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Nat. Sci. Soc.
Volume 31, Number 1, Janvier/Mars 2023
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Page(s) | 18 - 30 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2023018 | |
Published online | 26 June 2023 |
Réintroduire une espèce oubliée sur un territoire délaissé du public : le cas de la cistude d’Europe en Alsace (nord-est de la France)
Reintroducing a forgotten species in an area neglected by the public: the case of the European pond turtle in Alsace (northeastern France)
1
Ethnobiologie, Naturum Études, Tours, France
2
Écologie globale, Université de Strasbourg, CNRS, UMR IPHC, Strasbourg, France
* Auteur correspondant : naturumetudes@gmail.com
Reçu :
5
Août
2020
Accepté :
14
Avril
2022
En 2013, la réintroduction de la cistude d’Europe Emys orbicularis en Alsace a débuté sur le site restauré du Woerr (Lauterbourg). Des enquêtes ethnographiques et des sondages de rue menés en 2017 auprès de 143 informateurs montrent que cette tortue d’eau douce est méconnue localement et que la décision de son retour repose essentiellement sur une idéologie naturaliste confidentielle et sur l’image sympathique véhiculée par la tortue en général. La polémique sur l’indigénat de l’espèce cistude révèle des débats plus profonds. Le choix du site, peu fréquenté, est surtout lié à ses atouts écologiques et à une opportunité administrative. Les relations entre les riverains et ce territoire, emprunts de malaise et de crainte, freinent l’appropriation des actions. Cependant, le devenir du Woerr satisfait beaucoup d’informateurs, autant pour l’aventure humaine que pour la perspective naturaliste.
Abstract
In 2013, the European pond turtle Emys orbicularis was first reintroduced in the Alsacian restored site of the Woerr (Lauterbourg). Knowledge and perceptions about this species and the place of its releases were assessed by surveys involving a sample of 143 informers, including 40 stakeholders/observers concerned by, or potentially interested in the topic. The study shows that this freshwater turtle is unknown locally. The decision to reintroduce it in northeastern France was essentially based on the ideology of a naturalist whose administrative responsabilities facilitated the implementation of this project in the favorable protectionist context of the time. The generally likeable image of the turtle makes it a symbol of wetland restoration and an emissary for remedial actions towards nature. A controversy over its indigenous status reveals a deeper debate about its reintroduction, such as the opportunity of monopolizing efforts and resources towards an already extinct species to the detriment of other vulnerable species at sites that do not benefit from specific protection. The Woerr site was selected because of its low human frequentation, its ecological assets as well as an administrative opportunity. Relations between residents and wetlands which now benefit from measures to protect nature in the core area, and irritating security measures at its periphery due to the presence of an industrial site, are marked by unease and fear, which slow down the appropriation of conservation actions. However, the ecological future of the Woerr satisfied many informants, as much for the human adventure it generated as for its naturalistic perspectives.
Mots clés : environnement / biodiversité / ethnobiologie / zones humides / conservation
Key words: environment / biodiversity / ethnobiology / wetlands / conservation
© V. Philippot et J.-Y. Georges, Hosted by EDP Sciences, 2023
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
Véronique Philippot et Jean-Yves Georges rendent compte du long cheminement, sur près de vingt ans, du projet de réintroduction d’une tortue d’eau douce (la Cistude d’Europe) dans une friche industrielle, située dans une zone inondable en communication avec le Rhin au nord de l’Alsace. Les auteurs développent à travers les différentes étapes du projet les réactions des différentes parties prenantes amenées à se prononcer, ou s’imposant dans le débat, autour de la pertinence d’un tel projet tant du point de vue du choix du site que de celui de l’espèce, dont l’indigénat local reste difficile à prouver. Dans un commentaire publié à la suite de cet article, Catherine Mougenot élargit la question à partir d’autres situations et débats sur la pertinence des introductions ou réintroductions d’espèces dans des milieux divers, qualifiés de naturels ou de plus artificiels en voie de renaturalisation. Elle illustre en quoi ces situations et les tensions qu’elles génèrent sont exemplaires des relations de nos sociétés contemporaines avec les « autres vivants » dans un monde évolutif et soumis aux incertitudes du changement global.
La Rédaction
La réintroduction d’espèces est une stratégie de reconquête d’une biodiversité perçue comme un objet de préoccupation et de protection (Maris, 2010). Cet interventionnisme fort sur la nature offre un cadre réflexif sur le « sauvage artificialisé » (Micoud, 1993 ; Larrère, 1994 ; Micoud et Bobbé, 2006). Les recommandations internationales sur les réintroductions (UICN, 1998) ont été formalisées tardivement alors que de nombreuses expériences avaient été tentées, en France en particulier (Rouland, 1991 ; Bigan et Simon, 2000 ; Mauz, 2006 ; Sarrazin, 2014). En Alsace et dans les Vosges, des réintroductions d’espèces et des renforcements de populations ont été tentés dès les années 1980 pour le castor Castor fiber, le saumon Salmo salar, le hamster commun Cricetus cricetus (Losinger et al., 2006) et le lynx Lynx lynx. De telles opérations représentent un défi aussi bien scientifique que sociétal en termes de perception, d’implication et d’appropriation citoyennes, mais aussi de résolution de conflits d’intérêts et d’usages (Vourc’h, 1990 ; Méchin, 2011). La dimension sociétale est sensible dans le cas de réintroductions de grands prédateurs (Wilson, 2004 ; Nilsen et al., 2007) ou d’espèces ayant disparu de la mémoire collective. En effet, le bestiaire populaire, vu comme l’ensemble des animaux auxquels a affaire une société à travers ses pratiques, techniques et symboliques, relève des représentations collectives, surtout dans le cas de taxons ayant des doublets domestiques (Vourc’h et Pelosse, 1993). Maris et Devictor (2014) montrent que le nouveau champ disciplinaire des sciences pratiques de la conservation s’est largement ouvert aux sciences humaines et sociales.
Dans le cadre de la consolidation d’une espèce menacée à l’échelle nationale (Thienpont, 2011), un programme en faveur de la cistude d’Europe Emys orbicularis, légalement protégée en France, a été engagé en Alsace. Le programme EMYS@lsace de l’IPHC (UMR7178 CNRS-Université de Strasbourg) propose une évaluation socioécologique des actions en faveur de la cistude menées en Alsace. Il bénéficie du soutien financier du conseil départemental du Bas-Rhin (CD67) et du CNRS via le site d’étude en écologie globale (SEEG du Woerr, 2014-2018) et a été présenté aux 6es journées ateliers du réseau REVER, Colloque REVER 9, 20181. La cistude est une petite tortue d’eau douce inféodée aux zones humides qui a subi le plus fort déclin parmi tous les reptiles d’Europe (IUCN, 2013). C’est une espèce parapluie, en ce sens que les actions de conservation dont elle fait l’objet sont également favorables à un ensemble d’espèces qui l’entourent et par corollaire au fonctionnement des espaces naturels que ces espèces fréquentent. La cistude constitue ainsi un objet d’intérêt autant pour la science que pour les acteurs de la protection de la nature ou encore les aménageurs et les gestionnaires.
En 1990, le CD67 inscrit cette tortue d’eau douce dans sa charte de l’environnement, initie deux élevages conservatoires et restaure un site naturel dédié à l’installation d’une population de 500 individus. Le fait que le CD67 ait œuvré en faveur d’une espèce, dont il n’existait aucune population naturelle dans la région et disparue probablement à la fin du XIXe siècle avec la canalisation du Rhin, interroge. Le choix du site d’accueil (Le Woerr, Lauterbourg) [Fig. 1] est également à explorer, ne serait-ce parce que sa situation très excentrée du centre-ville et frontalière à l’Allemagne s’ajoute à l’histoire de ce territoire et qu’il s’agit d’une zone humide réputée insalubre (Arnold, 1984). Pour mieux comprendre les motivations et l’acceptation de cette politique environnementale en faveur d’une espèce très discrète (Parent, 1983), il est essentiel d’ancrer dans le temps la démarche du choix de l’espèce et du site, de démêler les narrations des souvenirs de celles des ouï-dire, des interprétations et des représentations. La mise en place du projet, elle-même à élucider, s’épanouit dans des contextes et des idéologies non figés dans le temps, avec des acteurs qui eux-mêmes changent. Dans les différentes parties présentant des résultats de l’étude, les données les plus significatives des entretiens, parfois étayées d’observations effectuées par l’enquêteur en immersion sur le terrain, sont suivies des analyses des auteurs éventuellement éclairées par les données de la littérature.
Méthodologie
Dans ce travail, le terme « programme » désigne l’ensemble des actions menées en faveur de la cistude en Alsace, des origines jusqu’au moment de l’enquête. Il inclut les phases préliminaires, la mise en place de choix zootechniques liés aux élevages et d’ingénierie écologique liés à la restauration du Woerr. Ce qui est désigné comme « groupe cistude » est un collectif de 16 personnes actives aux origines du projet (Conseil général du Bas-Rhin, 2004). Leurs différents rattachements sont : le parc zoologique et botanique de Mulhouse (PZBM), la réserve naturelle nationale de la Petite Camargue alsacienne (PCA), la station de recherche de la PCA dirigée par l’Université de Bâle, l’association pour l’étude et la protection des amphibiens et reptiles d’Alsace (BUFO), l’Office national des forêts (ONF), ou le Conseil général du Bas-Rhin. Depuis 2015, le CD67 est décideur des actions, les PZBM, CNRS, PCA et l’ONF s’ajoutant sur la partie opérationnelle.
La méthodologie mise en œuvre dans le champ de l’ethnobiologie est celle de l’enquête compréhensive (Kaufmann, 1996) qui sonde des systèmes de pensées non envisagés en amont de l’étude. Afin de constituer un échantillon significatif, trois populations ressemblant au total 143 personnes (Tab. 1) ont été enquêtées en 2017. Il s’agit d’abord de 40 informateurs ciblés, acteurs potentiels du programme et identifiés en amont, selon leurs activités, expériences présumées ou fonctions, autour des volets décisionnels/opérationnels : 1) la restauration écologique et le suivi du site naturel dédié à l’accueil des animaux ; 2) l’élevage et le suivi des cistudes destinées à être lâchées en milieu naturel. À ces acteurs s’ajoutent des profils susceptibles d’être intéressés par le programme, qu’ils soient des observateurs plus ou moins avertis comme des habitants de Lauterbourg ou des militants de la protection de la nature. Les informateurs ciblés sont distribués dans les structures ou collectifs prospectés, une même personne pouvant relever de plusieurs catégories (Fig. 2). Nos données proviennent également de 30 habitants de Lauterbourg et du voisinage contactés lors d’un sondage de rue et enfin de 73 informateurs contactés lors d’enquêtes sur les tortues exotiques des parcs de Strasbourg (Philippot et al., 2019).
Pour la population ciblée, une grille d’enquête a été conçue pour guider souplement l’entretien sans omettre les points importants et la collecte d’indicateurs clés. Elle se focalise sur les enjeux du programme, sur les représentations et les avis sur les coûts et les impacts socioéconomiques, sur les connaissances et les représentations à propos des zones humides, le Woerr en particulier, et sur la cistude et/ou les tortues en général. L’étude menée auprès des 40 informateurs ciblés compile 39 enregistrements (un refus) d’environ 20 à 75 min. Ce matériel a été retranscrit et analysé : pour chaque item ou thème identifié, les réponses de l’ensemble de l’échantillon ont été rassemblées. Les discours d’acteurs jugés incontournables, notamment ceux des précurseurs et acteurs actifs sur le terrain, construisent la chronologie et les jalons du programme ainsi revisité à travers la compilation des mémoires individuelles. La contribution des informateurs non ciblés des parcs de Strasbourg est complémentaire et exploite une question marginale sur les connaissances et opinions à propos du programme cistude en Alsace. Enfin, les personnes contactées dans la rue à Lauterbourg sont brièvement questionnées sur leurs connaissances de la cistude, du Woerr et du programme.
Dix-huit des informateurs ciblés ont reçu une formation initiale en biologie ou en écologie et certains exercent un métier en lien avec la nature ou les animaux. Le niveau d’étude moyen est très élevé mais beaucoup occupent des postes clés ou exercent des fonctions exigeant des compétences fines et un bagage scientifique. Ce sont principalement des acteurs majeurs dans le programme (13) ou ponctuels (3) ou encore des observateurs (6). Ces derniers s’intéressent au programme comme élus, naturalistes ou biologistes. Les partenaires sont des structures privées ou associatives qui ont participé ou participent de façon financière ou logistique au programme.
Caractéristiques des trois échantillons enquêtés.
Fig. 2 Structure de l’échantillon ciblé et enquêté. Les effectifs sont indiqués dans les pastilles gris foncé. CINE : centre d’initiation à la nature et l’environnement, CNRS : centre national de la recherche scientifique, ONF : office national des forêts, PCA : Petite Camargue alsacienne, ZAEU : zone atelier environnementale urbaine, MZS : musée zoologique de Strasbourg, zoo : parc zoologique et botanique de Mulhouse. |
Un programme de (ré)introduction qui cible une tortue
Choisir une espèce absente du bestiaire mental alsacien
La cistude est une espèce connue des personnes impliquées dans le programme, de celles dont la profession est liée aux zones humides ainsi que des naturalistes, pêcheurs ou terrariophiles enquêtés. Les connaissances sont souvent purement livresques. Très peu de personnes contactées au hasard à Lauterbourg et à Strasbourg ont entendu parler de la cistude, hormis celles se disant au courant du programme. La méconnaissance de l’espèce en général confirme son absence de la conscience collective alsacienne. La tortue est souvent perçue comme exotique, associée aux régions méditerranéennes ou chaudes ou encore au foyer domestique. De façon anecdotique, certains connaisseurs des zones humides associent son image aux écosystèmes alluviaux et expriment qu’on ne saurait se représenter un milieu rhénan sans cistude.
Interrogés sur ce qui aurait présidé au choix de la cistude, beaucoup d’informateurs ciblés restent perplexes. Les élus locaux disent avoir été surpris par ce choix. Les suggestions formulées mêlent dans le désordre des points de vue éthique, écologique et pragmatique : 1) son choix est lié à un naturaliste animateur influant et tenace, aujourd’hui retraité, du CD67 ; 2) elle fait partie des espèces disparues d’Alsace que l’humain a le devoir de réintroduire pour réparation ; 3) c’est une espèce étendard qui permet de justifier la restauration des zones humides régionales ; 4) il existait déjà des cas de réintroduction de la cistude en France et les connaissances étaient suffisantes pour une mise en œuvre en Alsace. Les ressentis à propos des tortues en général sont diversifiés. Les allusions à l’enfance (lenteur, douceur, rondeur) se mêlent à une curiosité face à un animal qui ne laisse pas indifférent. Près de la moitié des personnes ciblées exprime un affect positif modéré, l’hostilité envers la tortue étant rare. Des discours insinuent également que la tortue véhicule une image pacifique et sympathique. Ces données sont comparables à celles obtenues auprès des usagers des parcs strasbourgeois (Philippot et al., 2019). Des informateurs formés en écologie introduisent la notion d’espèce parapluie, les actions menées en faveur de la cistude étant bénéfiques à d’autres espèces présentes sur le territoire. Quatre personnes ciblées évoquent sa charge symbolique (« symbole de la conservation » ou « symbole de la renaturalisation ») dans le cadre du programme. Enfin, un naturaliste lui accorde une valeur historique à cause de sa domesticité depuis probablement l’époque romaine. Ainsi et toujours d’après les personnes enquêtées, la cistude, a priori préjudiciable ni au milieu ni aux activités humaines et ne pouvant inquiéter l’opinion, serait un choix judicieux pour œuvrer en faveur de la nature sans susciter des réactions vives.
Concernant le programme lui-même, seules quelques personnes en fin d’activité professionnelle se souviennent des faits et de leur enchaînement depuis les débuts. Avec le temps, le tout devient une histoire que ceux qui ont repris le flambeau racontent de mémoire. La compilation des éléments évoqués est synthétisée par une frise chronologique (Fig. 3). Des précurseurs relatent leurs propres vécus : l’animateur retraité du CD67, son homologue de l’ONF, le directeur de la PCA, les élus de Lauterbourg et en général les membres fondateurs du groupe cistude. L’idée de la cistude en Alsace est née chez l’animateur territorial, convaincu de la nécessité de protéger la nature, nourri de lectures naturalistes et se montrant particulièrement poreux aux écrits de l’artiste et naturaliste suisse Robert Hainard. Son témoignage, chargé d’émotion, s’appuie sur son propre vécu qui a mobilisé un investissement personnel au-delà de la fonction administrative. Il dévoile le sentiment d’une aventure humaine collective mémorable. Le choix taxinomique a été déterminé par une littérature naturaliste régionale incitative, des rencontres marquantes (notamment avec un herpétologiste du Muséum national et un naturaliste passionné attaché à la réserve de l’île de la Platière sur le Rhône) et des expériences réussies en France. Cet interlocuteur territorial précise bien que ce n’est pas tant le choix de l’animal lui-même qui a prévalu que celui du milieu naturel que sa présence exige. Il parle aussi d’un concours de circonstances favorable, en particulier les compétences de personnes-ressources en Alsace qui ont optimisé la mise en élevage d’une espèce délicate comme la cistude, laquelle lui apparaît comme un élément fédérateur pour la cause environnementale. Les élus de cette période tendent à relayer les voix des naturalistes et l’inscription de la cistude à la charte environnementale du CD67 en 1990 a facilité une procédure incarnant un sauvetage de la nature, idée dans le sillage de la crise de conscience des années 1970 et faisant alors consensus. C’est surtout la phase de recherche concernant la biologie et le potentiel adaptatif de la cistude, plombée des durées administratives inhérentes aux espèces protégées et espaces soumis à réglementation, qui a ralenti la dynamique du programme. Dans ce processus long et pluriel, entre la construction de connaissances et la mise au point des élevages (Quintard et Georges, 2023), l’enthousiasme et la cohésion du groupe cistude ont été déterminants. Le frein qui a plongé les acteurs dans l’embarras et la discrétion qui en découle ne surgit qu’en 2010 avec l’avis réservé du Conseil scientifique régional de la protection de la nature (CSRPN), comme cela est explicité par la suite.
Les récits à propos du programme cistude en Alsace ne démentent pas l’analyse de Mauz (2006) qui souligne le caractère aventureux et imprévisible des histoires de réintroductions. Les acteurs avancent lentement dans un projet où l’incertitude, émanant tant de l’administration que des animaux ou de l’habitat, tient une place importante. Cette manière de procéder par tâtonnement et intuition, laissant les décisions émerger sur le terrain ou dans des espaces-temps conviviaux, décrite par Maris et Devictor (2014) comme une qualité intrinsèque de la biologie de la conservation, prend toute sa place dans la narration des membres du groupe cistude Alsace. L’empirisme est la règle, la pratique et le concret conduisant à la théorie. Mauz (2006) précise également que ces projets se produisent au gré d’opportunités et de passions communes, ce qui est vérifié dans notre cas d’étude, et qu’ils sont souvent associés à des noms de personnes. Tel est le cas de l’animateur retraité du CD67 à l’initiative de la réintroduction de la cistude en Alsace. Au-delà des convergences avec la littérature, notre approche ethnographique révèle l’essence profondément altruiste, envers les humains comme les non-humains, du programme à ses débuts. À travers les narrations, l’émotion dégagée par les pionniers est palpable, trahie par le lexique des sentiments et des ressentis. L’amour de la nature mêlé à l’amitié portée aux compagnons engagés dans une même action militante est omniprésent dans les souvenirs. Les ressentis de liberté, de légitimité et d’efficacité prévalent également, en dépit des lourdeurs administratives rencontrées. L’initiative des non-spécialistes était généralement entendue et les tâtonnements étaient concevables dans un monde de la conservation en devenir, encore épargné par la maîtrise institutionnelle et experte, la gestion comptable des opérations et la logique procédurale. Le berceau spatiotemporel du programme cistude s’affranchissait des clivages entre sphères professionnelle et bénévole, entre sphères publique et privée, beaucoup de réunions du groupe cistude se déroulant en dehors des locaux administratifs et hors temps de travail. L’investissement personnel était important mais source de satisfaction tant personnelle que partagée, exaltant le sentiment d’accomplir une œuvre commune pour une cause juste et vertueuse. La motivation même des acteurs premiers se nourrissait d’un sentiment de réparation envers la nature sans devoir bâtir l’argumentation autour de la notion économique aride de services écosystémiques. Avec les années, les mémoires individuelles des vécus laissent place à une mémoire collective où l’émotion s’émousse. Cette mémoire reconstruit l’histoire et en définit les composantes utiles susceptibles d’être instrumentalisées par les acteurs ou les observateurs ayant rejoint le programme par la suite pour s’approprier, défendre ou critiquer des orientations passées.
Conformément à Mauz (2006) qui étudie d’autres programmes de ce type, le choix (ou son acceptation) d’introduire la cistude localement, même inspiré d’expériences apparaissant positives ailleurs, ne semble pas résulter d’une vision d’ensemble à une échelle nationale ni prendre en considération les réintroductions d’autres taxons. En général, les choix taxinomiques reposent sur des motivations multiples, de l’esthétique aux intérêts commerciaux, et « le sauvage zoologique apparaît comme une construction sociale aux aspects contradictoires » (Vourc’h et Pelosse, 1993). En effet, la cistude comme animal au cœur d’une mobilisation gestionnaire et donc en lien avec une communauté davantage anthropologique que biologique, devient un « animal naturalisé vivant » dans le sens donné par Micoud (1993) qui requalifie les relations anthropozoologiques. Vourc’h et Pelosse (1993) mettent également en exergue l’aspect pragmatique des choix d’espèces pour éviter des difficultés trop pénalisantes. Le volet technico-pratique facilitateur a en effet été évoqué dans nos enquêtes. L’action, même imparfaite, est préférable à la procrastination du monde scientifique devant ce qui apparaît comme une situation de crise et d’urgence pour la biodiversité. Le charisme de certaines espèces, dans le sens défini par Albert et al. (2018), pèse également sur les choix car brandir l’image plaisante d’un animal étendard peut permettre de recueillir plus facilement l’engagement des décideurs et l’acceptation du public (Seddon et al., 2005). Il semble que la cistude, parce qu’elle est une tortue, a aussi été choisie dans cette perspective et qu’elle remplit bien ce rôle d’espèce charismatique sous les traits d’un animal mignon (surtout les jeunes), rare et en voie de disparition. Ici, on a misé sur l’image de la tortue plutôt que sur la valeur patrimoniale discutable en Alsace pour le cas de la cistude, contrairement à la réintroduction du saumon dans le Rhin ou du bison d’Europe Bison bonasus en Lozère (Vourc’h et Pelosse, 1993).
Fig. 3 Frise chronologique construite à partir des entretiens et illustrant les collaborations/partenariats et les principaux événements en rapport avec la cistude. CSRPN : conseil scientifique régional de la protection de la nature, MNHN : muséum national d’histoire naturelle, SHS : sciences humaines et sociales. |
De l’indigénat de la cistude en Alsace
Parmi les informateurs ciblés, une majorité écrasante (24) pense que la cistude fait l’objet d’une réintroduction d’espèce disparue localement et non de l’introduction d’une nouvelle espèce sur le territoire. Cependant, plus du quart des informateurs ciblés (13) avoue ne pas savoir ou vouloir s’exprimer sur cette question qui manifestement les gêne, probablement parce qu’ils savent que celle-ci a été conflictuelle. Les cinq chercheurs biologistes enquêtés sont convaincus de l’indigénat de la cistude en Alsace ou restent sur leurs réserves. Des informateurs, très tôt engagés dans le programme, font référence à une bibliographie qui nourrit la polémique (Lacoste, 2001-2008 ; Thiriet et Vacher, 2010). L’initiateur du projet confie à l’enquêtrice une liasse d’articles (dont celui de Lassère et al., 2011) soutenant l’hypothèse de l’indigénat dans le choix de la cistude. En outre, des observations contemporaines bien qu’anecdotiques de cistudes vivantes à l’état sauvage ou ensevelies dans des couches pédologiques historiques (Lassère et al., 2011) sont mentionnées dans certains discours, dont ceux de trois scientifiques. Un informateur explique qu’une espèce vivant depuis très longtemps en captivité acquiert une valeur historique et ferait ainsi partie intégrante du patrimoine alsacien. Sauver la cistude reviendrait à sauvegarder un pan de la culture locale. D’autres informateurs, qu’ils soient persuadés ou non de l’indigénat, se réfèrent, durant les entretiens, à des naturalistes alsaciens ou allemands qui ont consigné leurs observations sur presque quatre siècles (Baldner, 1666 ; Döderlein, 1919). Les armes de cette querelle d’experts sont surtout d’essence littéraire. Cependant, le jeu d’acteurs politisé à propos de l’indigénat est longuement argumenté par un membre du groupe cistude qui oppose la rapidité d’obtention en 2004 des autorisations ministérielles pour la mise en place du programme à la longue procédure de validation des actions de lâchage par le CSRPN qui n’arriveront qu’en 2018. Les basculements des élus et des décideurs sur les différentes échelles territoriales (département, région, État), la mouvance des tendances politiques et les luttes d’influence ne seraient pas étrangers aux à-coups de l’aventure, indépendamment de l’objectif initial de conservation des espaces et des espèces. Certains informateurs prennent très au sérieux la question de l’indigénat en assimilant l’introduction d’une espèce hors de son aire de répartition biologique à celle d’une espèce invasive, avec les désordres écologiques que cela peut entraîner.
Toutefois, certains insinuent que l’indigénat ne serait pas un problème en soi et que cette polémique cacherait des aspects pragmatiques ou éthiques tels que l’évolution technico-scientifique avec les progrès de la génétique ou l’interventionnisme exagéré de l’humain sur l’animal. Douze informateurs ciblés (dont 10 biologistes et/ou individus du groupe cistude) confient que la polémique a été davantage un frein administratif qu’une question fondamentale et que les « vrais enjeux » de gestion et de conservation des espaces et des espèces sont ailleurs. Ils déplorent les conflits de personnes ainsi qu’une perte de temps et d’énergie. Il leur apparaît prioritaire de se concentrer sur le sauvetage d’un habitat et d’une espèce, argumentant que les translocations ont toujours existé et que le contexte général, où l’humain détruit plus vite qu’il ne restaure, n’autorise guère à tergiverser.
En résumé, la question de l’indigénat et donc de la (ré)introduction de la cistude en Alsace est le fait de trois herpétologistes qui agissent indépendamment du monde associatif, lequel ne s’oppose pas fermement aux lâchages de cistudes. La polémique, mal vécue par les initiateurs du programme, intervient dans un contexte de progrès de la génétique de la conservation qui ouvre des pistes d’investigation inconcevables à la naissance du projet mais surtout fleurit dans un contexte politique et administratif particulier. Cette époque est en effet celle de la création des CSRPN dans lesquels siègent des experts influant qui peuvent perturber administrativement et localement les décisions antérieures prises au niveau national. Le jeu d’acteurs experts naturalistes d’une part, et politiques entre les différentes échelles territoriales d’autre part, entraîne des tensions qui impactent le sort des cistudes alsaciennes.
Mauz (2006) rappelle que les introductions concernent des espèces qui n’avaient jamais été présentes sur un espace donné, ou dont la présence est extrêmement ancienne ou contestée. Elle constate que « les naturalistes, protecteurs et gestionnaires de la nature insistent sur la nécessité de bien distinguer les deux types d’opérations [introduction et réintroduction] » destinés à enrichir la nature, et que seule la seconde est acceptable à leurs yeux, conformément aux textes réglementaires. En filigrane de ces querelles conceptuelles existent des tensions entre les chasseurs-pêcheurs, soucieux d’introduire de la ressource pourvu qu’elle soit farouche (non imprégnée) et des naturalistes soucieux de « reconstituer le patrimoine que nous avons amputé » en évitant toute artificialisation. Dans notre étude, un naturaliste évoque en effet l’introduction hasardeuse du grand tétras par les fédérations de chasse en Alsace comme un antécédent fâcheux mettant les défenseurs d’une nature riche et non manipulée sur le qui-vive. Mauz (2006) précise aussi que la distinction entre introduction et réintroduction n’était pas exigée dans les débuts des opérations de conservation et qu’elle « est assez étroitement circonscrite à la sphère naturaliste ». On comprend mieux pourquoi cette question d’indigénat n’a pas fait avorter le projet cistude dans les années 1980 et pourquoi ce sont des naturalistes qui s’en sont emparés plus tard. L’explosion des invasions biologiques depuis une vingtaine d’années a instauré une méfiance d’autant plus forte chez les acteurs et les observateurs experts.
Toutefois, la distinction par le public entre taxons dignes de protection et taxons exotiques que le gestionnaire est contraint d’éradiquer, sinon gérer, est parfois bien floue. Dans le cas des tortues de Strasbourg (Philippot et al., 2019), la plupart des usagers des parcs les incluent sans discernement dans une même catégorie générique. Ce public est davantage sensible au risque de prolifération et aux nuisances potentielles ou constatées (surtout la prédation sur les jeunes oiseaux d’eau d’agrément) qu’à leur origine géographique. Cela rejoint la posture de conservationnistes affirmant que mieux vaut se préoccuper des impacts effectifs et locaux des espèces non natives que de leurs origines et agir en fonction (Davis et al., 2011). Une fois informés sur la cistude et sa conservation en Alsace, certains usagers des parcs suggèrent de l’accueillir en ces lieux ou se disent prêts à cette éventualité, d’abord parce que c’est une tortue, ensuite parce qu’elle ne suscite aucune crainte (ni invasive, ni dangereuse) et que son arrivée symboliserait une belle action en faveur de la biodiversité. En revanche, les personnes concernées par la question de la biodiversité en ville, pour la plupart dotées de savoirs universitaires en écologie, sont assez partagées (Glatron et al., 2021). Plus encore, les naturalistes enquêtés rejettent l’idée de cistudes en ville, tant pour le bien-être d’une espèce sauvage qui doit être épargnée des perturbations d’origine anthropique que pour sauvegarder l’image – emblématique dans le cas de la cistude – d’une nature sauvage sans humains. Plus globalement, les discussions autour de la cistude montrent que le choix taxinomique est intimement lié à celui des lieux à restaurer pour l’accueillir, lieux considérés alors comme des unités de conservation.
Un site d’accueil de la cistude délaissé du public
Le Woerr, un lieu plutôt méconnu, chargé d’histoire et connoté
Six des 30 personnes contactées dans la rue à Lauterbourg et 33 des 40 informateurs ciblés connaissent le site dédié aux cistudes mais beaucoup ne se sont jamais éloignés de la piste cyclable qui le délimite. Moins de la moitié d’entre eux le fréquente régulièrement, essentiellement en lien avec le programme ou pour des activités professionnelles spécifiques. Les actions menées sur le Woerr sont très diversifiées selon les fonctions et centres d’intérêt individuels (cela va de relevés botaniques à des opérations de sécurisation pour une usine chimique voisine). Parmi les informateurs ciblés, 11 Lauterbourgeois savent que le site était exploité par une gravière aujourd’hui fermée, trois personnes racontent avoir fréquenté les lieux pendant leur jeunesse pour la baignade ou la cueillette et quatre s’y rendent de façon assidue pour des activités physiques, des observations naturalistes ou des interventions professionnelles. En résumé, le Woerr est aussi peu connu que fréquenté sauf par quelques rares personnes pour des raisons bien précises. À moins d’être un observateur aguerri ou si l’on veut exploiter cette nature, s’y aventurer relève d’une certaine témérité.
Nos enquêtes révèlent que le Woerr est un lieu chargé d’histoire et connoté : les faits relatés par les informateurs, avérés ou non, en marge des savoirs académiques, constituent la mémoire susceptible de se transmettre (Fig. 4). Le site est perçu comme une zone humide naturellement capricieuse et son régime hydrologique saisonnier est parfois évoqué. Il est aussi le jeu d’un découpage territorial changeant ou flou. Les intrusions, relations ou coopérations franco-allemandes sont plusieurs fois évoquées lors des échanges. Lauterbourg, zone d’occupation durant les deux guerres mondiales, se trouve au cœur d’une histoire qui pèse encore sur la mémoire collective, surtout chez les personnes de plus de 70 ans. L’agent ONF précise que la gestion du cadastre est compliquée du fait du morcellement des terrains, de la disparition de propriétaires sur fond de drames familiaux et du remembrement tardif ou incomplet. De plus, les élus locaux déplorent que la gestion du territoire dédié à la préservation de la nature échappe à l’administration locale puisqu’elle est dirigée pour la partie réserve naturelle domaniale par l’ONF et pour la partie espace naturel sensible par le CD67. Beaucoup de décisions sont ainsi prises hors commune, que ce soit pour l’attribution des parcelles, la gestion des terres ou encore la protection contre les crues. L’écologisation du Woerr est également perçue comme une volonté émanant d’ailleurs.
Fig. 4 Frise chronologique du site du Woerr à partir des témoignages d’informateurs ciblés. |
Le Woerr, un territoire rhénan enclavé et dissuasif
Les informateurs décrivent le site du Woerr comme une zone inondable en partie occupée par une végétation dense, autrefois dépourvue de chemins. La forêt, perçue comme impénétrable, n’attire pas les habitants de Lauterbourg qui préfèrent les berges du Rhin accessibles par la piste cyclable. Une biologiste précise que l’accès au site par véhicule motorisé implique d’emprunter des chemins agricoles côté français, la seule route carrossable nécessitant de passer par l’Allemagne. Au-delà de cet enclavement, le côté français du site est mitoyen à un vaste site industriel que des Lauterbourgeois qualifient de « pollueur local », gardant en mémoire des images de souillure des eaux de surface et des sols à proximité immédiate. Des riverains racontent que la présence d’activités industrielles depuis plus d’un siècle impacte l’environnement : le port local, ancienne dépendance du port de Strasbourg, était dédié au transport du charbon et à son transbordement. Des activités industrielles, aujourd’hui sous surveillance, jouxtent une nature plutôt sauvage mais la mémoire collective superpose encore à une nature impénétrable la souillure et le danger attribués à l’usine (pollutions par des extrants non contrôlés dans les années 1970-1980 de type pesticides). Un promeneur assidu des lieux exprime que l’actuel chemin de service qui contourne l’usine est peu engageant, très minéralisé, longé de grillages élevés équipés de caméras de surveillance et de panneaux d’avertissement sur les risques Seveso2. Ces panneaux également présents le long de la piste cyclable côté Rhin n’incitent pas à poser son vélo. Depuis cette voie, l’accès au Woerr se fait par des chemins forestiers, parfois cachés par une végétation haute ou noyés par l’arrosage excessif de la zone cultivée en maïs qui jouxte le site. Cette monoculture intensive est associée à des représentations négatives chez certains résidents locaux. Des dispositifs anti-intrusifs à destination des sangliers rappellent la lutte permanente entre sauvage et activités humaines. Également, le placardage des règles imposées par le statut de réserve naturelle domaniale et d’espace naturel sensible informe le visiteur des interdictions de camping, baignade, feu, cueillette et pêche. Nos entretiens révèlent ainsi que la population locale, partagée entre la peur d’une nature incontrôlée, la méfiance envers des activités anthropiques violentes ou dangereuses ou encore l’héritage de périodes sombres du passé liées aux guerres, craint cette partie excentrée de la commune. La nature locale apparaît, pour une part significative de riverains rencontrés, pleine de dangers dus à l’eau, aux substrats meubles, ou encore aux animaux indésirables comme les moustiques, sangsues et reptiles. Un habitant évoque aussi la crainte de se perdre au sein d’une nature dense et arborée. De plus, le Woerr ou ses environs proches sont administrativement doublement classés zones à risques majeurs : le risque naturel d’inondations et le risque industriel. À ces risques reconnus qui exigent une surveillance continue, se rajoutent des pratiques peu rassurantes comme la chasse et les extractions industrielles passées. Certains informateurs parlent d’actes et d’activités illicites, honteuses ou immorales : confiscation des terrains juifs, dépôts d’ordures sauvages, trafic de stupéfiants, naturisme, baignade ou pêche bravant les interdictions, déboisements illicites… Le Woerr permettrait aussi de cacher des rebuts honteux, que ce soit des polluants chimiques ou des monstres industriels (liés aux gravières) ou des battues dans le cadre de la chasse.
Globalement, nos enquêtes révèlent, outre quelques signes d’attachement liés aux souvenirs d’enfance, le peu d’appropriation du territoire par les riverains et des ressentis de transgression ou d’insécurité à l’idée de fouler les lieux. Le Woerr n’est ni un lieu habité ni un lieu investi selon le concept de territorialité décliné par Raffestin (1986). Ce sont des terres tour à tour confisquées par l’ennemi, l’industrie et des administrations délocalisées bien que des entreprises locales aient été sollicitées pour les aménagements récents. Dans ces lieux peu partagés avec les populations riveraines, les passions premières se sont auto-entretenues dans l’action et les difficultés et sont l’affaire d’un petit nombre de personnes qui se sont identifiées au sauvetage d’un milieu humide relique.
Des affinités diverses pour le site du Woerr
Les précurseurs du programme font largement état des avantages que présentait le site du Woerr pour accueillir une espèce protégée comme la cistude (Schneider, 2000) : 1) un milieu en continuité écologique avec le Rhin, apte à assurer la ressource alimentaire d’une population de 500 cistudes ; 2) la présence d’une gravière dont l’exploitation arrivant à échéance en 1994 constitue un plan d’eau propice à l’installation et à la dispersion des cistudes ; 3) un site isolé d’infrastructures denses limitant les risques immédiats de perturbations environnementales. Les acteurs et observateurs qui connaissent le Woerr ont en mémoire des images correspondant à différents stades d’évolution du milieu naturel. Les degrés et champs d’intérêt pour ce lieu divergent beaucoup.
Quand nous avons posé la question « le site du Woerr vous plaît-il ? », les réponses variaient selon les interlocuteurs. Pour les scientifiques en particulier, réticents à émettre un avis sensible, la notion de plaisir paraît incongrue. Sur une échelle de 1 (ne plaît pas) à 5 (plaît fortement), la note moyenne attribuée est de 3,8/5, une grande majorité optant pour la note 4. Les éléments verbalisés pour défendre les bonnes notes sont d’ordres divers : espace préservé des activités et fréquentations humaines, esthétique, évolution favorable vers l’ensauvagement, endroit propice pour observer les espèces, « un foisonnement de vie » dans toute sa pluralité, symbole de la passion et de l’acharnement d’amis pour une cause environnementale, et symbole de la réussite d’une collectivité à travers un programme environnemental. Inversement, des informateurs déplorent des points négatifs principalement liés à des éléments visuels comme les clôtures disgracieuses autour des bassins d’acclimatation des cistudes ou des pratiques comme la chasse, en contradiction avec l’idée d’une nature belle, paisible et préservée de l’humain. Les naturalistes expriment parfois un ressenti singulier à l’égard du Woerr selon qu’il abrite les taxons faisant l’objet de leurs intérêts ou passions et tendent à évaluer les milieux humides au prisme d’un groupe taxinomique plus ou moins ciblé comme les libellules ou les Amphibiens. Curiosité scientifique et satisfaction personnelle apparaissent alors intimement mêlées.
Les perceptions à propos du Woerr ne sont probablement pas étrangères à celles liées aux zones humides en général. La question posée à 30 informateurs ciblés « pour vous, qu’est-ce qu’une zone humide satisfaisante ? » relève du personnel et du sensible et les invite à se livrer au-delà d’une simple liste des services écosystémiques. Il est facile pour les scientifiques, qu’ils soient écologues ou sociologues, d’en faire une énumération neutre, car la question se trouve dans un champ transdisciplinaire d’actualité. Les critères d’une zone humide satisfaisante se focalisent autour des concepts d’autonomie (interventionnisme humain réduit et lieu exempt d’espèces invasives), de fonctionnalité (avec l’eau comme élément central), de zone refuge pour les espèces adaptées et d’accessibilité modérée pour l’observation de la nature. À l’inverse, les résidents de Lauterbourg s’expriment peu ou pas sur cette question parce qu’elle leur paraît éloignée de leur champ de perception de l’environnement. Leur angle de vision sur les zones humides (ou ce qu’ils pensent être des zones humides) est presque toujours anthropocentrique, c’est-à-dire orienté par les intérêts humains.
Le lien au territoire d’accueil, un autre déterminant des processus de (ré)introduction
Mathevet (2010) suggère que dans les projets de conservation, la perception des chercheurs et des acteurs locaux de l’objet étudié (ou qui centralise les efforts comme la cistude) influence les choix et les actions. Notre étude montre aussi qu’on ne peut appréhender dans sa globalité un programme de réintroductions d’espèces sans explorer les qualités intrinsèques du territoire élu (par les experts et à un moment donné) sous l’angle des perceptions, représentations et liens sensibles tissés par les riverains et usagers potentiels des lieux, et ceci au-delà des conflits d’usages. Choisir un lieu coupé de sa population humaine n’est pas un choix innocent. Il favorise certes dans un premier temps le succès du réensauvagement mais plombe d’incertitude le devenir des néopopulations sur le long terme car l’orientation des territoires jouxtant la zone protégée est mouvante et l’aire de diffusion des taxons introduits (directement ou non) échappera à l’humain dans un proche avenir. L’extension des habitats humains et ceux des taxons non humains en jeu sont à envisager. Il est intéressant de faire le lien avec le sort des tortues férales de Strasbourg (Philippot et al., 2019) dont les parcs urbains ont été élus par des particuliers pour des lâchés clandestins de tortues exotiques. Il semble paradoxal qu’à l’échelle d’une même région le public accepte, d’une part, le lâchage des tortues potentiellement menaçantes (parfois même, il y contribue) dans des espaces de nature très anthropisés et, d’autre part, tolère le lâchage d’une tortue écologiquement adaptée (pour ne pas dire autochtone) mais menacée dans un espace naturel délaissé par les riverains. Toutefois, il faudrait considérer le poids de l’ignorance, de la faible conscience ou du désintérêt encore pesants des non-experts pour les questions complexes de biodiversité.
Conclusion
Notre étude de cas montre que les actions menées en faveur de la cistude en Alsace relèvent de l’initiative d’un petit groupe de passionnés bénéficiant à un moment donné d’un contexte institutionnel ayant facilité les choix de l’espèce et du site de lâchages. Si l’aspect pragmatique du programme à ces débuts est crucial, les enquêtes révèlent que les postures idéologiques sur les relations entre humains et nature sont déterminantes et souvent à l’origine d’incompréhensions et de conflits. Des informateurs interrogent ainsi la crédibilité du scientifique ou du gestionnaire lorsqu’ils émettent des jugements de valeur sur les « bons » choix pour sauver une espèce et un espace ou même pour préserver un « bon » processus évolutif. La question controversée de l’indigénat fait écho à l’absence de la cistude dans la mémoire collective alsacienne mais cache des problématiques relatives à la conservation de la biodiversité. Celle autour des espèces cryptogènes s’inscrit dans un débat actuel très vif autour du fixisme et de l’état de référence en matière de conservation (qui occulterait la dynamique évolutive) et du paradigme statique de conservation (Hannah et al., 2002 ; Robert et al., 2017). Les tentions idéologiques entre un écocentrisme fondé sur la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la nature et une vision pragmatique intégrant les services écosystémiques interrogent sur la nature que l’on a voulu sauver ou conserver à travers un taxon et un territoire porteurs de sens pour quelques personnes au moment des choix. Si l’on se réfère au cadre sémiologique de Ducarme (2019), des membres du groupe cistude expliquent la finalité de la réintroduction de la cistude sur le site du Woerr comme un enrichissement et une singularisation de la diversité animale dans une nature pensée comme un écosystème remarquable. L’aspect valorisé initialement par des naturalistes affichant une posture écocentrée est la biodiversité d’une zone humide. D’après le cadre stratégique de Prévot-Julliard et al. (2011), réservation et restauration sont des solutions opérationnelles adaptées aux espaces vierges ou peu anthropisés. La restauration du Woerr apparaît comme une mesure de conservation pour préserver la biodiversité. Or, les objectifs écocentrés ne se soucient guère des intérêts humains et a fortiori de ceux des populations riveraines. Aujourd’hui, des critiques émergent au regard des choix passés qui pénalisent la biodiversité ordinaire dont les enjeux de conservation sont en particulier discutés à travers l’écologie de la réconciliation (Rosenzweig, 2003 ; Couvet et Ducarme, 2014), laquelle mise sur les services rendus par la nature à l’humain. Les perceptions autour du Woerr, territoire enclavé et mouvant par le jeu de la nature et des frontières, en font un lieu idéal pour mener à l’écart de la population une action à risque telle que le lâchage d’individus d’une espèce protégée. La confidentialité de ces opérations peut limiter l’appropriation citoyenne du programme. Son acceptation suppose qu’il soit connu, compris et même apprécié du grand public, et bien appréhendé dans sa globalité par les acteurs et les observateurs eux-mêmes. Cela suppose des actions de communication et d’éducation mais peut être également un travail plus en profondeur pour une réacceptation du sauvage dans les habitats dédiés aux humains. Les faits, opinions et ressentis relatifs à ce volet du programme cistude en Alsace seront abordés dans une étude complémentaire.
Remerciements
Cette étude a bénéficié du soutien de la Collectivité européenne d’Alsace et du site d’étude en écologie globale du Woerr de l’INEE du CNRS.
Références
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Par extension, le programme de recherche-action transdisciplinaire EMYS-R mène une évaluation socioécologique des actions de restauration des zones humides en faveur de la réintroduction de la cistude et de la biodiversité associée à l’échelle de l’Europe, www.emysr.cnrs.fr, avec le soutien conjoint Biodiversa & Water JPI 2020-2021, dans le cadre du programme BiodivRestore ERA-Net COFUND, et avec les organismes de financement Agence nationale de la recherche (ANR, France), Bundesministerium für Bildung und Forschung (BMBF, Allemagne), l’Agence nationale de développement de l’éducation (VIAA, Lettonie) et le Centre national des sciences (NSC, Pologne).
Une entreprise Seveso est identifiée comme ayant une activité liée à la manipulation, fabrication, emploi ou stockage de substances dangereuses. Ce type d’activité associé à des risques technologiques pour l’humain et son environnement est soumis à la directive Seveso qui correspond à une série de directives européennes préventives.
Citation de l’article : Philippot V., Georges J.-Y., 2023. Réintroduire une espèce oubliée sur un territoire délaissé du public : le cas de la cistude d’Europe en Alsace (nord-est de la France). Nat. Sci. Soc. 31, 1, 18-30.
Liste des tableaux
Liste des figures
Fig. 1 Localisation du site d’accueil de la cistude en Alsace (source : S. Glatron, ZAEU ; © OpenStreetMap, www.openstreetmap.org/#map=15/48.9680/8.2216). |
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Fig. 2 Structure de l’échantillon ciblé et enquêté. Les effectifs sont indiqués dans les pastilles gris foncé. CINE : centre d’initiation à la nature et l’environnement, CNRS : centre national de la recherche scientifique, ONF : office national des forêts, PCA : Petite Camargue alsacienne, ZAEU : zone atelier environnementale urbaine, MZS : musée zoologique de Strasbourg, zoo : parc zoologique et botanique de Mulhouse. |
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Fig. 3 Frise chronologique construite à partir des entretiens et illustrant les collaborations/partenariats et les principaux événements en rapport avec la cistude. CSRPN : conseil scientifique régional de la protection de la nature, MNHN : muséum national d’histoire naturelle, SHS : sciences humaines et sociales. |
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Fig. 4 Frise chronologique du site du Woerr à partir des témoignages d’informateurs ciblés. |
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