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Nat. Sci. Soc.
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DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2025031 | |
Published online | 14 July 2025 |
Les défis démocratiques des mini-publics délibératifs. Nouvelles évidences empiriques issues du Groupe de pilotage citoyen pour la planification urbaine à Saillans (2016-2020)★
The democratic challenges of citizen juries. New empirical evidence from the case of urban planning in Saillans (2016-2020)
Géographie, INRAE, UR Lessem, Saint-Martin-d’Hères, France
* Auteur correspondant : sabine.girard@inrae.fr
Les mini-publics délibératifs (MPD) font partie des expérimentations prometteuses pour impliquer les citoyens dans l’élaboration et la prise de décision publiques. Le cas empirique du Groupe de pilotage citoyen pour la révision du plan local d’urbanisme de la commune rurale de Saillans (Drôme, 2016-2020) présente des originalités, mettant à l’épreuve les propositions théoriques de couplage de la sortition (ou tirage au sort) et de l’élection, de la délibération et de la participation. Les 4 élus et 12 citoyens tirés au sort qui le composent partagent le pouvoir de décision sur la nouvelle réglementation locale en s’appuyant sur des ateliers consultatifs grand public. L’analyse de ce cas permet de discuter de quatre défis auxquels les MPD font face pour démocratiser la vie publique et politique : (1) traiter d’enjeux territorialisés propices aux conflits d’intérêts ; (2) partager le pouvoir de décision entre élus et citoyens ; (3) réduire les décalages entre les opinions du mini-public et de la population et (4) renforcer les capacités d’émancipation et d’autonomisation politiques des citoyens.
Abstract
Citizen Juries are among the promising experiments to involve citizens in public decision-making and policy development. The empirical case of the ‘Citizen Steering Group’ for the revision of the local urban plan in the municipality of Saillans (2016-2020) presents original features, putting to the test theoretical proposals for coupling sortition and election, deliberation and participation. The group composed of 4 elected officials and 12 randomly selected citizens, shares decision-making power on the new local regulations, relying on public consultative workshops. The analysis of this case allows for the discussion of four challenges that citizen juries face in democratizing public and political life: (1) addressing place-based issues prone to conflicts of interest, (2) sharing decision-making power between elected officials and citizens, (3) reducing discrepancies between the opinions of the mini-public and the population, and (4) strengthening citizens’ capacities for political emancipation and empowerment.
Mots clés : démocratie locale / participation citoyenne / mini-public délibératif / sortition / délibération
Key words: local democracy / citizen participation / citizen jury / sortition / deliberation
Voir dans ce numéro l’introduction du dossier par Jonathan Lenglet et Sylvie Lardon, ainsi que les autres contributions qui le composent.
© S. Girard, Hosted by EDP Sciences
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
Partant du constat que les crises écologiques et démocratiques sont deux faces d’un même problème, les expérimentations basées sur l’implication des citoyens se multiplient en matière de gouvernance des transitions dans les territoires. Parmi elles, les dispositifs de mini-public délibératif (MPD) font l’objet d’une attention croissante (OCDE, 2020). La forme et le sujet traité varient mais le principe demeure : un groupe restreint de citoyens ordinaires, sélectionnés de manière aléatoire, s’informe et coopère pour produire une opinion publique éclairée à l’intention de décideurs publics. En renouvelant la conception de la décision publique (kratein) et de la participation du peuple (démos), ils se présentent comme de possibles remèdes aux maux actuels de la démocratie représentative et constituent des pistes sérieuses pour les promoteurs d’une démocratie écologique (Fourniau et al., 2022). La faiblesse de leur impact sur la décision publique est la principale critique qui leur est adressée. Les expériences et les recherches récentes s’intéressent à l’intégration des MPD dans les systèmes décisionnels, à leur usage politique, ainsi qu’à l’évaluation de la portée délibérative des systèmes démocratiques dans leur ensemble (Courant et Sintomer, 2019 ; Dryzek, 2007 ; Grönlund et al., 2014 ; Jacquet et Van der Does, 2021 ; Mansbridge et al., 2011). Des questions théoriques restent en suspens, faute d’évidence empirique, sur les modalités et les effets des couplages de la sortition de citoyens et de l’élection de représentants élus ou encore de la délibération d’un mini-public et de la participation du plus grand nombre. La littérature est également moins diserte sur l’usage des MPD à l’échelle locale qu’à l’échelle nationale, alors même que les dispositifs se multiplient dans les territoires et que les enjeux diffèrent, en raison des risques de conflit entre intérêts particuliers et intérêt général et de l’importance des ancrages matériels dans les débats.
Le cas du MPD de Saillans (1 260 habitants) mis en place pour la révision du plan local d’urbanisme (PLU), entre 2016 et 2020, est intéressant en raison de son échelle locale, de sa durée prolongée (20 mois), de son articulation avec des ateliers grand public, de sa composition mixte (un quart d’élus et trois quarts de citoyens) et enfin de son pouvoir décisionnel (Fig. 1 ; Analyses détaillées de la démarche participative). Ces originalités permettent d’approfondir les réflexions actuelles sur les vertus et les limites des MPD ainsi que les conditions par lesquelles ils pourraient approfondir la démocratisation de l’élaboration et de la prise de décision publique et, plus globalement, renforcer la démocratie elle-même.
L’étude de ce MPD, appelé Groupe de pilotage citoyen (GPC), a été menée dans le cadre d’un projet de recherche-action1 par un groupe associant des habitants, des techniciens et des chercheurs, dont je faisais partie en tant qu’élue coordinatrice méthodologique de la révision du PLU. Elle se fonde sur l’observation des événements participatifs, des entretiens semi-directifs avec les parties prenantes ainsi que des ateliers réflexifs entre chercheurs et participants (détails dans Analyses détaillées de la démarche participative). Cet article s’appuie sur les résultats produits par ce groupe ainsi que sur la participation observante de l’autrice et ses analyses a posteriori2.
Dans la veine de la sociologie pragmatique, je m’intéresse aux raisons et aux intentions des organisateurs (élus et techniciens) et des participants (du MPD, des ateliers consultatifs), aux controverses et difficultés pratiques rencontrées dans la mise en œuvre de la démarche participative, aux modifications de la démarche, puis aux transformations engendrées à la fois sur les individus, en termes de politisation (Hamidi, 2006 ; Lagroye, 2003), et sur l’action publique, en termes de renouvellement des principes et des pratiques démocratiques. Au-delà des questions de qualité procédurale interne, qui ne diffèrent guère des cas documentés dans la littérature, je me concentre sur la place et la fonction structurelle des MPD au sein du système politique existant, dominé par la logique représentative (Pourtois, 2013). J’analyse les articulations de ce MPD avec d’autres dispositifs de participation et avec les autorités politiques et administratives de la décision publique (Courant, 2021).
En mettant à l’épreuve la littérature théorique – y compris spéculative – sur le cas empirique de Saillans, j’identifie quatre défis auxquels les MPD doivent faire face pour démocratiser la vie publique et politique : (1) prendre en compte les intérêts particuliers et les enjeux territorialisés pour bâtir l’intérêt général ; (2) concilier les légitimités issues de la sortition et de la représentation pour partager le pouvoir de décision ; (3) articuler des dispositifs participatifs et délibératifs pour réduire les décalages avec l’opinion publique ; (4) renforcer les capacités d’émancipation et d’autonomisation politiques des citoyens en vue d’accroître leur portée démocratique. Je les étudie successivement en présentant les questions théoriques soulevées et les enseignements apportés par l’analyse du cas du GPC à Saillans.
Intérêts particuliers et bien commun : le MPD face à un enjeu territorial
Tirer au sort des habitants pour élaborer une réglementation locale ?
L’application d’un MPD à un sujet de réglementation locale, telle la révision d’un PLU, soulève la question de la compatibilité entre intérêts particuliers et intérêt général dans un contexte territorial. Les théoriciens et praticiens divergent sur la place des intérêts particuliers dans la délibération. L’idéal délibératif s’est construit autour du rejet de l’agrégation ou de la négociation de ceux-ci pour définir l’intérêt général, selon le principe que l’échange d’arguments doit déboucher sur un consensus raisonnable (Habermas, 1997). Cependant, certains auteurs soutiennent que l’intégration des intérêts particuliers peut améliorer la qualité de la délibération : par une description plus précise des problèmes, par l’inclusion des points de vue minoritaires et par une plus grande capacité à définir le bien commun (Mansbridge et al., 2011 ; Pénigaud, 2021). Cette intégration nécessite un encadrement pour garantir les conditions de réalisation des idéaux délibératifs, notamment l’égalité de participation, le respect mutuel et l’exclusion du recours à un pouvoir coercitif. Dans la pratique du débat public français sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), le MPD est utilisé pour élargir les publics participants quand ils sont trop restreints à des porteurs d’intérêts, tels les riverains ou les militants. La sélection des membres d’un MPD cible alors des citoyens dits « ordinaires », « sans parti pris » et « profanes » (Jacquemot, 2007). Cette conception d’un citoyen impartial est critiquée pour son caractère « irénique et déraciné » (Pénigaud, 2021) et parce qu’il nie la capacité des citoyens à construire, en cours de processus, le contenu concret de l’intérêt général (Fourniau, 2008). En outre, établir une sortition sur des critères d’ordinarité est en pratique difficile et des processus d’autosélection adviennent inévitablement lors de la mise en œuvre d’un MPD (Fourniau, 2019).
Les enseignements du cas de Saillans
Une double autosélection des citoyens tirés au sort : intérêts particuliers et aptitudes délibératives
Dans le cas du GPC, la sélection de citoyens « ordinaires » était impossible, chacun ayant nécessairement une connaissance et un intérêt particuliers, comme habitant, propriétaire ou usager du village. Le tirage au sort (méthode décrite dans Analyses détaillées de la démarche participative) a permis d’élargir la participation à des citoyens sans expérience de participation préalable, mais il a également sélectionné des personnes avec des aptitudes délibératives (qui aiment donner leurs avis, prennent plaisir au travail collectif et sont disposées à faire évoluer leurs opinions par la discussion) [Fourniau, 2019]. Parmi les motivations initiales des participants, on trouve l’« envie d’échanger », de « jouer le jeu de la démocratie participative », de « comprendre la procédure » et de « se rendre utile »3. Deux citoyens disposaient d’une expérience professionnelle préalable en matière de facilitation. Cette autosélection s’est poursuivie sur la durée du MPD avec la réprobation d’attitudes jugées non délibératives comme l’usage de violence théorique par des haussements de voix ou un chantage à la démission.
Les attachements territoriaux, clefs de voûte de la construction du bien commun territorialisé
La présence d’intérêts particuliers a favorisé l’implication initiale et l’engagement dans la durée des citoyens, car ils ont pu concevoir collectivement des réponses pratiques aux problèmes qu’ils exprimaient (Zack, 2011). De plus, la confrontation d’intérêts particuliers différents à partir d’expériences vécues a amélioré la qualité de la discussion, permettant une description plus précise des problèmes, le repérage précoce des tensions potentielles et favorisant l’empathie et la richesse d’argumentation. Enfin, les attachements territoriaux (à certains paysages, patrimoines bâtis, faits culturels) ont joué un rôle central dans les luttes définitionnelles de l’intérêt général, comme source de motivation et de savoirs expérientiels. Le détour par les conséquences concrètes des projets sur la vie et les activités des personnes a permis de nourrir des questionnements éthiques et politiques, en confrontant des manières de vivre, des visions du monde et des valeurs. Par exemple, un consensus s’est rapidement dégagé sur l’objectif de garder « un village accueillant et à taille humaine », mais des désaccords sont apparus lors de l’opérationnalisation technique de la limitation de la croissance démographique du village et de son étalement urbain, quand ont été discutées les incidences financières des nouvelles contraintes foncières, ou encore les formes d’habitats groupés induites par la densification du bâti, rompant avec l’existant. L’accueil d’habitats légers sur la commune a été débattu sous l’angle de la liberté des modes de vie, de l’adaptation au changement climatique, de l’esthétique paysagère, mais aussi de la dignité et de la santé de leurs résidents (détails de la controverse dans Analyses détaillées de la démarche participative). C’est dans la confrontation et la hiérarchisation nécessaire des attachements que s’est jouée l’universalité politique (Rancière, 1998). L’élaboration d’un intérêt général circonstancié – d’un bien commun territorialisé (Le Bourhis et Lascoumes, 1998) – a procédé d’un réarrangement des différentes conceptions et identités d’action des participants, étroitement liées aux conditions matérielles et aux relations tissées avec leur milieu de vie.
De l’importance et du rôle des citoyens délibératifs
L’aptitude délibérative des citoyens – et plus particulièrement la haute valeur sociale attribuée à la discussion collective – a permis de surmonter les difficultés. Par exemple, les citoyens ont accepté un investissement supplémentaire en temps de réunion pour résoudre la controverse sur le scénario d’urbanisation. Lors de la controverse sur les habitats légers, ils n’ont pas abandonné, malgré les fortes tensions générées par les désaccords internes, les vices de procédure et les remises en cause de leur légitimité par la population. Certains participants ont fait preuve d’aptitudes particulièrement délibératives en aidant les autres à reformuler leurs propos pour mieux articuler expérience personnelle et enjeu collectif. Ce fut, par exemple, le cas quand un problème vécu de précarité énergétique d’un logement a permis d’aborder des solutions d’aménagement bioclimatique des nouvelles parcelles constructibles4. Enfin, l’explicitation et la mise en discussion des attachements territoriaux, ainsi que la reconnaissance de leur irréductibilité, ont permis de valoriser les interdépendances plutôt que de confronter les différences (Fourniau, 2022), mais aussi de dénoncer les tentations d’exclusion et de repli identitaire sous-jacentes à bien des questions d’aménagement du territoire ou d’accueil de nouvelles populations (Zask, 2022). Les oppositions idéologiques entre néoruraux et natifs ou encore les a priori sur les habitants nomades ont pu être dépassés pour travailler sur les problèmes concrets d’accessibilité au logement et de sobriété écologique (vacance des résidences secondaires, cherté du foncier, économie de ressources naturelles, etc.).
Sortition et élection : le MPD face au partage du pouvoir décisionnel
Associer élus et habitants à la décision ?
Le manque d’impact politique des MPD questionne leur intégration au sein de processus décisionnels représentatifs (Grönlund et al., 2014). La sortition peut être complémentaire à l’élection, associant leurs vertus : diversité sociale et cognitive pour l’une, participation de tous et reddition des comptes pour l’autre (Gastil et Wright, 2019). Cependant, la sortition, encore peu populaire, pose un double défi de légitimation : procédural pour les organisateurs et cognitif pour les participants. En pratique, les citoyens des MPD doivent construire leur légitimité tout au long du processus (Harris, 2020), s’appuyant sur la qualité normative du dispositif (Courant, 2018) ou sur son effectivité (Mansbridge et al., 2011). Dans le cas de MPD mixtes, composés d’élus et de citoyens, ce défi est accentué : la légitimité issue de la sortition est plus fragile (Courant, 2018) et potentiellement en tension avec celle issue de l’élection (Vandamme et al., 2018). Les cas empiriques d’articulation d’instances délibératives et représentatives sont rares, mais certains théoriciens spéculent sur les avantages et les limites de différentes configurations (Hendriks, 2006 ; Vandamme et al., 2018). Ils suggèrent ainsi qu’une instance décisionnaire mixte serait moins conservatrice et améliorerait la confiance envers les élus. Ils pointent par contre les risques de domination, d’influence ou de recrutement politique des élus sur les citoyens.
Le cas de Saillans fournit un exemple empirique inédit d’une instance mixte pleinement décisionnaire. Le GPC, composé de trois quarts d’habitants tirés au sort et d’un quart d’élus, était en charge des arbitrages dans l’élaboration du nouveau plan d’urbanisme. Le rôle du conseil municipal se limitait à valider ce travail. Les habitants disposaient d’un droit égal à la prise de parole et de décision, y compris en cas de vote (1 personne, 1 voix). Ces choix s’appuyaient sur deux considérations de l’équipe municipale, inscrites dans son projet politique communal (Girard, 2022) : (1) selon un principe d’égalité, les habitants sont aussi compétents politiquement que les élus sur les sujets d’urbanisme, d’autant que la formation permise par le dispositif rétablit d’éventuelles différences de connaissances ; (2) selon un principe d’horizontalité, les élus et les habitants travaillent dans un unique espace-temps de délibération et de décision, sans lien de subordination. Ce faisant, il est attendu qu’ils partagent également la responsabilité de la politique ainsi produite.
Les enseignements du cas de Saillans
Des habitants en quête de légitimé et des élus troublés
Les citoyens du GPC ont dû construire leur légitimité, contrairement aux élus dont la légitimité était statutaire. Ils ont tâché d’évaluer si leur travail se rapprochait de valeurs démocratiques. Certains se sont adossés aux avis exprimés par la population lors des ateliers grand public et se sont enquis de la représentativité de leurs participants, quand d’autres ont sollicité les élus pour connaître leurs positions et s’y référer, témoignant d’un attachement à un idéal représentatif. Une autre partie des citoyens se référait plutôt à un idéal délibératif : ils ont requis plus d’avis des experts, dans une revendication épistémique et plus de débats contradictoires, attachés au principe d’impartialité. Certains incitaient les autres à s’exprimer davantage pour rétablir des déséquilibres de prise de parole qu’ils constataient, en appui au facilitateur. Ces deux attitudes se distribuaient au sein du GPC selon un gradient d’âge, les plus jeunes, nés après 1968, défendant davantage les idéaux délibératifs que ceux nés avant (Dard, 2019). Elles dessinent en creux deux formes de citoyenneté, l’une de devoir et l’autre engagée (Russel, 2007), relevant soit d’un consentement à l’intérêt général, soit d’une volonté de construire ce dernier (Fourniau, 2022).
Les élus du MPD ont par ailleurs éprouvé des troubles de légitimité, oscillant entre deux rôles : (1) s’exprimer au nom de la délégation de pouvoir confiée par les votants ; (2) inciter les citoyens à donner leur avis au nom du projet communal participatif. Ils se sont parfois autocensurés dans leurs prises de parole de crainte de trop influencer les citoyens.
Au fil des épreuves, le groupe a développé une « éthique collective de l’expérience citoyenne » (Barbier et al., 2009), normalisant ses comportements – le rejet d’attitude agressive et de l’usage d’arguments d’autorité, la valorisation des points de vue posés, argumentés et articulés – et précisant une finalité commune : trouver un accord aussi efficace et équitable que possible. La solidarité du groupe autour de ces éthiques et de ces finalités lui a permis de trancher des désaccords par une « négociation distributive complètement coopérative » (Mansbridge et al., 2011), dans laquelle chacun a abandonné une partie de ce qu’il souhaitait sans pour autant abuser du différentiel pouvoir dont il disposait.
Partager le pouvoir dans l’élaboration de la décision : un défi relevé
Le pouvoir a été partagé entre élus et citoyens lors de l’élaboration de la décision, avec cependant des disparités en termes de prise de parole et d’influence sur le groupe. Les 4 élus ont ensemble autant pris la parole que les 12 citoyens, mais les différences interindividuelles étaient fortes, dans un rapport de l’ordre de 1 à 14 (Dard, 2019). Ces disparités étaient moins liées au statut qu’au différentiel de capitaux intellectuels et sociaux des individus (Sanders, 1997) et d’aptitudes délibératives. Aucun phénomène de recrutement politique de citoyens par des élus n’a par ailleurs été observé, probablement en raison de l’éthique générale du projet communal. Comme dans le cas des commissions délibératives entre parlementaires et citoyens tirés au sort au sein des assemblées bruxelloises (Vrydagh et al., 2021), des apprentissages mutuels sont advenus et des liens de confiance se sont tissés. Cependant, ils ont tout autant concerné les citoyens entre eux que les rapports entre élus et citoyens. De plus, si des arbitrages importants ont pu être réalisés, sortant des situations de statu quo (Vandamme et al., 2018), c’est en grande partie grâce aux pressions exercées par la participation du grand public sur le GPC. Enfin, notons que le GPC est demeuré un dispositif ponctuel : les citoyens n’ont pas été associés à la définition du sujet de la délibération (la révision du PLU), à la mise à l’agenda de certains thèmes (comme celui des habitats légers), ni au suivi de sa mise en œuvre de la décision.
Partager la responsabilité de la décision et de ses effets : le défi reste entier
Le rôle décisionnaire du GPC impliquait d’arbitrer le contenu final du PLU, mais aussi d’en assumer les conséquences. Cependant, cette mission s’est heurtée à plusieurs difficultés.
Le recours au vote, bien qu’encadré par des règles visant à préserver l’esprit délibératif5, a soulevé des critiques quant à la légitimité des décisions prises (Mansbridge et al., 2011). En particulier lors de la controverse sur l’accueil des habitats légers, les conditions préalables au vote ont été jugées insuffisantes pour former une véritable volonté politique (manque d’information contradictoire, temps limité de discussion, défaut d’organisation). Des erreurs d’organisation ont fragilisé sa validité6. Enfin, l’iniquité entre citoyens, qui a découlé de la décision, excluant de fait certains modes de vie, a aussi affaibli sa légitimité sociologique. Le débat généré sur la méthode a accentué les tensions internes du MPD, déjà sous pression, à la fois de la population, divisée sur le sujet, et du bureau d’études, souhaitant terminer son travail dans les temps (détails dans Analyses détaillées de la démarche participative). La fatigue d’usure et la hâte de se libérer d’une charge morale, comme observées par Barbier et al. (2009), ont conduit le groupe à entériner collectivement une décision non pleinement satisfaisante, avec une certaine distance vis-à-vis de leurs responsabilités. Ainsi, bien que les citoyens du GPC aient participé à la coélaboration de la politique, ils n’ont pas souhaité endosser la responsabilité « de trancher la décision finale » (Courant, 2018). Plusieurs facteurs expliquent cette mise en retrait : (1) un mandat décisionnel ambigu dû à des contraintes juridiques, comme dans le cas des commissions mixtes bruxelloises (Vrydagh et al., 2021)7 ; (2) un changement culturel difficile à assimiler pour les citoyens attachés à l’idéal représentatif ; (3) une érosion de la volonté des citoyens attachés à l’idéal délibératif face aux critiques persistantes et aux épreuves traversées.
De plus, la dissociation entre l’élaboration des décisions par le GPC et l’assomption de leurs conséquences par le conseil municipal a également créé des tensions. Des élus se sont retrouvés à ratifier des décisions qu’ils n’avaient pas élaborées, générant des cas de conscience et la démission d’un élu du GPC. Malgré tout, le PLU a été voté à l’unanimité par le conseil municipal : les élus ont privilégié la légitimité démocratique procédurale à celle substantielle (Roussin, 2019) et ceux qui désapprouvaient l’interdiction des habitats légers ont considéré que cette décision ne remettait pas en cause la qualité normative globale du projet de PLU en termes de justice et d’efficacité.
Ainsi, si la légitimation des citoyens tirés au sort nécessite un travail interne de construction d’une capacité délibérative, elle requiert également un travail externe concernant leur rôle auprès de la population.
Délibération et participation : le MPD face au grand public
Articuler un MPD avec des dispositifs ouverts de participation citoyenne ?
Le MPD est censé se comporter comme le ferait la population dans les mêmes conditions (Pourtois, 2013). Cependant, des inquiétudes existent quant au possible décalage entre l’opinion publique et celle du mini-public en raison de son effectif réduit, de l’autosélection, des apprentissages développés et de l’accès différentié aux connaissances et à l’expérience vécue (Chambers, 2011 ; Sintomer, 2011b). Certains auteurs préconisent ainsi de restreindre l’usage des MPD pour « former » (Lafont, 2015) ou « stimuler » (Pourtois, 2013) l’opinion publique. Si la délibération d’un mini-public a pu être opposée à la participation du plus grand nombre dans les premiers travaux académiques, car poursuivant des idéaux en tension (Dryzek et Goodin, 2006 ; Blondiaux, 2008b ; Fishkin, 2009 ; Sintomer, 2011a), les recherches récentes s’intéressent plutôt à leur articulation. La question centrale porte sur la qualité délibérative et participative de l’ensemble du système démocratique (Landemore, 2020). Lafont (2020) identifie ainsi trois types de fonctions participatives des MPD : alerter sur des opinions minoritaires ou oubliées, relayer les attentes sociales, anticiper des sujets qui deviendront problématiques.
Le cas de Saillans, associant un mini-public fermé décisionnaire et des ateliers grand public consultatifs ouverts, permet de comprendre comment peuvent se distribuer et s’articuler les fonctions démocratiques entre dispositifs. La démarche prévoyait un aller-retour régulier entre le GPC et les ateliers grand public ainsi que de multiples espaces, temporalités et formes de participation pour élargir le travail délibératif au plus grand nombre (Fig. 2). Le GPC était en charge d’élaborer la décision publique sur le nouveau PLU tout en s’appuyant sur les contributions du grand public et en informant la population de ses avancées (Fig. 3).
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Fig. 2 Diversité des ateliers grand public proposés dans le cadre de la révision du PLU de Saillans : focus-group, conférence-débat, lecture de paysage, atelier maquette, atelier de scénarisation, réunions de quartiers, questionnaires individuels, etc. (© S. Girard, 2019). |
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Fig. 3 Exemple de configuration en navette entre le mini public et le grand public à propos du scénario d’urbanisation (réalisation : S. Girard, 2024). |
Les enseignements du cas de Saillans
Une mission auprès du grand public partiellement acceptée par les citoyens du MPD
Les citoyens du MPD ont partiellement accepté la mission de relais d’information avec le grand public. Il n’a pas été possible d’imposer aux membres du GPC de participer aux différents ateliers consultatifs en raison de la lourdeur de la charge et parce que certains considéraient leur présence comme risquée, craignant d’être pris à partie par des citoyens ou des groupes organisés revendicatifs (Barbier et al., 2009). De fait, les élus ont participé à ces ateliers entre 10 et 14 fois contre 0 à 6 fois pour les citoyens du GPC. En conséquence, l’équipe organisatrice a réajusté le dispositif en restituant de manière synthétique les résultats des ateliers grand public à chaque réunion du GPC. Cela n’a cependant pas compensé pleinement le décalage créé entre les membres du GPC quant à la connaissance expérientielle du travail en ateliers.
Les citoyens du MPD ont par ailleurs refusé de porter le projet politique qu’ils étaient en train d’élaborer devant la population. L’équipe organisatrice s’est chargée de sa formalisation écrite et les 4 élus du MPD ont présenté et défendu ce projet politique devant le public au nom de l’ensemble du GPC8. La mise en retrait des citoyens s’explique par le rejet de la charge morale associée à la responsabilité décisionnelle mais également par la recherche d’une distance critique et d’une autonomie politique, comme partie intégrante de l’éthique collective citoyenne. Elle consiste notamment à écarter les risques d’instrumentalisation par le pouvoir décisionnel, par exemple en étant cantonné à la vérification de l’acceptabilité sociale de mesures ou bien en portant la responsabilité de mesures impopulaires (comme la fermeture de terres à l’urbanisation).
Les difficultés d’une configuration en navette
En vue de réduire les risques d’éloignement entre mini et grand public, la démarche prévoyait une configuration « en navette » (Augagneur et Casillo, 2022) : le GPC et les ateliers grand public travaillaient en parallèle et se nourrissaient réciproquement tout au long du processus (Fig. 3). Deux principales difficultés concernant la confidentialité et la qualité de l’information, d’une part, et le maintien d’une autonomie politique du MPD, d’autre part, ont été identifiées.
Le fonctionnement en navette nécessitait une médiatisation régulière du travail et des avancées du GPC, mais celui-ci requérait également un certain secret des échanges pour assurer la sérénité des discussions, protéger ses membres de pressions extérieures et traiter de manière délibérative des cas de particuliers. Une obligation de confidentialité a été instaurée9, en contrepartie de quoi, l’équipe organisatrice rédigeait des relevés synthétiques anonymisés des réunions du GPC pour relater au grand public la teneur des débats et les arbitrages réalisés. Certains documents de travail ont cependant été divulgués et utilisés par un collectif d’opposition au PLU pour critiquer le projet. La rupture de confiance a compliqué le travail au sein du GPC. Ce collectif a également accusé l’équipe organisatrice de partialité dans la rédaction des comptes rendus des GPC et des ateliers. Si ces critiques faisaient partie de sa stratégie de délégitimation de la révision du PLU, elles témoignent cependant de l’importance procédurale d’organiser un subtil équilibre entre transparence et confidentialité (Chambers, 2010) et de garantir la fiabilité de l’information produite et communiquée.
La configuration en navette a par ailleurs suscité un nouveau trouble de légitimité lorsque le résultat des ateliers grand public s’est avéré non concordant avec l’avis que le GPC était en train de former, comme dans le cas du scénario d’urbanisation. Un débat s’est engagé sur sa légitimité à prendre une décision différente : certains citoyens pensaient que le GPC devait se conformer à l’avis majoritaire exprimé en ateliers grand public, tandis que d’autres estimaient qu’il devait élaborer sa propre décision car il disposait de plus d’informations et de temps pour débattre. En réponse, l’équipe organisatrice a amplifié le temps de délibération, permettant au GPC d’examiner un à un tous les arguments émis dans les ateliers, ce qui a permis d’atteindre un compromis sur le scénario d’urbanisation. Ainsi, la légitimité de la décision du MPD a pu s’affirmer par sa capacité à former une volonté politique commune, juste et efficace, après avoir fait le tour des arguments en présence (Mercadal, 2012), les ateliers grand public permettant d’enrichir le travail du mini-public.
Le MPD et les ateliers grand public : complémentarité des rôles démocratiques
Le MPD et les ateliers grand public ont exercé des fonctions délibératives et participatives auprès de la population avec des rôles complémentaires mais distincts. Les deux dispositifs ont offert des conditions favorables à la délibération, incluant l’accès à une information contradictoire et des temps d’échanges animés prolongés en petits groupes, favorisant une répartition de la parole. Ils ont également mis en œuvre des méthodes d’enquête similaires, valorisant les expériences sensibles et l’analyse concrète des conséquences des options de projet. Cependant, leurs rôles décisionnels différaient : les ateliers contribuaient à l’élaboration de la décision, tandis que le GPC était chargé de la trancher. Cette distinction a suscité un débat sur la méthode, certains participants des ateliers contestant la légitimité du GPC à prendre seul la décision finale, estimant que leur propre implication dans le processus leur conférait une légitimité égale.
Les deux dispositifs ont également rempli une fonction participative en informant la population sur les débats en cours, lui indiquant comment elle se comporterait si elle aussi s’informait et débattait. Les ateliers ont permis de vérifier qu’aucun point de vue n’était écarté, qu’aucune conséquence du projet n’était oubliée, de donner la parole aux opinions les plus minoritaires et de dresser une liste assez exhaustive des arguments en présence. Le GPC, quant à lui, s’est chargé de proposer différentes alternatives de projet et de soulever des questions à débattre en amont des ateliers grand public (par exemple, où et comment urbaniser en priorité ?) puis, en aval, de hiérarchiser les conséquences, de donner un poids aux différents arguments, d’arbitrer entre les valeurs en présence (par exemple, le choix d’une densité élevée de bâti afin de ne pas freiner la croissance démographique du village, tout en préservant les terres agricoles et naturelles) [Fig. 3].
Les deux dispositifs ont contribué significativement au développement des compétences citoyennes en favorisant la capacité de délibération et la formation d’opinions nuancées sur des sujets complexes, méconnus ou polarisants. Ils ont également permis aux citoyens de mieux appréhender les mécanismes institutionnels et d’identifier leurs leviers d’action. Les membres du GPC ont développé une critique approfondie des pratiques institutionnelles et professionnelles en urbanisme et expérimenté d’autres manières de procéder, tandis que les participants des ateliers ont mené une réflexion critique sur la méthode participative (qualité de l’information, processus de décision…), conduisant à son réajustement.
Enfin, les deux dispositifs ont recherché l’inclusion de la diversité des points de vue plutôt que la représentativité sociologique des participants, soit en misant sur le hasard, soit en variant les espaces et les formes de participation (Fig. 3). Malgré ces efforts pour élargir les publics, des biais similaires de sélectivité liés à l’âge, au capital culturel, au capital foncier et aux aptitudes délibératives ont cependant été observés10.
Contrôle versus émancipation : le MPD face aux enjeux de démocratisation
Renforcer le pouvoir d’agir citoyen ?
Le dernier défi porte sur la capacité des MPD à renforcer ou renouveler la démocratie (Blondiaux, 2008b). Les finalités politiques, le design et les conditions concrètes d’élaboration et de mise en œuvre des MPD sont déterminants sur leurs effets (Fung, 2003 ; Courant, 2021). Ils peuvent constituer des instruments de contrôle social ou d’émancipation politique selon que leurs organisateurs visent à orienter les comportements à des fins d’efficacité ou de légitimation de la politique publique, ou bien encore servir à renforcer les capacités des citoyens à façonner les lois qui les concernent et à prendre le contrôle de leur destin politique (Gourgues et al., 2013). Les procédures d’encadrement visant à garantir une discussion de qualité peuvent limiter la liberté d’expression ou freiner les propositions créatives, en particulier lorsqu’elles remettent en cause les autorités initiant le dispositif (Pourtois, 2013 ; Sintomer, 2011b). La quête de consensus tend à minimiser les antagonismes et à marginaliser les voix dissidentes, au risque de voir resurgir les conflits dans des formes plus violentes et hors des arènes démocratiques. L’institutionnalisation amplifie les risques de tropisme procédural, de dépolitisation des débats, d’instrumentalisation des dispositifs ou d’absorption de la critique (Gourgues et Rui, 2022).
Le cas de Saillans est intéressant car l’implication citoyenne promue par l’équipe municipale a été confrontée au cadrage technique de la révision du PLU. Le MPD a fait courir le risque d’une dépolitisation en transformant des questions politiques en problèmes techniques ou administratifs (Robert, 2021). Cependant, les réactions des participants témoignent de la force du pouvoir d’agir citoyen et permettent de mieux comprendre sur quoi repose la vitalité démocratique globale du dispositif (Jacquet et Van der Does, 2021).
Les enseignements du cas de Saillans
Les intentions d’émancipation des organisateurs du MPD
L’équipe municipale visait l’émancipation et l’autonomisation politiques des habitants. La charte de participation « encourageait le pouvoir d’initiative des citoyens ». Le dispositif favorisait les processus d’apprentissage individuel et social par la formation (café d’urbanisme), l’échange entre pairs, l’expérience pratique (ateliers maquettes…) ainsi que le développement de compétences politiques (prendre la parole, défendre un point de vue, coopérer pour produire des propositions collectives). L’équipe organisatrice a déployé un travail conséquent de traduction afin de mettre en évidence les enjeux politiques derrière les sujets techniques abordés. Le dispositif donnait aussi une place centrale à l’expression et à la gestion de la conflictualité au sein des débats : l’animation œuvrait à faire émerger les positions antagonistes des participants ; l’organisation de débats contradictoires visait à structurer les controverses (Blondiaux, 2008a). Enfin, l’équipe municipale a favorisé et organisé la réflexivité sur la méthode de révision du PLU en s’appuyant sur le Groupe de Suivi-évaluation, instance de veille composée d’habitants et d’élus ainsi que sur le garant de la concertation désigné par la CNDP (Fig. 1 et détails dans Analyses détaillées de la démarche participative).
Le sujet de la planification urbaine et la sophistication procédurale, facteurs de dépolitisation
Le choix du sujet de la planification urbaine a constitué un double défi démocratique : sa complexité technique risquait de creuser les inégalités de prise de parole et de dépolitiser les débats ; son encadrement procédural national limitait les marges de manœuvre locales. La non-explicitation des règles du jeu par l’administration en début de processus a été un frein majeur. La logique séquentielle de la procédure de révision du PLU était handicapante, niant les allers-retours nécessaires entre principes généraux souvent consensuels (tel « un village accueillant et à taille humaine ») et ses conséquences concrètes révélant des visions du monde et des attachements conflictuels. La haute technicité du sujet a requis un surcroît d’efforts de traduction des ambitions et du projet politique en dispositions opérationnelles.
Les moyens limités de la commune ont aussi amené à des choix procéduraux affectant la qualité de la délibération face à l’ambition initiale : la participation du commanditaire à l’équipe organisatrice a créé de la confusion quant au rôle de l’élue coordinatrice du PLU entre cadrage méthodologique et portage politique ; le manque d’audits d’experts indépendants a pu limiter la profondeur du débat contradictoire. Le dispositif initial était sophistiqué, mais au fil du temps, il s’est davantage procéduralisé sous l’effet de la pression temporelle, générant un relatif désengagement des membres du MPD, un creusement des inégalités de participation, ainsi que l’épuisement des organisateurs.
Les réactions critiques au sein du MPD
La dépolitisation des débats a entraîné une réaction des participants et un réajustement de la démarche par l’équipe organisatrice, alertée et appuyée par le GSE. Lors de la phase de diagnostic du PLU, les citoyens du GPC se sont plaints de la trop grande verticalité des échanges, de leur haute technicité et de leur propre passivité. L’équipe organisatrice a proposé un atelier en petits groupes et une sortie de terrain pour favoriser l’appréhension concrète du sujet et la dynamique de groupe, ainsi qu’un temps de réflexivité pour améliorer la méthode.
Lors de la phase cruciale entre la définition des orientations et l’écriture des règlements, les citoyens du GPC se sont plaints de la dépolitisation des débats liée à des ordres du jour trop chargés et à un découpage technique des sujets limitant la vision stratégique globale. L’équipe organisatrice a réagi en retardant la prise de décision et en proposant des séances supplémentaires pour rediscuter des orientations politiques. Comme déjà évoqué, certains citoyens ont joué un rôle d’agent de politisation au sein du GPC aux côtés de l’animateur : en reliant les enjeux globaux et locaux, favorisant l’appropriation de notions abstraites comme celle de transition écologique, et en requalifiant les témoignages personnels exprimés en problèmes collectifs sur lesquels il est possible de mener une action publique. L’équipe organisatrice a aussi procédé à des arbitrages d’agenda en limitant le nombre de sujets soumis à délibération pour accroître leur approfondissement. Malgré ses défauts, le dispositif a créé des conditions favorables à une politisation à différentes échelles (Jacquet et Van der Does, 2021).
Les effets de politisation au sein de la population
Une partie des participants a développé des compétences politiques. Des groupes autonomes d’habitants se sont autosaisis de certains problèmes, proposant des solutions pratiques intégrées dans le nouveau PLU11. En donnant à voir le fonctionnement des arènes politico-administratives (ouverture des réunions avec l’administration, publication régulière des échanges avec elle), le dispositif a permis aux participants de comprendre le cadre et les normes nationales ainsi que les marges de manœuvre locales. Ils ont pu remettre en question les manières de faire : exiger davantage de transparence de l’administration sur les règles du jeu en amont plutôt qu’un contrôle a posteriori et requérir une explication des raisons d’être de ces règles. Le dispositif a permis une prise de conscience des rapports de force et des jeux de pouvoir entre la commune et l’État au sein du MPD et de la population villageoise. Les intérêts et les enjeux ont été mis en lisibilité, ce qui a conduit à une reconfiguration des alliances entre groupes sociaux en vue des élections municipales de 2020. Les questions démocratiques et écologiques soulevées par les controverses de la révision du PLU ont été au cœur des stratégies de campagne des deux listes – restriction du droit à construire, accueil d’habitats légers et légitimité décisionnaire de citoyens tirés au sort.
Ainsi, le dispositif a contribué à développer chez les habitants deux compétences : (1) celle de « critique civile » de l’action publique (Mercadal, 2012) et (2) un agir citoyen (Fourniau, 2022), une capacité à activer, en situation, des savoirs et savoir-faire, afin de s’engager collectivement dans un changement pour faire face aux problèmes rencontrés dans et hors arène instituée (Talpin, 2011). Ces apprentissages ont été réinvestis : création d’associations (accueil de migrants, recyclerie), projets collectifs d’habitat, candidatures pour les élections municipales, etc. Cette politisation, par la pratique démocratique, constitue un préalable à l’émancipation au sens d’une possible libération des normes et des pratiques dominantes (Tarragoni, 2013). Elle a été facilitée par : (1) un travail d’enquête collectif progressif entre élus locaux et citoyens sur les cadres et normes dominant le champ de l’urbanisme (État, bailleurs…) et les marges de manœuvre pour les infléchir ; (2) l’affirmation d’un horizon politique par les élus concernant la démocratisation et l’écologisation de l’action publique territoriale et (3) la preuve concrète que l’action collective peut peser effectivement sur les décisions prises. Malgré le cadre très contraint et la nature institutionnelle forte du dispositif, il s’est dessiné des « lignes de fuites émancipatrices » (Talpin, 2022).
La transformation en profondeur de l’action publique
À l’échelle de l’action publique territoriale, le dispositif a encouragé la créativité et la subversion. De nouvelles règles du jeu collectives ont pu être proposées en exploitant les marges du système existant. Bien que l’équipe municipale ait dû en partie se plier aux normes dominantes, le dispositif a permis l’obtention d’un fort consensus sur le principal enjeu (fermeture de deux tiers des espaces constructibles) : difficile à obtenir, solide car ancré sur des attachements partagés, et durable car formalisé dans un document réglementaire. Trois transformations majeures sont advenues : (1) la construction d’un intérêt général circonstancié, entendu comme la composition d’un horizon commun à partir d’attachements territorialisés12; (2) le maintien d’une dimension agonistique dans les décisions afin de laisser ouverte la définition de l’horizon commun, tout en acceptant de clôturer provisoirement les débats pour agir13 ; (3) un changement du rôle des pouvoirs publics, vers davantage de soutien à l’expérimentation et à l’action collective autogérée (Girard et Muller, 2023).
Conclusion
Le nouveau PLU de Saillans, adopté en février 2020, a été salué pour la qualité de son contenu et de sa concertation par le commissaire enquêteur et le garant de la concertation14. Le résultat majeur souligné est écologique : réduction drastique de la consommation foncière, modèle d’habitat plus collectif et sobre en énergie, encouragement d’une économie davantage présentielle. Les avancées sont également démocratiques. Au regard des défis identifiés, l’analyse montre (1) l’intérêt des processus d’autosélection des citoyens lors des processus de sortition pour la qualité de la délibération, tout particulièrement pour des MPD à l’échelle locale et sur des enjeux territoriaux ; (2) les enjeux de légitimation des MPD mettant en coresponsabilité décisionnaire des élus et des habitants tirés au sort ; (3) la complémentarité des fonctions démocratiques des MPD et des dispositifs participatifs ouverts ; et enfin (4) l’étendue des effets de politisation à différentes échelles.
Le cas de Saillans illustre comment les MPD peuvent démocratiser la décision publique quand ils sont articulés à la participation du plus grand nombre et dotés d’un réel pouvoir de décision. Les épreuves de légitimation traversées par les élus et les citoyens ont amené à approfondir les conceptions et les pratiques de la démocratie. Les apprentissages ont été réinvestis dans les sphères associatives, d’économie sociale et solidaire et politique. La culture locale de l’action collective et politique s’est transformée vers : (1) davantage de confiance entre les citoyens et les institutions ; (2) des liens sociaux renforcés dans l’expérience pratique ; (3) plus de capacité d’initiative face aux défis des changements globaux et enfin (4) moins de pensée simple et plus d’attitude critique, y compris face aux tentations de repli identitaire ou d’autoritarisme. Ce sont autant de ressources à disposition des citoyens pour revitaliser la démocratie quand elle est menacée par la montée des fascismes et des obscurantismes.
Enfin, en apportant de nouvelles preuves empiriques, cette étude conforte les récentes recherches sur la portée de rénovation démocratique des MPD en soulignant les rôles déterminants des finalités politiques de leurs commanditaires, de la capacité des organisateurs à déployer une ingénierie à la hauteur des ambitions, et enfin des conditions et des modalités de l’encastrement des MPD dans un projet démocratique plus large (Bussu et al., 2022). Un sujet n’a pas pu être traité dans le cadre de cet article et me semble pourtant important pour la suite des travaux : il concerne le rôle des dispositifs de suivi-évaluation endogènes et chemin faisant (tel le GSE), et ceux de médiation et de garantie externe (tel le garant de la concertation) pour alerter sur les difficultés, susciter la réflexivité nécessaire aux ajustements mais aussi sécuriser et légitimer les expérimentations démocratiques.
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Les implications éthiques et les précautions méthodologiques de cette posture engagée sont détaillées dans Girard S., 2025. « Engagement électif et engagement scientifique, la part du terrain », in Goeury D., Lefebvre-Chombart A. (Eds), Engagements. Faire de la géographie au XXIe siècle, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes.
Selon les règles de fonctionnement du GPC, le recours au vote n’était possible qu’à défaut de consensus possible, et qu’après trois tentatives échouées de décision par consentement ; seules les personnes ayant pris part au débat pouvaient voter ; et le vote devait se tenir en décalé avec le temps du débat.
La charte de la participation indique que le rôle du GPC est de « formuler un avis collectif » sans mentionner que celui-ci sera décisionnaire. Le risque de fragilisation juridique de la révision du PLU est double : d’une part, seul le conseil municipal est habilité à approuver un PLU ; d’autre part, la prise de décision par le GPC pourrait être interprétée comme une rupture d’égalité entre citoyens dans la contribution à l’élaboration de la réglementation locale.
Le projet politique a été présenté et discuté lors d’un temps fort de débat public, précédé par l’envoi à tous les habitants d’une note synthétique présentant la version provisoire du projet de PLU (www.mairiedesaillans2014-2020.fr/images/2019/lettreinfo/v10web-cahierPLU.pdf).
Règles de fonctionnement du GPC : www.mairiedesaillans2014-2020.fr/images/2019/revisionplu/reglement-GPC_version2018.pdf.
Citation de l’article : Girard S., 2025. Les défis démocratiques des mini-publics délibératifs. Nouvelles évidences empiriques issues du Groupe de pilotage citoyen pour la planification urbaine à Saillans (2016-2020). Nat. Sci. Soc., https://doi.org/10.1051/nss/2025031
Liste des figures
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Fig. 1 Présentation du mini-public délibératif (MPD) étudié et de son contexte : le Groupe de pilotage citoyen pour la révision du plan local d’urbanisme (PLU) de Saillans (réalisation : S. Girard, 2024). |
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Fig. 2 Diversité des ateliers grand public proposés dans le cadre de la révision du PLU de Saillans : focus-group, conférence-débat, lecture de paysage, atelier maquette, atelier de scénarisation, réunions de quartiers, questionnaires individuels, etc. (© S. Girard, 2019). |
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Fig. 3 Exemple de configuration en navette entre le mini public et le grand public à propos du scénario d’urbanisation (réalisation : S. Girard, 2024). |
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