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Nat. Sci. Soc.
Volume 33, Number 2, Avril/Juin 2025
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| Page(s) | 133 - 144 | |
| DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2025039 | |
| Published online | 19 September 2025 | |
La démocratie du faire : l’action concrète au service d’un empowerment écologique
Doing democracy: concrete action in the service of ecological empowerment
1
Sociologie urbaine, ENTPE, UMR EVS-RIVES, Vaulx-en-Velin, France
2
Aménagement de l’espace et urbanisme, Université de Bourgogne, UMR THEMA, Dijon, France
* Auteur correspondant : alex.roy@entpe.fr
Reçu :
3
Février
2023
Accepté :
7
Novembre
2024
À partir d’une enquête transdisciplinaire en Bourgogne Franche-Comté, cet article explore les contours de l’empowerment écologique, défini génériquement comme le développement d’une capacité d’intervention d’un groupe avec son environnement humain et non humain pour répondre à une problématique qu’il a lui-même identifiée. Ce processus participe au façonnement par le bas d’une démocratie du faire. Celle-ci repose sur la constitution de communautés locales qui agissent « ici et maintenant » en faveur des transitions sociales et écologiques. De cette manière, la démocratie du faire participe à la diversification des modes d’exercice de la souveraineté populaire en complémentarité avec la participation citoyenne, la contestation ou la représentation politique.
Abstract
Based on a transdisciplinary survey in the Bourgogne Franche-Comté region, this article explores the contours of ecological empowerment, defined generically as the development of a group’s capacity to intervene with its human and non-human environment in response to a self-identified problem. This process helps to shape a do-ocracy. This is based on developing grassroot communities that act ‘here and now’ in favor of social and ecological transitions. In this way, the do-ocracy helps to diversify the ways in which popular sovereignty is exercised, complementing citizen participation, protest and political representation.
Mots clés : transition écologique / démocratie du faire / initiatives citoyennes / communautés locales / empowerment
Key words: ecological transition / do-ocracy / grassroots organizations / empowerment
© A. Roy et D. Lapostolle, Hosted by EDP Sciences
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
La transition est un enjeu trop complexe et vital pour être abandonné aux seuls pouvoirs publics. De fait, de multiples initiatives locales se déploient parfois en marge de ceux-ci, voire en opposition, mais également selon un large gradient de coopération. C’est le cas des deux initiatives accompagnées et étudiées par les auteurs dans le cadre d’un processus transdisciplinaire issu d’un living lab territorial. C’est l’occasion de montrer comment, dans chaque cas, une « communauté épistémique transdisciplinaire » a construit et éprouvé au fil des années le triple pouvoir constitutif de son empowerment écologique : un pouvoir d’action concrète et d’expérimentation, susceptible de déboucher sur un pouvoir instituant un « système productif local à visée politique ». Outre l’intérêt de sa contribution empirique et théorique à la démocratie du faire, l’article illustre bien le type de réflexivité méthodologique et politique que la revue entend rendre visible et promouvoir.
La Rédaction
Laissant de côté les « belles paroles », des personnes agissent concrètement, collectivement, « ici et maintenant » dans des jardins collectifs, des ressourceries ou encore des éco-lieux. Diverses dans leurs finalités, ces initiatives de transition se rassemblent autour d’une logique de coopération, de proximité géographique, de relocalisation, de convivialité et d’essaimage en hybridant les enjeux sociaux – lien social, pauvreté, santé, participation citoyenne, consommation, etc. et les enjeux écologiques – changement climatique, érosion des sols, respect du vivant, etc. (Laigle, 2018 ; Lapostolle et Roy, 2022). Soit autant de caractéristiques partagées avec une « démocratie du faire », c’est-à-dire « la mise en œuvre pratique de principes démocratiques, fondée sur l’auto-organisation, l’horizontalité, la liberté, l’autonomie et œuvrant à l’élaboration de communs » (Girard et Muller, 2023). Ce modèle démocratique tire sa légitimité « de l’initiative et de l’engagement des individus et des collectifs qui s’autosaisissent de sujets pour mener concrètement, à leur échelle, la transformation sociale » (Girard et Muller, 2023).
Cette démocratie du faire s’inscrit dans un contexte de fragilisation grandissante de la légitimité de la représentation politique marquée par une abstention chronique aux élections (Braconnier et Dormagen, 2007). Elle s’adosse en outre à un mouvement de diversification des modes d’exercice de la souveraineté populaire (Rosanvallon, 2008), particulièrement actif en matière environnementale. D’une part, cela s’incarne dans le développement d’une démocratie fondée sur l’approfondissement de la participation citoyenne aux politiques publiques ou plus globalement d’une forme de citoyenneté de la chose publique sur les enjeux environnementaux (Fourniau et al., 2022). D’autre part, la démocratie protestataire fondée sur la logique contestataire des mouvements sociaux (Mathieu, 2011) investit de plus en plus les enjeux écologiques, créant ainsi des pressions et des revendications auprès des pouvoirs publics.
Dans cet article, nous cherchons à montrer comment des personnes s’organisent collectivement et localement pour agir en faveur des transitions. Pour cela, nous allons décrire et analyser le processus d’empowerment écologique, défini génériquement comme le développement d’une capacité d’intervention d’un groupe avec son environnement humain et non humain pour répondre à une problématique qu’il a lui-même identifiée. Nous verrons alors comment ce processus participe au façonnement d’un mode d’intervention démocratique – le faire – alternatif à la représentation, la participation et la protestation.
Après un détour théorique, nous présenterons notre protocole d’enquête transdisciplinaire (interdisciplinaire et participatif) en Bourgogne Franche-Comté, pour ensuite examiner quelques dimensions de cet empowerment écologique. Enfin, nous discuterons de l’articulation de la démocratie du faire avec les autres modèles démocratiques.
Une lecture de la démocratie du faire par l’empowerment écologique
La démocratie du faire est une notion récente qui repose sur le principe d’une souveraineté populaire s’exerçant par l’intervention directe des citoyens, sans intermédiaire, dans la mise en œuvre d’actions d’intérêt général. Dans cette optique, « le pouvoir doit appartenir à ceux qui font, et non à une autorité centralisée seule détentrice de la légitimité à impulser, structurer, coordonner et contrôler les actions de tous » (Lallement, 2015, p. 278). Le « faire » est entendu au sens de Tim Ingold (2013). Il ne s’agit pas de penser avant d’agir, de planifier, de modéliser, mais d’épouser la logique de l’artisan, d’apprendre en faisant, de « nos engagements pratiques et observationnels avec les êtres et les choses qui nous entourent » (Lallement, 2015, p. 6). Le faire repose sur l’expérimentation auprès du monde. En se laissant porter par la dynamique de la situation, « la conduite de la pensée accompagne et répond continuellement aux flux des matériaux avec lesquels nous travaillons » (Lallement, 2015, p. 6).
Les multiples initiatives relevant de la démocratie du faire visent la transformation sociale par les normes et valeurs qu’elles mettent en œuvre dans la matérialité de leurs actions : alimentation, habitat, production d’énergie, mobilités, etc. (Berrebi-Hoffmann et al., 2018). Ce qui est en jeu, c’est la réappropriation de certains savoirs et gestes pour construire des prises sur la réalité (Blondiaux, 2018) « par la réforme de soi et du monde proche » (Pruvost, 2022, p. 30) en dehors des cadrages institutionnels de l’expertise et de la démocratie participative. Ainsi, la démocratie du faire n’est pas un mode de gouvernement, mais une expérience (infra)politique, pratique et vécue, inscrite dans une recherche d’autonomie relative par rapport aux institutions marchandes et politiques. Pour affiner la définition de la démocratie du faire, nous en faisons la lecture depuis la notion d’empowerment écologique. Par rapport aux travaux existants, cet angle d’approche permet de rendre compte de la manière dont la démocratie du faire émerge et se déploie mais aussi d’en signifier la dimension située, celle d’un pouvoir d’agir « ici et maintenant » sur son milieu de vie.
Le modèle coopératif de l’empowerment
S’il existe des initiatives contestataires dans la démocratie du faire (Pruvost, 2022), nous nous focalisons dans cet article sur des initiatives s’inscrivant dans le modèle coopératif de l’empowerment. Celui-ci se distingue des approches néolibérales relevant de l’injonction à l’autonomie individuelle, mais aussi des approches protestataires qui se focalisent sur le registre du rapport de force avec les pouvoirs publics (Bacqué et Biewener, 2013).
La notion de pouvoir s’entend ainsi au sens relationnel dans la construction d’un « pouvoir avec » autrui, ce qui n’évacue pas la dimension conflictuelle de la relation avec les pouvoirs publics. Pour le chercheur Québécois William Ninacs (2003), ce pouvoir collectif repose sur le développement d’un sentiment d’appartenance à une communauté1 et à un environnement ; la capacité à favoriser la participation, l’interaction et la reconnaissance des membres de la communauté ; la capacité « de mailler les ressources locales, de les voir coopérer et de tirer profit des synergies qui en découlent » (Ninacs, 2003, p. 7). Ainsi, l’empowerment est un processus d’apprentissage qui s’inscrit dans le temps long de la mobilisation d’un groupe (Roy, 2020), mais aussi de ressources extérieures « nécessaires pour agir en fonction d’un but » (Audet et al., 2024 p. 53).
Ce modèle est fortement lié à son contexte d’émergence nord-américain. Historiquement, l’empowerment s’inscrit dans un projet de renouvellement démocratique qui s’oppose à la concentration des pouvoirs de l’État providence et qui défend le rôle des communautés comme la base d’une société démocratique, mais aussi comme un levier nécessaire à la mise en œuvre des politiques publiques (Berger et Neuhaus, 1977).
En Europe, l’influence des pratiques anglosaxonnes, l’épuisement de la légitimité représentative, « les processus de décentralisation, pluralisation, individuation du politique, conduisent à des renouvellements des formes de mobilisation et de régulation politiques » (Blanc et al., 2008). Aussi, selon De Schutter et Dedeurwaerdere (2022), les institutions publiques doivent-elles renoncer à « diriger la transition » et s’impliquer comme des partenaires pour « soutenir sans contraindre » les initiatives locales. Cela s’inscrit dans le modèle coopératif de l’empowerment au sein duquel les institutions publiques ne s’effacent pas, mais changent de rôle.
En France, la tradition sociopolitique fondée sur la centralité de l’État freine l’avènement des solutions de type communautaire et plus généralement d’auto-organisation des citoyens (Bacqué et Biewener, 2013). Cela dit, la légitimité démocratique de l’engagement citoyen est défendue de longue date par le mouvement associatif français, l’éducation populaire et l’économie sociale et solidaire. Cela est la base d’une forme d’« empowerment à la française » (Bacqué et Biewener, 2013). En effet, « les associations sont perçues comme des laboratoires et des écoles de démocratie, des espaces d’apprentissage de compétences civiques et sociales […] des institutions populaires multifonctionnelles permettant de résoudre des besoins et des problèmes sociaux non pris en charge par le marché et l’État » (Juan et Renault-Tinacci, 2019, p. 8).
Aussi, pour nous, en raison des circulations des concepts et des pratiques très actives dans le « monde des transitions », la notion de démocratie du faire est-elle une forme d’hybridation des références entre le modèle communautaire anglosaxon et la tradition associative française. Il s’agit d’une manière de théoriser la dimension démocratique du mouvement des communautés locales de transition tel qu’il se façonne en France, par le bas, au travers d’un processus d’empowerment écologique.
L’empowerment écologique
Les transitions studies mettent en lumière le processus d’empowerment des communautés locales de transition par lequel elles construisent des solutions alternatives aux modèles de développement dominant (Raj et al., 2022). Si l’empowerment cherche à améliorer les conditions de vie, notamment dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, le processus peut également inclure une intention écologique. Le « pouvoir avec » d’une communauté s’oriente alors vers la transformation d’un milieu de vie pour l’aider à s’adapter aux bouleversements climatiques, de la biodiversité et des tensions sur les ressources ou à tenter de les réduire (Blanc et al., 2022). Ce pouvoir s’appuie sur un maillage territorial, c’est-à-dire un « processus de construction de sens et d’action en commun entre une pluralité d’acteurs » humains, mais aussi non-humains (Roy et Lapostolle, 2022, p. 104).
Nous complétons cette première définition de l’empowerment écologique en lui donnant une portée de justice environnementale. Il s’agit de compenser les effets néfastes des inégalités liées aux enjeux écologiques et de favoriser une meilleure distribution des ressources et biens environnementaux pour lutter contre leur accaparement par certains groupes sociaux. Au-delà de la question de la redistribution, la justice environnementale inclut un critère de participation aux processus de décision politique et de reconnaissance des savoirs vernaculaires (Schlosberg, 2013) reposant sur le lien singulier qu’entretiennent les communautés avec leurs milieux de vie, à leur façon de l’habiter en relation avec les non-humains (Bryant, 1995).
L’empowerment écologique est une notion proposée par Cyria Emelianoff et Nathalie Blanc (2009) dans une conférence, puis décrite dans un ouvrage plus récent (Blanc et al., 2022). Malgré sa pertinence, la notion reste très peu utilisée. Nous proposons ainsi de poursuivre sa conceptualisation en mobilisant une littérature plus vaste sur les initiatives de transition. Pour cela, nous distinguons trois dimensions de l’empowerment écologique tel qu’il se déploie dans la démocratie du faire et le modèle coopératif : le pouvoir de concrétisation, le pouvoir de l’expérimentation et le pouvoir instituant.
Le pouvoir de concrétisation
Dans la démocratie du faire, l’empowerment écologique repose sur une action concrète, pratique, manuelle, sans passage obligé par le discours rationnel et argumenté (Pruvost, 2022), promu, quant à lui, dans les modèles démocratiques de la représentation et de la délibération. Le pouvoir de concrétisation tend à saisir les enjeux environnementaux globaux par les choses et gestes du quotidien, de l’ordinaire, mais aussi par l’expression des émotions et des attachements (Blanc et al., 2022). À cela s’ajoute une attention aux conditions de subsistance et aux stratégies de débrouillardise propres aux milieux populaires (Mangin et Roy, 2023). La démocratie du faire est en effet « potentiellement très inclusive (en termes de rapports sociaux de sexe, d’âge, de classe et d’ethnie) en ce qu’elle revalorise les savoir-faire vernaculaires, détrône l’hégémonie du savoir scientifique, occidentalisé, et entend rompre avec différentes formes de division du travail » (Pruvost, 2022, p. 37).
La notion floue d’« action concrète » s’incarne dans l’exemple du mouvement des hackers californien étudié par Michel Lallement (2015) fondé sur des communautés qui fabriquent, bricolent et partagent des ressources matérielles et immatérielles en libre accès. Il s’agit aussi d’initiatives d’intendance citoyenne (stewardship) consistant à prendre soin d’un espace délimité comme un jardin collectif (Bennett et al., 2018). Un autre exemple, qui fait l’objet de cet article, est celui de la « transition coopérative » impulsée en France par le secteur de l’économie sociale et solidaire (Laigle, 2018). Il s’agit « d’activités économiques associant solidarité et écologie dans des domaines qui demeurent peu pris en charge par l’action publique et le secteur privé : habitat participatif écologique accessible aux personnes défavorisées, confection de meubles ou de vêtements à prix abordables à l’aide d’une activité de ressourcerie, restaurant autogéré et approvisionné par des produits locaux » (Laigle, 2018, p. 4).
Le pouvoir d’expérimentation
Dans la démocratie du faire, l’empowerment écologique repose sur un principe d’expérimentation locale. Il s’agit « de prendre en considération l’évolution d’un contexte dans lequel les acteurs agissent […] et de mettre en place une procédure de changement [qui] transforme les objets et les sujets qu’elle met en relation » (Villalba et Melin, 2022). Le pouvoir d’expérimentation est un processus d’apprentissage social et collectif par le faire, d’allers-retours entre l’action, des phases de test et la réflexion, tout en s’autorisant un droit à l’erreur dans un contexte d’incertitude (Audet et al., 2024 ; Sengers et al., 2019).
Pour Jenny Cameron (2015), l’intérêt de la multiplication d’expérimentations à petite échelle est d’offrir une diversité d’ouvertures et de trajectoires pour de nouveaux modes de vie plutôt que de reproduire à l’échelle mondiale un modèle unique de développement économique et technologique qui a conduit à l’impasse écologique. L’expérimentation est à considérer comme une critique et une alternative au modèle du déficit d’information, les choix rationnels et l’individualisme méthodologique considérant les personnes comme des ardoises blanches, ignorantes (Catney et al., 2013). Dans ce modèle, il faudrait en effet informer et sensibiliser les citoyens pour qu’ils changent leurs comportements, leurs habitudes, comme si le solutionnisme technologique devait s’accompagner d’un solutionnisme comportemental. L’expérimentation repose au contraire sur le croisement des savoirs citoyens, techniques, scientifiques et politiques en vue d’élaborer des solutions localisées, en prise avec les milieux de vie, à la croisée des enjeux sociaux et environnementaux.
Le passage à l’échelle prend alors une forme différente dans la démocratie du faire par la circulation des expérimentations. Les pratiques et les idées se propagent de manière translocale (Santo et Moragues-Faus, 2019 ; Loorbach et al., 2020), via des « réseaux multiscalaires, mouvants, instables, qui mettent en connexion les initiatives et en favorisent la diffusion, par des assemblages à la fois relationnels et spatiaux » (Lapostolle et Roy, 2022).
Le pouvoir instituant
La démocratie du faire se distingue de la démocratie protestataire2 à laquelle elle reproche d’être trop en attente des institutions. Il s’agit de construire « activement de nouvelles formes d’institutions, d’organisation et d’engagement plutôt que de se contenter de formuler des revendications politiques ou des objections au statu quo » (Chilvers et Longhurst, 2016, p. 589). Dans le modèle coopératif, la démocratie du faire est « instituante (et non pas institutionnelle ou institutionnalisante), parce qu’elle invente et crée des institutions nouvelles au lieu d’entrer dans des cadres déjà formés, d’adapter les institutions existantes ou de les modifier à la marge » (Autant-Dorier et Lebbal, 2018, p. 20).
Le pouvoir instituant est un processus par lequel émergent des « systèmes productifs, des coalitions, des milieux innovants et des actions collectives » (Klein, 2008, p. 56) au sein d’un environnement social, institutionnel et matériel, en réponse à des attentes et des besoins de la société civile, et vectrice de changement dans les normes sociales établies (Richez-Battesti et al., 2012). Plus précisément, certains acteurs de l’économie sociale et solidaire s’attellent à la construction de nouveaux systèmes de production et de circulation des biens matériels dans une perspective écologique (Schlosberg et Craven, 2019). Intervient ici la dimension préfigurative (Yates, 2015) de la démocratie du faire, car elle donne à voir comment un projet de société orienté vers le futur se réalise, ici et maintenant, dans un système productif local, fait de flux matériels et relationnels.
Par-là, les communautés locales de transition développent un pouvoir d’interpellation démontrant l’étendue du possible, pouvant notamment enrôler des institutions publiques. Si le « faire sans » ou « contre » les pouvoirs publics est promu dans certaines communautés locales comme les zones à défendre (Pruvost, 2022), le pouvoir instituant dans la « transition coopérative » (Laigle, 2018) s’appuie le plus souvent sur la construction d’arrangements institutionnels.
Une enquête transdisciplinaire en Bourgogne-Franche-Comté
Au-delà de l’engagement des pouvoirs publics, Jenny Cameron (2015) met en avant la nécessité pour les chercheurs d’enquêter, de relayer et d’accompagner les expérimentations menées au sein de communautés locales de transition. C’est dans cette optique que nous conduisons une recherche transdisciplinaire depuis 2018 au sein du living lab territorial pour la transition écologique (LTTE) de la Maison des sciences de l’homme de Dijon.
L’approche transdisciplinaire du LTTE
Le LTTE rassemble un noyau dur de sept chercheurs en sciences humaines et sociales (aménagement de l’espace, anthropologie, sociologie, économie territoriale, évaluation des politiques publiques). Dans la veine de la « sustainability science » (Audet et al., 2024 ; Sengers et al., 2019) et du rapport sur le changement environnemental global du Comité international des sciences sociales de l’UNESCO (CISS-Unesco, 2013), le LTTE met en œuvre une forme de transdisciplinarité combinant interdisciplinarité et recherche participative au service de nouvelles connaissances scientifiques et de résolution de problèmes appréhendés comme des études de cas situées. Avec cette démarche, le LTTE cherche « à apprendre sur les transformations socioécologiques en tentant de simultanément mener et documenter des interventions dans le monde réel » (Audet et al., 2024, p. 50). C’est une manière de s’affranchir du modèle linéaire de diffusion de la connaissance qui en sépare la production, d’une part, et son utilisation pour l’action, d’autre part.
La communauté épistémique transdisciplinaire (CET)
La composition du LTTE évolue au gré des partenariats avec la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Bourgogne-Franche-Comté (DREAL BFC) dans le cadre du dispositif « BFC en transition », de la région BFC dans l’accompagnement de l’expérimentation « Villages du Futur » et de ses financements par appels à projets (ANR Transition énergétique, territoires, hydrogène et société, POPSU3 Territoire Démocratie alimentaire et capacitation territoriale dans le Tournugeois, Projet PRécarité Écologie Futur Imaginaires orGanisations Savoirs de l’ADEME).
Pour chaque projet, le LTTE s’élargit en effet à des membres d’associations, des fonctionnaires et des élus pour constituer des CET (Lapostolle, 2021). La CET fait référence à la notion de « communauté épistémique », entendue génériquement comme des experts organisés en réseaux dans une optique de production de connaissances (Conein, 2004). L’ajout de l’épithète transdisciplinaire est déterminant : l’expertise citoyenne, non professionnelle en tant qu’expérience de vie due à la pratique, s’ajoute à l’expertise technique, politique et scientifique pour apporter la diversité de perspectives et d’heuristiques nécessaire à la problématisation d’une situation (Berriet-Solliec et al., 2023 ; Lapostolle et al., 2023).
À partir du principe d’égale légitimité des différentes formes d’expertise, celles-ci se confrontent et entrent en dialogue dans la CET pour mener une enquête sociale dont la finalité est de passer d’une situation incertaine et/ou subie à une situation problématisée (Zask, 2004). Une situation est un contexte composé de liens tissés entre des personnes, des objets, des lieux et des temps dont les contours et les éléments qui la constituent la rendent indéterminée. La rendre intelligible dans un exercice d’hésitation collective, la border est un premier pas pour envisager des actions collectives de transformation du quotidien. Cette démarche est lucide sur ce qu’il est possible de faire collectivement à l’échelle locale des proximités géographiques, organisationnelles et politiques.
Ici, la scientificité ne tient pas à la reproductibilité des résultats, mais au respect d’une procédure d’enquête explicite, impartiale, rendue discutable et intelligible à tous les participants. Pour ce faire, la CET opère des allers-retours entre le « travail en chambre » des chercheurs et la coconstruction avec les autres participants afin d’organiser progressivement la recherche et son répertoire méthodologique : immersion, observation participante, ateliers participatifs de type brainstorming, comité de pilotage ou focus group, mais aussi des dispositifs de récolte de données plus classiques autour de problématiques précises avec des entretiens individuels semi-directifs, des questionnaires, des traitements statistiques, etc.
Les terrains d’étude
Cette approche transdisciplinaire, le LTTE la met en œuvre depuis cinq ans avec deux organisations de l’économie sociale et solidaire : l’association Économie Solidarité Partage (ESP) à Tournus en Saône-et-Loire et l’entreprise à But d’Emploi 58 (EBE 58) à Prémery dans la Nièvre. Des communautés locales de transition se sont constituées autour de ces deux organisations qui bénéficient d’un ancrage intercommunal et coopératif construit au fil des années. À partir du maillage territorial préexistant, nous avons pu fonder deux CET au sein du LTTE.
L’association ESP, créée en 1989 à Tournus, gère aujourd’hui une épicerie sociale, une ressourcerie, un maraîchage biologique et une activité de broyage des déchets végétaux avec 12 salariés « permanents » et 66 salariés en insertion. La démocratie du faire se traduit par la transformation d’un modèle fondé sur l’insertion économique et l’aide alimentaire en un projet associatif alternatif visant la transition sociale et écologique. Celui-ci est porté par une communauté locale composée de bénévoles et de salariés d’ESP. À Tournus, une CET se constitue en 2019 à partir de l’appel à projets de la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (POPSU). La municipalité et quelques associations locales dont ESP se joignent alors aux chercheurs du LTTE pour élaborer une enquête participative autour de trois axes principaux : l’accès de tous à une alimentation de qualité, la possibilité pour chacun de produire son alimentation, et l’émergence de pratiques agricoles en circuit court de proximité.
L’EBE 58 est le « bras armé » du dispositif Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD) de la communauté de communes des Bertanges, issu de la loi du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée. Dans son principe, TZCLD institutionnalise un droit à l’emploi en réaffectant les coûts directs et indirects induits par la précarité et le chômage d’exclusion au financement d’emplois en CDI, à temps choisi. Ces emplois, gérés au sein d’une entreprise à but d’emploi (EBE) dont la stratégie est coordonnée avec le comité local pour l’emploi (CLE), couvrent des activités économiques pérennes et non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire. L’EBE 58 compte une centaine de salariés et un panel d’activités variées dans le secteur du réemploi, de la réparation, du bois énergie, de l’alimentation, du service à la personne, aux entreprises et aux collectivités territoriales. La démocratie du faire opère ici dans un projet associatif davantage institutionnalisé qui cherche à faire du droit à l’emploi un levier de la transition sociale et écologique.
Les premières interventions des chercheurs du LTTE sont une aide à l’évaluation du dispositif TZCLD. De là émerge une CET composée de salariés de l’EBE 58, de membres du comité de pilotage, d’adhérents d’associations, d’habitants de la communauté de communes, d’élus et agents des institutions publiques. Puis, à partir de 2019, cette CET se stabilise dans un projet de recherche transdisciplinaire, « BFC en transition », en partenariat avec la DREAL BFC qui, dans le cadre d’une stratégie interne, cherche à mieux comprendre et à accompagner ce qui se joue dans ce type d’expérimentation. Le projet se concrétise dans une série d’ateliers participatifs afin d’étudier les conditions d’émergence, de pérennisation et de structuration territoriale des initiatives de transition.
Enfin, en 2023, les chercheurs du LTTE, lauréats de l’appel à projets Transition écologique économique et sociale de l’Ademe avec le programme PRécarité Écologie Futur Imaginaires orGanisations Savoirs (PREFIGS) pérennisent leur intervention à Prémery et Tournus autour d’un programme de recherche visant l’élargissement des CET par l’implication de personnes ayant l’expérience de la précarité.
Les dimensions de l’empowerment écologique
Nous analysons le processus d’empowerment écologique dans ses différentes temporalités au sein de communautés locales de transition qui se muent en CET avec l’implication des chercheurs du LTTE. À partir des résultats de l’enquête transdisciplinaire, nous mettons en lumière trois dimensions interreliées : le pouvoir de concrétisation, le pouvoir d’expérimentation et le pouvoir instituant.
Le pouvoir de concrétisation des communautés locales de transition
Avant l’intervention des chercheurs du LTTE, le processus d’empowerment écologique est déjà à l’œuvre autour d’ESP et de l’EBE 58. Les communautés locales de transition se constituent à partir d’un noyau dur composé des équipes de direction, de bénévoles et de salariés ; puis, s’élargissent à d’autres associations, à des collectivités territoriales, des entreprises locales au gré des opportunités d’activités productrices de biens et services destinés à la population locale, et plus spécifiquement aux personnes en situation de précarité. L’empowerment écologique s’observe alors dans le pouvoir de concrétisation d’un projet commun visant explicitement la « transition sociale et écologique ».
La ressourcerie, présente sur les deux terrains, en est l’exemple type. Elle repose sur une organisation visant la récupération de matériaux, la gestion des dons de biens matériels, leur reconditionnement et leur vente à bas prix. La ressourcerie concrétise la transition sociale et écologique, car elle touche « aux choses » de la vie quotidienne, améliore les capacités de subsistance par la vente de biens bon marché, recourt au travail manuel des salariés d’ESP et de l’EBE 58. Celui-ci valorise les compétences de bricolage des salariés et les pratiques de récupération pour dénicher les lieux ressources. La ressourcerie joue avec les attachements locaux des uns et des autres pour récupérer des biens auprès des habitants du bassin de vie. Il s’agit, pour les membres de la communauté, de lutter contre l’obsolescence programmée d’un point de vue écologique. Mais c’est aussi, du point de vue social, « permettre aux gens qui veulent, quels que soient leurs moyens, de faire du réemploi, etc. de pouvoir le faire sans difficulté » (atelier participatif, Prémery, 15 octobre 2019).
Toutefois, le pouvoir de concrétisation de la démocratie du faire s’inscrit dans une contradiction inhérente au secteur de l’économie sociale et solidaire. Il permet de satisfaire des besoins sociaux délaissés par les institutions marchandes et publiques. Ces dernières peuvent alors se décharger de missions de service public à moindres frais ; les financements des emplois en insertion ou en EBE étant considérablement moins coûteux que les emplois publics. Ce type d’emplois – au niveau de salaire faible, même s’ils contribuent à améliorer les conditions de vie des personnes concernées en comparaison de leur situation antérieure – constitue le bras armé, mais précaire, du pouvoir de concrétisation au sein des deux terrains d’étude. Les contradictions du rôle de l’EBE 58 ressortent chez certains salariés : « Tout ferme, il n’y a plus de service public et on demande aux gens de faire des associations. L’État ne fait plus rien et on attend en se disant que les gens feront » (atelier participatif, Prémery, 29 juin 2023). Quant à ESP, avec la gestion de l’épicerie sociale et solidaire, elle pourvoit à l’aide alimentaire, source de frustrations pour les membres de l’association. En particulier, la récupération de produits proches des dates de péremption permettrait aux grandes surfaces de se « laver les mains […] La grande distribution n’est plus responsable. Elle a donné aux pauvres » (atelier participatif, Tournus, 14 mars 2023). La démocratie du faire compose finalement avec les contradictions inhérentes à la recherche d’alternatives aux modèles de développement existants pour concrétiser la transition sociale et écologique sans attendre le grand soir.
Le pouvoir d’expérimentation au sein des CET
Pour faire face aux tensions inhérentes à la démocratie du faire, les communautés locales de transition mettent en œuvre une logique d’essais-erreurs et de réflexivité au cœur de leurs actions, constitutive de leur pouvoir d’expérimentation. En l’occurrence, les directions d’ESP et de l’EBE 58 s’associent aux chercheurs pour se donner les moyens de construire un dispositif participatif et réflexif. Tant à Tournus qu’à Prémery, le pouvoir d’expérimentation s’incarne dans la constitution de deux CET dont la composition varie en fonction des aléas, du turn-over, des motivations des membres et des capacités d’enrôlement de nouvelles personnes. Le tout suscite évidemment son lot de complications, mais aussi d’opportunités, en termes de pérennisation du processus d’empowerment écologique.
À Prémery, la CET est composée d’un noyau dur comprenant des membres de l’EBE 58 (direction, bénévoles et salariés) et les chercheurs du LTTE. Elle implique, en fonction des projets d’action collective, quelques élus et agents de la communauté de communes et du département, ainsi qu’une demi-douzaine de partenaires associatifs. Durant la période 2018-2022, dans le cadre de « BFC en transition », la CET déploie une démarche transdisciplinaire à l’origine de sept actions collectives. Par exemple, la Manufacture de Prémery est un espace de production de biens en matériaux recyclés dont l’idée émerge lors d’un diagnostic territorial réalisé en 2016 dans le cadre de la candidature de Prémery à l’expérimentation TZCLD. L’idée, restée en sommeil pendant plusieurs années, réapparaît lors des ateliers participatifs de la CET pour déboucher sur un partenariat avec l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris (ENSAD). Ce partenariat se concrétise par le recrutement de deux étudiants de l’ENSAD qui, dans leur travail de fin d’études, pilotent la structuration d’une menuiserie recourant au bois de récupération à partir de la « matériauthèque » de l’EBE 58. Dans le même temps, une quinzaine d’étudiants de troisième année et des salariés de l’EBE 58 travaillent ensemble au sein d’ateliers de design objet collaboratif pour produire des tables de jeu, des nichoirs à oiseaux et autres hôtels à insectes. Puis, forte de cette phase de test, l’EBE 58 construit, à partir de la récupération d’Algecos, un fablab dont le plan est dessiné par un élève de l’ENSAD pour permettre aux salariés et aux habitants de la communauté de communes de s’initier au design objet.
À Tournus, la CET se compose d’un noyau dur organisationnel regroupant les membres d’ESP (bénévoles et direction) et les chercheurs du LTTE. Puis, en fonction des projets, elle mobilise un conseiller municipal et intercommunal de Tournus et une douzaine de partenaires associatifs. Entre 2019 et 2022, le pouvoir d’expérimentation de la CET permet l’émergence de 11 actions collectives. Par exemple, une enquête par questionnaire et des ateliers participatifs réalisés par le LTTE auprès des agriculteurs locaux ont contribué à créer une dynamique collaborative modifiant l’approvisionnement de l’épicerie sociale. En résulte notamment un fonds de solidarité participatif qui permet désormais aux bénéficiaires de tarifs sociaux d’acheter des produits locaux à bas prix. En outre, un partenariat avec l’association Terre de Liens – qui veille à un accès libre et égal aux terres arables au service d’une agriculture paysanne – a mis à disposition d’ESP une parcelle de terrain de 4 ha afin d’installer une activité de maraîchage biologique et approvisionner l’épicerie sociale. Cette activité professionnelle est désormais menée par dix personnes inscrites dans un parcours d’insertion sociale et économique. Deux encadrants techniques les forment à des pratiques agricoles préservant la biodiversité et la ressource eau.
Ces quelques exemples relèvent d’une démarche d’expérimentation à l’origine d’allers-retours entre des phases de réflexion collective menant parfois à des impasses, des phases de mise en action et de nouveaux temps de réflexion sur l’action permettant de la remettre sur de bons rails. Dans cette dynamique, les chercheurs participent activement en apportant leurs ressources cognitives par la mise en débat de certaines notions comme la justice environnementale et leurs ressources relationnelles via, par exemple, le partenariat avec l’ENSAD. Notons ainsi l’importance des ressources exogènes à la communauté locale dans le processus d’empowerment écologique, en l’occurrence celles des chercheurs, mais aussi comme nous allons le voir, celles des institutions publiques.
Le pouvoir instituant de systèmes productifs à visée politique
Au fil des cinq années, les communautés locales de transition ont mué en CET. Dans le même mouvement, elles ont renforcé leur pouvoir instituant en donnant une cohérence à un ensemble de flux matériels et relationnels a priori disparates autour d’un système productif local visant la justice environnementale. L’apport des chercheurs, organisant des débats autour de cette « notion chapeau » désormais partagée comme une finalité de l’action collective, est déterminant. Ce saut qualitatif apparaît nettement à l’occasion des premiers ateliers participatifs organisés tout au long de l’année 2023 dans le cadre du projet de recherche PREFIGS (Précarité Écologie Futur Imaginaires orGanisations Savoirs).
Ainsi, à Prémery, la CET s’est resserrée autour d’une douzaine de salariés de l’EBE 58, des membres de la direction de l’entreprise, quelques représentants des institutions publiques locales et des chercheurs du LTTE. Si le droit à l’emploi et la transition écologique sont présents dans les intentions initiales de l’entreprise, notamment de sa direction et de son conseil d’administration, la CET a clarifié la formulation de la portée politique de son action en la mettant à la discussion, notamment avec les salariés. On observe ici finalement le résultat d’un long processus d’expérimentation instituant de façon continue et itérative un système productif local par le biais de la création d’emplois en CDI (Fig. 1). Dans le cadre de PREFIGS, les réflexions se poursuivent autour de la création d’un service de mobilité durable et solidaire en milieu rural, indispensable à la réalisation du droit à l’emploi.
La mise en cohérence et visibilité de ce système productif local à visée politique renforce une forme de pouvoir d’interpellation que la direction de l’EBE 58 utilise dans les réseaux nationaux de TZCLD. L’objectif est de pérenniser le caractère institutionnel du droit à l’emploi à partir de la capitalisation des expérimentations locales et le lobbying politique. Ce pouvoir d’interpellation s’observe également localement dans la capacité d’enrôlement de certains fonctionnaires et d’élus locaux. En effet, l’EBE 58 a vu le jour notamment grâce à l’engagement de l’ancien président de la communauté de communes entre Nièvre et Forêts, aujourd’hui fusionnée avec d’autres au sein de l’EPCI (établissement public de coopération intercommunale) des Bertranges. Cet élu, également conseiller départemental, a activement participé à la CET à partir de 2018, avant son décès en 2022, son entregent favorisant l’engagement financier du département de la Nièvre. Ensuite, les relations avec la communauté de communes des Bertranges ont évolué avec sa participation au projet « BFC en transition ». Des tensions fortes s’étaient accumulées, rendant difficiles les partenariats avec l’EPCI, à cause des faibles dotations de l’État en matière d’ingénierie et d’investissement. Dans le cadre de « BFC en transition », des agents de la DREAL se sont alors investis dans l’animation des groupes de travail, avec à la clé le financement d’un poste d’animation au sein de l’EBE 58. Les relations avec le service transition écologique de la communauté de communes des Bertanges se sont alors apaisées, débouchant sur des collaborations, à l’instar de certaines commandes institutionnelles à la Manufacture de Prémery.
À Tournus, la CET s’est resserrée autour d’ESP tout en s’ouvrant aux bénéficiaires et bénévoles de l’épicerie sociale et aux salariés de l’association. Frappée de plein fouet par la crise de l’aide alimentaire qui ne répond plus aux objectifs de réduction de la précarité, la CET se donne alors comme objectif d’instituer « un droit local à l’alimentation » dans une optique de transition sociale et écologique. Si cette formulation apparaît de manière explicite dans le programme de recherche PREFIGS, il s’agit du résultat d’un long processus d’expérimentation instituant de façon continue et itérative un système productif local (Fig. 2) qui s’opérationnalise désormais dans un projet de maison de l’alimentation et de caisse commune.
La mise en cohérence et visibilité de ce système productif local à visée politique renforce le pouvoir d’interpellation qu’ESP décide d’activer en participant aux réseaux nationaux de la sécurité sociale de l’alimentation. Dans le Tournugeois, l’enrôlement des pouvoirs publics locaux est plus complexe. Le projet politique nécessiterait, par exemple, d’impliquer le département de Saône-et-Loire qui pour l’instant reste en retrait. Par ailleurs, la publicisation de l’activité de maraîchage dans les médias locaux attire l’attention d’autres agriculteurs et des pouvoirs publics locaux. Ainsi, la dynamique relationnelle à l’œuvre déborde les cadres de l’économie sociale et solidaire pour s’étendre à l’économie marchande. Elle rencontre l’intérêt du conseil municipal qui, avec l’appui du conseil régional, parvient à convaincre la Société nationale des chemins de fer français de mettre à disposition de la commune un ancien bâtiment d’entretien des trains. Celui-ci est aménagé en magasin de vente directe des produits locaux issus de l’agriculture paysanne, ouvert à tous les habitants.
Il convient toutefois de préciser que les arrangements institutionnels de la démocratie du faire restent précaires. Ils peuvent en effet se transformer en domestication administrative lorsqu’il s’agit de construire les conditions de la pérennisation, notamment financière. Dans ce cas, le pouvoir instituant est capturé par l’institution et perd alors sa dimension bottom-up. C’est le risque auquel sont soumises les entreprises de l’économie sociale et solidaire étudiées dont le modèle économique repose en grande partie sur des financements publics. Cette fragilité est un peu compensée par le projet de recherche PREFIGS. Celui-ci apporte des moyens humains et financiers venant combler en partie les insuffisances des pouvoirs publics compétents, par exemple en matière d’ingénierie des transitions territoriales.
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Fig. 1 Système productif local à visée politique de Prémery (source du Design: In’Terre ActiV). |
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Fig. 2 Système productif local à visée politique de Tournus (source du Design: In’Terre ActiV). |
Pour une diversification des modes d’intervention démocratique
Les travaux sur l’environnementalisme ordinaire (Blanc et al., 2022) et le matérialisme durable (Schlosberg et Craven, 2019) mettent l’accent sur le caractère inédit du mode d’action d’un mouvement social et écologique décentralisé reliant entre elles des communautés locales de transition (Lapostolle et Roy, 2022). La dénomination d’une démocratie du faire (Pruvost, 2022) va dans le même sens en affirmant une forme d’indépendance par rapport aux autres modèles démocratiques (représentatif, participatif et protestataire). Si l’on prend au sérieux cette proposition, il s’agit alors d’identifier les caractéristiques du faire. C’est à cet effort théorique que nous avons contribué en décrivant quelques dimensions du processus d’empowerment écologique qui participe au façonnement par le bas de cette démocratie du faire. Grâce au développement d’un pouvoir de concrétisation, d’expérimentation et d’un pouvoir instituant, des communautés locales de transition élaborent en effet chemin faisant des systèmes productifs locaux à visée politique.
Concevoir le faire comme un modèle démocratique indépendant invite à explorer les articulations avec les autres modèles démocratiques. Tout d’abord, le lien avec la représentation politique n’est pas dichotomique. La démocratie du faire se déploie à partir d’une critique de l’insuffisance de l’action des pouvoirs publics, mais au lieu de se mobiliser pour exiger une action de leur part, les communautés locales préfèrent « agir ici et maintenant ». Il s’agit de déployer un pouvoir d’interpellation pour convaincre par l’exemple et construire des agencements institutionnels diversifiés. Des fonctionnaires et des élus sont interpellés en voyant émerger sur leur territoire des actions concrètes et certains s’investissent comme partenaires, à l’instar de l’expérience participative de la commune de Saillans dans la Drôme (Girard, 2022). Ainsi apparaît-il une forme de contradiction de la démocratie du faire telle qu’elle se déploie dans le contexte français reposant sur la centralité de l’État : sa légitimité repose sur l’auto-organisation des citoyens, mais ses actions nécessitent bien souvent des ressources exogènes, notamment celles des pouvoirs publics.
Par rapport au modèle participatif, la démocratie du faire remet en question la hiérarchie classique entre la légitimité discursive et la légitimité de l’action, la première étant supposée être un prérequis de la seconde. Dans le faire, l’action et la réflexion s’entremêlent par l’expérimentation. Il existe toutefois un lien fort entre ces modèles démocratiques et l’affirmation d’un principe d’inclusion et d’horizontalité dans les prises de décision. En outre, la démocratie du faire emprunte volontiers le répertoire d’action de la participation (ateliers-débats, groupes d’action, diagnostic participatif, porte-à-porte, méthodes d’intelligence collective, etc.). Les dispositifs institutionnels sont d’ailleurs souvent détournés pour servir les actions concrètes des communautés locales de transition, comme c’est le cas avec les budgets participatifs (Blondiaux, 2018).
De même, lorsque les arrangements institutionnels n’aboutissent pas, des modes d’action de la démocratie protestataire (pétitions, manifestations, etc.) peuvent être utilisés. Certaines initiatives de la démocratie du faire s’inscrivent dans une posture d’affrontement direct avec les pouvoirs publics, à l’instar des « zones à défendre » (Pruvost, 2022). Sur ce point, Anne Laure Pailloux (2016) montre dans sa thèse en aménagement la transformation du mode d’action du militantisme de la décroissance qui investit de plus en plus l’action concrète localisée en délaissant quelque peu le registre discursif.
Pour conclure, nous souhaitons souligner l’indépendance autant que l’interdépendance de la démocratie du faire avec les autres modes d’action démocratique. « Au regard de l’aggravation des pressions écologiques […], on peut questionner la capacité de ces contre-propositions utopiques de façonner une réponse institutionnelle à la hauteur de ces enjeux » (Villalba, 2022). Le faire n’est pas la solution miracle pour infléchir les trajectoires de développement et encore moins pour les transformer radicalement. La démocratie du faire a ses limites et ses contradictions. Peut-elle combler les manques des institutions publiques, peut-elle faire sans elles ? Peut-elle expérimenter de nouveaux modèles de développement tout en naviguant entre les écueils budgétaires et institutionnels actuels ? Mais les modèles démocratiques de la représentation, de la participation, de la délibération et de la protestation ont également leurs propres limites. Il nous semble ainsi que l’analyse des processus de transformation sociale et écologique gagnerait à explorer les effets croisés de l’articulation des modèles démocratiques. Finalement, en regard d’une démocratie de l’abstention fondée sur la défiance institutionnelle (Braconnier et Dormagen, 2007), tout l’intérêt de la démocratie du faire est de participer à la diversification des modalités d’intervention citoyenne dans l’espace public.
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Citation de l’article : Roy A., Lapostolle D., 2025. La démocratie du faire : l’action concrète au service d’un empowerment écologique. Nat. Sci. Soc. 33, 2, 133-144. https://doi.org/10.1051/nss/2025039
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Fig. 1 Système productif local à visée politique de Prémery (source du Design: In’Terre ActiV). |
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Fig. 2 Système productif local à visée politique de Tournus (source du Design: In’Terre ActiV). |
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