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Nat. Sci. Soc.
Volume 26, Number 1, January-March 2018
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Page(s) | 92 - 97 | |
Section | Repères – Events & books | |
DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2018026 | |
Published online | 13 June 2018 |
Colloques et documents : comptes rendus
Conferences and documents: reports
(Université d’Artois,
UMR8019
Clersé, Arras)
« L’interdisciplinarité au service de l’environnement »
(Journée d’études, Université d’Artois, Arras, 3 février 2017)
L’objectif de cette journée d’études1, organisée conjointement par le Conseil scientifique de l’environnement Nord-Pas-de-Calais (Encadré 1) et l’Université d’Artois, en partenariat avec les associations Natures Sciences Sociétés Dialogues (NSS-D) et Développement durable et territoires (DD&T), était de proposer une réflexion sur la place et le rôle des démarches interdisciplinaires dans le domaine de l’environnement. La journée se décomposait en deux temps distincts : une matinée, comprenant quatre présentations faisant état de retours d’expérience et permettant d’exposer une grille d’analyse des démarches interdisciplinaires, et un après-midi, sous la forme de cinq ateliers, visant à favoriser le dialogue entre les participants et à élaborer un positionnement vis-à-vis de la grille d’analyse exposée en fin de matinée. La journée a réuni une soixantaine de participants, comprenant des membres des différentes institutions organisatrices, des chercheurs travaillant dans le champ de l’environnement, en sciences de la nature (biologie, physique, écologie, géomorphologie…) et en sciences humaines et sociales (ethnologie, sociologie, économie, anthropologie, géographie, droit, sciences de l’éducation), mais aussi des étudiants du Master « Développement des territoires, aménagement et environnement » de l’Université d’Artois et des professionnels gestionnaires travaillant au sein des parcs naturels régionaux (PNR) de la région Hauts-de-France, d’Espaces naturels régionaux (ENRx2) et du Centre régional de ressources génétiques (CRRG) dans cette même région.
Le CSENPC, 25 ans de débats et d’expertises.
Le Conseil scientifique de l’environnement Nord-Pas-de-Calais (CSENPC) est une association loi 1901 créée en 1993 qui regroupait une cinquantaine de membres, tous universitaires ou experts des disciplines relevant du champ de l’environnement.
Le soutien financier de plusieurs partenaires, parmi lesquels les Conseils départementaux du Nord et du Pas-de-Calais et, en premier lieu, le Conseil régional Nord-Pas-de-Calais, a permis le développement de différentes activités, accomplies grâce au travail d’animation d’une chargée de mission employée à temps plein par le CSENPC.
Cependant, comme la majorité des associations et acteurs environnementaux de la région, le CSENPC paie le prix du désengagement du Conseil régional des Hauts-de-France et a cessé son activité en mai 2018, en dépit des efforts déployés (par son président, son bureau et les membres délégués auprès des organismes régionaux) pour trouver une issue financière permettant de pérenniser l’association.
Le CSENPC accomplissait différentes missions :
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de formation et d’information auprès des acteurs régionaux ;
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d’interface entre les différentes structures concernées par les questions environnementales du Nord de la France ;
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d’expertise, à la demande d’acteurs le sollicitant.
Il exerçait par ailleurs la fonction de conseil scientifique pour les trois Parcs naturels régionaux des départements du Nord et du Pas-de-Calais (avis sur les chartes notamment), pour le Centre régional de ressources génétiques (CRRG) et pour Espaces naturels régionaux (ENRx).
Ses activités se déroulaient sous forme de journées thématiques, en lien avec des partenaires (Office national des forêts, Chambre régionale d’agriculture, Agence de l’eau Artois-Picardie, etc.) et permettaient de réunir des groupes de travail organisés selon les sollicitations thématiques des partenaires.
Le CSENPC – par sa composition, ses actions, ses thématiques et son mode de fonctionnement – articulait recherche, expertise et conseil auprès de différentes structures mettant en œuvre des politiques publiques dans le champ de l’environnement, ce qui en faisait un médiateur de choix pour aborder ces enjeux par nature complexes.
Poser le cadre et faire un retour sur les expériences collectives interdisciplinaires : quels enseignements ?
Au cours de la première intervention, Jean-Paul Billaud (sociologue, CNRS) est revenu sur un certain nombre d’expériences d’interdisciplinarité marquantes dans le contexte français, depuis les années 1960. Cette histoire institutionnelle témoigne des repositionnements des différents instituts et organismes quant à la place et au rôle dévolus aux recherches interdisciplinaires dans le champ de l’environnement. Dans le domaine de l’édition scientifique, J.-P. Billaud a présenté l’itinéraire de la revue NSS, fondée en 1993 et dont il est l’un des rédacteurs en chef. Ce regard porté sur le temps long de l’institutionnalisation de l’interdisciplinarité lui a permis d’identifier des ruptures et un déplacement des enjeux qui caractérisent la période actuelle. En premier lieu, il a insisté sur la place de l’incertitude touchant les objets et les savoirs, qui invite à repenser les rapports entre sciences et sociétés et qui implique un certain nombre d’enjeux touchant à la coproduction des savoirs et de l’action qui en découle. Ainsi, une thématique émergente apparaît comme porteuse d’un renouveau des pratiques des différents acteurs : les sciences participatives. J.-P. Billaud estime qu’elles permettent de repenser la place et le rôle de l’interdisciplinarité, dans la mesure où elles invitent à accepter de faire l’expérience de la finitude disciplinaire. Plus généralement, il est nécessaire, dans toute démarche interdisciplinaire, de reconnaître la pluralité des points de vue et l’influence que peuvent exercer les intérêts et les valeurs que les chercheurs importent dans les processus de recherche. Enfin, s’appuyant sur l’expérience de Sylvain Massuel et Jeanne Riaux3, J.-P. Billaud a invité à passer du « terrain en commun » au « terrain commun ». Il s’agit en somme de défendre l’idée d’une interdisciplinarité autour des objets techniques4 qui permettent la rencontre de différentes disciplines qui sont ainsi mises à l’épreuve.
La seconde communication, réalisée par Hélène Melin (ethnologue, Université Lille 1) et Olivier Petit (économiste, Université d’Artois), exposait l’itinéraire d’un collectif de recherche interdisciplinaire en sciences humaines et sociales (SHS), l’association DD&T, initié à la fin des années 1990 dans la région Nord-Pas-de-Calais5. Après avoir rappelé l’histoire de cette association, les intervenants ont souligné que trois problématiques structurantes ont porté ce collectif, à savoir, (1) l’analyse des conceptions sociales de l’environnement, (2) l’analyse socioéconomique des jeux d’acteurs et des modes de gouvernance et (3) les enjeux d’évaluation de l’environnement et du développement durable. Afin de mettre en œuvre ce programme de travail, trois outils principaux ont été mobilisés. D’abord, la création de manifestations scientifiques (séminaires, journées d’études, colloques). Ensuite, l’animation de la revue Développement durable & territoires, créée en 2002. Enfin, des projets de recherche mobilisant, selon les circonstances, des chercheurs du réseau s’associant à d’autres partenaires scientifiques et professionnels.
Les intervenants ont insisté sur la manière dont l’interdisciplinarité, vécue au quotidien par les membres de DD&T, se déployait dans ces trois activités. Ce collectif cherche ainsi à associer plusieurs disciplines de SHS, parfois même des disciplines des sciences de la nature, dans le cadre de ses programmes de recherche. De nombreux projets ont également pris pour objet des notions polysémiques (par exemple la sobriété, les risques environnementaux, l’action collective, les services écosystémiques) qui se prêtent particulièrement bien à une confrontation de points de vue entre disciplines et avec tous les acteurs impliqués. Le même souci a guidé le travail d’animation scientifique de l’association DD&T. H. Melin et O. Petit ont rappelé en effet que la programmation des séminaires et des autres manifestations répondait à la volonté 1) de mobiliser des intervenants et participants issus de disciplines diverses, en ouvrant le débat grâce à des discutants venant d’autres disciplines que celles des intervenants, 2) de confronter les points de vue à partir de notions polysémiques et sources de controverses. C’est le cas par exemple du cycle de séminaires intitulé « La construction de la question environnementale » organisé en 2014-2015, prenant pour objet la décroissance, la vulnérabilité et la résilience, le peak oil, les services écosystémiques et enfin, les inégalités et les conflits environnementaux. Pour terminer, H. Melin et O. Petit6 ont rappelé que l’interdisciplinarité irriguait les réunions du comité de rédaction de DD&T et s’inscrivait dans les pratiques de l’évaluation par les pairs.
En conclusion, les intervenants ont souligné que malgré une apparente réussite, l’exercice de l’interdisciplinarité au sein du collectif DD&T demeure quelque chose de fragile. Elle se construit « en marchant » et une des clés essentielles de son succès repose sur la convivialité et la bonne entente des membres de ce réseau.
Le troisième orateur, Jean-Louis Thomas, directeur d’ENRx, est revenu dans sa communication sur la place et le rôle de l’interdisciplinarité au sein des PNR. Après avoir rappelé les missions de ces organismes7, il a offert un panorama de leur emprise territoriale à l’échelle nationale, puis à l’échelle des Hauts-de-France. Il a donné ensuite un aperçu de l’ingénierie développée au sein des parcs en insistant à la fois sur les domaines d’intervention et sur les compétences déployées par les agents. Il a par ailleurs entrepris de montrer que la pluridisciplinarité et l’interdisciplinarité font partie intégrante des missions des PNR, dans la mesure où les chartes qui régissent ces missions insistent sur le caractère transversal des enjeux à traiter et sur la nécessaire confrontation de points de vue des différents acteurs au sein du territoire des parcs mais également de ceux qui évoluent à d’autres échelles et avec qui les PNR sont en contact régulier. Par la suite, il a avancé une distinction entre l’interdisciplinarité « organique », l’interdisciplinarité « de fonctionnalité » et celle qu’il qualifie « d’organisée ». L’interdisciplinarité organique est inhérente à la structure même des parcs. Elle passe nécessairement par une combinaison de différentes compétences pour produire quelque chose ensemble (un diagnostic, une action, etc.). L’interdisciplinarité de fonctionnalité pour sa part, fait appel à « un partage de connaissances et de compétences en fonction et au gré des besoins ». Enfin, l’interdisciplinarité organisée désigne, dans le cadre d’un dispositif organisé mis en place pour répondre à un besoin déterminé (consultation et avis du PNR, maîtrise d’ouvrage, etc.), l’agencement et la mobilisation de compétences et d’expertises. L’intervenant a illustré cette dernière forme d’interdisciplinarité à partir de l’exemple du suivi d’un Plan local d’urbanisme intercommunal. J.-L. Thomas a remarqué par ailleurs que ces différentes formes d’interdisciplinarité mobilisent non seulement les équipes de parcs mais également toute une variété d’acteurs qui interviennent dans les dispositifs de gouvernance, en lien avec les PNR. Pour conclure, J.-L. Thomas a esquissé quelques limites et évolutions récentes, susceptibles de modifier l’exercice de l’interdisciplinarité au sein des parcs. Il s’agit (1) de l’émergence de nouvelles collectivités et de nouveaux dispositifs d’aménagement de l’espace qui conduisent à une nouvelle répartition et à un développement de nouvelles compétences, (2) de la situation budgétaire et des moyens dévolus aux PNR qui globalement sont revus à la baisse, (3) de la spécialisation croissante et de la prise en compte de nouveaux enjeux (autour du tourisme vert, de la transition énergétique, des mesures agroenvironnementales, par exemple) et aussi (4) de l’évolution élargie des chartes des PNR et du rôle attendu des syndicats mixtes de gestion. Enfin, prenant acte de ces changements, il a dessiné quelques évolutions dans le mode de fonctionnement des équipes de parcs, qui devront, probablement, combiner des spécialistes experts et des « généralistes/animateurs », pour mieux répondre aux nouveaux enjeux. Les PNR seront également amenés à repenser l’organisation des compétences et des complémentarités au sein des équipes, pour mobiliser d’autres ressources dans les territoires (scientifiques, entreprises, associations, collectivités…). Ces évolutions se retrouvent déjà pour partie dans la nouvelle organisation mise en place par ENRx et les PNR de la région Hauts-de-France.
La matinée s’est achevée par un exposé de Vincent Leblan (anthropologue à l’Institut de recherches pour le développement) portant sur la « boussole » qu’il a élaborée avec trois autres jeunes chercheurs8, dans le prolongement du travail collectif qui leur avait été confié à l’occasion du colloque de Cerisy intitulé « Interdisciplinarités entre Natures et Sociétés9 ». V. Leblan est tout d’abord revenu sur le contexte de socialisation à la recherche, porté par des projets ANR mobilisant une variété de disciplines autour d’un objet singulier. Il s’agit, dans son propre cas, des relations entre humains et primates en Guinée et Côte d’Ivoire, qui constituaient la thématique de son travail doctoral10. Il a expliqué ensuite que les trois autres chercheurs partenaires de l’élaboration de la boussole, bien que travaillant sur des sujets très éloignés et dans des disciplines différentes (géographie, économie, droit), comme lui se penchaient sur des questions auxquelles les chercheurs sont concrètement confrontés lorsqu’ils sont associés à des projets interdisciplinaires. Ces problèmes touchent à l’intégration méthodologique des disciplines et conduisent à réinterroger (1) les raisons qui poussent à mobiliser une discipline plus qu’une autre pour traiter d’une question ou d’un problème et aussi à envisager des combinaisons de disciplines ; (2) ce qui rapproche et ce qui différencie les disciplines analysant un même objet, au regard notamment de leur cadre spatiotemporel ; (3) la compatibilité des notions employées dans les différentes disciplines ; (4) le rôle de l’expérimentation de solutions pour un problème socioenvironnemental donné et la manière d’intégrer l’ensemble des parties concernées par ce problème et (5) les façons d’évaluer l’interdisciplinarité. Toutes ces questions étaient déjà présentes dans les réflexions des chercheurs qui ont initié des démarches interdisciplinaires dans les années 1970 et 198011 mais le contexte particulier des années 2000 et l’émergence de la « génération ANR » amènent à reformuler ces questions.
V. Leblan a exposé alors les grands axes de la boussole et la manière dont elle a été conçue. Il a rappelé tout d’abord qu’un élément sous-jacent à cette boussole est la reconnaissance du caractère collectif de toute démarche interdisciplinaire. L’objectif visé est d’identifier des registres d’interdisciplinarité qui permettent de situer un projet de recherche, une expertise collective, une équipe ou un parcours individuel face aux enjeux auxquels ceux-ci sont confrontés.
Ces enjeux sont repris dans les différents axes de la boussole (Fig. 1) et renvoient (1) à la distance disciplinaire ; (2) au caractère collectif de la recherche ; (3) à la forme d’engagement des personnes impliquées dans la recherche ; (4) à la portée extra-académique et (5) à la dynamique temporelle. V. Leblan a rappelé que le positionnement des axes n’a pas d’importance et qu’il n’y a pas de hiérarchie implicite entre eux. L’objectif de cette boussole est avant tout d’aider chacun des collectifs à se positionner et à développer une approche réflexive.
Retours d’expériences et positionnements vis-à-vis de la boussole
La dimension réflexive était précisément l’objectif de l’après-midi de cette journée d’études ; un travail en ateliers visait à provoquer un échange entre les participants, en prenant la boussole présentée par V. Leblan comme point de départ. Cinq ateliers pluridisciplinaires de 7 ou 8 personnes mêlaient chercheurs et professionnels de l’environnement et de l’aménagement du territoire. Chaque groupe disposait en outre d’un animateur, et un rapporteur était désigné pour proposer une synthèse des échanges en fin de journée. Les ateliers étaient organisés suivant quatre séquences d’une durée totale d’1 h 30. Dans un premier temps, un tour de table était engagé pour que chacun présente ses thématiques de travail, son parcours et ses expériences marquantes en lien avec l’interdisciplinarité. Ensuite, chacun positionnait ses expériences par rapport aux différents axes de la boussole. Dans un troisième temps, chaque atelier identifiait les opportunités (facteurs de réussite, incitations, défis) et les freins (cognitifs, techniques, institutionnels) à l’interdisciplinarité à l’interface entre natures et sociétés. Enfin, une auto-évaluation du dispositif déterminait les points forts et les points à améliorer et visait également à faire ressortir la manière dont le CSENPC pourrait mieux accompagner la réflexion et les pratiques interdisciplinaires.
Les échanges au cours de ces ateliers ont été riches, même si le temps dévolu n’a pas permis d’approfondir l’ensemble des questions soulevées. En outre, le positionnement de chacun des participants était dans l’ensemble assez bienveillant à l’égard des démarches interdisciplinaires, ce qui constitue sans doute un biais méthodologique relevé par un des groupes. Les profils et centres d’intérêt des différents participants étaient très contrastés. À titre d’exemple, dans l’un des ateliers, les expériences d’interdisciplinarité évoquées concernaient les domaines de la recherche, de l’urbanisme, de la coopération internationale et de la gouvernance des territoires et, touchaient plus particulièrement la construction d’un établissement public en paille, la lutte contre la mouche du poireau, la mise en place d’une trame noire urbaine, un projet de route fruitière, la valorisation des haies pour la filière bois, la coopération décentralisée entre Arras et Limonade (Haïti), ainsi qu’un questionnement d’élus à propos des moyens de lutte contre l’étalement urbain.
L’utilisation de la boussole a généré des signes d’adhésion ou de rejet, mais n’a laissé personne indifférent. Conçue au départ essentiellement pour positionner l’activité des chercheurs, elle est cependant apparue comme un objet de réflexion fécond pour plusieurs professionnels. L’atelier évoqué ci-dessus a choisi de se servir du projet de coopération décentralisée entre Arras et Limonade pour tester les axes de la boussole qui est apparue comme un outil heuristique utile dans la mesure où elle a permis de soulever des questions et d’apporter un éclairage intéressant sur les atouts et les limites du projet. Toutefois, les participants ont relevé que cette boussole ne permettait pas de représenter l’évolution, au cours du temps, des registres d’interdisciplinarité. Par ailleurs, les participants à un autre atelier ont éprouvé des difficultés avec le vocabulaire utilisé et ont souligné la nécessité de requalifier certains termes de la boussole pour qu’ils s’appliquent mieux aux enjeux des démarches analysées. Dans un autre atelier encore, la réflexion collective a débouché sur une réorganisation des axes. En effet, ses membres ont souligné, qu’en matière d’environnement, il est fréquent que différents acteurs soient concernés, de sorte que l’interdisciplinarité doit plus être pensée entre sciences et sociétés qu’entre disciplines scientifiques. D’où l’importance d’une coconstruction intervenant à chaque étape de l’action et d’une redéfinition des axes de la boussole. Ainsi, pour cet atelier :
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la distance disciplinaire deviendrait l’axe de la complexité ;
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la dimension collective de la recherche correspondrait au niveau de coconstruction ;
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l’axe sur la forme d’engagement serait remplacé par un axe sur la réflexivité/objectivité, dans la mesure où le groupe s’est interrogé sur la compatibilité entre le monde de la recherche et celui de l’engagement militant ;
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l’axe de la portée extra-académique serait celui de la vulgarisation ;
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la dynamique temporelle indiquerait le niveau d’aboutissement.
Au-delà du déroulé de cette journée dont le présent texte a tenté de rendre compte, plusieurs éléments ont émergé des échanges organisés à l’issue des présentations et de la synthèse finale. Parmi les nombreuses remarques, un des participants a souligné, en prenant l’exemple de l’écologie et de l’écotoxicologie, que l’interdisciplinarité peut aussi se situer à l’intérieur de champs scientifiques qui peuvent paraître relever d’une même discipline pour des observateurs extérieurs à ce champ mais qui engagent en réalité un dialogue constant pour combiner des méthodes de natures différentes. En outre, la proximité des disciplines n’est pas forcément un gage de facilité dans les échanges.
Les discussions au sein des ateliers ont également fait ressortir la nécessité de conduire des démarches interdisciplinaires, lorsque l’on s’attelle à des questions complexes comme le sont les enjeux environnementaux (« on ne doit pas imposer l’interdisciplinarité mais elle doit s’imposer à nous »). De surcroît, ce type d’approche requiert une forme d’humilité de la part des membres d’un collectif interdisciplinaire et les recherches conduites en interdisciplinarité exigent du temps pour que l’interconnaissance produise des résultats. Or, bien souvent, le temps manque… Enfin, la question se pose de savoir comment se construit un projet interdisciplinaire selon le statut des connaissances (besoin d’expertises extrêmement pointues et/ou importance de disposer de connaissances partagées au sein d’un collectif…). Derrière cette interrogation, on trouve aussi celle de l’évaluation. Qui peut évaluer des projets interdisciplinaires et quels dispositifs mettre en œuvre ?
En somme, cette journée a ouvert le débat à des questions récurrentes dans les colonnes de NSS, et permis d’identifier certains éléments qui invitent à poursuivre la réflexion.
L’ensemble des interventions est disponible sur la Web-TV de l’Université d’Artois à l’adresse suivante : http://artoistv.univ-artois.fr/video/0360-linterdisciplinarite-au-service-de-lenvironnement/
Il s’agit de la structure fédérant les différents PNR de la région Hauts-de-France, ainsi que le CRRG : www.enrx.fr/.
Voir Riaux J., 2013. Engager la construction d’un regard sociohydrologique : des archives catalyseurs de l’interdisciplinarité, Natures Sciences Sociétés, 21, 15-23, doi: 10.1051/nss/2013061 ; Riaux J., Massuel S., 2015. Construire un regard sociohydrologique (2). Le terrain en commun, générateur de convergences scientifiques, Natures Sciences Sociétés, 22, 329-339, doi: 10.1051/nss/2014046.
Voir Billaud J.-P., 2003. De l’objet de l’interdisciplinarité à l’interdisciplinarité autour des objets, Natures Sciences Sociétés, 11, 29-36, https://doi.org/10.1016/S1240-1307(03)00005-0.
Voir Zuindeau B., 2006. Le réseau comme forme d’organisation de l’interdisciplinarité « par le bas » : l’exemple de Développement durable et Territoires fragiles, Natures Sciences Sociétés, 14, 286-292, doi: 10.1051/nss:2006040 ; Villalba B., Petit O., 2014. Quinze ans de recherches sur l’interface entre développement durable et territoires. Un bilan réflexif, Développement durable et territoires, 5, 3, décembre, doi: 10.4000/developpementdurable.10487.
Borderon M., Buchs A., Leblan V., Vecchione E., 2015. Réflexivité et registres d’interdisciplinarité. Une boussole pour la recherche entre natures et sociétés, Natures Sciences Sociétés, 23, 399-407, doi: 10.1051/nss/2015060.
© NSS-Dialogues, EDP Sciences 2018
Liste des figures
Fig. 1 Boussole de Borderon et al. pour qualifier les registres d’interdisciplinarité (source : Borderon et al., 2015, op. cit.). |
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