Open Access
Issue
Nat. Sci. Soc.
Volume 30, Number 3-4, Juillet/Décembre 2022
Page(s) 278 - 289
DOI https://doi.org/10.1051/nss/2023003
Published online 23 February 2023

© É. Grésillon et al., Hosted by EDP Sciences, 2023

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La relation entre humain et non humain est explorée ici dans sa dimension la plus éloignée a priori, mais en s’attachant, au fil des lignes et de l’argumentation, à démontrer les liens de parenté, voire d’interdépendances, entre l’animal (y compris les hominidés) et le végétal. La démonstration s’appuie sur une investigation particulièrement interdisciplinaire, depuis la phylogénétique jusqu’à des considérations socioculturelles, afin de développer une argumentation scientifiquement très étayée et donc intéressante à découvrir… Elle rejoint ainsi d’autres textes publiés dans la revue ouvrant sur des perspectives souhaitables en matière d’avenir soutenable pour la planète.

La Rédaction

La conception du vivant comme une parentèle émerge difficilement car il semble compliqué dans nos sociétés de s’extraire de la vision aristotélicienne et d’une approche génésiaque du monde plaçant l’homme en haut de l’échelle des êtres naturels (scala naturæ, Aristote, 2002), et ce, même au sein de la communauté des biologistes (Dayrat 2003 ; Casane et Laurenti, 2012). Ces conceptions participent certainement à la cécité au végétal (plant blindness en anglais), une position qui considère le végétal comme une forme inférieure à l’animal et conduit les humains à ignorer l’importance du végétal en dehors de son utilité en tant que ressource, même si certains auteurs ont toutefois émis l’hypothèse que cette inattention aux plantes pourrait être due à des spécificités cognitives humaines plus qu’à des biais culturels (Wandersee et Schussler, 2001). Par ailleurs, le paradigme darwinien unifie la biologie en inscrivant le vivant dans un processus historique unique (Lecointre, 2009). Les espèces actuelles proviennent d’espèces ancestrales via un mécanisme de descendance avec modification, tant et si bien qu’en remontant le fil des générations, toutes les espèces actuelles présentent un degré d’apparentement plus ou moins élevé. Quoi qu’il en soit, penser le vivant en termes de fraternité ou de sororité semble pour beaucoup toujours relever plus de modes de pensée animistes que d’une rationalité scientifique.

Dans cet article, nous nous proposons de revenir sur quelques-unes des raisons pour lesquelles les scientifiques, et plus largement les sociétés occidentales contemporaines, ont encore des difficultés à considérer les parentés entre les plantes et les animaux2. Il a été montré, en particulier par les sciences studies et de nombreuses études menées sur les sciences que la plupart des scientifiques ne sont pas des caricatures naturalistes3 et qu’il existe un grand décalage entre le discours sur la science et la science en action, dans les laboratoires par exemple (Latour et Woolgar, 1988 ; Latour, 2005 ; Houdart, 2007 ; Brives, 2017). Le scientifique et le discours scientifique s’inscrivent pleinement dans le champ des connaissances situées (Haraway, 1988). Il existe un lien entre les savoirs scientifiques et la société que l’article tente de clarifier en prenant comme point de départ les travaux contemporains sur les parentèles entre les plantes et les animaux (Bouteau et al., 2021).

Notons qu’il nous a semblé nécessaire, dans le contexte interdisciplinaire du master « Espace et Milieux : Territoires Écologiques4 », de mettre au travail collectivement ces questions. Les étudiants et les enseignants ont eu les plus grandes difficultés à s’extraire des schémas dichotomiques entre les animaux et les plantes, ce qui rendait très difficile de penser la place de l’humain dans les écosystèmes, les relations, ainsi que les liens entre les vivants. Pour comprendre ce qui relie les vivants, nous avons souhaité développer une pensée hybride confrontant sciences de la vie et sciences humaines. Cette pensée interdisciplinaire a permis d’engager une discussion sur les homologies, au sens biologique, c’est-à-dire les ressemblances héritées d’un ancêtre commun, entre les humains, les animaux et les plantes au vu des travaux récents en biologie et de voir comment ces études font écho à des perceptions et des savoirs des sociétés contemporaines.

Dans un premier temps, nous nous pencherons sur les travaux de sciences du vivant qui montrent les homologies entre les animaux et les plantes par des approches génétiques et biologiques. Ensuite, nous brosserons à grands traits les blocages socioculturels à un tel rapprochement et tenterons de comprendre en quoi les débats scientifiques sur l’agentivité végétale5 en écho à l’émergence du débat public sur l’intelligence des plantes permettent de penser autrement notre rapport au vivant. Nous terminerons en évoquant quelques nouvelles façons d’appréhender le vivant qui pourraient permettre d’explorer d’autres protocoles de recherches pour une meilleure compréhension et ouverture à ce qui relie humains et plantes.

Les homologies entre les plantes et les animaux

À l’échelle de l’histoire du vivant, et d’un point de vue phylogénétique, les plantes et les animaux forment des groupes frères. La principale différence entre animaux et plantes est que ces dernières ont bénéficié d’une endosymbiose qui les a vues intégrer une cyanobactérie à l’origine du plaste (Margulis, 1967). Cette acquisition leur a conféré leur aptitude photosynthétique, et donc leur autotrophie6, et constitue sans doute le moteur principal de leur succès évolutif. Remarquons, en l’occurrence, que ce sont les plantes qui présentent une innovation évolutive supplémentaire, tandis que tous les autres eucaryotes (dont les humains) ont conservé l’organisation cellulaire ancestrale. Quoi qu’il en soit, leurs chemins évolutifs ont longtemps été communs. En effet, la Terre s’est formée au sein du système solaire il y a environ 4,56 milliards d’années (Ga, pour giga-annum). Les plus vieilles traces d’une activité biologique, en l’occurrence la photosynthèse anoxygénique datant de − 3,85 Ga, étaient probablement le fait de bactéries (Tashiro et al., 2017). Leur existence est attestée dès − 3,46 Ga, âge des plus anciennes roches d’origine biogénique, des stromatolites de la formation de North Pole (Australie). Vers 2,4 Ga, l’oxygène issu de la photosynthèse oxygénique mise au point par les cyanobactéries devient prépondérant dans l’atmosphère, marquant un tournant de l’histoire du vivant, appelé la grande oxydation. La lignée des eucaryotes pourvue d’organites internes capable de détoxifier cet oxygène, les mitochondries, a été capable de survivre à cette crise écologique. Cette lignée, ancêtre de tous les eucaryotes actuels, se diversifie en plusieurs groupes vers − 1,6 Ga dont, entre autres, la lignée à l’origine des plantes et celle à l’origine des animaux (Butterfield, 2015 ; Porter, 2020). Sur 3,9 Ga, deux tiers de l’histoire évolutive ont donc été communs avant que les lignées conduisant aux plantes et aux animaux ne divergent (Fig. 1).

Tous les organismes vivants partagent la machinerie cellulaire de base issue de cette évolution : nous codons et stockons l’information génétique sous forme d’ADN et la transportons sous forme d’ARN messager vers les ribosomes où nous la décodons de façon identique pour synthétiser des protéines. De plus, en tant qu’eucaryotes, nos cellules contiennent un noyau qui cantonne les chromosomes et possèdent en commun dans leur cytoplasme divers organites. Ainsi, les cellules des animaux et des plantes produisent de l’énergie à partir des sucres et respirent de la même façon, les plantes pouvant, de plus, synthétiser des sucres grâce à leur chloroplaste effectuant la photosynthèse. Au-delà de la conservation de ce patrimoine commun parfaitement admis par la communauté scientifique, d’autres processus se basant sur des homologies profondes7 sont conservés chez des organismes multicellulaires ayant eu des chemins évolutifs radicalement différents. Par exemple, l’immunité innée (Gust et al., 2017) ou des « processus neurobiologiques » (Bouteau et Laurenti, 2018) font partie d’un patrimoine commun encore largement impensé.

thumbnail Fig. 1

Schéma de l’évolution des organismes vivants depuis la formation de la Terre (réalisation F. Bouteau).

Des idées qui ont du mal à percer

Malgré ces évidences biologiques communément admises, ces aspects communs à la vie des plantes et des animaux ont du mal à être acceptés. Luigi Galvani et Alexander von Humboldt, à la fin du XVIIIe siècle, réalisèrent des travaux pionniers permettant de conclure à une similarité de la nature bioélectrique des animaux et des plantes (Baluška et Mancuso, 2009a ; 2009b). À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, des potentiels d’action furent mis en évidence chez divers végétaux, suggérant que l’excitabilité de certaines cellules végétales pourrait être un moyen de communication intercellulaire (Burdon-Sanderson, 1873). Jagadis Chandra Bose (1902 ; 1926) mit en évidence l’importance et l’omniprésence de la signalisation électrique entre cellules végétales pour coordonner leurs réponses à l’environnement. Il en conclut que les plantes ont un « système nerveux » et sont certainement capables d’apprendre et de se souvenir, comme l’avaient déjà proposé Charles Darwin (1880) et son fils Francis Darwin (1909). Les éléments sus cités auraient dû amener les biologistes à considérer les plantes comme des êtres vivants doués, au moins biologiquement, d’une certaine agentivité, à l’image de ce qui était admis pour les animaux. Cependant, l’importance de la découverte de l’existence de potentiels d’action chez toutes les plantes échappa à la majorité des biologistes, y compris des botanistes et physiologistes des végétaux. Pourtant, preuve avait été faite que la signalisation électrique sur de longues distances constitue un moyen efficace de communiquer de cellule à cellule en réponse à de nombreux stress biotiques et abiotiques chez les plantes comme chez l’ensemble des eucaryotes (Pickard, 1973 ; Wildon et al., 1992 ; Baluška et Mancuso, 2019 ; 2021 ; Calvo et al., 2020). Malgré ces démonstrations répétées, le concept de « système nerveux végétal » ne réussit pas à s’imposer auprès de la communauté scientifique et ce jusqu’au début de notre siècle (Baluška et al., 2004 ; Brenner et al., 2006 ; Stahlberg, 2006 ; Alpi et al., 2007).

Pourquoi est-il difficile de penser les plantes comme des êtres proches des animaux ?

Dans cette partie, il s’agit de comprendre les arguments qui construisent les frontières entre les vivants avec une approche qui mélange volontairement des époques et des champs différents (philosophie, religions, sciences naturelles). L’idée n’est pas de comprendre l’épistémologie des pensées mais de rappeler quelques-uns des points saillants permettant d’expliquer à la fois la séparation entre les humains et la nature ainsi que les différences entre plantes et animaux (humains compris).

Une classification duale persistante : la séparation entre la nature et les humains

Évoquons succinctement quelques éléments explicatifs de la mise à distance entre les humains et la nature (dont les plantes) dans le monde occidental. Cette distance se dévoile tout d’abord dans le terme nature qui provient du latin natura, lui-même issu de nascor, soit « venir au monde, naître, prendre son origine ». La nature est donc ce qui prend vie, qui se produit par elle-même. Elle échapperait aux humains parce qu’elle aurait sa propre dynamique, sa propre temporalité, sa mobilité, ses mécanismes structurels de croissance et de reproduction (qui peuvent être maîtrisés par les interventions humaines : coupe, plantation, hybridation, modifications génétiques, etc.). La deuxième racine étymologique, phusis (grecque), prolonge cette mise à distance puisqu’elle désigne « ce qui contient en soi-même son principe d’existence et de changement» (Larrère et Larrère, 2015). Cette nature échappe aux lois humaines. François Terrasson montre que ce côté indépendant de la nature peut se traduire par une peur des humains envers la nature qui serait constitutive de la manière dont les sociétés occidentales perçoivent les vivants autres qu’humains (Terrasson, 1991).

La distinction entre les hommes et la nature est également formalisée dans la tradition judéo-chrétienne (Grésillon et Sajaloli, 2015). L’humain, étant à l’image de Dieu, est le couronnement du processus de création du monde. Il doit donc être distingué des autres vivants. Le texte de la Genèse ajoute à cette distinction une hiérarchie très forte entre les humains et les autres vivants puisque la Bible de Jérusalem utilise le verbe « soumettre8 » pour définir cette relation. Le texte originel biblique va même plus loin, il emploie le terme hébreu de kabash qui a pour sens premier « marcher sur ». L’humain est donc supérieur à la nature. L’humain est l’être le plus abouti, et donc le plus à même de dominer ou de gouverner les autres éléments. Lynn White (1967) postule que cette distinction serait à l’origine de la crise écologique actuelle. Il est notable que ces conceptions du rapport entre les humains et les autres vivants perdurent encore aujourd’hui dans l’argumentation de certains religieux (Concile Vatican II9 ; Paul VI10…), de certains philosophes (Ferry, 1992). La Bible ajoute à cette vision hiérarchique une conception utilitariste des vivants autres qu’humains. Ainsi, les humains doivent gérer la nature comme un bien à faire fructifier : « Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture11 ». La nature est ainsi souvent assimilée aux ressources que les éléments biophysiques fournissent aux sociétés humaines. La notion de service écosystémique est sans doute l’un des derniers avatars de ce rapport utilitariste à la nature (Méral, 2012 ; Maris, 2014).

La séparation entre nature et culture (Descola, 2005) prolonge ce refoulement de la part de naturel en l’humain et repousse toute idée de parentèle entre vivant humain et vivant non humain. Même si cette frontière s’effrite – Edgar Morin (1979, p. 100) l’énonce de la façon suivante : « L’homme est un être culturel par nature parce qu’il est un être naturel par culture » –, elle reste une question qui détourne la possibilité d’entrevoir les parentèles puisqu’elle concentre la réflexion sur ce qui sépare plutôt que sur ce qui réunit.

Cette classification duale, entre vivants humains et non humains héritée des textes bibliques et d’Aristote (2002), opère une hiérarchisation entre le végétal, l’animal et les humains

Dans la Genèse 1, après avoir séparé le liquide (eau) et le solide (terre), les continents et les mers, Dieu crée la végétation le troisième jour. Les plantes arrivent comme le premier organisme vivant sur terre. Dans la chronologie qui devient hiérarchique, elles incarnent le vivant élémentaire. Dans la Genèse 2, cette place secondaire est accentuée par une vision esthétique et alimentaire de la végétation. « Dieu fit pousser du sol toute espèce d’arbres séduisants à voir et bons à manger12 ». La comparaison entre l’animal et le végétal se fait souvent à la défaveur du second. Les plantes ont été créées pour nourrir les humains et les animaux. Plusieurs passages bibliques soulignent la proximité entre les humains et les animaux. Dieu demande à Adam de donner le nom à chacune des espèces animales. Les plantes sont absentes de cette opération taxonomique. Plus loin dans la Bible, dans le Déluge, Noé sauve dans son arche tous les animaux de la noyade13, les plantes sont quant à elles absentes de cette campagne de conservation (Mancuso et Viola, 2018).

Si nous remontons à Aristote, les plantes ont une âme végétative, ou threptikon, là où les humains ont trois âmes. Cette âme végétative leur donne des capacités d’alimentation et de reproduction. Ces compétences des plantes seraient communes à tous les êtres vivants, les animaux ayant comme aptitude supplémentaire la sensibilité, et les humains la sensibilité et la pensée rationnelle. Bien qu’Aristote ait émis l’hypothèse de l’existence d’une âme pour les plantes, il la considérait comme d’un niveau inférieur, à tel point qu’il qualifiait les plantes « d’animaux déficients ». Cette idée d’un règne végétal insensible fut reprise par son disciple, Théophraste, considéré comme le fondateur de la botanique (Hiernaux, 2020). Linné, botaniste à l’origine de la classification binomiale, est encore imprégné de cette pensée lorsqu’il écrit : « Les minéraux croissent, les végétaux croissent et vivent, les animaux croissent vivent et sentent » (Linné, 1736, aphorisme 3, cité par Hiernaux, 2020, p. 19).

Au XVIIe siècle, Descartes n’oppose pas a priori plantes et animaux (Chareix, 2003). Il conceptualise tous les objets, qu’ils soient artificiels ou naturels, selon un modèle mécanique et qui donne lieu à l’idée de plante-machine. Cet archétype a permis des avancées notables (Hiernaux, 2020) et d’expliquer le fonctionnement de la plante à partir de flux de matières dans l’absorption et la circulation des sèves. Mais cela a aussi conduit un des successeurs de Descartes, Julien Offray de La Mettrie, à pousser le raisonnement amalgamant l’immobilité des plantes à l’insensibilité et l’inintelligence (Hiernaux, 2020). Si ce mouvement contribua à forger en Europe l’approche scientifique rationnelle que la physique newtonienne formalisa au début du XIXe siècle (Larrère et Larrère, 1997), il introduisit une nouvelle séparation entre la matière et la pensée, propre à l’être humain. Ces travaux renforcèrent la séparation moderne de l’humain et de la nature, du sujet et de l’objet (Larrère et Larrère, 2015) et maintinrent l’idée de règnes très différents et d’une hiérarchisation entre les êtres dans laquelle les plantes apparaissent comme inférieures aux animaux.

Les récentes découvertes sur la « neurobiologie végétale » : vers un changement de paradigme ?

La biologie contemporaine conserve ainsi trop souvent le paradigme aristotélicien du monde selon lequel les plantes diffèrent des animaux en raison de leur caractère « insensible » et de leur manque d’aptitude à interagir avec leur environnement. Cependant, on assiste à un débat renouvelé, qui passionne le grand public, sur les capacités insoupçonnées des plantes, voire leur intelligence (Trewavas, 2003 ; Marder, 2012 ; Calvo et al., 2017 ; Baluška et Mancuso, 2019 ; 2021 ; Calvo et al., 2020). En 2005, Stefano Mancuso et Frantisek Baluška, suite à la mise au jour chez les plantes d’un grand nombre de caractéristiques que l’on trouve dans le système neuronal de l’animal, proposèrent avec un brin de provocation le concept de neurobiologie végétale (Brenner et al., 2006) et créèrent la Société savante Plant Neurobiology. Cette initiative conduisit à une forte controverse, des scientifiques de trente-trois institutions clamant qu’il ne s’agissait que « d’analogies superficielles et d’extrapolations douteuses » (Alpi et al., 2007, p. 137). Le titre de leur réponse, Plant neurobiology: no brain, no gain? trahissait une vision de la classification du vivant qui oubliait au passage que les neurones existent chez des animaux dépourvus de cerveau tels que les étoiles de mer, les oursins, les bivalves ou encore les méduses. Cette controverse n’est pas sans rappeler ce qui est arrivé aux études de J.C. Bose, effacées de l’histoire occidentale de la biologie végétale pendant près d’un siècle (Minorsky, 2020) parce qu’elles essayaient de montrer que les plantes ont un « système nerveux ». Un des objectifs de la Société était de changer de paradigme quant à la vision aristotélicienne des plantes. En 2009, pour limiter les réactions d’ostracisme illustrant le fort conservatisme du milieu scientifique, cette société a choisi de changer son nom en The Society of Plant Signaling and Behavior14.

Ces dernières années, de nombreuses études ont étayé l’hypothèse selon laquelle les plantes, organismes sessiles devant s’adapter rapidement et efficacement aux changements de leur environnement, percevaient de nombreuses informations disponibles dans leur environnement. Même si elles ne présentent pas d’organes dédiés, elles sont capables de percevoir des stimuli environnementaux tout comme les animaux : elles utilisent l’information lumineuse à de nombreuses fins, notamment pour réorienter leur racine (Mo et al., 2015), perçoivent des fréquences sonores (Gagliano et al., 2017 ; Rodrigo-Moreno et al., 2017), sont sensibles au toucher et à la gravité (Demidchik et al., 2018 ; Chaffey et al., 2019) et, non seulement perçoivent les odeurs, mais communiquent aussi entre elles et avec d’autres organismes grâce à des composés volatils (Beck et al., 2018). Les plantes sont capables de mémorisation et peut-être d’apprentissage par association (Gagliano et al., 2014 ; 2016 ; 2018 ; voir Gagliano et al., 2020 ; Markel, 2020a ; 2020b pour les derniers échanges sur cette controverse). La majorité de ces processus nécessitent la propagation de signaux permettant des transferts d’informations entre les différentes parties de ces organismes.

L’étude de potentiel d’action (message électrique qui se transmet le long des neurones chez les animaux) et d’autres signaux électriques avérés chez les plantes depuis fort longtemps (Burdon-Sanderson, 1873 ; Bose, 1926) bénéficie d’un fort regain d’intérêt chez les plantes depuis une quinzaine d’années (Huber et Bauerle, 2016). Ces processus de type neurobiologique (c’est-à-dire requérant une signalisation électrique basée sur l’activation de canaux ioniques) pourraient avoir pour origine une homologie profonde (Bouteau et Laurenti, 2018). Certains auteurs proposent maintenant une définition élargie du système nerveux pour mieux comprendre l’évolution des plantes et des animaux (Miguel-Tomé et Llinás, 2021). Il a été récemment (re)découvert que les mécanismes de signalisation électrique des plantes, des animaux et même des champignons présentent de fortes similarités. Bien plus, des signaux ressemblant aux potentiels d’action ont été enregistrés chez des bactéries en réponse à des changements de leur environnement (Masi et al., 2015 ; Bruni et al., 2017) ou lors de la formation d’un biofilm (Humphries et al., 2017). Chez les plantes, les animaux, les champignons, voire les bactéries, la majorité des gènes codant les canaux ioniques impliqués dans les régulations du potentiel membranaire présentent de fortes similarités (Estévez et Jentsch, 2002 ; Ludewig, 2006 ; Nieves-Cordones et Gaillard, 2014 ; Sula et Wallace, 2017). De la même façon, des homologues de toutes les molécules servant de neurotransmetteurs chez les animaux sont présents chez les plantes, même si leur rôle n’est pas toujours bien connu. Par exemple, il a été démontré que la plante modèle Arabidopsis thaliana pouvait détecter des signaux exogènes, comme une attaque d’herbivore, et utiliser le glutamate et ses récepteurs pour transmettre des informations dans toute la plante grâce à des signaux calciques (Toyota et al., 2018). Cela permet d’activer rapidement les réponses de défense dans les parties non endommagées de la plante. Ce fonctionnement est équivalent à celui du système nerveux des animaux pour lesquels le glutamate est le neurotransmetteur excitateur le plus abondant utilisé par les cellules nerveuses pour envoyer des signaux à longue distance à d’autres cellules. Ces données, auxquelles s’ajoutent de nombreuses homologies moléculaires, révèlent de fortes similitudes fonctionnelles avec des processus de type « neurobiologique » même en l’absence de neurones. Ces données devraient conduire à une vision holistique des processus neurobiologiques en tant que caractéristique générale des eucaryotes, voire de l’ensemble du vivant, s’opposant ainsi aux approches réductionnistes qui dominent ce champ de recherche. Tous ces éléments confirment que les plantes sont des êtres biologiquement proches des animaux et pourtant, cette réalité a le plus grand mal à se diffuser au sein de la communauté scientifique.

Les questions sous-jacentes à ces capacités de perception et de communication sont (i) l’intégration au fil du temps et de l’espace de ces signaux complexes, leur priorisation et l’adoption de comportements élaborés (Novoplansky, 2019), ce qui devrait être traité par un système « phytoneurologique » selon Calvo et Friston (2017), et (ii) l’intentionnalité (Marder, 2012) ou capacité de faire des choix impliquant une conscience (Bergson, 1911). Une conscience spécifique des plantes de leur environnement serait donc nécessaire à leur adaptation et à leur survie (Baluška et Mancuso, 2019 ; Calvo et al., 2020 ; Trewavas et al., 2020 ; Mediano et al., 2021), comme pour l’ensemble du vivant (Trewavas et Baluška, 2011 ; Baluška et Reber, 2019 ; Money, 2021). Charles Minot (1902) proposa que « la conscience est un dispositif permettant de réguler les actions des organismes pour accomplir des buts qui sont utiles aux organismes et sont donc téléologiques ». Quoi qu’il en soit, l’utilisation du terme conscience pour les plantes n’a pas manqué de susciter de vives réponses (Taiz et al., 2019 ; Mallatt et al., 2021), même si la question principale reste un problème de définition discuté depuis fort longtemps (cf. ci-dessus, l’âme végétative d’Aristote).

Dans la démarche scientifique, une des stratégies optimales, même si elle a aussi ses limites, consiste à commencer l’analyse par des systèmes simples et ensuite à continuer vers des systèmes plus complexes. Les sciences de la vie traitant de la cognition et de l’apprentissage ont commencé par un système complexe (le cerveau humain) et n’ont inclus que plus tard des systèmes plus simples. Cette situation engendre des problèmes et des malentendus dans les tentatives actuelles d’explorer le comportement cognitif des plantes mais aussi des bactéries, des unicellulaires eucaryotes, etc. Au-delà de l’intelligence et de la conscience, notions qui relèvent plus de concepts et pour lesquelles de nombreuses définitions existent, des phénomènes biologiques fondamentaux comme l’apprentissage, la mémoire, la cognition, la sensibilité, etc. ont été réservés aux humains. Toute tentative d’étendre ces concepts biologiques de base à d’autres organismes est encore souvent de ce fait rejetée comme un exemple d’anthropomorphisme (Baluška et Mancuso, 2019). Et pourtant il n’est « pas possible de faire un travail en science sans utiliser une langue remplie de métaphores » même si « le prix de la métaphore est une vigilance éternelle » (Richard C. Lewontin, cité dans Ameisen, 2002). L’utilisation de ces termes pour les plantes se justifie par le fait qu’il n’y en a pas de meilleurs pour qualifier leurs capacités et leurs comportements. Cette position est inoffensive si l’on s’en sert comme d’une métaphore, mais elle remet plus de choses en question si ces descriptions cognitives sont avérées (Segundo-Ortin et Calvo, 2019 ; Calvo et Trewavas, 2020). Les concepts liés à la neurobiologie végétale, au-delà de la discussion sur la terminologie utilisée, doivent nous conduire à reconsidérer de façon fructueuse l’origine évolutive des « neurosystèmes » (Miguel-Tomé et Llinás, 2021). S’autoriser à envisager l’existence d’homologies profondes nous mène à considérer les spécialisations récentes du système nerveux animal comme émergeant de processus anciens et fondamentaux de la communication et de la survie cellulaire.

Au-delà de cet intérêt biologique, cela ouvre une vraie question philosophique sur les principes éthiques des relations entre les êtres humains et les plantes (Brunois-Pasina, 2018 ; Hiernaux, 2020). Même si cela devrait nous encourager à reconsidérer les liens de parenté, d’après Florence Brunois-Pasina (2018, p. 20), « le vide ontologique et juridique » laissé par l’ontologie naturaliste permet la coexistence de la reconnaissance de la sensitivité et de l’intelligence des plantes et leur exploitation intensive.

S’ouvrir à d’autres ontologies pour pleinement reconnaître notre parenté avec les plantes ?

Pour pleinement travailler sur ces homologies profondes et les comprendre, il est temps de s’extraire en conscience d’une vision dualiste nature-culture et de la dichotomie sujet/objet, d’une conception par trop naturaliste qui imbibe notre sens commun, notre conception de la science et donc structure notre épistémologie ainsi que notre vision des autres modes de perception de la nature (Descola, 2014). Même si, comme l’ont montré de nombreuses études de sciences studies, le dualisme nature-culture est « un masque pour une pratique qui le contredit », […] cela « n’élimine pas pour autant sa fonction rectrice dans l’organisation des sciences » (Descola, 2005, p. 130). Si les ontologies présentées par Descola restent critiquables, comme toute tentative de catégorisation (Friedberg, 2007 ; Grésillon et Sajaloli, 2020) et si ces ontologies peuvent parfois s’hybrider, il s’agit de s’extraire d’une perspective par trop naturaliste pour mieux reconsidérer ce que les plantes peuvent être et nos relations avec elles. Certains s’y emploient, par exemple les biologistes Monica Gagliano (2018) ou Robin Kimmerer (2021), ou des anthropologues tels que Eduardo Kohn (2013) ou Florence Brunois-Pasina (2018) pour n’en citer que quelques-uns. D’autres appellent à reconsidérer un animisme (Morizot, 2016 ; 2020) qui encouragerait par exemple « les humains à voir le monde comme une communauté variée de personnes vivantes avec lesquelles on trouve différentes espèces de respect » (Lestel, 2015, p. 138-139) et à faire de la place à d’autres façons de connaître et de raconter le monde vivant (Myers, 2018 ; Sajaloli et Grésillon, 2019). Ces approches n’ont pas pour ambition de mettre en place un néoanimisme qui aurait pour intention de définir une spiritualité de la nature, comme évoqué par Gérald Bronner (2017). En revanche, tout comme les débats autour de l’intelligence et de la conscience des non-humains, elles marquent probablement la fin du cycle naturaliste dans les sociétés occidentales (Descola in Rahmani, 2016). Comme nous l’avons montré, il est important pour aborder le vivant d’avoir une vision holistique des processus biologiques en tant que caractéristique générale des eucaryotes, voire de l’ensemble du vivant, de comprendre et d’accepter ce que nous avons de commun et donc reconsidérer les parentèles. Il s’agit d’explorer comment d’autres ontologies comprennent et perçoivent les rapports d’interdépendance entre les vivants (Gilbert et al., 2012) et leur parentèle pour penser la manière dont les vivants composent un entre-eux (Stengers, 2017). Ces approches nous permettront de mieux comprendre comment notre ressenti de l’altérité, aussi réelle soit-elle, retarde la prise en compte de notre reconnaissance du vivant comme une parentèle. Ces approches sont aussi à rapprocher de celle de Donna Haraway (2003 ; 2016a ; 2016b) qui construit à partir de sa propre expérience une vision de la parentèle élargie en examinant nos liens profonds avec d’autres « créatures » non humaines. « Je pense que l’élargissement et la recomposition de la parenté sont autorisés par le fait que tous les Terriens sont parents proches, dans le sens le plus profond, et il est grand temps de pratiquer de meilleurs soins aux genres-par-assemblages (car une espèce n’est jamais seule). Parenté est une sorte de mot qui engage une notion d’assemblage. « Toutes les créatures et autres bestioles partagent une ‘chaire’ commune, littéralement, sémiotiquement, et généalogiquement » (Haraway, 2016b, p. 79-80).

Conclusion

Pour encourager une « écologie des relations » chère à Philippe Descola (2019) et d’autres chercheuses ou chercheurs, il est donc utile de comprendre que notre histoire évolutive commune conduit à penser le vivant comme une parentèle et de le mettre en résonance avec d’autres ontologies. Il s’agit de donner toute sa place à des savoirs, des pratiques, d’autres réalités vécues et partagées sensiblement qui considèrent que les plantes ne peuvent « pas être isolées des autres êtres qui composent le monde pour constituer des objets spécialisés, ni pour être érigées en objet métaphysique » (Gosselin, 2019). L’enjeu n’est pas anecdotique. Il s’agit bien de reconsidérer les plantes et leur position dans notre monde en pleine mutation tout en s’ouvrant à d’autres savoirs qui pourraient nous aider à accepter enfin les parentèles et donc la totale inclusion des humains dans le vivant et dans le monde. Les trajectoires des découvertes scientifiques récentes et leurs rapprochements, mis en friction avec d’autres ontologies, avec d’autres pratiques, seront plus qu’utiles pour bousculer fondamentalement une vision aristotélicienne du vivant toujours prédominante et permettre de repenser et de renouveler les liens entre animaux (humains compris) et plantes, en recherchant et en pensant ce que nous avons et vivons en commun, dans un monde qui appelle de nouvelles formes d’attention et de cohabitation entre tous les êtres vivants.

Pour dépasser la crise écologique actuelle, Aldo Leopold et de nombreux chercheurs (Chartier, 2016 ; Haraway, 2016a ; Latour, 2017 ; Escobar, 2018 ; Despret, 2019 ; Morizot, 2020) appellent à repenser les vivants comme une communauté à laquelle les humains appartiennent. Réfléchir sur les parentés permet de penser la communauté des vivants par ce qui fait commun. Il s’agit d’arrêter d’appréhender tous les vivants comme un ensemble d’organismes séparés avec des caractères spécifiques. Les sciences taxonomiques (botaniques, phylogénie…) ou les analyses de biodiversité sont malheureusement souvent utilisées pour distinguer les espèces entre elles. Il pourrait être intéressant de renverser la démarche pour questionner d’abord ce qui unit les espèces les unes aux autres, comme nous y invite Robin Kimmerer (2021) en croisant savoirs scientifiques et autochtones.

Penser les humains et les non-humains en termes de parenté situe par ailleurs la réflexion dans le temps. Qu’est-ce qu’une génération laisse à la suivante ? Qu’hérite un individu des générations précédentes ? Déjà, en 1948, Aldo Leopold (2000, p. 145) soulignait que « l’homme n’est qu’un compagnon voyageur des autres espèces dans l’odyssée de l’évolution ». Ici, il y a des enjeux à plusieurs échelles temporelles. À la grande échelle du temps, les enjeux autour de la généalogie directe, que laissons-nous à nos descendants ? Quels sont les effets des pratiques anthropiques sur les individus et la pérennité des espèces ? À la petite échelle du temps, au-delà de l’enjeu comptable du nombre d’espèces qui disparaîtront ou survivront, quels sont les taxons qui sont favorisés par les usages anthropiques et quelles formes de communauté de vivant sont avantagées ?

Affirmer aujourd’hui que les humains forment une communauté d’organismes entièrement distincte des autres vivants n’a aucune justification biologique. Au-delà de cette évidence, la parenté biologique explique directement un certain nombre d’homologies moléculaires observées dans les différentes lignées du vivant. Ces homologies des séquences génétiques renvoient à des fonctions biologiques développées très précocement au cours de l’histoire du vivant et conservées jusqu’à aujourd’hui si elles confèrent un avantage adaptatif. Il est donc logique d’imaginer que face à la nécessité de transférer de l’information à l’intérieur d’un organisme multicellulaire (animal ou végétal) suite à un stimulus environnemental, ces organismes utilisent les mêmes outils moléculaires. Dans ce contexte, une vision de l’humain détaché des autres espèces n’est plus tenable. De fait, les changements environnementaux ont des incidences sur les processus physiologiques de toutes les espèces. La vie des uns ne peut être déconnectée de la vie des autres.

Remerciements

Cette étude a bénéficié du soutien financier de l’IdEx Université de Paris ANR-18-IDEX-0001. Nous remercions David Reboutier pour sa relecture critique.

Références


1

Le terme sœur fait référence au « sister group » ou groupe frère utilisé dans les classifications phylogénétiques.

2

Dans l’article, nous prenons une définition ouvertement biologique en considérant les humains comme des animaux, plus précisément comme des grands singes.

3

Dans l’article, nous prenons la définition de Philippe Descola (2011, p. 23) : « C’est la combinaison entre le caractère distinctif d’un esprit humain […] et d’autre part la reconnaissance que les êtres humains, en dépit de cette singularité morale, ont une constitution physique qui ne les rend pas fondamentalement différents des autres êtres organisés ».

4

Le master Espace et Milieux (1983) est un des plus vieux masters sur les questions environnementales en France qui croise dans une démarche interdisciplinaire la géographie et la biologie, http://espace-milieux.fr/.

5

Ensemble des activités biologiques des plantes non déterminées génétiquement impliquant qu’elles possèdent une autonomie propre qui leur permet d’entreprendre certaines actions et une expérience minimale de leurs vies (d’après Hiernaux, 2020, p. 27).

6

L’autotrophie vis-à-vis du carbone correspond à la capacité à produire sa matière organique à partir du gaz carbonique. Ce mode de nutrition caractérise les organismes chlorophylliens.

7

Par « homologie profonde », nous entendons des processus régis par des mécanismes génétiques qui sont équivalents et conservés dans différentes lignées du vivant car basés sur des mécanismes développés très précocement dans l’histoire du vivant.

8

Genèse 1, 28.

9

Dans le concile Vatican II dans la Constitution Pastorale Gaudium et Spes, Paul VI (1967a) déclare : « L’homme, créé à l’image de Dieu, a en effet reçu la mission de soumettre la terre et tout ce qu’elle contient, de gouverner le cosmos en sainteté et justice… ».

10

Paul VI (1967b), dans sa lettre encyclique Popularum Progressio (le Développement des peuples) écrit : « Emplissez la terre et soumettez-la » (Genèse, 1, 29) : la Bible, dès sa première page, nous enseigne que la Création entière est pour l’homme, à charge pour lui d’appliquer son effort intelligent à la mettre en valeur, et, par son travail, la parachever pour ainsi dire à son service.

11

Genèse, 1, 30.

12

Bible de Jérusalem, Genèse, 2, 9.

13

Genèse 7, 1-24.

Citation de l’article : Grésillon É., Bouteau F., Chartier D., Laurenti P. Nos sœurs les plantes, une pensée interdisciplinaire pour aborder le vivant en termes de parenté. Nat. Sci. Soc. 30, 3-4, 278-289.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Schéma de l’évolution des organismes vivants depuis la formation de la Terre (réalisation F. Bouteau).

Dans le texte

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