Open Access
Issue
Nat. Sci. Soc.
Volume 28, Number 2, Avril/Juin 2020
Dossier « L’économie circulaire : modes de gouvernance et développement territorial »
Page(s) 118 - 130
DOI https://doi.org/10.1051/nss/2020035
Published online 06 January 2021

© N. Buclet et M. Donsimoni, Hosted by EDP Sciences, 2021

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, excepted for commercial purposes, provided the original work is properly cited.

Le champ interdisciplinaire de l’écologie territoriale vise à mieux établir et comprendre les relations entre les activités humaines et les écosystèmes naturels par une approche systémique et essentiellement matérielle de ces relations (Buclet, 2015). Deux constats justifient l’analyse de ces relations. L’échec des politiques de développement et l’essoufflement de la croissance dans les pays industrialisés ont obligé, au milieu des années 1980, à renouveler l’approche du développement à travers la notion de développement local et d’économie territoriale (Courlet et Pecqueur, 2013) : le territoire devient une unité d’analyse du développement – c’est le premier constat. Cela implique qu’il ne suffit plus, à partir de dotations initiales, de combiner du travail et du capital pour obtenir de la valeur, il faut intégrer le lien social, l’échange d’information, la confiance dans l’interlocuteur. L’agent économique cède la place à l’acteur local. Le second constat est lié à la détérioration de l’environnement qui impose de prendre en compte des paramètres nouveaux dans l’appréciation du développement. Parmi ceux-ci, les conditions de construction de la ressource sont primordiales. Les matières premières ne sont pas seulement un stock dans lequel puiser, mais la résultante d’équilibres écosystémiques entre les organismes présents. La manière dont les acteurs locaux vont intervenir dans ce système et co-évoluer avec lui conditionne la réussite du processus de développement local.

Pour étudier cette interaction, la plupart des travaux se sont appuyés sur l’analyse du métabolisme des territoires (Barles, 2009 ; Cerceau, 2013 ; Bahers, 2014) qui schématise la circulation des flux de matière, d’eau ou d’énergie sur une année donnée. Cela permet « d’identifier les principaux flux mis en jeu par le fonctionnement des sociétés, préalable nécessaire à leur dématérialisation » (Barles, 2014, p. 2). Ces représentations sont parfois complétées par d’importants travaux visant à identifier spatialement les lieux de provenance des flux importés ainsi que les lieux destinés à recevoir les flux exportés (Le Noé et al., 2016). Cependant, les représentations obtenues, pour pertinentes qu’elles soient, ne peuvent à elles seules expliquer les dynamiques des territoires analysés. Si certains auteurs envisagent la question politique dans les choix d’orientation, par exemple, en matière de gestion des déchets (Desvaux, 2017) ou le rôle de l’action publique sur l’organisation de l’approvisionnement alimentaire des villes (Bognon et Marty, 2015), les jeux de pouvoir ne sont que rarement abordés de façon systématique. Nous pouvons ainsi identifier deux questionnements auxquels ces analyses de métabolisme ne peuvent entièrement apporter des réponses : qui est derrière ces flux ? À quoi servent-ils ?

L’objet de cet article est d’apporter un éclairage sur ce dernier point. Nous présenterons, dans un premier temps, la méthode de l’analyse du métabolisme territorial découpé en sous-systèmes créateurs de richesse, qui établit un lien plus explicite entre les flux qui circulent et les finalités poursuivies par cette circulation. Il sera ensuite question de l’apport de la notion de capabilité, que l’on doit principalement à Amartya Sen (2000). Nous montrerons en particulier l’intérêt d’articuler la méthode d’analyse du métabolisme d’un territoire avec la notion de capabilité territoriale. Nous illustrerons ensuite ce croisement à partir d’un cas d’étude portant sur la production du fromage de Beaufort. Plus qu’une filière fromagère, la production du Beaufort est une histoire d’hommes, d’animaux et de nature. Appellation d’origine protégée depuis 1968, le fromage de Beaufort est le résultat d’un savoir-faire spécifique qui tire sa valeur d’une parfaite cohérence entre activités humaines et écosystème naturel.

Le métabolisme territorial des sous-systèmes créateurs de richesse

Le métabolisme d’un territoire est ici considéré comme un ensemble de sous-systèmes créateurs de richesse, c’est-à-dire des activités structurantes pour le territoire en ce qu’elles impliquent d’importants flux matériels, immatériels et financiers à l’échelle du territoire, mais dont aucune ne permet d’appréhender l’ensemble du métabolisme territorial. Leur analyse n’a de pertinence qu’à travers les liens qui se tissent entre eux. Ces liens sont le résultat d’une logique d’organisation pour exploiter au mieux des ressources communes (Ostrom, 1990) et générer durablement des richesses non seulement marchandes et monétaires, mais également en termes de savoir-faire, de patrimoine et de capacité à spécifier un territoire. Les questions auxquelles tente de répondre une approche par sous-systèmes créateurs de richesse sont les suivantes : qu’est-ce qui fait vivre le territoire et ses habitants, tant en termes matériels qu’en termes de dynamiques sociales ? Quelles activités humaines, encastrées dans le territoire, produisent de la richesse pour ses occupants ?

L’analyse porte sur les principales activités humaines structurantes au sens où elles mobilisent un grand nombre d’acteurs autour d’importantes ressources matérielles et immatérielles et se traduisent par une organisation et un agencement dont l’impact est visible : industrie, agriculture, tourisme, mais aussi économie résidentielle (Talandier, 2008) qui permet de capter et de redistribuer des revenus monétaires. Pour chacune de ces activités, l’enjeu consiste à identifier les principaux flux matériels et énergétiques qui en autorisent le fonctionnement. Ces flux sont en particulier considérés comme des ressources (flux en entrée) pour l’activité concernée, ou des produits (flux en sortie) issus de la transformation des ressources. Ces flux, en interaction avec le reste du monde et avec l’écosystème naturel, sont soit intentionnellement échangés (comme dans le cas d’un territoire misant sur l’industrie ou sur le tourisme pour accroître sa richesse) soit non intentionnels (émissions de polluants, échanges culturels engendrés par la rencontre avec d’autres populations pour des raisons économiques…).

Analyse des activités structurantes sur un territoire

Les activités humaines sur un territoire sont diverses. Une place toute particulière est attribuée aux activités créatrices de richesse, c’est-à-dire organisées par une population dans le but premier d’engendrer des revenus, notamment par la production de biens et des services. Ceux-ci peuvent être destinés à une consommation directe ou à une captation de revenus sous forme monétaire (exportations, recettes touristiques…) et utilisés ensuite pour acquérir des biens et des services produits ailleurs et/ou afin d’investir et d’accroître le potentiel de création de richesse contrôlé par la population. À une échelle locale, ces activités se côtoient, s’entrecroisent parfois et induisent des dynamiques conjointes qui font territoire, notamment par les acteurs qui les portent et qui sont fréquemment impliqués dans plusieurs activités. La dynamique territoriale peut être schématisée de la façon suivante (Fig. 1) :

Les dynamiques territoriales sont complexes puisqu’elles résultent des interactions entre les activités en interne mais également entre le territoire et son extérieur. À partir des ressources mobilisées se met en place une dynamique productive, dont les produits et les externalités se diffusent à l’ensemble du territoire et au-delà. Les ressources elles-mêmes peuvent provenir d’une autre activité créatrice de richesse ou de l’extérieur du territoire. Chaque activité a sa propre logique de fonctionnement qui peut interférer avec les autres activités du territoire ; c’est notamment le cas pour les activités saisonnières comme le tourisme ou la fabrication de certains fromages.

Afin de relier la raison d’être et la manière dont les flux circulent, il est nécessaire d’identifier l’ensemble des flux mobilisés afin que l’activité soit effective, ainsi que l’ensemble des flux qu’engendre cette activité. Cette identification permet d’effectuer des mesures, de repérer les acteurs concernés et de comprendre les mécanismes institutionnels (pratiques, lois et règlements) à l’origine de la circulation des flux. Elle permet également de voir d’où les flux proviennent et où ils vont, et ainsi de repérer la capacité du territoire à conserver les richesses qu’il crée.

thumbnail Fig. 1

Dynamique territoriale (réalisation : M. Donsimoni et N. Buclet).

L’analyse des flux : relier les flux à des acteurs

La première étape de l’analyse consiste à quantifier, lorsque cela est possible, et à qualifier les principales ressources mobilisées par un sous-système, mais aussi ce qui ressort, en tant que production, de ce sous-système. Pour ce qui est de la partie quantitative, les opérations nécessaires se fondent sur les principes de l’analyse de flux de matières (voir notamment Barles, 2014). En revanche, comme le système territorial analysé est découpé en sous-systèmes, l’équilibre entre les quantités mesurées en entrée et en sortie de chacun de ceux-ci ne fait pas sens. Il faut réagréger les sous-systèmes pour retrouver l’équilibre du bilan massique à l’échelle territoriale.

La partie qualitative de ce qui circule se fonde théoriquement sur cette même base méthodologique. Il ne s’agit néanmoins pas de mesurer des flux, mais d’identifier les flux immatériels complémentaires aux flux matériels qui contribuent à la mise en œuvre des activités créatrices de richesse. Les opérations à mener sont les suivantes :

  • mesurer les quantités d’eau, d’énergie et de matière utilisées pour produire les richesses ;

  • mesurer les quantités d’eau, d’énergie et de matière issues de l’activité ;

  • mesurer les émissions vers l’environnement non désirables sous forme solide, liquide ou gazeuse ;

  • identifier les ressources non quantifiables dont la présence contribue à la transformation des ressources en produits ;

  • identifier et qualifier les productions non matérielles issues de cette transformation ;

  • identifier les retombées de l’activité sur d’autres sous-systèmes (d’autres activités créatrices de richesse) ainsi que les retombées d’autres sous-systèmes sur l’activité analysée.

Ces différentes mesures permettent de lier des événements générateurs de flux, par exemple l’urbanisation et le tourisme, la maîtrise de l’hydroélectricité et l’industrie, etc. Par contre, pour dessiner le métabolisme d’un territoire, il faut surtout reconnaître l’existence d’un ancrage des activités à leur environnement avec des cartes mentales spécifiques. Pour cela, il convient de repérer et de comprendre le lien entre les flux et les acteurs.

Le travail de modélisation des flux impliqués dans le fonctionnement d’un système permet d’identifier les acteurs et leurs interactions. À chaque flux correspond une relation entre un émetteur et un récepteur. Le récepteur n’est pas forcément passif : lorsque c’est un acteur, il peut même être à l’origine de l’échange ; lorsque c’est un milieu naturel, il reçoit les flux issus de l’activité humaine et doit s’adapter. Cela implique notamment de s’intéresser à l’intentionnalité des acteurs à l’origine de l’échange afin de distinguer les flux intentionnels des flux non intentionnels. Pour ces derniers, il importe en particulier de les lier à un ou plusieurs flux intentionnels dont ils sont une retombée. Les motivations des flux intentionnels feront ensuite partie des éléments à décrypter.

La façon dont un flux circule ou pas ne dépend pas seulement de l’intentionnalité des acteurs. Le contexte institutionnel et les mécanismes de régulation interdisent ou limitent certaines pratiques et en favorisent d’autres ; ils orientent le type de flux qui peuvent circuler tels que la circulation des camions à certaines périodes, les produits contenant des substances dangereuses. Mais, au-delà d’interdictions ou d’autorisations de circulation, des dispositifs institutionnels (chartes, réglementations…) peuvent influer sur la valorisation même d’une ressource ou de ce qui est produit (par exemple, le fait qu’un espace naturel soit classé réserve naturelle de biosphère ou qu’une production alimentaire obtienne un label de qualité). De même, dans le milieu agricole, les conseillers techniques orientent les choix productifs tant au niveau de ce qui est produit que de la façon de le produire. Cela implique d’identifier les mécanismes institutionnels qui influencent la circulation des flux, de repérer les acteurs porteurs de ces mécanismes et de cerner les relations de pouvoir entre acteurs.

Repartir des sous-systèmes vers le système territorial

L’analyse des sous-systèmes présuppose d’emblée que nous ayons affaire à des composants d’un système entier : le territoire. Ces sous-systèmes sont caractérisés par les relations et la coordination entre les différents acteurs qui conditionnent l’agencement et la combinaison des ressources mobilisées. L’activité dans un sous-système se traduit plus ou moins par des interactions avec un autre sous-système. L’ensemble de ces interactions constitue ce qui fait la spécificité du territoire.

Une fois accompli le travail d’analyse des sous-systèmes, il convient d’analyser les relations identifiées entre activités structurantes. Par exemple, l’élevage en montagne contribue à maintenir ouvert le paysage, ce qui est, de facto, favorable au tourisme, et les activités des stations de sport d’hiver procurent des revenus aux éleveurs en hiver, période creuse de leur activité. Le sous-système agricole a un impact sur le sous-système touristique et inversement : les interactions entre les deux permettent de créer ou de maintenir des revenus et des activités ou sont à l’origine de nuisances détériorant les conditions de l’autre activité. Une des spécificités des territoires de montagne est justement la double activité, fréquente, des agriculteurs. On a ici l’exemple de deux sous-systèmes avec de nombreuses synergies mais aussi quelques retombées négatives. Il peut aussi se trouver d’éventuelles compétitions pour certaines ressources, l’équilibre du système repose alors sur la capacité des acteurs territoriaux à trouver des compromis entre sous-systèmes. L’équilibre d’un système territorial dépend de ces compromis et donc de la capacité des acteurs locaux à s’impliquer dans les prises de décision. Pour étudier ce type de situation, notre analyse doit s’enrichir en incluant la façon dont les décisions sont prises au sein des sous-systèmes et à l’échelle du système dans son ensemble. C’est dans ce contexte que nous allons, dans une deuxième partie, montrer le lien entre le processus de création de richesse et la capabilité territoriale.

L’apport de la capabilité à l’écologie territoriale

Les rétroactions dans la dynamique territoriale (Fig. 1) font référence aux influences et aux interactions entre les activités créatrices de richesse, mais également à la prise en compte des externalités. Il s’agit d’encourager et de développer ces dernières lorsqu’elles sont positives et, au contraire, de les atténuer ou de les supprimer lorsqu’elles sont négatives. Ce positionnement relève d’un processus d’apprentissage qui conduit les acteurs locaux à prendre leur responsabilité et à faire les bons choix. De ces derniers dépendra la réussite de cette évolution, c’est-à-dire un processus de développement. Prendre les bonnes décisions relève, selon nous, de la capabilité du territoire.

La notion de capabilité

La notion de capabilité a été introduite par Amartya Sen au début des années 1980 (Sen, 1983). Il affirme la prédominance de la notion de liberté, aussi bien comme moyen de répondre aux besoins d’un individu que comme objectif d’accomplissement de soi. En tant que moyen, la notion de liberté se traduit par un accroissement de la capabilité des individus, c’est-à-dire un potentiel qui permet de trouver les moyens de répondre à ses propres buts et d’augmenter son bien-être. En tant qu’objectif, la capabilité conduit à un niveau de bien-être supérieur car elle suppose le développement de la liberté individuelle, à la fois liberté non entravée par des tiers (interdictions institutionnelles ou violence subie par un tiers) et liberté entendue comme possibilité d’agir afin de poursuivre les buts souhaités par l’individu (se nourrir ou se vêtir d’une certaine façon, être intégré socialement, etc.).

Nombre d’auteurs ont souhaité faire évoluer le concept de capabilité, excessivement centré sur l’individu (Lessmann et Rauschmayer, 2014), en introduisant le concept de capabilités collectives. Sen réfute cette idée et lui préfère l’idée de capabilités dépendantes d’un contexte social. Pour d’autres auteurs, il existe des capabilités ne pouvant être engendrées que dans un cadre d’action collective (Panet et Duray-Soundron, 2008). Séverine Deneulin (2002) considère qu’une théorie de la capabilité centrée sur la liberté en tant que moteur de la recherche de bien-être doit reconnaître la légitimité d’interventions publiques restreignant les libertés individuelles au bénéfice du bien-être du plus grand nombre. Ainsi, selon cette théorie, la protection de l’environnement peut constituer un objectif légitime de restriction d’un certain nombre de libertés individuelles au bénéfice d’une capabilité s’inscrivant à une autre échelle, par exemple territoriale. La notion de capabilité territoriale est cohérente avec celle de Sen, la liberté dont bénéficie chaque individu étant le produit de contextes sociaux et collectifs géographiquement situés ; elle s’exprime dans diverses communautés dont les spécificités vont déterminer les modalités d’une implication individuelle au service d’un objectif collectif.

Communauté de destin et soutenabilité environnementale : la capabilité territoriale

La notion de capabilité collective nous paraît intéressante, mais mérite, à notre sens, d’être contextualisée. Loubet et al. (2011, p. 690) ont introduit la notion de capabilités territoriales dans leurs travaux en les définissant comme des « capacités individuelles “ancrées” dans le territoire, issues de ce dernier, et qui ne peuvent être obtenues qu’à l’échelle du territoire ». Pour notre part, nous proposons que la capabilité puisse être vue comme territoriale en tant que forme spécifique de capabilité collective ancrée dans un contexte spatialisé. Il s’agit de tenir compte d’une échelle pertinente en termes de communauté de destin et de capacité à concevoir collectivement un projet commun. Mais il s’agit également de tenir compte du potentiel écologique du territoire, les capabilités étant liées à des ressources qu’il convient d’activer au sein du territoire. Avec la notion de capabilité individuelle ou collective, l’environnement est certes considéré comme faisant partie des ressources à activer, mais ni les aspects spatiaux qui jouent sur ces activations ni les interrelations multiples entre société et environnement ne sont pris en compte.

La capabilité territoriale est une capabilité collective située, articulée avec les ressources données et construites, mais également avec le positionnement local d’acteurs et de proximités. Ce qui la distingue vraiment est cette relation au métabolisme que nous souhaitons mettre en avant. La capabilité territoriale est renforcée par l’autonomie des acteurs, qui ont la possibilité d’orienter leur trajectoire personnelle et collective, mais également par la capacité des différents sous-systèmes à intégrer dans leur fonctionnement les externalités positives et à supprimer les externalités négatives. Ainsi, le bouclage de substances comme l’azote, parce qu’il réduit les phénomènes de pollution (Billen et al., 2013), est le gage d’une durabilité accrue. La carence en azote, en phosphate et en potassium met à mal la capabilité d’un territoire à se nourrir et le bouclage des flux est la meilleure garantie pour éviter des déséquilibres environnementaux importants.

Alors que le métabolisme montre comment les flux circulent entre les différentes activités d’un territoire, la capabilité fait intervenir l’intentionnalité dans la démarche, l’intelligence derrière l’action. L’articulation entre ces deux notions permet donc de relier le comment (les flux circulent d’une certaine manière) et le pourquoi (quelles finalités établies par les acteurs sont à l’origine de la circulation de ces flux). La capabilité d’un territoire se mesure de deux manières :

  • soit le territoire anticipe correctement les problèmes à venir et prévient l’apparition de chocs qui viendraient perturber l’équilibre de son métabolisme. Dans ce cas, il active son « intelligence » pour mettre en place une organisation innovante et mutualisée ;

  • soit le territoire fait preuve de résilience suite à un choc car il sait prendre les bonnes décisions. Ainsi, un territoire résilient est capable d’amortir les effets négatifs d’un choc et d’innover pour préserver et améliorer son mode de fonctionnement.

Les définitions de la notion d’intelligence territoriale (reprises par l’observatoire Éducation et territoires)1 dérivent de celle de l’intelligence économique (IE) qui consiste à s’organiser pour s’informer. L’intelligence territoriale (IT) suppose que le territoire est un système dans lequel les différents acteurs, organisés en réseau, sont force de proposition et d’action. En ce sens, l’IT nourrit la capabilité d’un territoire en permettant aux acteurs locaux d’être mieux informés et de faire des choix dans de bonnes conditions, de façon plus autonome.

La notion de résilience, empruntée à la psychologie, correspond, lorsqu’on l’applique au secteur de l’économie, à la capacité de se reconstruire après une crise ou un choc et de retrouver une trajectoire de croissance. Dans un article publié en 2014, Villar et David (2014) s’interrogent sur la pertinence de cette notion pour les territoires. Elle est intéressante en ce qu’elle considère non seulement les influences de l’environnement sur le territoire mais également l’efficacité des réactions de celui-ci par rapport au rétablissement d’un certain bien-être.

Ces deux ressorts de la capabilité, intelligence et résilience, peuvent être liés. La résilience intervient après un choc, l’intelligence s’impose dans la nécessité de sans cesse innover et d’évoluer pour rester attractif. L’activation de la capabilité permet au métabolisme de disposer d’un potentiel de choix d’actions accru, qui peut, lors d’un choc, faciliter l’adaptation au changement. À ce niveau, communauté de destin et soutenabilité environnementale sont des arguments forts pour activer la capabilité d’un territoire et adapter le fonctionnement de son métabolisme.

Métabolisme et capabilité

Amartya Sen met en parallèle deux concepts fondamentaux : les « modes de fonctionnement » et les « capabilités ». Les « modes de fonctionnement » correspondent à ce qu’un individu réalise avec les biens et les savoirs qu’il a à sa disposition : c’est l’ensemble des façons d’être ou d’agir. Les « capabilités » sont les différentes alternatives qui se présentent à un individu et qui lui sont accessibles pour fonctionner au mieux (Bertin, 2005). À partir de ce potentiel, l’individu détermine ses choix en fonction de sa capacité à décider et de ses préférences. Si ce raisonnement est transposé au niveau d’un territoire, l’ensemble des relations qui assurent le fonctionnement du territoire constitue son métabolisme. Un certain nombre de biens et de savoirs doivent être disponibles. Si un choc (crise économique, pollution, etc.) survient ou si la disponibilité des ressources vient à manquer, le territoire devra agir en fonction de son potentiel de capabilité : prendre la mesure des différents choix qui se présentent pour mieux fonctionner, décider d’une solution et mobiliser les acteurs compétents. Dans un contexte de ressources limitées ou fragilisées, la question de leur bonne gestion est primordiale. Cela fait écho à la notion « d’objectivité positionnelle » que Sen (1992) avance pour montrer qu’une objectivité peut varier selon l’environnement dans lequel elle s’exprime, sans perdre pour autant son caractère objectif. La capabilité territoriale serait cette objectivité positionnelle car elle consiste à prendre des décisions « situées », c’est-à-dire les plus adaptées au contexte et non des décisions qui, bien qu’idéales dans l’absolu, risqueraient d’être irréalisables, voire contreproductives.

Si la capabilité représente un potentiel mobilisable, toutes les capabilités ne sont pas mobilisées. Cela est vrai tant pour un individu qu’à l’échelle d’un territoire. Par ailleurs, il n’est pas certain que la façon dont fonctionne un territoire traduise une volonté collective. Si tel était le cas, il suffirait d’observer le métabolisme d’un territoire pour avoir une vision de ses capabilités. Ce serait une tautologie qui ne traduirait pas l’existence de potentiels non mobilisés. Ainsi les acteurs d’un territoire peuvent-ils être empêchés d’agir d’une certaine façon par des institutions nationales ou par de grandes entreprises qui suivent une logique différente à partir de centres de décision géographiquement éloignés.

Le lien entre le métabolisme observable d’une activité créatrice de richesse et les capabilités territoriales est néanmoins fort, ne serait-ce que parce qu’une grande partie des capabilités sont issues de l’action. Elles ne sont pas dans l’air, entités abstraites qu’il conviendrait de mobiliser ou pas. Une capabilité territoriale est une réalité observable en dynamique et pas seulement en statique. Elle se développe notamment par la construction de ressources, et le fait d’activer une ressource peut contribuer à la renforcer et à accroître son potentiel. En ce sens, la capabilité est à la fois la cause et la conséquence de la trajectoire socioécologique d’un territoire que peut décrire l’analyse du métabolisme sur plusieurs périodes. En s’enrichissant des actions, réactions et interactions avec l’extérieur, la capabilité contribue à motiver et à orienter la trajectoire de développement. Elle peut ainsi être assimilée à une trajectoire car elle génère et active les ressorts d’une dynamique locale. La dynamique portée par les acteurs pourra être mesurée en termes d’accroissement (ou de réduction) des capabilités territoriales et pourra se mesurer en termes de variations d’un certain nombre de critères objectifs (nombre de projets, création d’activités et d’emplois, revenus distribués ou dépensés, critères démographiques, etc.) et subjectifs (bien-être déclaré des habitants, beauté des paysages, etc.). Le concept d’« objectivité positionnelle » appliqué au niveau territorial correspond à tout ce qui constitue une réponse fidèle aux ambitions de développement dans le contexte spécifique d’un territoire (Nussbaum et Sen, 1989).

Les dynamiques en jeu

Une différence importante entre capabilité et métabolisme tient à ce que la première est à la fois un droit et un but (De Munck, 2006) : un droit au sens où un territoire peut revendiquer son autonomie de décision et un but au sens où son objectif est de prendre les décisions et les orientations qui sont les plus favorables à son développement. Il peut y avoir une volonté explicite d’accroître ces droits afin de se rapprocher du but. Le métabolisme est avant tout une représentation modélisée d’une situation en un lieu donné à un moment donné. Reste à savoir si l’évolution observable par l’analyse de plusieurs métabolismes successifs traduit une volonté explicite des acteurs territoriaux ou si elle résulte de l’influence de facteurs exogènes.

L’appropriation ou la réappropriation du processus de développement par les populations locales qualifie la capabilité et la renforce (Buclet et Donsimoni, 2018), elle constitue l’étape idéale qui fonde la pérennité de l’activité et l’identité du territoire. Malheureusement, elle n’a pas toujours lieu. Ainsi, il est possible d’observer le métabolisme de territoires dotés de faibles capabilités. Les activités d’un territoire peuvent être créatrices de richesses sans pour autant que l’on puisse considérer que ce territoire est maître de son destin. Si ces activités sont entièrement maîtrisées par des acteurs extérieurs au territoire qui se comportent de façon prédatrice, il n’est pas certain que le territoire développe des capabilités. Il suffit pour cela de penser aux multiples exemples d’exploitation de matières premières par de grandes entreprises des pays du Nord dans des régions du Sud. L’essentiel de leurs ressources est capté par ces autres territoires, qui accroissent leurs propres capabilités. Le territoire dont sont extraites ces matières brutes est entièrement dépendant de ce qu’en font ces autres territoires, qui peuvent très bien s’en détourner et modifier leurs sources d’approvisionnement. Dans ce cas, le territoire exportateur entrera en crise économique, outre les très vraisemblables dommages écologiques issus de l’exploitation prédatrice des ressources brutes, qui réduit d’autant la capabilité du territoire à développer des activités créatrices de richesses.

Néanmoins, nous pouvons supposer qu’un territoire qui procède à l’analyse de son métabolisme dispose d’objectifs qui lui sont propres et, surtout, de la capacité politique à orienter, au moins en partie, celui-ci. En ce sens, le métabolisme peut permettre de visualiser la trajectoire suivie, d’en analyser la pertinence par rapport aux résultats obtenus et d’évaluer les modalités mises en œuvre, la capacité à saisir les opportunités, voire d’anticiper sur celles à venir ; en un mot : la capabilité du territoire.

L’accroissement de la capabilité territoriale : du lait au Beaufort

Afin d’illustrer cette question de la complémentarité entre métabolisme et capabilité territoriale, nous nous pencherons sur la production laitière en France avant d’aborder le cas particulier du fromage de Beaufort.

Une faible capabilité des producteurs laitiers en élevage conventionnel

L’abandon des quotas laitiers, en avril 2015, a constitué un « choc » dans le secteur du lait français. Les réactions furent diverses. Des producteurs laitiers ont accru leur capacité productive. Cela ne passe pas obligatoirement par un nombre accru de vaches (même si cette solution est souvent privilégiée2), mais également par un accroissement de la productivité par vache. C’est ce que recommandent certains acteurs du conseil en élevage3 pour qui la rentabilité passe par la productivité au cœur d’un marché qui tend à se mondialiser (8 % de la production laitière mondiale avec une augmentation de 67 % des volumes échangés sur le marché international entre 2000 et 2016 [Perrot et al., 2018, p. 110]). En Europe, l’Irlande, les Pays-Bas et l’Allemagne « ont contribué à hauteur de 60 % à l’augmentation de la production laitière de toute l’UE durant l’année 2015 » (Dubois, 2017, p. 55). La production laitière française suit le mouvement puisqu’en 2015, 42 % de la production nationale a été exportée dont 12,1 % hors Union Européenne (Dubois, 2017, p. 55). Au net des importations, la France se caractérise par un important solde excédentaire, notamment lorsque le lait est exporté sous forme de fromage (31 % des volumes en équivalent lait et 43 % de la valeur engendrée). Ainsi, une autre réaction a consisté à s’appuyer sur une différenciation de la production, souvent déjà en place dans de nombreux contextes bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP), afin d’accroître la capacité à exporter. Ainsi, 9,6 % de la production laitière nationale de 2015 bénéficie d’une AOP (Perrot et al., 2018, p. 116). Une troisième réaction a porté sur la valorisation de la production laitière grâce à une différenciation non pas sur l’origine, mais sur la notoriété de la marque qui transforme du lait d’origine indifférenciée. 55 % du lait transformé l’est ainsi en France par des groupes privés dont certains de taille internationale. La valeur ajoutée semble davantage captée par ces derniers que par les producteurs de lait eux-mêmes. En 2015, un tiers des agriculteurs français ont touché moins de 350 euros de revenus par mois (Dubois, 2017, p. 46), phénomène qui a également concerné des producteurs laitiers. Ce résultat montre une faible résilience car, face à un marché relativement mondialisé, le prix du lait payé par les grandes entreprises de l’agroalimentaire couvre à peine les coûts de production. 2016 et 2017 se sont caractérisés par des conflits, notamment entre producteurs laitiers et entreprises de collecte comme Lactalis ou Sodiaal. Si, suite à ces conflits, Lactalis s’est notamment engagé à payer 360 euros la tonne de lait en septembre 20174, prix effectivement atteint début 20185, on reste à des niveaux de rémunération particulièrement faibles pour les éleveurs6.

Dans ce panorama peu réjouissant pour les producteurs laitiers, il apparaît clairement que la capabilité de ces derniers est particulièrement faible en raison de leur échec dans la négociation d’un prix de vente leur permettant de vivre dignement. Malgré de fortes mobilisations sociales, comme à l’été 2017, les acquis obtenus demeurent fragiles. Cet état de fait se retrouve dans des travaux sur le métabolisme des élevages. Ainsi Petros Chatzimpiros (2011) montre que, dans le cas des vaches laitières du Grand Ouest en France (Bretagne, Pays de la Loire, Normandie), 21 % de la nourriture (sous forme de soja) provient d’Amérique du Sud (Brésil et, dans une moindre mesure, Argentine) et 15 % environ (tourteaux de colza) d’autres régions françaises, ce qui crée un état de dépendance non négligeable de la part des territoires producteurs de lait. Des prix injustes et une dépendance vis-à-vis de l’étranger bloquent la résilience nécessaire à la capabilité.

Quelles stratégies pour accroître la capabilité ?

Face à cet état de dépendance, deux types de réponses, parfois combinées, peuvent être apportés. Le premier consiste à produire du lait biologique et, ce faisant, à échapper à un rapport de force excessivement déséquilibré. Si la productivité en agriculture biologique est moindre de 20 à 25 %, le prix de vente est également de 18 % plus élevé, ce qui implique un chiffre d’affaires par vache inférieur de 10 % à celui d’une vache conventionnelle (Dedieu et al., 2017, p. 39). Pourtant, les éleveurs en bio s’en sortent mieux que les éleveurs en conventionnel, notamment du fait d’un bouclage des flux plus important. La surface mobilisée en bio est plus importante, mais permet d’acheter beaucoup moins d’aliments concentrés (Dedieu et al., 2017, p. 40). Cette stratégie s’avère payante car elle est à la fois plus rentable et moins fragile du fait d’une réduction des dépendances vis-à-vis d’acteurs lointains dotés de stratégies globales et donc peu attentifs aux conséquences de leurs actions sur des acteurs locaux.

Cette différenciation peut également s’appuyer sur des appellations d’origine protégée (AOP) ou d’origine contrôlée (AOC). Cette forme de capitalisation de la notoriété d’un produit attachée à une délimitation géographique, longtemps cantonnée au domaine viticole, s’est étendue à de nombreux domaines, notamment aux fromages, sous couvert d’acceptation d’un cahier des charges de l’Institut national des appellations d’origine (INAO). Les deux stratégies (produire bio et produire dans le cadre d’une AOC) peuvent être combinées même si, in fine, ce n’est pas si souvent le cas. L’AOC Beaufort, inspirée du savoir-faire développé dans le Jura, est un cas intéressant à analyser afin de combiner approche par les capabilités et métabolisme territorial.

Production et renforcement des capabilités territoriales : le cas du Beaufort à Aussois en Maurienne

L’AOC Beaufort concerne plusieurs vallées alpines de Savoie, dont celle de la Maurienne (Fig. 2). Dans cette vallée, près de 90 % de la production laitière est transformée en fromage de Beaufort7. Cette production, gérée à 90 % par les producteurs, constitue un sous-secteur structurant de la vallée non seulement dans le domaine agricole, mais également environnemental, social et culturel.

C’est dans la partie haute de cette vallée (entourée en noir sur la figure 3), à Aussois, qu’ont été menés des travaux spécifiques en écologie territoriale (Buclet et al., 2015, p. 117).

La figure 4 en présente une synthèse à partir des données de 2012.

Si l’on observe le fromage de Beaufort à l’aune des catégories explicitées figure 1, celui-ci est indubitablement une production matérielle (lait de vache transformé en fromage). Les vaches se nourrissent de l’herbe produite à la hauteur du village mais aussi dans les alpages pendant la période estivale. Disposer de ces ressources n’est cependant pas suffisant, c’est là que la capabilité du territoire entre en jeu pour réussir à transformer une simple production de fromage en richesse et identité locales. Plusieurs étapes jalonnent la trajectoire de ce territoire et de sa population dans le renforcement de sa capabilité :

  1. La découverte en Suisse de la technique de la pâte pressée cuite à la fin du Moyen Âge (Mélo, 2015) a amélioré la conservation et permis d’étendre spatialement le marché d’exportation, notamment vers les centres urbains. L’économie montagnarde sort d’une relative autarcie grâce à cette innovation technique qui s’étend à d’autres régions alpines et favorise la production de richesses permettant à une plus grande population de vivre sur place. La production de fromage à pâte cuite pressée va contribuer au quasi-triplement de la population de l’espace alpin entre 1500 et 1900 (passant de 3 millions à 8 millions) (Mathieu, 2000).

  2. La reconnaissance du Beaufort en AOC résulte de la prise en main par les jeunes de la valorisation de leur production de lait et de leur savoir-faire spécifique. Les besoins en fourrages sont importants et impliquent un accroissement des surfaces d’alpage mobilisées. Le paysage de montagne s’en trouve modifié, la forêt recule au profit d’espaces ouverts. Émergent alors des paysages qui deviendront, à compter du XIXe siècle, recherchés par des populations urbaines en quête d’exotisme. La fabrication de fromage à pâte pressée cuite contribue ainsi à la production d’un paysage successivement patrimonialisé et valorisé avec l’avènement des pratiques récréatives de montagne. On voit donc que la technique développée dans le secteur fromager, associée à d’autres évolutions favorables à l’économie de montagne, a in fine contribué à créer les conditions favorables à l’émergence du tourisme de montagne. L’accroissement de la capabilité territoriale coïncide avec l’émergence d’un nouvel équilibre entre les sociétés alpines et leur environnement et la multiplication d’activités économiques issues de cet environnement.

  3. Toutefois, le système territorial mauriennais est plus complexe qu’une simple interaction a priori positive entre élevage et tourisme. La trajectoire historique de la Maurienne est loin d’être univoque. Au-delà du rattachement de la Savoie à la France, en 1861, la vallée de la Maurienne a connu d’autres évolutions notables au XIXe siècle. La plus marquante est certainement l’arrivée de l’hydroélectricité et le déploiement d’une industrie énergivore dans la vallée. La population migre dans le même sens, vers la vallée, mouvement accru après la Première Guerre mondiale avec l’industrialisation de l’agriculture. Les gains de productivité spectaculaires obtenus par l’industrie agroalimentaire fragilisent la montagne et provoquent un exode rural (Talandier, 2016). Le nombre d’agriculteurs et les surfaces pâturées se réduisent. La forêt reprend possession des espaces ainsi libérés. Le paysage se referme avec la réduction de l’emprise du fromage à pâte cuite pressée sur le territoire, tandis que l’agriculture des hautes vallées savoyardes connaît d’importantes difficultés dans les années 1960 du fait du renchérissement de la main-d’œuvre travaillant dans les alpages et de l’intensification de l’industrialisation du secteur laitier. La production de Beaufort, dans les années 1960, se limitait à 500 tonnes par an (Faure, 1999, p. 82)8 dans un contexte peu favorable. En 1962, pourtant, agriculteurs et chercheurs relancent un modèle alternatif de coopérative à gestion directe et créent l’Union des producteurs de Beaufort. L’obtention de l’AOC en 1968 va redonner du souffle à la région et valoriser une ressource patrimoniale. Un imaginaire lié à la région (les cloches autour du cou des vaches, l’air pur des alpages, etc.) est associé au fromage et contribue à la création d’une richesse supplémentaire qui se traduit par un prix d’achat du lait qui peut être deux fois plus élevé que sur le marché standard.

L’authenticité associée à la qualité justifie un prix élevé pour le fromage de Beaufort. Il faut ajouter au panorama la présence du parc national de la Vanoise qui, bien qu’imposant des contraintes dont les agriculteurs peuvent se plaindre, est susceptible d’avoir un impact positif sur l’image du Beaufort, car c’est un gage d’environnement préservé.

thumbnail Fig. 2

La zone d’appellation d’origine contrôlée du fromage de Beaufort (source : Syndicat de défense du fromage Beaufort, 2017).

thumbnail Fig. 3

Les exploitations laitières de la région Rhône-Alpes (source : Chambre d’agriculture 69, Institut de l’élevage, 2020 ; réalisation : Isabelle Guigue).

thumbnail Fig. 4

L’agriculture à Aussois en 2012 (source : d’après Buclet et al., 2015, p. 121).

Vers un équilibre socioécologique

En termes de pratiques, la charte AOC impose qu’au moins 75 % du fourrage soit produit localement et que la production moyenne d’un troupeau (composé exclusivement de vaches de races tarine et abondance) ne dépasse pas 5 000 kg de lait par vache en lactation et par an. Les flux qui en découlent s’éloignent donc considérablement des flux observables dans un mode de production extensif, où le parcours des aliments est bien différent (Le Noé et al., 2016) ; ils sont importés d’Amérique du Nord ou du Sud dans des quantités doubles par rapport aux flux observables à l’échelle interrégionale. Dans le cas du Beaufort, l’essentiel du fourrage est produit localement (même s’il faut irriguer dans les villages orientés au sud comme Aussois), la grande partie des aliments importés en Maurienne provient de l’Isère et de la plaine de la Crau (Bouches-du-Rhône).

L’eau est un flux non négligeable et la structuration des flux du sous-système agroalimentaire est influencée positivement par le sous-système eau-énergie (barrage hydroélectrique). En écologie territoriale, la partie environnementale ne doit pas être oubliée, avec la prise en compte des retombées environnementales de la production de Beaufort. L’élevage, même extensif, peut se traduire par une pollution des sols et avoir des conséquences négatives sur la qualité de l’eau en aval. Les fèces animales sont réemployées pour fertiliser les alpages, mais elles ne suffisent pas toujours et l’usage de fertilisants chimiques est donc nécessaire. Les risques de pollution existent et il conviendrait de les chiffrer en analysant les pratiques des éleveurs sur place. De même, il conviendrait de chiffrer la contribution de l’activité en termes de gaz à effet de serre. Dans le même ordre d’idée, la prise en compte de l’ensemble des ressources à l’origine des flux identifiés nécessite une réflexion sur ce qu’apportent les écosystèmes naturels, par exemple l’apport écosystémique des différents types d’usage des sols (Vannier et al., 2015) et ce qu’implique le fait d’avoir des sols en pâturages plutôt que boisés. Même si, pour l’heure, rien encore n’a été fait dans ce domaine en Maurienne afin de mesurer quantitativement l’impact de ces services sur les activités créatrices de richesse, ce type de mesure est fondamental si l’on souhaite relier de façon pertinente activités humaines et équilibres écologiques. En effet, la capabilité territoriale est en étroite corrélation avec la viabilité environnementale. Le potentiel de préservation, voire de renforcement de la contribution de la nature aux individus (Díaz et al., 2018), est source d’accroissement des ressources disponibles. Cette contribution dépend de la coproduction de services écosystémiques entre sociétés humaines et nature, fondée sur des savoirs et des pratiques (Díaz et al., 2018). Ainsi, des interrogations quant aux retombées à long terme d’une production excessive de Beaufort peuvent être légitimes, notamment en raison d’une importante consommation d’eau aux fins d’accroître les quantités produites de fourrage. Si la pluviométrie en Maurienne est plutôt importante actuellement et relativement bien répartie tout au long de l’année, les prévisions liées au changement climatique sont moins optimistes9. Les précipitations sous forme de neige (et donc de stocks d’eau) auront tendance à se réduire, selon Météo France10, tandis que les températures plus élevées l’été accroîtront l’évaporation.

Si, d’un point de vue économique, cette production revêt une importance non négligeable pour les territoires concernés, le Beaufort n’est pas que cela. Il constitue une forme de gestion collective de ressources territoriales, tant à l’échelle des coopératives (trois en Maurienne) qu’au niveau du Syndicat de défense du Beaufort, qui sont l’expression de solidarités entre acteurs au sein d’une filière dont il est important de préserver la spécificité. Si la production de Beaufort venait à ne plus être contrôlée par des acteurs locaux et succombait aux sollicitations des industriels de l’agroalimentaire (comme pour le Reblochon en Haute-Savoie, de plus en plus sous contrôle des acteurs de taille nationale comme Sodiaal ou Lactalis), cela fragiliserait la capacité à maintenir ces formes de solidarité et fissurerait les fondements de la capabilité territoriale. Ainsi, la décision de passer ou pas à une production biologique dépendrait moins de décisions locales que de stratégies commerciales édictées hors du territoire concerné, et non plus pour des raisons économiques qu’environnementales.

Conclusion

Appliquée au territoire, la notion de métabolisme correspond à l’ensemble des processus complexes et continus qui permettent au système territorial de transformer des ressources et des facteurs de production pour fournir à ses occupants leurs conditions matérielles de vie. La notion de capabilité est complémentaire de cette notion de métabolisme, dans cet objectif qui consiste à relier les questions des ressources avec ce que veulent en faire les individus tant à un niveau individuel que collectif. Au-delà des transformations de matière et d’énergie par des sociétés humaines, il importe également de s’intéresser au bien-être des populations concernées par ces transformations. Accroître les capabilités d’un territoire, ce n’est pas seulement augmenter les ressources disponibles, mais c’est aussi et surtout la possibilité que les individus poursuivent les objectifs qu’ils se sont fixés. Plusieurs éléments conditionnent cette possibilité. Elle dépend tout d’abord du potentiel matériel qui entoure l’individu et qui en constitue l’environnement, mais elle est également liée aux institutions qui font le territoire et qui permettent aux individus d’agir de manière autonome. Elle est conditionnée enfin par la soutenabilité environnementale des modes de production de richesse qui rend possible le renforcement de la capabilité dans le temps.

Dans l’exemple de la production de Beaufort, un mécanisme de décision et d’ajustement a permis d’atteindre un certain équilibre socioécologique. Autour d’un produit matériel, un savoir-faire est mobilisé qui concerne une grande partie de la population locale (1 000 hommes et femmes). Reconnue par un AOP, la qualité du Beaufort nécessite des conditions naturelles spécifiques et fragiles que la capabilité territoriale a su faire évoluer et protéger. L’image qui accompagne cette activité a contribué à attirer des populations nouvelles (notamment des touristes) et à consolider un système économique plus vaste.

Cette articulation entre analyse du métabolisme et analyse des formes de capabilité, qui caractérise l’écologie territoriale, nous semble répondre à des enjeux économiques primordiaux : le bien-être et le meilleur usage des ressources disponibles et des institutions qui favorisent une coordination efficace entre acteurs, auxquels s’ajoute un enjeu propre à la nouvelle géographie économique : la territorialisation. Le chantier ouvert par ce rapprochement entre métabolisme et capabilité est encore loin d’être achevé. Des travaux sont menés, notamment en vue de mieux prendre en compte les services écosystémiques au sein du métabolisme territorial de Maurienne, afin d’accroître la pertinence de la notion centrale de capabilité territoriale11. L’enjeu est ensuite de travailler à la reproductibilité de la démarche sur d’autres territoires, y compris dans des contextes non montagnards.

Remerciements

Ce travail a bénéficié d’un financement octroyé par le projet CDP (Cross Disciplinary Program) Trajectories de l’IDEX de l’Université Grenoble-Alpes.

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2

« L’heure est sans doute à une course à la concentration productive et aux étables géantes : si 16 % de la production laitière française est le fait d’étables de plus de 100 bêtes, cette proportion pourrait atteindre 32 % à l’horizon 2020 » (Dubois, 2017, p. 54).

3

Ainsi, l’on peut lire les arguments suivants : « Augmenter la production laitière par vache constitue un axe prioritaire pour améliorer la rentabilité de nombreux élevages. Les ressources fourragères disponibles et le nombre limité de places dans les bâtiments imposent des effectifs maximums de vaches. L’augmentation de la production laitière de l’élevage passe donc par une augmentation de la productivité par vache ». Voir www.feedia-techna.com/fr/productivite/ruminant/production-laitiere-rentabilite-elevage-laitier.

6

Ainsi, selon une étude allemande (dans un pays pourtant considéré comme à la pointe de la modernité dans le secteur), en 2017, le prix moyen payé au producteur n’a couvert que 76 % des charges fixes ! Voir www.web-agri.fr/actualite-agricole/economie-social/article/en-2017-24-des-couts-de-production-n-ont-pas-ete-couverts-par-les-prix-payes-1142-135768.html.

8

En 2016, ce chiffre était de 5 345 tonnes.

11

C’est le thème de la thèse interdisciplinaire (sciences du territoire, écologie) en cours de Julia Grosinger à l’Université Grenoble-Alpes.

Citation de l’article : Buclet N., Donsimoni M. Métabolisme territorial et capabilités : une articulation entre enjeux économiques et écologiques. Nat. Sci. Soc. 28, 2, 118-130.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Dynamique territoriale (réalisation : M. Donsimoni et N. Buclet).

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

La zone d’appellation d’origine contrôlée du fromage de Beaufort (source : Syndicat de défense du fromage Beaufort, 2017).

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Les exploitations laitières de la région Rhône-Alpes (source : Chambre d’agriculture 69, Institut de l’élevage, 2020 ; réalisation : Isabelle Guigue).

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

L’agriculture à Aussois en 2012 (source : d’après Buclet et al., 2015, p. 121).

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