Open Access
Issue
Nat. Sci. Soc.
Volume 26, Number 2, April-June 2018
Dossier « La fabrique de la compensation écologique : controverses et pratiques »
Page(s) 193 - 202
DOI https://doi.org/10.1051/nss/2018033
Published online 06 August 2018

© NSS-Dialogues, EDP Sciences 2018

Le procès constitue bien souvent l’ultime recours des opposants à un projet d’aménagement, d’installation, d’ouvrage ou de travaux. Ces personnes ont pu le plus souvent présenter leurs revendications au préalable au stade de l’enquête publique, voire dès la phase de débat public dans certains cas. Si elles échouent à faire suffisamment évoluer le projet vers une meilleure prise en compte de l’environnement, elles peuvent se tourner vers le juge pour lui demander d’annuler le projet1. Parce que le contentieux se situe en amont de la réalisation du projet2, tout l’enjeu de ses opposants est de faire en sorte qu’il ne soit pas autorisé ou du moins pas en l’état. Concrètement, le juge administratif devra arbitrer entre la position de l’autorité administrative qui a autorisé le projet après une instruction du dossier de plusieurs mois, voire de plusieurs années, et la position des requérants qui mettront en avant le caractère excessif des impacts environnementaux que produirait une telle activité.

C’est au vu de cet arbitrage que l’étude du contentieux relatif à la compensation écologique prend tout son sens, dans la mesure où la compensation écologique est aujourd’hui de plus en plus utilisée par les requérants pour démontrer l’existence d’atteintes disproportionnées à la biodiversité. Symbolisant la conciliation entre intérêts économiques et environnementaux, la compensation écologique cristallise en effet l’attention des acteurs, car elle revêt l’apparence d’un critère incontournable pour l’obtention de l’autorisation administrative. Sur le plan juridique, bien que la compensation écologique ait été introduite dans notre droit par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, le régime juridique relatif à cette notion est resté longtemps à la fois lacunaire, dispersé puisque la compensation se retrouve dans de nombreuses réglementations (évaluations environnementales, autorisations de défrichement, dérogations relatives aux espèces protégées, Natura 2000, trame verte et bleue, etc.) et hétérogène dans la mesure où chaque dispositif précise des modalités d’application différentes (Lucas, 2015). Sur le plan législatif, il a fallu attendre 2016, soit quarante ans, pour avoir une première définition juridique globale de la compensation écologique3 (Martin, 2016 ; Van Lang, 2016a ; Dupont et Lucas, 2017). Il s’agit aujourd’hui des mesures rendues obligatoires et prises pour compenser, dans le respect de leur équivalence écologique, les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d’un projet ou l’exécution d’un plan. Visant un objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité, elles doivent être effectives pendant toute la durée des atteintes et réalisées en priorité sur le site endommagé ou à défaut à proximité. L’accent mis sur ce dispositif ne doit pas oblitérer le caractère subsidiaire de la compensation par rapport aux mesures d’évitement et de réduction (Doussan, 2014). Les mesures compensatoires constituent l’ultime étape de la séquence « éviter, réduire, compenser » (plus connue sous l’acronyme ERC) et visent ainsi les atteintes résiduelles à la biodiversité n’ayant pu être ni évitées, ni réduites (Van Lang, 2016b).

Le contentieux sur cette période de quarante ans reflète la confrontation des intérêts en présence et les difficultés de définition et d’application des mesures compensatoires. D’un côté, les requérants attendent des garanties sur l’adéquation des mesures aux dommages causés par le projet ainsi que sur leur durée. De l’autre, les services de l’État fondent l’autorisation délivrée sur les résultats de l’étude d’impact et sur le droit applicable, dont la rédaction en des termes généraux leur laisse souvent un large pouvoir d’appréciation. L’étude du contentieux révèle plus largement une question de société sur la place de l’environnement et plus particulièrement sur celle de la diversité biologique dans les projets d’aménagement. Les questions techniques et éthiques qui existent derrière le mécanisme de compensation transparaissent inévitablement dans les litiges présentés au juge : l’Homme peut-il recréer des écosystèmes ? Comment cette obligation doit-elle se traduire dans la décision administrative finale ? Jusqu’où les pouvoirs publics peuvent-ils contraindre le maître d’ouvrage ?

L’objet de cette contribution est de présenter un éclairage sur le contentieux relatif à la compensation écologique4, à savoir sur les litiges qui ont été soumis sur cette question successivement devant les tribunaux administratifs (TA), puis, le cas échéant, devant les cours d’appel administratives (CAA) et enfin, le Conseil d’État (CE)5. Cette réflexion s’articule autour de deux fonctions complémentaires du contentieux. En effet, « le juge administratif exerce simultanément une double mission : celle immédiate, de donner leur solution aux différents litiges qu’on lui soumet : et celle occasionnelle de participer à la création des règles du droit positif » (Gaudemet, 1972). La problématique qui s’ensuit est donc double : d’une part, la compensation écologique est-elle un élément décisif dans l’appréciation par le juge des impacts causés à la nature ? D’autre part, à travers les décisions rendues, le juge a-t-il permis de clarifier la définition et les conditions d’application de la compensation écologique ? L’étude du contentieux depuis les années 1980 à nos jours nous enseigne que non seulement la compensation écologique ne constitue pas nécessairement un critère déterminant pour l’annulation d’un projet, mais encore que le juge s’est longtemps placé en retrait sur cette question. Il n’a donc pas clarifié le droit relatif à la compensation, bien qu’un mouvement émergent le pousse à approfondir son contrôle sur la faisabilité des mesures.

La compensation écologique : un critère faiblement déterminant de l’annulation d’un projet par le juge

Les opposants à la compensation écologique dénoncent régulièrement le fait qu’elle légitime les impacts causés à la biodiversité, en d’autres termes qu’elle conduise à reconnaître un droit à détruire l’environnement. Si le raisonnement du juge administratif dans le contentieux des projets d’utilité publique peut en partie leur donner raison en ce que le juge détourne les mesures compensatoires de leur finalité pour confirmer l’utilité publique du projet, pour les projets de taille plus modeste, l’analyse circonstanciée du juge conduit à des décisions variables.

La variabilité des décisions du juge pour les projets modestes

En vue d’obtenir l’annulation de l’autorisation d’un projet, les requérants doivent convaincre le juge que les insuffisances des mesures compensatoires présentées sont substantielles et ont conduit à une appréciation erronée (parce que sous-estimée) des effets environnementaux du projet. Selon les cas, les requérants tentent de démontrer l’insuffisance des mesures compensatoires décrites dans l’étude d’impact et/ou celle des compensations figurant directement dans la décision administrative attaquée. Depuis la parution du décret du 30 décembre 20116, l’autorité compétente doit en effet lister dans sa décision d’autorisation les mesures destinées à éviter, réduire et compenser les impacts du projet. Les arguments avancés varient selon les deux cas de figure suivants.

Concernant tout d’abord les mesures compensatoires dans l’étude d’impact, le juge administratif vérifie successivement leur présence7, leur caractère proportionné8, ainsi que leur capacité à informer les parties prenantes (Lucas, 2015). C’est sur ce dernier point que porte le plus souvent le contentieux. La constatation de l’insuffisance des mesures compensatoires présentées dans l’étude d’impact ne suffit pas à elle seule à vicier l’étude d’impact et par voie de conséquence à faire annuler la décision administrative qui se fonde sur ce document. Le juge administratif vérifie si les irrégularités ou les omissions de l’étude d’impact sont de nature à nuire à l’information du public9 ou « si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative en la conduisant à sous-estimer l’importance des conséquences du projet sur l’environnement et sur la commodité du voisinage10 ». Le plus souvent, l’irrégularité de l’étude d’impact résulte de plusieurs omissions : non seulement, l’insuffisance porte sur les mesures compensatoires ou les mesures de réduction, mais l’étude d’impact ne fait pas non plus état des raisons ayant justifié le projet11, de la description de l’état initial du site12 ou élude en partie les effets du projet sur le site13.

Concernant ensuite les mesures compensatoires effectivement reprises par l’autorisation, les requérants devront bien souvent prouver que l’autorité administrative a commis une erreur manifeste d’appréciation en prescrivant des compensations insuffisantes. Le juge se livre alors à une analyse au cas par cas dont il est difficile de présumer l’issue a priori. D’un côté, la mention de mesures compensatoires ne présage pas toujours de la légalité de l’autorisation demandée. L’insuffisance des mesures compensatoires a ainsi déjà conduit à l’annulation de décisions administratives au titre de différentes législations14 : Natura 200015, eau16 ou carrière17. De l’autre côté, il arrive régulièrement que le juge s’appuie sur l’existence de mesures compensatoires  voire sur les mesures de réduction  pour confirmer une autorisation délivrée18 ou pour annuler le refus d’autorisation19. Dans les deux cas, l’analyse menée par le juge est contextualisée. La description de la compensation écologique est notamment mise en perspective avec la qualité écologique du site concerné : site remarquable, présence d’une zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), incompatibilité avec un schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ou faible diversité biologique, etc.20.

L’insuffisance des mesures compensatoires constitue rarement le seul motif menant à l’annulation du projet contesté. Dès lors, les requérants qui souhaitent faire annuler un projet ont tout intérêt à multiplier leurs moyens ainsi qu’à invoquer l’insuffisance des mesures compensatoires prévues dans l’étude d’impact et dans la décision administrative elle-même.

À la différence du contentieux relatif aux projets de taille modeste, les mesures compensatoires occupent une place centrale pour les projets de plus grande envergure, à savoir ceux d’importance régionale ou nationale (infrastructures de transport principalement) nécessitant l’obtention d’une déclaration d’utilité publique (DUP). L’étude de ce contentieux révèle inévitablement un détournement de la quintessence des mesures compensatoires par le juge au détriment de la protection de l’environnement.

Une constante : l’usage détourné des mesures compensatoires pour les projets d’envergure

Le triptyque ERC vise à minimiser les atteintes causées à la biodiversité en vertu de mesures préventives (les mesures d’évitement et de réduction qui empêchent, puis limitent la survenance de dommages) et de mesures curatives (les compensations chargées de réparer les impacts résiduels). La mise en œuvre des mesures compensatoires engendre toutefois un effet pervers. En remédiant aux dommages causés, même partiellement, elles « servent à valider le projet sans jamais le contrarier » (Billet, 2006). Cette situation est particulièrement observable dans le contentieux relatif aux déclarations d’utilité publique21.

Dans ce domaine, le juge évalue la légalité de la décision au regard des intérêts et des inconvénients du projet vis-à-vis de l’importance de l’atteinte à la propriété privée, du coût financier de l’opération, de son coût social, des conséquences sur l’environnement humain et naturel ou de la situation de l’économie locale22. De façon quasi-systématique, à l’issue de ce bilan coût / avantage, le juge conclut à la légalité de la DUP23. Sauf exception, l’existence d’impacts environnementaux ne remet pas en cause les avantages sociaux et économiques du projet. Pour ce faire, le juge se fonde très régulièrement sur la présence ou l’importance des mesures visant à limiter ou compenser les dommages environnementaux ou écologiques afin de retenir le caractère d’utilité publique de l’opération envisagée24. La présentation par l’étude d’impact de mesures compensatoires semble présumer, pour le juge administratif, du caractère modéré des atteintes écologiques, ce qui rend les DUP insusceptibles d’être annulées en raison de leurs impacts environnementaux (Naim-Gesbert, 2008).

Ce faisant, le juge tient pour acquis les résultats futurs des mesures compensatoires. Son appréciation repose sur un calcul (un « plus » compense un « moins ») à bien des égards simplificateur (Untermaier, 1986) au regard de la complexité du vivant. Cette logique ne tient pas compte des nombreuses incertitudes relatives à la mise en œuvre des mesures compensatoires. Actuellement, en effet, nul ne peut prédire leur résultat ne serait-ce qu’à court ou moyen terme (Levrel et al., 2015). La seule certitude est de savoir qu’elles ne permettent jamais de rétablir à l’identique le milieu détruit ou détérioré. Au demeurant, il convient de souligner que les mesures compensatoires elles-mêmes peuvent engendrer des impacts sur le site où elles seront réalisées25. Aussi, l’impact du projet après l’application des mesures compensatoires est-il loin d’être neutre (Billet, 2017).

Au vu de ce qui précède, le contentieux des grands projets montre un détournement de la notion de mesures compensatoires. Ces dernières, qui devraient en principe illustrer les inconvénients écologiques de l’opération, figurent aux yeux du juge administratif parmi les bénéfices du projet. Leur ampleur, loin d’être utilisée comme un indice du caractère excessif des impacts du projet, constitue une parade du juge pour démontrer paradoxalement que lesdits impacts sont raisonnables (Lucas, 2015). L’utilisation par le juge des mesures de réduction26 et des compensations27 pour entériner le projet est d’autant plus critiquable qu’il n’exerce bien souvent aucun contrôle sur l’adéquation desdites mesures avec les impacts du projet. Il se contente le plus souvent d’y faire allusion.

Pourtant, en acceptant de déduire de l’ampleur des mesures compensatoires l’ampleur des impacts résiduels du projet ou en considérant que l’incertitude quant au résultat de ces mesures appelle à ne pas présumer de leur succès, le juge contribuerait à ajuster le poids environnemental de la DUP, quitte à l’alourdir. De là à faire pencher la balance… En tous les cas, il lui faudrait recourir à des arguments plus solides pour justifier de l’absence d’atteintes excessives à l’environnement par la DUP.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la place réservée à la compensation écologique dans le contentieux de l’annulation n’est pas prépondérante. Le juge administratif fonde son raisonnement plus largement sur un faisceau d’indices dont les mesures compensatoires ne sont qu’une partie. Cette place modérée s’explique peut-être par une mauvaise connaissance de ce dispositif par le juge, qui n’a pas forcément contribué à une clarification de la notion.

Le manque de clarification de la compensation écologique par la jurisprudence

Depuis 1977, année du décret d’application relatif à l’étude d’impact, le juge a eu à se prononcer sur les mesures compensatoires. Sa jurisprudence s’est étoffée au fur et à mesure que de nouvelles législations en prévoyaient l’existence suivant des modalités différentes (ratio, finalité des mesures, localisation, etc.). Toutefois, faute d’une définition législative ou réglementaire des termes, le juge a longtemps confondu les mesures compensatoires avec d’autres mesures de réduction ou d’évitement qui, elles, ne réparent pas le dommage causé. Dans le silence des textes, et lorsque leur application est problématique, le juge peut être amené à dégager des principes généraux du droit ou plus modestement des critères afin de faciliter la mise en œuvre de ce dernier. C’est au regard de cette faculté du juge à compléter la loi que l’on parle de pouvoir normatif du juge. En matière de compensation, en dépit des difficultés des acteurs à interpréter les textes, la jurisprudence n’a toutefois pas conduit à une harmonisation entre les différents régimes juridiques.

Les confusions sémantiques du juge longtemps préjudiciables au respect de la hiérarchie ERC

Il a fallu attendre 2016, soit quarante ans après la création des mesures compensatoires, pour en avoir une définition (article L. 163-1 du code de l’environnement). Les mesures d’évitement et de réduction, quant à elles, n’ont donné lieu à aucune précision législative à ce jour en dépit de leur importance28. Que dire alors des expressions couramment employées comme les mesures de remédiation, mesures d’accompagnement, mesures limitatives ou correctrices, dont certaines ne s’inscrivent dans aucun cadre réglementaire ou législatif obligatoire ? Face à ce vocabulaire diversifié, le juge administratif a pu assimiler des mesures de suppression ou de réduction à des mesures de compensation (Lucas, 2015)29. Or, cet amalgame a deux conséquences préjudiciables.

La première est que la qualification à tort de mesures de réduction en mesures compensatoires revient à valider un projet pour lequel il n’existe pas de mesures prises pour réparer le dommage environnemental causé et dont les impacts environnementaux n’auront pas été minimisés autant que possible. Concrètement, cette confusion revient à nier l’application progressive de la séquence hiérarchique ERC, dans la mesure où le dernier volet est éludé. La définition des mesures compensatoires par la loi dite de reconquête de la biodiversité devrait permettre au juge de mieux les identifier. Il est ainsi à espérer que le juge, poussé par les requérants, devienne le garant de la hiérarchie ERC, à l’exemple d’une récente décision de la cour d’appel administrative de Lyon. Cette dernière a en effet annulé une autorisation de défrichement dans la mesure où le pétitionnaire n’avait pas « comme il lui incombait de le faire, cherché à éviter la destruction de la zone humide ou à réduire l’impact du projet sur celle-ci avant de proposer des mesures destinées à compenser sa disparition30 ». En pratique, ce contrôle de l’effort du maître d’ouvrage à suivre la hiérarchie du triptyque ERC peut être délicat à mener a posteriori, notamment car les mesures d’évitement en particulier sont peu valorisées dans les études d’impact.

La seconde conséquence préjudiciable concerne le contentieux relatif à l’évaluation des incidences, dans lequel l’amalgame du juge entre réduction et compensation peut aboutir à une violation de la directive dite « Habitat 31 ». À la différence d’une évaluation environnementale classique, l’atteinte à l’intégrité du site classé Natura 2000 est examinée au regard des seuls effets des mesures d’évitement et de réduction. Si l’évaluation des incidences conclut à un impact significatif, le projet doit être refusé. Par exception, une dérogation pourra être accordée sous réserve entre autres que le projet comporte des mesures compensatoires32. En théorie, la démarche diffère donc de l’analyse classique : les mesures compensatoires ne permettent pas de minimiser les impacts du projet pour apprécier le caractère significatif ou non de l’atteinte portée à l’état de conservation du site Natura 2000. En pratique, pourtant, il arrive que l’étude d’incidence contienne des mesures compensatoires33. Ambigüe, leur mention contribue à fausser les conclusions de l’étude en ce qu’elles minimisent de facto les impacts du projet et évite au maître d’ouvrage d’avoir à recourir à une procédure d’autorisation dérogatoire plus complexe. Pour autant, leur réussite, ici comme ailleurs, n’est pas acquise et rien ne permet d’assurer que le projet n’aura pas d’impact significatif sur les espèces ou les habitats protégés visés. Saisie d’une question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a d’ailleurs sanctionné la présence de mesures compensatoires au stade de l’étude d’incidence et requalifie de compensatoires des mesures qui « envisagent le développement futur d’une nouvelle aire de taille identique ou supérieure de ce type d’habitat dans une autre partie de ce site34 ».

Néanmoins, de manière générale, le juge administratif maîtrise aujourd’hui davantage la sémantique, même si des ambiguïtés de langage persistent35. Il faut espérer que les précisions apportées par la loi du 8 août 2016 permettront de gommer ces approximations sémantiques tout comme elles ont pallié l’absence de critères généraux relatifs à l’ensemble des dispositifs de compensation écologique, absence que le juge n’avait pas comblée jusqu’alors.

Le silence prolongé du juge sur les caractéristiques fondamentales de la compensation

Le pouvoir normatif du juge est certes très encadré, de façon à ne pas concurrencer le pouvoir législatif, seul légitime à énoncer des règles de droit générales et impersonnelles36. La norme créée par le juge est, pour sa part, individuelle et personnelle dans la mesure où elle se rattache à une affaire particulière. Toutefois, le juge doit motiver sa décision et, de ce fait, il peut formuler une règle de droit qui pourra être généralisée par la suite. Est-ce à dire que toutes les décisions du juge sont créatrices de droit ? Non. La doctrine distingue les arrêts d’espèce qui résolvent un cas concret, des arrêts de principe, lesquels sont rédigés en des termes solennels de façon à ce que la règle de droit soit lisible et explicite (Deguergue, 2003).

En matière de compensation écologique, le juge administratif français n’a semble-t-il pas eu recours à l’édiction d’arrêt de principe jusqu’à présent. Toutefois, il convient de mentionner la décision par laquelle le Conseil d’État a exclu la possibilité d’une compensation financière pour les dommages causés à un cours d’eau par un ouvrage hydraulique37. Cet arrêt du 11 février 1983 a aussitôt été identifié par la doctrine et interprété comme imposant que la compensation écologique ne doive donner lieu qu’à des mesures en nature. Or, à l’époque, il s’agissait là d’une question essentielle dont la solution n’était pas évidente, sachant qu’aucune définition, aucune condition de mise en œuvre n’étaient prévues.

Si l’expansion de l’obligation de compensation dans plusieurs législations a apporté des précisions sur les modalités de mise en œuvre de la compensation (localisation, suivi, finalité des mesures), les caractéristiques qui, seules, permettent d’en garantir la finalité curative (mesures en nature, caractère résiduel, équivalence et additionnalité écologiques, durée égale à celle des impacts) n’avaient pas été définies avant 2016 (Lucas, 2015), sauf dans des documents sans valeur normative et qui ne s’imposent pas au juge (CGDD, 2013). Dans le silence de la loi, de telles caractéristiques, si elles avaient été dégagées par le juge, auraient permis d’harmoniser les différents régimes juridiques existants. Elles auraient contribué à assurer une meilleure sécurité juridique des aménageurs en apportant plus de transparence sur l’obligation de compenser38.

Jusqu’à récemment, le juge administratif français s’est gardé de statuer de manière explicite sur les critères de la compensation écologique, à la différence du Conseil d’État belge39. Pourtant, tenu de répondre aux arguments avancés par les parties à l’instance, il sort quelquefois de sa réserve. Ainsi, deux tribunaux administratifs français se sont prononcés sur les notions d’équivalence écologique40 et d’additionnalité écologique41. Sur ce point, le juge affirme l’impossibilité d’utiliser des mesures compensatoires déjà existantes pour compenser un second projet porté par le même maître d’ouvrage. À l’avenir, ce type de décision pourrait se multiplier si les requérants affinent leurs arguments relatifs à la compensation écologique en s’appuyant sur la définition qui en est donnée par la loi de 2016. Le juge aura de plus en plus à se prononcer sur la qualité desdites mesures.

L’émergence d’un contrôle qualitatif de la compensation à travers l’examen d’éléments tangibles

En théorie, plus les textes décrivent en détail l’obligation de compensation, plus le contrôle du juge sur l’adéquation des mesures peut être poussé. En pratique, le juge administratif doit faire face à la technicité de la matière. C’est pourquoi, afin d’éviter de statuer sur des questions scientifiques dont il n’a pas la maîtrise, il s’appuie de plus en plus sur des preuves tangibles de la faisabilité des mesures pour évaluer la qualité de ces dernières.

Un juge confronté à la technicité des mesures compensatoires

Les requérants usent d’arguments de plus en plus étayés pour démontrer l’inadéquation des compensations écologiques. Ils remettent notamment en cause le procédé ou la méthodologie suivie pour les déterminer et les réaliser42, ainsi que leur calendrier et leur durée43. Cependant, même si les mesures proposées par les requérants sont plus protectrices, le juge n’est pas tenu de les imposer à l’autorité administrative en cause. En outre, il conserve toujours une liberté d’appréciation quant aux éléments qui lui sont soumis44. C’est pourquoi la production d’études scientifiques ne suffira pas toujours aux yeux du juge à établir l’inefficacité des mesures prescrites45. De la même manière, le non-respect des lignes directrices publiées par le ministère ne pourra pas être contesté dans la mesure où ce document n’a pas de force obligatoire46.

Il est vrai que, face à une inadéquation manifeste de la compensation avec les effets négatifs du projet, le juge n’aura pas de difficulté à la souligner. Ainsi, la plantation de haies au titre de mesures compensatoires n’est pas de nature à compenser la visibilité d’un parc éolien47. Toutefois, bien souvent, l’évaluation de l’adéquation de la nature des mesures compensatoires à la nature des impacts causés par le projet fait appel à des connaissances scientifiques, à l’instar d’autres rubriques de l’étude d’impact, ce qui place le juge dans une position inconfortable. Les mesures compensatoires doivent non seulement correspondre à l’impact à venir, mais encore permettre une amélioration de l’état écologique du site sur lequel elles s’implantent afin d’être en mesure de réparer réellement le dommage causé par le projet. Or, loin de faire consensus, la notion d’équivalence écologique, non définie, soulève de nombreux questionnements. L’équivalence doit-elle être calculée au regard de l’espèce affectée, de l’habitat, des fonctions écologiques, des services écosystémiques ou de l’ensemble de ces items ? S’apprécie-t-elle selon la technique de compensation employée (restauration, réhabilitation, renaturation, etc.) ? Face à ces incertitudes, il est difficile de prévoir l’étendue du contrôle du juge sur cette notion.

En effet, devant la fréquente technicité de ces mesures, il est difficile d’attendre du juge qu’il exerce un contrôle autre que purement symbolique sur le contenu de celles-ci, tout comme sur leur efficacité (Hostiou, 1995). Ne prenant pas parti dans les débats scientifiques, le juge s’en remet volontiers ici comme dans d’autres domaines aux analyses des services de l’État48. L’implication de ces services dans la mise en œuvre des mesures compensatoires49 ou l’implication d’autres partenaires, comme un conservatoire d’espaces naturels50, ont ainsi été prises en compte, entre autres, pour valider la pertinence des mesures compensatoires. À titre d’exemple, les mesures compensatoires du projet d’aéroport du Grand Ouest ont été validées par le juge, notamment car le dispositif prévoit « d’envisager des mesures correctrices, une intervention régulière d’organismes dignes d’apprécier l’évolution du milieu […] et des sanctions administratives en cas d’ignorance des prescriptions ainsi édictées51 » (Erstein, 2016).

Si le juge évite de statuer sur l’adéquation scientifique des mesures compensatoires, il déplace l’objet de son contrôle sur des éléments plus tangibles, dont il a davantage la maîtrise.

De l’étude de la faisabilité à celle de la qualité ?

Le juge administratif a, ces dix dernières années, approfondi son contrôle sur les mesures compensatoires. Ce mouvement est incontestablement lié à la précision des requêtes dont il est saisi et à celle du droit applicable à la compensation écologique au fil des réformes juridiques. De facto, on assiste aujourd’hui à un double effet : non seulement le juge exige un certain degré de précision des mesures compensatoires52, mais ses décisions décrivent parfois dans le détail les mesures envisagées à titre de réduction et de compensation53. Dans une affaire, le juge a même considéré qu’« en l’absence d’éléments matériels, précis et concrets relatifs aux mesures compensatoires prévues par le pétitionnaire, le préfet […] était tenu de faire opposition au projet présenté54 ». La détermination du site exact où seront réalisées les mesures compensatoires, leur surface, l’identification de leur gestionnaire ou des contrats passés entre le maître d’ouvrage et le(s) propriétaire(s), ainsi que le calendrier de réalisation sont autant de précisions qui permettent au juge de contrôler la solidité du dispositif compensatoire55 et, par-là, sa capacité à réparer de façon effective le dommage qui a été causé.

L’effectivité des compensations suppose en effet d’avoir déterminé en amont leur surface et leur emplacement. Le juge administratif s’est parfois montré attentif non seulement à l’éloignement du reboisement par rapport au lieu de défrichement, estimant une distance entre les deux de neuf kilomètres trop éloignée56, mais aussi au morcellement des parcelles de compensation57. Quant à la dimension des mesures compensatoires, certaines normes prévoient expressément l’application de ratios surfaciques en matière de compensation. Ainsi, à titre d’exemple58, plusieurs schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux établis pour la période 2010-2015 préconisaient le respect des ratios pour compenser au mieux les atteintes causées aux zones humides et aux zones d’épandage des crues59. Pour le juge non spécialiste, le recours au ratio facilite l’évaluation des mesures compensatoires. Son caractère purement quantitatif en fait un critère objectivement observable60.

Au-delà de l’identification de la localisation des mesures, la mise en œuvre de la compensation suppose d’avoir la maîtrise foncière du site61. Sur ce point, le juge a pu relever que des solutions dont la réalisation dépend directement de tierces personnes, qui n’ont même pas été contactées, « ne pouvaient constituer, eu égard à leur caractère imprécis ou même purement virtuel et inadapté, que de simples pétitions de principe insusceptibles de tenir lieu de mesures compensatoires62 ». A fortiori, encore faut-il que les propriétaires concernés ne se soient pas opposés aux mesures compensatoires63.

Ainsi, en déplaçant l’objet de son contrôle sur des éléments comptables (ratio, pourcentage des impacts par rapport à la totalité du site64) ou appréciables de façon objective (identification des parcelles, maîtrise foncière), le juge administratif s’assure de la solidité du dispositif de compensation. Cette évolution de la jurisprudence permet déjà en soi de s’assurer de la faisabilité des mesures compensatoires. Il arrive même que cette démarche soit le point de départ d’un contrôle plus approfondi du juge sur la qualité des mesures compensatoires. Concernant un projet d’extension portuaire portant atteinte à un site Natura 2000, la CAA de Nantes a remis en cause les mesures imposées en raison de leur éloignement avec le site d’impact et de l’absence de garantie de pérennité et de qualité de la compensation choisie65 (Le Corre, 2009). En 2015, constatant la dispersion des sites de compensation, leur éloignement et la nature des opérations, un tribunal administratif a conclu que « les remises en état de zones humides envisagées pour compenser l’impact du projet ne peuvent être regardées comme constituant globalement des mesures équivalentes sur le plan fonctionnel et de la biodiversité66 » (Merlant, 2015).

Conclusion

À titre de conclusion, l’invocation des mesures compensatoires est aujourd’hui devenue une « arme contentieuse en voie d’expérimentation » (Van Lang, 2013), sans qu’elle suffise à elle seule à obtenir l’annulation des projets d’aménagement. Si le juge s’est peu penché sur le sujet par le passé, il devrait renforcer son contrôle, notamment au regard des nouveaux contours de l’obligation de compenser, qui imposent une compensation désormais « nécessairement satisfaisante » (Dubreuil, 2017) et tenue d’atteindre le résultat escompté (Martin, 2016). Il revient également aux juristes de relayer ces décisions auprès des acteurs de terrain souvent dans l’attente de précisions sur cette question.

Références

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1

Quelques décisions sont également le fait du porteur du projet qui conteste le refus d’autorisation de son projet. Lorsque ce refus se fonde sur l’importance des impacts environnementaux du projet, il lui revient d’apporter la preuve que les mesures envisagées dans le triptyque « éviter, réduire, compenser » (ERC) sont suffisantes pour réduire les inconvénients environnementaux de son projet à un niveau acceptable. Voir CAA Marseille, 1 juil. 1999, SOREFIM, n° 96MA02405.

2

C’est pourquoi à ce stade, le juge se prononce sur des mesures compensatoires qui n’ont pas encore été réalisées.

3

Loi n° 2016-1087 relative à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016 (JORF du 9 août 2016), voir article L. 163-1 et suivant du code de l’environnement.

4

Cet article s’appuie en partie sur les travaux de thèse de l’auteur (Lucas, 2015). Il s’agit ici de la compensation ex ante, à savoir celle qui est prévue en amont d’un aménagement. On l’oppose à la compensation dite ex post (non traitée ici), c’est-à-dire la compensation prévue suite à un dommage environnemental qui s’est déjà produit (article L. 162-9 du code de l’environnement).

5

Les requérants pourraient également agir devant le juge judiciaire. Au pénal, il s’agira de faire condamner le maître d’ouvrage qui ne s’est pas conformé aux prescriptions de son arrêté d’autorisation. Sur le plan civil, des actions pourraient faire constater la violation de l’obligation de résultat incombant au maître d’ouvrage privé ou demander au juge une meilleure réparation en cas d’insuffisances des mesures prescrites par l’autorité administrative (Camproux-Duffrène, 2008 ; Lucas, 2015).

6

Décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 portant réforme des études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements (JORF n° 0302 du 30 déc.).

7

De façon exceptionnelle, l’insuffisance des mesures compensatoires et de leur montant a pu conduire à elle seule à des annulations (voir par exemple CAA Paris, 18 juil. 1995, Commune d’Esbly, n° 94PA00373, Recueil Lebon, p. 917).

8

Autrement dit, le juge attend « des informations dont le degré de précision est en rapport avec l’importance des nuisances ou des désagréments qui peuvent en résulter » (CAA Nancy, 4 nov. 1993, Union française des pétroles SA, n° 92NC00611).

9

CAA Lyon, 2 fév. 2010, n° 08LY01466, ADEROC ; CE, 14 oct. 2011, Société OCREAL, n° 323257.

10

CAA Nancy, 4 nov. 1993, SA Union française des pétroles, n° 92NC00611. Voir CAA Bordeaux, 7 mars 1991, G.A.E.C. des Rivailles, n° 89BX00868 ; CE, 12 nov. 2007, Société Vicat SA, n° 295347 ; CAA Nantes, 16 mai 2014, Association Manche Nature, n° 13NT00418.

11

TA Montpellier, 11 janv. 1982, De Gonet, Recueil Lebon, p. 467.

12

CE, 28 sept. 1984, SA Charles Mortera, n° 40902, Revue juridique de l’environnement 4/1984, p. 332 ; CAA Bordeaux, 7 mars 1991, G.A.E.C. des Rivailles, n° 89BX00868 ; CAA Nantes, 16 mai 2014, Association Manche Nature, n° 13NT00418.

13

TA Toulouse, 24 janv. 1980, Association pour la défense de la population concernée par la création de la zone de Naujac, n° 04852, Revue juridique de l’environnement 2/1981, p. 198.

14

En revanche, le Conseil d’État a pu estimer que l’insuffisance de mesures compensatoires prescrites ne pouvait motiver une demande de sursis à exécution de l’arrêté d’autorisation. Voir CE, 18 juin 2015, n° 386971.

15

CAA Nantes, 5 mai 2009, Association Bretagne vivante et autres, n° 06NT1954, Droit de l’environnement, nov. 2009, n° 173, p. 6, Environnement, août-sept. 2009, p. 30, note L. Le Corre.

16

CAA Lyon, 12 mars 2002, Société Hydro-Goncelin, n° 97LY00312, Revue juridique de l’environnement 3/2002, p. 488, observations J. Sironneau ; CAA Bordeaux, 17 déc. 2008, SARL SPB, n° 07BX01929.

17

CE, 12 juin 1998, ministre de l’Industrie, des Postes et Télécommunications et du Commerce extérieur, n° 150942 ; CAA Nancy, 28 fév. 2005, Société GSM, n° 02NC01300.

18

En matière de défrichement, CE, 4 juil. 1994, S.A. établissement Catteau-Langlois, n° 119303. Voir également TA Rouen, 27 mai 1999, Association de défense de l’environnement Val de Seine et Vexin, n° 951618, 951919, 951694, 951918 et 98613.

19

CAA Douai, 9 oct. 2008, Société BPE Lecieux, n° 08DA00161 (défrichement).

20

TA Toulon, 20 déc. 2010, Société Sainte-Eulalie Développement, n° 0802522, Revue juridique de l’environnement 1/2012, p. 180, observations J. Sironneau (risque avéré pour la société civile de rupture d’un barrage, de l’incompatibilité avec le SDAGE, faiblesse des mesures compensatoires). Voir également CAA Marseille, 4 oct. 2012, Société B., n° 10MA00957, Revue juridique de l’environnement 3/2013, p. 514, observations F. Romagoux.

21

Cette procédure administrative permet de réaliser une opération d’aménagement d’utilité publique sur des terrains privés, le cas échéant en usant de l’expropriation.

22

Cette analyse aussi appelée la théorie du bilan est systématiquement menée en matière de DUP depuis 1971 (CE, 28 mai 1971, Ville nouvelle Est, n° 78825, Recueil Lebon 409, conclusions G. Braibant, GAJA n° 93).

23

Cette jurisprudence constante lui vaut d’être qualifiée de « contentieux immobile » (Janin, 2009).

24

Voir entre autres, CE, 4 oct. 1978, Association fédérative régionale pour la protection de la nature région de l’Est, n° 05799, Revue juridique de l’environnement 3/1978, p. 273 ; CE, 9 oct. 1996, Commune de Vraignes-les-Hornoy et Commune de Hornoy-le-Bourg, n° 156591, 156624 et 158677 ; CE, 7 mai 2008, Association ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire, n° 309285, Environnement 2008, commentaire 91, note P. Trouilly.

25

À ce sujet, la CAA de Nantes a estimé qu’il n’était pas nécessaire de réaliser un examen de l’état initial des zones prévues pour la compensation, ni des impacts sur l’environnement de cette compensation (14 nov. 2016, n° 15NT02883). Selon elle, les mesures compensatoires ne sont pas considérées en tant que telles par la directive européenne comme des projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement et ne sont donc pas soumises à étude d’impact.

26

CAA Nancy, 21 juin 2007, Commune de Heidwiller, n° 06NC00102.

27

Par exemple, CE, 25 avr. 2007, Commune de Beauregard-de-Terrasson, n° 283016 ; CE, 3 déc. 2010, Commune de Lattes, n° 306752.

28

Elles ont toutefois été définies par les « Lignes directrices nationales sur la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur les milieux naturels » publiées par le Commissariat général au développement durable en 2013, sans que ces lignes directrices n’aient de portée contraignante.

29

 Par exemple, CE, 26 nov. 2008, Syndicat mixte de la vallée de l’Oise, n° 301151.

30

CAA Lyon, 18 oct. 2016, Association DECAVIPEC et autres, n° 14LY01848. Voir également CAA Nantes, 14 nov. 2016, n° 15NT02883 (« contrairement à ce qui est soutenu, “la compensation des aménagements hydrauliques” n’a pas été présentée au public “comme la seule et unique modalité de traitement ou de réparation des impacts alors qu’elle est considérée comme la dernière étape ou dernière modalité de réparation-atténuation des impacts” »).

31

Directive 92/43/CEE, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JOCE n° L 206 du 22/07/1992).

32

Article 6 § 4 de la directive citée dans la note précédente.

33

CE, 31 juil. 2009, Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, n° 314955. A contrario, voir CE, 14 nov. 2008, Commune d’Ambarès-et-Lagrave et autres, n° 297557 ; CAA Bordeaux, 9 avril 2013, Sepanso Béarn Pyrénées, n° 10BX00624.

34

CJUE, 15 mars 2014, Briels et autres contre Minister van Infrastructuur en Milieu, affaire C‑521/12.

35

CAA Marseille, 6 déc. 2010, Société SOREDEM, n° 08MA02272 (« la mise en place de mesures compensatoires pour limiter ces nuisances liées à la circulation des camions ») ; CAA Bordeaux, 29 avril 2014, Association Comité écologique ariégeois, n° 13BX00504 (dispositif de décharge et obligation d’effectuer un curetage qualifiés de mesures compensatoires).

36

En ce sens, l’article 5 du code civil prohibe les arrêts de règlement afin d’éviter que les juges n’empiètent sur le pouvoir législatif. D’un autre côté, la loi interdit le déni de justice en vertu de l’article 4 du code civil : « le juge est tenu de statuer malgré le silence, l’obscurité ou l’insuffisance de la loi. »

37

CE, 11 fév. 1983, Dame Coutras, n° 33.137. Voir les conclusions du commissaire du gouvernement Denoix de Saint-Marc, Revue juridique de l’environnement 2/1983, p. 133.

38

Les différences de modalités existantes entre les législations n’étaient pas justifiées dans la majorité des cas par des considérations écologiques ou juridiques (Lucas, 2015).

39

CE belge, 11 déc. 2014, Commune de Walhain, n° 229530.

40

TA Grenoble, 16 juil. 2015, UR FRAPNA et autres, n° 1406678, 1406933 et 1501820.

41

Pour autant, il s’agit d’une décision de première instance dont la portée est plus réduite : TA Besançon, 26 mai 2011, CPEPESC, n° 1001096, Revue juridique de l’environnement 2/2012, p. 338, J. Sironneau.

42

CAA Lyon, 9 nov. 2010, SARL EAL JOUVA, n° 09LY00424 ; CAA Nancy, 18 fév. 2016, Association Commission de protection des eaux de Franche-Comté, n° 15NC00558 ; CAA Nantes, 14 nov. 2016, n° 15NT02883.

43

CAA Nantes, 14 nov. 2016, n° 15NT02883.

44

CAA Versailles, 18 déc. 2008, Association de défense des intérêts des Vernoliens (ADIV), n° 07VE01196.

45

TA Clermont Ferrand, 7 oct. 2003, Commune de Charbonnières-les-Varennes contre État, n° 021345 et 030251.

46

CAA Nancy, 12 juin 2014, n° 13NC00244.

47

CAA Nantes, 1 fév. 2017, n° 15NT02726.

48

Si le juge administratif a la possibilité d’avoir recours à des experts scientifiques, en pratique, très peu de décisions juridictionnelles font référence aux conclusions d’experts relatives aux mesures compensatoires et diligentées par le juge (Prieur, 1998).

49

CAA Lyon, 7 mai 2013, Comité de défense du Bois des Rochottes et de ses riverains, n° 12LY00695 ; CAA Nantes, 14 nov. 2016, n° 15NT02883.

50

CAA Nancy, 18 fév. 2016, Association Commission de protection des eaux de Franche-Comté, n° 15NC00558.

51

CAA Nantes, 14 nov. 2016, n° 15NT02883.

52

TA Nantes, 1 oct. 1996, M. et Mme Llorca, n° 95-3561, Revue juridique de l’environnement 3/1997, p. 438, note M. Prieur.

53

Voir par exemple CAA de Nantes, 14 nov. 2014, n° 12NT01802.

54

TA Besançon, 26 mai 2011, CPEPESC, n° 1001096, Revue juridique de l’environnement 2/2012, p. 338, observations J. Sironneau.

55

Voir notamment CAA Lyon, 7 mai 2013, Comité de défense du Bois des Rochottes et de ses riverains, n° 12LY00695.

56

CE, 15 déc. 1997, Commune de Saint-Rémy-l’Honoré, n° 118091.

57

À défaut de pouvoir trouver un site d’un seul tenant susceptible d’accueillir l’ensemble ou la majorité des mesures compensatoires, ces dernières sont réparties sur plusieurs sites, ce qui peut nuire à leur pertinence et leur efficacité écologique, entre autres. Voir TA Grenoble, 16 juil. 2015, UR FRAPNA et autres, n° 1406678, 1406933 et 1501820.

58

Les travaux de reboisement peuvent également être assortis d’un coefficient multiplicateur compris entre 2 et 5, déterminé en fonction du rôle économique, écologique ou social des bois visés par le défrichement (article L. 341-6 2° du code forestier).

59

À titre d’exemple, le SDAGE Rhône-Méditerranée de 2009 préconisait un quota de deux hectares compensés pour un hectare détruit en termes de surface de zones humides (6B-6, p. 151) tandis que le SDAGE Adour-Garonne 2009 proposait a minima un ratio de 150 % de la surface perdue (C46, p. 94).

60

Le refus de l’administration d’autoriser un projet est légal en l’absence de garantie de « la reconstitution d’une surface de zones humides équivalente à celle détruite » (CAA Marseille, 13 oct. 2015, n° 13MA05167). Est validé un projet prévoyant la reconstitution d’une zone humide égale à 200 % de la surface perdue (CAA Nancy, 18 fév. 2016, n° 15NC00558). Attention cependant, le respect du ratio prévu n’emporte pas forcément la légalité de l’opération (TA Grenoble, 16 juil. 2015, UR FRAPNA et autres, n° 1406678).

61

CAA Lyon, 2 fév. 2010, ADEROC, n° 08LY01466.

62

TA Grenoble, 23 mars 2006, Fédération des clubs alpins français, n° 0301604. A contrario, voir CAA Nantes, 14 nov. 2016, n° 15NT02883 (considérant 14). En revanche, les conventions de reboisements compensateurs peuvent n’être « signées que des nus propriétaires, et non des usufruitiers », ou que « d’une partie des indivisaires » (CAA Douai, 30 nov. 2006, Société VALNOR, n° 05DA01507).

63

CAA Nantes, 1 fév. 2017, M. et Mme de Corcelles et autres, n° 15NT02726.

64

Le juge met parfois en balance les surfaces défrichées et compensées en les comparant avec celles du milieu endommagé. Voir CAA Bordeaux, 30 juil. 2009, Association pour la protection des arbres en bord des routes du Gers, n° 08BX02141 ; TA Montpellier, 11 mars 2011, SAS résidence Porte-des-neiges, n° 0903855, Revue juridique de l’environnement 1/2012, p. 175, observations J. Sironneau (faible superficie du projet par rapport à celle des zones humides recensées sur l’aire du projet).

65

CAA Nantes, 5 mai 2009, Association Bretagne vivante et autres, n° 06NT1954.

66

TA Grenoble, 16 juil. 2015, UR FRAPNA et autres, n° 1406678, 1406933 et 1501820.

Citation de l’article : Lucas M., 2018. Regards sur le contentieux français relatif aux mesures compensatoires : quarante ans d’attentes, de déceptions et d’espoirs portés par la jurisprudence. Nat. Sci. Soc. 26, 2, 193-202.

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