de décentralisation ont accru l’autonomie des collectivités territoriales, les privatisations d’entreprises et l’internationalisation de leurs champs d’action ont réduit la capacité des pouvoirs publics à peser sur leurs choix. Tous les leviers ne sont donc pas dans la main des pouvoirs publics, ils doivent compter avec d’autres intervenants devenus très autonomes.
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Les acteurs de l’économie sont perçus comme en position dominante vis-à-vis des pouvoirs publics, ce qui conduit à une exigence d’indépendance des experts par rapport aux puissances économiques (selon le baromètre de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire [IRSN, 2018, p. 17], les deux qualités premières de l’expert scientifique sont « la compétence technique » en premier, suivie de « l’indépendance du jugement ») alors que l’on constate une faible confiance dans « les autorités » (à la question « Pour chacun des domaines suivants, estimez-vous que l’on dit la vérité sur les dangers qu’il représente pour la population », 50 % et plus des sondés disent « non » à propos des risques allant des produits alimentaires aux déchets radioactifs en passant par la pollution des eaux, les OGM ou les pesticides [IRSN, 2018, p. 48]). Dans le domaine du nucléaire, la compétence et la crédibilité des autorités sont perçues comme faibles à très faibles, alors que celles des associations et des structures d’expertise sont perçues comme plus élevées (IRSN, 2018, graphique « crédibilité/compétence des intervenants du domaine du nucléaire », p. 82).
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La capacité de nos concitoyens à comprendre les enjeux complexes a été démontrée par les conférences de citoyens (sur les OGM, le nucléaire, le climat…), sans que l’on sache encore comment intégrer les avis du public dans les processus de décision publique.
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Enfin, notons la demande d’approches de prévention des risques plus fines (mieux adaptées aux situations locales) ou plus individuelles (adapter son mode de vie pour vivre avec le risque d’inondation, par exemple…).
Il faut citer ici ce qu’écrit Lucien Sfez sur le 3e âge, celui de la décision contemporaine : « dans nos sociétés, la décision contemporaine est un récit toujours interprétable, multirationnel, dominé par la multifinalité, marqué par la reconnaissance de plusieurs buts possibles, simultanés, en rupture » (Sfez, 1994, p. 122). Il en déduit une non-rationalité de la décision, qui dépend en fait de la superposition de multiples rationalités qui échappent au « décideur ». Dans ce contexte, nous pouvons dire que l’expert n’éclaire plus la décision : il apporte des éléments pour réunir les conditions d’une intelligence collective. Alors que la science repose sur la connaissance, la certitude et la preuve, l’intelligence collective s’appuie sur l’expérimentation et l’incertitude du résultat. L’intelligence collective soumet l’expertise à l’épreuve de l’expérience de chacun, celle de l’acteur.
L’opinion publique dans les processus
Y.L.B. : On ne peut donc plus décider comme avant. Du point de vue de la réduction des risques de catastrophes, à ton avis, comment peut-on aller aujourd’hui vers cette intelligence collective ? La prise en compte de « l’opinion publique » conduit-elle à de nouvelles solutions ?
M.D. : Je n’aime pas beaucoup la notion d’« opinion publique » car elle englobe sous un seul vocable une pluralité de réalités. Il existe indubitablement plusieurs opinions publiques. Quant à savoir qui est légitime pour les représenter, c’est une question délicate. Mais la construction d’une intelligence collective ne passe peut-être pas tant par l’identification de « bons » porte-parole que par la mise en place d’un dispositif permettant l’expression et le dépassement de la pluralité des points de vue. J’aime à croire qu’un dialogue bien mené (c’est-à-dire avec rigueur, sans vaines affectations) permet d’aboutir non seulement à une meilleure compréhension mutuelle mais aussi à une appréciation plus juste des problèmes car plus complète.
Dans le cadre du conseil scientifique de l’AFPCN, nous avons testé différentes formes de participation. L’expérience qui m’a le plus marquée est celle que nous avons réalisée à propos des risques associés au changement climatique. L’idée était de partir du 5e rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et d’organiser des conférences-débats sur la procédure et les conclusions de l’expertise, cela afin de contribuer à l’appropriation de l’expertise par différentes parties prenantes et différents publics. En l’état, les rapports du GIEC, extrêmement volumineux, sont assez indigestes et il est important de faire de la médiation… Nous avons donc organisé plusieurs réunions, à chaque fois en invitant des experts ayant contribué à l’écriture ou à la révision du rapport mais aussi des scientifiques connaisseurs du sujet ayant des positions divergentes, voire contradictoires. Les réunions étaient ouvertes à tous et les échanges ont été vraiment intéressants. Après chaque événement, nous nous efforcions de produire une synthèse qui était publiée en ligne et nous définissions la thématique de l’événement suivant en fonction des débats qui avaient eu lieu. Ce travail a duré plusieurs années, de la publication du cinquième rapport du GIEC (IPCC, 2014) à la publication du rapport spécial sur un réchauffement planétaire de 1,5 °C (IPCC, 2018). Il nous a finalement conduits à publier deux articles dans la presse académique internationale (Devès et al., 2017 ; Devès et al., 2018). C’est un bon exemple de coconstruction de savoir : le savoir produit par la recherche, mis en forme par le GIEC, a été discuté par différents publics et le résultat de cette discussion, retraduit dans le format académique par nos soins, est revenu nourrir la réflexion des chercheurs !
La question des risques naturels intéresse malheureusement beaucoup moins l’« opinion publique » que la question du climat2. En France, il existe relativement peu d’associations dédiées à la question de la réduction des risques de catastrophes et celles qui existent comptent dans leur rang beaucoup de spécialistes. Dans ces conditions, la participation de tous les publics reste un véritable défi. Il s’agit pourtant d’une évolution incontournable car s’en est fini de l’expert « tout-sachant » qui murmure à l’oreille du prince. La connaissance scientifique n’est qu’un outil. C’est un outil indispensable de mon point de vue mais qui n’est réellement utile qu’à s’inscrire dans une dynamique plus large. Réduire le risque de catastrophe aujourd’hui requiert de mieux connaître l’aléa certes, mais aussi la manière dont un territoire est habité et vécu par ses habitants. Il reste à inventer des stratégies pour intégrer la problématique de la gestion des risques dans la vie quotidienne des territoires.
M.D. : As-tu déjà pu expérimenter le décloisonnement dont tu parles dans tes missions d’expertise ?
Y.L.B. : Dans les processus où j’ai été impliqué, l’introduction des « parties prenantes » a conduit à une amorce de décloisonnement, et l’« opinion publique » y a pris plusieurs formes. Je citerai trois exemples : l’un touchant directement la prévention des risques, celle des inondations dans la vallée du Rhône moyen, et deux autres touchant aux risques chimiques et radioactifs, les pesticides et les déchets radioactifs.
Le premier cas est celui de la conception des plans d’exposition aux risques d’inondation dans la moyenne vallée du Rhône et de ses affluents qui a donné lieu à un processus assez élaboré3. Le comité de pilotage a été constitué autour de trois groupes d’acteurs impliqués :
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les instances de décision, les maires, le département et l’État ;
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les instances d’étude et d’expertise ;
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les instances de concertation, avec toutes les parties prenantes.
Le Rhône moyen a été découpé en trois secteurs, chacun disposant d’un comité territorial de concertation (CTC) avec un animateur spécialisé. Ce redécoupage a permis de s’affranchir des limites communales, mal adaptées à la résolution des problèmes. Le rôle de l’animateur était d’accompagner la reformulation des questions, de passer la parole, pour une participation réelle. Un « cahier de séance » était élaboré après chaque rencontre par le groupe des experts, dont le secrétariat était assuré par la direction régionale de l’environnement (DIREN) Rhône Alpes. Chaque « cahier » permettait ainsi de rapprocher les points de vue des acteurs participant au CTC sur des principes directeurs proposés par le comité de pilotage pour une stratégie globale de prévention des inondations du Rhône et de ses affluents, et d’éclairer les choix qui précédent nécessairement les décisions.
Pour le préfet organisateur de ce processus, il était essentiel que chacun puisse exprimer de ce qu’il avait à dire. Ce n’était pas un processus de codécision, mais une association très large, permettant d’identifier en commun les marges de manœuvre. Le préfet insistait d’ailleurs sur le fait qu’il fallait réserver du temps en amont du processus, ainsi qu’au cours de son déroulement, afin d’éviter la précipitation mais aussi l’enlisement…
C’était donc un processus organisé par le pilote public, le préfet, en fonction de la nature des risques, dans la durée, et associant l’expertise à des temps de dialogue : nous sommes bien ici dans le 3e âge de la décision de Lucien Sfez. L’intelligence collective en a été accrue, en témoigne la découverte par beaucoup que les crues les plus dommageables n’étaient pas celles du Rhône lui-même mais de ses affluents !
Le second cas est celui des pesticides. Ceux-ci ne provoquent pas de catastrophes d’origine naturelle mais les tensions entre responsables publics, chercheurs experts et les différentes formes de l’opinion publique (associations, médias, groupes professionnels…) y sont également fortes et la comparaison est intéressante.
Dans le cas des pesticides, on observe la coexistence de deux logiques qui, quoique complémentaires, restent bien différentes :
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une logique d’approbation : pour chaque pesticide, herbicide, fongicide, insecticide ou nématicide, l’efficacité pour les cultures est évaluée au regard des enjeux d’environnement et de santé publique ;
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une logique d’encouragement à la réduction de l’usage des pesticides en agriculture pour une protection de l’environnement (qualité des eaux, biodiversité).
C’est dans cette logique de réduction que j’ai été impliqué à travers le processus dit « Écophyto R&D », qui suivait une expertise collective portée par l’Inra et le Cemagref engagée en 2004. Le processus Écophyto R&D a été lancé en 2008. Il a pris la forme d’un ensemble d’expertises menées en concertation, sur 2 années, ayant pour objectif de répondre à la question « peut-on diminuer de moitié l’utilisation des pesticides en France d’ici 2018 ? ». Cela a permis de faire le point sur l’utilisation des pesticides et l’impact économique – pas nécessairement négatif – de la réduction de cette utilisation pour les différents acteurs (Butault et al., 2010). En conclusion, les différents acteurs ont écrit un cahier (Comité d’orientation d’Écophyto R&D, 2010) pour exprimer ce qu’ils avaient retiré de ces 2 années. Un colloque a permis aux uns et aux autres d’exprimer leurs attentes et leurs réserves.
En parallèle, les directions des ministères concernés (Agriculture, Santé, Environnement, Concurrence) ont bâti un plan appelé « Écophyto 2018 » pour aller vers cette réduction, mais sans faire le choix de la contrainte réglementaire, fiscale ou de redevance. La poursuite d’expérimentations et la création d’un réseau de 3 000 exploitations pilotes chargées de tester des systèmes agricoles « économes en pesticides » ont été financées.
Force est de constater que l’utilisation des pesticides, loin de décroître, a néanmoins continué d’augmenter. Un second plan, intitulé « Écophyto 2 », a été lancé en 2018. Le processus se poursuit donc, à travers de nouvelles étapes, qui révèlent les tensions et les attentes divergentes des parties prenantes, alors que la place de l’agriculture dans notre société évolue aussi.
Dans ces processus d’ouverture, face aux freins de nature socioéconomique et au cloisonnement de l’expertise par discipline ou filière de production, il y a à mon avis plusieurs moteurs.
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Des réseaux et des associations produisent des études et dossiers de plaidoyer pour une réduction des pesticides (cf. Générations futures, association fondée en 1996 ; le Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique [Criigen] sur le modèle de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité [Criirad] ; le laboratoire de recherche de Greenpeace ; le Réseau environnement santé) et pour d’autres modèles d’agriculture et d’alimentation (cf. Institut technique de l’agriculture biologique [Itab]).
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Des enseignants-chercheurs engagés, se plaçant du point de vue de toute l’exploitation, instruits des rapports de force constatés entre les différents acteurs, se sont investis dans les expertises collectives de 2006 et 2010.
À travers ce processus, que l’on peut classer dans le 3e stade de la décision selon Lucien Sfez, mais dont la conclusion n’est pas écrite, on voit ainsi la question des pesticides se déplacer vers la question du modèle agricole, sous le poids des inquiétudes concernant la santé des consommateurs et des agriculteurs ainsi que l’environnement, avec l’appui d’agriculteurs militants. Cela modifie les conditions de l’expertise et donne de nouvelles orientations pour la recherche !
Le troisième cas, celui de la gestion des déchets radioactifs montre très clairement l’influence de la mobilisation du public sur les axes d’une politique publique. J’ai eu l’occasion de m’intéresser à la gestion des déchets radioactifs de haute activité et à vie longue (dits HAVL), pour l’essentiel issus des combustibles à l’uranium enrichi utilisés dans les centrales nucléaires, combustibles usés qui émettent des rayonnements ionisants et dégagent de la chaleur pendant plusieurs décennies.
En 1982, l’Andra, à l’époque agence interne au CEA en charge de la préparation de la gestion des déchets radioactifs, retient comme seule option pour les HAVL, le stockage en couche géologique profonde. Un rapport du BRGM dresse en 1983 une liste des sites éligibles à ce type de stockage (liste qui restera secrète pendant plusieurs années !). Des études préalables étant indispensables, des forages sont projetés sur 4 sites en 1987, et les élus locaux informés fin 1988 envisagent favorablement ces opérations. Mais plusieurs manifestations se déroulent, en particulier en Maine-et-Loire et dans la Bresse, et l’Andra ne peut engager les travaux que sous la protection des forces de l’ordre. Point d’orgue de la contestation, une manifestation en janvier 1990 rassemble 15 000 personnes à Angers.
Pour sortir de cette impasse, le Premier ministre Michel Rocard décrète un moratoire et confie l’élaboration d’un rapport au tout nouvel Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Il en résulte la loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, dite loi Bataille4 (Prieur, 1992). Ainsi, face à la contestation, la définition des solutions passe des techniciens experts au Parlement. Cela n’efface bien sûr pas la résistance à l’idée d’une solution de stockage irréversible (fondée sur les incertitudes des effets ionisants de long terme et de l’évolution géologique pendant des millions d’années).
La loi prévoit un processus dans la durée, avec un rendez-vous en 2005. Elle sera suivie d’une autre loi en juin 2006, avec de nouveaux rendez-vous… Dans ce processus s’imbriquent une dimension nationale (et même internationale, avec les règles de l’Agence internationale de l’énergie atomique [AIEA]) et une dimension locale, liée au choix du ou des sites. L’histoire de cette gestion s’est poursuivie jusqu’en 2019, avec la tenue d’un débat public pour l’élaboration d’un Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) [Jouanno, 2019].
Dans ce cas, on évolue entre les stades 2 et 3 de la décision définis par Lucien Sfez. Il y a bien un processus, mais fondé beaucoup sur l’interaction d’experts et de contre-experts (Commission nationale d’évaluation [CNE], IRSN, AIEA, Agence pour l’énergie nucléaire [AEN] de l’Organisation de coopération et de développement économique [OCDE] et Autorité de sûreté nucléaire [ASN]). La dimension de débat avec l’opinion publique est réelle, mais les espaces de concertation sont pluriels et pas toujours très bien reliés entre eux : commissions locales d’information et de suivi (Clis), organisations de débats publics nationaux par la Commission nationale du débat public (CNDP), en particulier.
Pour surmonter les difficultés liées aux réalisations pour la gestion des déchets radioactifs, l’AEN de l’OCDE a créé en 2000 le « Forum for stakeholders confidence » (2005 et 2006) que j’ai présidé pendant 6 années. Ses travaux l’ont conduit à dégager trois composantes de la construction de la confiance : l’existence d’un processus clair et bien conduit, une structure des acteurs cohérente, un comportement des acteurs ouvert et respectueux. En anglais : process, structure, behaviour. Cela peut se décliner ainsi :
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Un processus par étapes (avec un début et une fin clairement identifiés), pouvant conduire à différents résultats, capable de mobiliser la recherche, et disposant d’une évaluation indépendante. Le processus est construit autour de forums de discussion visant à l’apprentissage collectif et il a comme objectif la reconnaissance nécessaire des connaissances cumulées en dehors des laboratoires. Chacun accepte d’entrer dans un processus dont « la conclusion n’est pas écrite au préalable ».
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La structure des différents acteurs et leurs missions respectives sont clairement connues et sont cohérentes. Le coordonnateur, pilote du processus, est connu et légitimé.
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Par leurs comportements, les acteurs doivent s’efforcer de respecter la lettre et l’esprit de la « règle du jeu », les valeurs de rigueur et d’ouverture au dialogue. Ils connaissent les limites de leur rôle et les respectent. L’expert doit aussi se libérer des dimensions affectives. Qui n’a pas été confronté à certains experts du nucléaire qui ont une relation très affective avec leur domaine de compétence : ils sont littéralement « amoureux du nucléaire ». Cela perturbe grandement leur capacité à être en débat ouvert, en confrontation avec d’autres points de vue…
Mais ce type de relation ne se rencontre pas que dans le nucléaire. La question d’une position militante d’un expert dans sa vie sociale est importante aussi. La frontière est délicate entre, d’un côté, l’apport rationnel validé par la science ou l’expérience, et, de l’autre, l’engagement légitime pour une cause sociétale.
Quelques pistes
Y.L.B. : Quelles sont selon toi les pistes à creuser aujourd’hui pour améliorer l’articulation entre expertises, décisions et opinions publiques dans le cadre de la réduction des risques de catastrophes ?
M.D. : Une des pistes importantes me semble être encore et toujours de réfléchir à ce que signifie être expert. Y réfléchir du point de vue de l’expert lui-même, mais aussi de ceux qui le désignent comme tel. Comme tu l’as souligné, le rapport que les experts entretiennent à l’objet de leur expertise comporte une dimension affective. Lorsque l’on regarde du côté des travaux menés en psychologie, on est surpris de constater deux approches radicalement opposées sur cette question.
Les sciences cognitives tendent à magnifier la figure de l’expert en le présentant comme un être doué de capacité hors normes, du moins dans son domaine de spécialité (Shanteau, 1992). Différentes hypothèses sont avancées pour expliquer ces capacités exceptionnelles. Les experts auraient plus souvent recours que les non-experts à des processus de pensées dits « automatiques » car ils se baseraient davantage sur la reconnaissance de modèles systématiques (pattern recognition) pour asseoir leurs décisions. Leurs analyses seraient plus rapides car ils manieraient particulièrement bien l’articulation entre i) la connaissance des relations factuelles existant entre différentes données d’un problème (the knowledge base) et ii) la capacité à appliquer les règles de production de discours qui sont propres à leur domaine d’expertise selon un mécanisme de réflexion dit « inférentiel » (inference engine). J’observe que les compétences mises en avant ici sont liées à la spécialisation.
À l’autre extrême, les spécialistes des sciences de la décision dénoncent la caricature que constitue la figure de l’expert. Exemples à l’appui, ils soulignent le manque de précision, de reproductibilité, de comparabilité et de cohérence des avis rendus par les experts. Ils insistent sur le fait que les experts prennent souvent des décisions à partir d’une trop petite quantité d’informations compte tenu de la complexité des problèmes posés, et qu’ils peuvent être influencés dans leurs décisions par des informations non pertinentes. Une des explications fréquemment avancée pour expliquer cette « mauvaise performance » des experts est le fait que toute décision contient une part non négligeable d’appréciation « au doigt mouillé » (ce que les Anglo-Saxons appellent heuristics) laquelle introduit des biais ou des erreurs de jugement auxquels les experts n’échappent pas, pas plus que nul autre. Ces travaux sont importants car ils participent à déconstruire cette vision magnifiée de l’expert qui tend à nous enfermer. En ce sens, ils contribuent probablement à nous rendre plus libres collectivement.
Ce que nous a montré le travail mené dans le cadre du conseil scientifique de l’AFPCN, c’est qu’entre ces deux visions extrêmes de l’expert, il y a l’expérience singulière des hommes et des femmes placés en situation d’expertise et qui sont aux prises avec des difficultés de différentes natures : rester connecté à la source de production de la connaissance, savoir identifier les informations pertinentes et reformuler les problèmes complexes, observer une éthique rigoureuse pour ne pas se laisser instrumentaliser par les parties prenantes dans un processus de décision, accepter de faire non pas les bons choix mais les moins mauvais et de les assumer, ne pas se laisser bercer par le piège narcissique que constitue le fait d’être considéré comme expert, etc. Il semble que la nature même de l’objet de l’expertise impose également ses contraintes en changeant la durée et la temporalité de l’expertise, les outils à disposition et plus généralement le contexte et les modalités d’interaction avec le reste des acteurs impliqués dans la fabrication de la décision.
Une des occasions lors desquelles les chercheurs se trouvent en situation d’experts est lorsqu’ils interviennent dans les médias. C’est une expérience particulière à laquelle nous sommes rarement formés et qui mérite pourtant d’être très bien préparée car les formats sont très différents de ceux auxquels la pratique de la recherche nous habitue. Suite au procès du séisme de l’Aquila (Encadré 3), beaucoup de chercheurs de la communauté des sciences de la Terre ont refusé de prendre la parole par peur d’être tenus responsables d’une éventuelle maladresse de discours. C’est dommage car les médias constituent un relais fondamental pour le partage de la culture scientifique. La distance que l’on observe aujourd’hui entre les chercheurs et les autres parties prenantes sur la question des risques serait peut-être moins grande si la manière dont la science se fait était connue de tous. Comprendre la part d’incertitude que contient toute connaissance, c’est comprendre aussi que certaines connaissances sont davantage étayées que d’autres et qu’il existe des manières de construire une connaissance, non pas infaillible, mais aussi juste que possible (Devès, 2015).
Le séisme de l’Aquila (2009).
Le 6 avril 2009, un séisme de magnitude 6,3 ravage la ville italienne de l’Aquila et les villages alentour, causant plus de 300 morts, 1 500 blessés et laissant 65 000 personnes sans abri. L’intensification d’une sismicité de faible magnitude depuis plusieurs mois, culminant avec un séisme de magnitude 4 quelques jours plus tôt avait conduit à la réunion d’une commission composée de scientifiques et de représentants de la sécurité civile italienne. Certains membres de cette commission auraient tenu des propos exagérément rassurants malgré les incertitudes de la situation, décourageant les habitants de sortir de leur maison en cas de séisme ressenti – ce qui était d’usage. Les membres de la commission furent condamnés le 22 octobre 2012 pour homicide par imprudence, désastre et lésions graves. La sentence était exceptionnellement lourde – 6 ans de prison, interdiction d’exercer des responsabilités dans la fonction publique pendant plusieurs années, versement de 9,1 millions d’euros de dommages et intérêts aux parties civiles, et remboursement des frais de justice. Le jugement déclencha une véritable levée de boucliers dans la communauté scientifique. Les chercheurs furent finalement acquittés en appel en 2014, la charge n’étant finalement retenue qu’à l’encontre du directeur adjoint de la sécurité civile qui fut condamné à 2 ans de prison.
Enfin, il faut probablement aborder à nouveau la question épineuse de l’interdisciplinarité. Le fonctionnement en silo qui est typique d’une science hyperspécialisée est nécessaire mais il ne me semble pas suffisant. Or, les manières de travailler au-delà des différences d’outils et de cultures disciplinaires restent à inventer. De ma courte expérience, une des voies les plus directes est de repartir de la collecte de données sur un objet partagé. Mais même quand cela fonctionne, reste le problème de la valorisation des travaux interdisciplinaires. La forte structuration disciplinaire de la communauté académique tend à invisibiliser les recherches réalisées en dehors des cadrages traditionnels. De ce point de vue, les financeurs de la recherche ont sans doute un rôle incitatif à jouer mais les chercheurs sont les seuls à même de transformer leurs usages car, in fine, ce sont eux qui évaluent leurs pairs.
M.D. : Quelles sont les pistes de travail selon toi ?
Y.L.B. : La recherche joue un rôle majeur en tant que fabricant d’expertises et formateur d’experts pour la prévention des risques. Comme tu le soulignes, cela suppose une encore plus grande ouverture aux approches interdisciplinaires. Je constate que ces approches sont souvent portées par des enseignants-chercheurs au profil atypique, qui ont eu un parcours en partie hors des laboratoires… Il me semble qu’ils sont souvent mieux préparés, non seulement à l’interdisciplinarité, mais aussi au dialogue avec différents publics.
Je voudrais insister sur l’importance d’identifier les « sujets orphelins », ceux qui n’ont pas de communauté scientifique préexistante qui y travaille. De ce point de vue, j’ai personnellement beaucoup apprécié le dispositif mis en place par l’Agence nationale de la recherche avec les appels dits « Flash ». Suite au séisme de 2010 en Haïti, il a conduit au financement d’un panel de projets qui m’a paru prometteur :
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de nouveaux acteurs sont entrés dans la thématique de la prévention et de la gestion des catastrophes naturelles, tout particulièrement venant des sciences humaines et sociales ;
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plusieurs de ces acteurs se situent dans des champs de recherche à la charnière entre l’urgence et le développement (habitat, agriculture et alimentation, gestion des déchets…) ;
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des partenaires haïtiens ont été associés à ces projets et leur capacité à contribuer à la reconstruction et à la prévention en est ressortie accrue.
Mais il y a eu des sujets absents :
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en sciences politiques, des thèmes de recherche sur la gouvernance en situation de crise – de plus dans un État très fragile – auraient pu être dégagés. Quels rôles pour l’État et ses services, plus ou moins détruits (mais pas tous…), pour la communauté internationale et les donateurs, pour les ONG internationales, mais aussi, à l’autre bout, pour les communes et les structures plus ou moins formelles comme les comités de quartiers ?
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en économie, il a manqué des projets sur la reconstitution d’une économie informelle ou sur le passage très délicat des distributions gratuites à l’achat des biens essentiels, passage qui est l’une des clés de la transition de l’assistance au développement.
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l’approche par les droits de l’homme n’a pas été proposée (mais le projet CADHOM, dans lequel l’AFPCN a été impliquée, a tenu un séminaire final à l’Unesco, en juin 2014).
Enfin, je crois qu’il est essentiel de faire vivre des espaces multi-acteurs, où le monde de l’enseignement et de la recherche, les collectivités territoriales, les responsables d’entreprises et les associations puissent échanger, créer un langage commun et interagir pour que chacun partage une intelligence collective et agisse en conséquence dans sa sphère. L’AFPCN me semble un exemple de ce genre d’espace, dans la relation qu’elle permet entre les acteurs, en particulier au sein de son conseil scientifique.
En conclusion
Y.L.B. : Pour conclure, je crois que notre échange montre bien l’évolution des modes de décision depuis 50 ans, non seulement dans le domaine de la réduction des risques de catastrophes, mais plus largement encore (Sfez, 1994). Cette évolution oblige aujourd’hui à situer l’expert dans un processus multi-acteurs où la place de chacun est reconnue et où il contribue à une intelligence collective des situations en cause. Ce changement de perspective est déjà à l’œuvre dans certains cas (par exemple, la prévention des inondations, la gestion des risques liés aux pesticides ou encore la gestion des déchets radioactifs) – sans que cela ne réduise nécessairement les tensions existant autour de ces problématiques.
Cependant, il est intéressant d’observer la permanence de la figure magnifiée de l’expert, couramment invoquée – tu nous le rappelles – par certains acteurs de terrain et qui met mal à l’aise la plupart des scientifiques. On voit heureusement émerger la figure plus humaine d’un expert conscient de son rôle et de ses limites, capable de dialoguer, d’écouter d’autres points de vue et de contribuer en bonne intelligence à la fabrication des décisions collectives.
Pour avancer nous avons identifié plusieurs pistes. D’abord, celle qui consiste à faire vivre de manière permanente les « plateformes multi-acteurs » telles que l’AFPCN, les Assises nationales des risques naturels (ANRN) et beaucoup d’autres encore. Ensuite, celle qui consiste à contribuer à la création d’un référentiel commun, tel que celui porté par les organes internationaux, à partir duquel chacun peut définir ce qui lui semble être l’action ou la recherche la plus pertinente.
Cet article commence par cette citation d’un responsable de la sécurité civile : « On fait confiance aux scientifiques pour nous dire quand il faudra s’inquiéter ! ». Cette attitude renvoie les scientifiques à un rôle de lanceur d’alerte qu’ils n’ont pas à endosser seuls. De ce point de vue, le mouvement social qui est né autour des effets du changement climatique est probablement une opportunité à saisir pour la réduction des autres risques de catastrophes.
Enfin, il est souhaitable que la recherche publique s’organise et se structure sur ces problématiques. Comme indiqué dans Les cahiers de l’ANR faisant le bilan des recherches financées sur les risques et catastrophes naturels depuis 2010, il y a de nombreux sujets orphelins aujourd’hui et des disciplines bruyamment silencieuses qu’il conviendrait d’intéresser à ces thématiques (Devès et Bougeault, 2019). Quant aux nouvelles pratiques de recherche qui se développent, plus intégrées, plus ouvertes, elles devraient être encouragées car elles sont de nature à contribuer utilement à la fabrication des décisions par davantage d’intelligence collective.
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La question de l’articulation entre expertise, décisions et opinions publiques, dans le cadre de la prévention des risques de catastrophes, est au cœur des intérêts de l’Association française pour la prévention des catastrophes naturelles (AFPCN) et de son conseil scientifique depuis sa création, il y a bientôt 20 ans. Plusieurs articles, colloques ou séminaires ont marqué cet intérêt. À titre d’exemple, on peut renvoyer le lecteur aux écrits de Philippe Roqueplo (1992), Jacques Theys (1996), Bernard Chevassus-au-Louis (2007) ou encore aux actes du colloque de novembre 2015 initié par le conseil scientifique de l’AFPCN (AFPCN, CGEDD et CNDP, 2015) ou au rapport du groupe de travail « Expertise et décision publique » du conseil scientifique de l’AFPCN (AFPCN, 2015).
Dans le baromètre IRSN (2019), les dommages liés aux catastrophes naturelles ne sont cités comme première préoccupation environnementale que par 7,8 % des sondés, loin derrière le réchauffement climatique (37 %).
Loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, Journal officiel de la République française, 1er janvier 1992, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000356548/.
Citation de l’article : Devès M., Le Bars Y. Quelle place pour les experts d’hier et d’aujourd’hui face aux risques de catastrophes ? Dialogue entre générations. Nat. Sci. Soc., 28, 2, 178-189.
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