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Nat. Sci. Soc.
Volume 26, Number 1, January-March 2018
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Page(s) | 3 - 16 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2018020 | |
Published online | 01 June 2018 |
De quoi la bioéconomie est-elle le nom ? Genèse d’un nouveau référentiel d’action publique
Bioeconomy: from early meanings to the emergence of a new framework for public action
1
Science politique, UMR Lisis, CNRS, Université Paris-Est,
Marne-La-Vallée, France
2
Économie, UMR Moisa, Cirad,
Montpellier, France
* Auteur correspondant : jeanne.pahun@cirad.fr
Reçu :
30
Juin
2016
Accepté :
2
Novembre
2017
Au cours du XXe siècle, la bioéconomie a été définie dans divers champs académiques : étude des populations en biologie, modèles de gestion des ressources naturelles ou approche entropique de l’économie à la façon de Nicholas Georgescu-Roegen. Au début des années 2000, elle est érigée comme mot d’ordre institutionnel sous l’impulsion de l’OCDE puis de la Commission européenne, qui en font le fer de lance d’une croissance durable, substituant à l’usage des ressources fossiles une exploitation de la biomasse par les biotechnologies. La mise à l’agenda de la bioéconomie au niveau européen a été amorcée par les politiques de recherche et d’innovation, dont les processus de définition et de financement ont été fortement influencés par les acteurs industriels. Les recompositions potentielles induites par la bioéconomie dans le domaine agricole génèrent des tensions, car elles entrent en concurrence avec d’autres visions pour le futur de l’agriculture européenne.
Abstract
Throughout the 20th century, bioeconomy has been theorized from different perspectives in various academic fields: studies of population dynamics in biology, modelling for natural resource management, approach to economy through an entropy-based perspective such as Georgescu-Roegen’s. In the early 2000’s the bioeconomy was promoted as an institutional motto by the OECD, the aim being to develop the economy of biotechnologies. It was then taken up by the European Commission, which made it its flagship for the promotion of sustainable development through an industrial use of biomass as a renewable resource substituting biotechnologies for fossil fuel. Bioeconomy entered the EU agenda through innovation and research policies, whose definition and orientations have been largely influenced by industrial actors under the leadership of biotechnology and chemistry firms. Given its potential impact on the future of agriculture regarding research priorities and norms, the emergence of the bioeconomy triggers serious tensions between research and agricultural policy actors.
Mots clés : bioéconomie / biotechnologie / agriculture / politique de recherche / ressources naturelles
Key words: bioeconomy / biotechnology / agriculture / research policies / natural resources
© NSS-Dialogues, EDP Sciences 2018
Bioéconomie : l’expression, qui fait florès depuis le début des années 2000, fait écho à des recherches qui entendaient rapprocher économie et sciences du vivant dans des perspectives de gestion rationnelle ou prudente de la nature. Les auteurs de l’article, politistes et économiste, nous montrent que ce terme revêt aujourd’hui un autre sens et décrit une autre réalité, soutenus par les lobbies de l’agriculture, de la chimie et des biotechnologies et diffusés par des institutions internationales. Cette nouvelle sémantique, comme le pointent les auteurs, témoigne d’une modification de la vision de l’agriculture et de sa gouvernance, en particulier au sein de la Commission européenne. On a tout lieu de penser qu’avec cette bioéconomie-là, il s’agit de « produire plus avec plus » grâce à des cellules conçues comme des usines miniatures et une nature réduite à de nouvelles ressources à exploiter.
La Rédaction
« The Bioeconomy is everywhere. “It looks like we found a bit of a gold vein”1. »
« La bioéconomie ? C’est très connu ! C’est… c’est l’utilisation, l’exploitation des ressources biologiques pour faire des nouveaux… mais ça c’est quelque chose qui est très connu partout n’est-ce pas ? » ; si l’un des tout premiers promoteurs de la bioéconomie au niveau européen, interviewé en 20132, hésite avant de donner une définition claire de la bioéconomie, c’est sans doute que la bioéconomie, justement, ce n’est pas « très connu ». Pourtant, depuis le début des années 2000, l’usage du terme s’est accéléré, répandu et démultiplié. Il est aujourd’hui employé par divers acteurs institutionnels nationaux et internationaux, des grands groupes de l’industrie de la chimie, des partisans de l’écologie politique, des militants de la décroissance, des chercheurs en biotechnologies ou des coopératives agricoles. Pour certains, la bioéconomie est une « économie ouverte aux lois de la biosphère, à l’opposé de la conception néolibérale3 » alors que, pour d’autres, elle représente au contraire la marchandisation généralisée du vivant menant au « stade ultime du capitalisme4 ». Portée par divers États, souvent comme « prolongement opérationnel du développement durable » (Colonna et al., 2014, p. 280), la bioéconomie oscille entre politique de soutien aux biotechnologies et politique intégrée de gestion des ressources naturelles. L’usage du terme traduit le même souci d’articuler les ressources naturelles (bio) et l’administration des activités humaines (économie), mais la singularité des visions du vivant mobilisées est telle, que les projets politiques qui s’y réfèrent sont radicalement éloignés entre eux. Comme l’a montré l’étude de la plasticité de l’expression « développement durable » (Vivien, 2001), les oppositions entre acteurs qui se saisissent de cette expression s’établissent au niveau de leur préhension non seulement des concepts de croissance et de développement, mais aussi du concept de nature, qui pour les uns est transcendante et, pour les autres, représente un capital à exploiter. Dans cet article, nous interrogeons le sens donné à la bioéconomie dans ses différentes mobilisations au cours du temps, en analysant les usages dont elle a été successivement l’objet dans le champ académique puis dans le champ des politiques publiques.
La pluralité des définitions de la bioéconomie a déjà été soulignée par la littérature à partir de la comparaison des stratégies et politiques de différents pays et organisations (Staffas et al., 2013), de l’analyse des positions divergentes existant au sein d’une même institution, à savoir la Commission européenne (CE) [McCormick et Kautto, 2013], ou de la description des différents paradigmes et imaginaires sociotechniques en compétition dans ces processus de définition (Levidow et al., 2012 ; 2013). D’autres auteurs analysent quant à eux la « floraison d’appellations » associée au développement de la bioéconomie contemporaine, comme la chimie verte, la chimie du végétal, la biologie de synthèse (Nieddu et Vivien, 2015) ou le cas particulier des bioraffineries (Nieddu et Vivien, 2013 ; 2016 ; Levidow, 2016). À la différence de ces travaux qui se concentrent sur la période récente, nous souhaitons comprendre comment le terme bioéconomie a été mobilisé à la fois au cours du temps et au sein de différentes communautés d’acteurs (académique, institutionnelle et politique). Notre analyse vise à identifier les principales définitions en jeu, les acteurs qui les portent et leurs éventuelles traductions en politiques publiques. Nous montrons ainsi qu’après avoir été mobilisée ponctuellement et séparément dans divers forums académiques au cours du XXe siècle autour d’enjeux très différents et sans effets majeurs sur la décision publique, la bioéconomie a émergé comme nouveau référentiel pour l’action publique à partir du moment où elle a été saisie par deux organisations spécifiques dans les années 2000 : l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), puis la Commission européenne. Elle s’est alors institutionnalisée via les politiques de recherche, avec des effets transformateurs potentiels importants, dont nous livrons ici une première analyse concernant les politiques agricoles.
Sur le plan méthodologique, notre avons mené l’analyse en deux temps5. Nous avons tout d’abord effectué une veille du terme bioéconomie et de ses dérivés6 dans la littérature académique de 1900 à 2015, en compilant, via deux moteurs de recherche (Google Scholar et Jstore), les articles scientifiques de langues anglaise, française et espagnole s’y référant (environ 1 500). Notre analyse s’est concentrée sur les cent soixante-dix-sept articles qui font explicitement mention dans leur titre, notice ou mots-clés de la bioéconomie. En fonction de leur contenu, leur date de parution, leur provenance géographique et leur champ disciplinaire, nous les avons classés en cinq catégories : biologie, modélisation bioéconomique, approche entropique de l’économie développée par Nicholas Georgescu-Roegen, bioéconomie après l’an 2000 et usages isolés. Puis nous avons abordé la bioéconomie comme enjeu de politiques publiques en optant pour une méthodologie classique en science politique : le dépouillement de la littérature grise disponible sur le sujet des quinze dernières années7 (rapports, comptes rendus, supports communicationnels, sites internet, etc.), la réalisation de vingt et un entretiens semi-directifs auprès d’acteurs clés du champ, publics ou privés8, et des opérations d’observation participante lors de six conférences sur la bioéconomie tenues entre 2013 et 20159. Nous avons ainsi pu analyser le déploiement progressif du débat actuel sur le sujet en identifiant les différents acteurs impliqués et les différentes scènes institutionnelles où la bioéconomie est discutée.
Mobilisations de la bioéconomie dans le monde académique
Tout au long du XXe siècle, le terme « bioéconomie » a connu un emploi varié et soutenu dans différentes disciplines scientifiques. Nous décrivons ici ses principales occurrences, en écartant ses usages plus marginaux, comme ceux des théories de l’évolution (Reinheimer, 1913), du public choice (Magee, 1993), de la biopolitique à la Foucault (Larsen, 2007) ou de la philosophie du corps (Gallagher, 2008). Nous évoquons ainsi successivement la bioéconomie comme étude biologique des interactions entre organismes vivants, les modèles bioéconomiques de gestion des ressources naturelles et la bioéconomie comme approche entropique de l’économie telle que développée par N. Georgescu-Roegen.
Étude des populations en biologie
La première définition complète d’une bioéconomie est formulée par le naturaliste roumain Grigore Antipa en 1933, lors de sa conférence sur le métabolisme des populations de la mer Noire10. Il y introduit les théories, buts et méthodes de ce nouveau pan de l’analyse scientifique dont l’objet d’étude est l’activité d’échange entre organismes, allant des cellules aux mammifères. Pour Grigore Antipa, cette activité biologique peut être abordée comme une activité économique puisqu’il s’agit d’étudier la production, la circulation, la distribution et la consommation de « biens » entre organismes vivants. La bioéconomie renvoie donc ici à l’étude des échanges entre êtres biologiques inter ou intra espèces. Ainsi, la mer Noire est constituée d’une « bioéconomie individuelle » (échanges au sein d’une même espèce, par exemple le métabolisme individuel), d’une « bioéconomie régionale » (échanges dans un même biotope, par exemple la chaîne alimentaire) et d’une « bioéconomie générale » (échanges avec « l’extérieur », par exemple les crues du Danube qui confondent l’ensemble des lacs ou échanges dus à l’action de poissons migrateurs, d’oiseaux pêcheurs ou d’activités humaines telles la pêche) [Antipa, 1933]. Cette conceptualisation de la bioéconomie a marqué l’étude des populations marines en biologie et a été maintes fois reprise des années 1950 aux années 1970, spécialement dans les études japonaises. Le rayonnement de cette première définition est toutefois à relativiser car le mot « bioéconomie » est souvent utilisé comme synonyme de « métabolisme des populations », à savoir l’étude de l’ingestion, la défécation, l’assimilation, la respiration, la croissance et les échanges des populations. Au cours des années qui suivent, ce sens disparaît progressivement de la littérature scientifique et, à la fin du XXe siècle, son usage n’y est plus qu’anecdotique.
Modélisation des variables biologiques et économiques
Amorcés dans les années 1950 par la combinaison des travaux de l’économiste H. Scott Gordon et ceux du biologiste Milner Baily Schaefer, la modélisation bioéconomique consiste en l’élaboration d’un modèle mathématique combinant des variables économiques et des variables d’ordre biologique11. Le « modèle Gordon-Schaefer » visait à comprendre, d’une part, pourquoi, malgré une ressource abondante et une demande conséquente, les pêcheurs demeuraient paradoxalement pauvres et, d’autre part, quel était le seuil d’exploitation optimale des ressources aquatiques en libre accès (Gordon, 1954). Cette double contrainte économique et biologique intégrée à un modèle mathématique d’optimisation est à l’origine de ce qui sera nommé par la suite « modèle bioéconomique », venant nourrir tout un pan de l’économie des ressources naturelles.
Les travaux du mathématicien canadien Colin Clark formalisent ces modèles à la fin des années 1970 (Clark, 1976 ; 1985) et impulsent leur développement dans le domaine du management des ressources naturelles. La transcription mathématique de variables à la fois biologiques (stock initial de ressources, vitesse de reconstitution de ce stock, etc.) et économiques (état de l’offre et de la demande, mécanismes de régulation en place, caractéristiques de l’effort de prélèvement, etc.) permet de concilier, au sein d’une même équation, des intérêts contraires et ainsi d’en mieux gérer l’articulation. Progressivement, les modèles bioéconomiques se développent et se complexifient via leur informatisation, qui permet notamment de prendre en compte un taux d’actualisation (modèle dynamique) ou la variabilité de certains paramètres (modèle stochastique) [Brown, 2000]. Aux travaux descriptifs des dynamiques conduisant à des situations d’exploitation déséquilibrée (surexploitation ou surinvestissement) succèdent des travaux prospectifs (évolution d’un système suite à un choc exogène ou à une évolution endogène) et prescriptifs (Béné et al., 2001). Le but commun de ces modèles bioéconomiques est d’établir un seuil maximal de prélèvement sur les ressources naturelles d’un milieu donné, sans compromettre le renouvellement du stock.
Ce seuil a été traduit en politiques publiques dès la fin des années 1980 via l’instauration de quotas de prélèvement ou « total autorisé de capture ». D’abord mobilisés dans le cadre de politiques de contrôle de prélèvements des ressources marines (politique commune de la pêche de l’Union européenne depuis 1983), on retrouve par la suite des « modèles bioéconomiques » dans la gestion d’autres types de ressources naturelles, telles que les animaux sauvages (éléphants, rhinocéros, etc.) ou les écosystèmes forestiers (Vivien, 2001). Plusieurs éléments ont contribué à la diffusion de cette approche bioéconomique dans les politiques publiques à partir des années 1980. On peut en effet caractériser ces modèles par leur caractère « didactique et social » (Gates et al., 1973), puisqu’ils traduisent simultanément différents points de vue et permettent d’accorder économistes, biologistes et décideurs publics autour d’un même objectif : ne pas dépasser le seuil optimal de prélèvement. Cette vision pragmatique de la gestion du vivant a été conçue dans le cadre du développement de l’économie des ressources naturelles comme une solution optimale au problème de surexploitation des ressources en libre accès, problème mis en lumière par Garrett Hardin dans son article « The Tragedy of the Commons » (Hardin, 1968). Le seuil chiffré établi par les modèles bioéconomiques est en effet considéré comme un optimum de Pareto12 car il combinerait sur le long terme une réduction de l’effort de prélèvement, une ressource plus abondante et un prix de vente abaissé (Acheson, 1981). Cependant, d’un point de vue critique, le manque de réalisme biologique de ces modèles a parfois été décrié, considérant que la question de la résolubilité mathématique était souvent préférée à la prise en compte de l’inhérent, de l’incontrôlable ou de l’aléa biologique (Bulte et van Kooten, 2001). Les modèles bioéconomiques constituent ainsi plutôt une branche de l’économie que de la biologie. De plus, leurs hypothèses, issues des théories néo-classiques, considèrent les prix comme constants, les agents comme rationnels et ne prennent pas en compte les externalités (Gilly, 1989). L’adéquation avec le référentiel économique dominant et l’image de l’Homme gestionnaire de la nature qu’ils véhiculent pourrait donc expliquer le succès institutionnel de ces modèles bioéconomiques.
Georgescu-Roegen : une approche de l’économie par l’entropie
En parallèle, dans les années 1970, une autre bioéconomie est conceptualisée par Nicholas Georgescu-Roegen, mathématicien et économiste d’origine roumaine, dont l’ouvrage fondateur, « The Entropy Law and the Economic Process » (Georgescu-Roegen, 1971), amorce une nouvelle manière de penser l’économie. À la différence des modèles économiques précédents qui rationalisaient l’utilisation des ressources biologiques, il propose en effet de repenser la discipline en y intégrant les logiques biologiques et thermodynamiques, autour de l’idée centrale d’entropie. Celle-ci est la mesure, dans un système donné, de la quantité d’énergie inutilisable, c’est-à-dire incapable de fournir un travail (énergie liée). Dans un système fermé, l’entropie augmente inéluctablement au cours du temps, entraînant une diminution de l’énergie libre au profit de l’énergie liée. Ainsi, pour Nicholas Georgescu-Roegen, les déchets qui accompagnent l’activité humaine constituent une forme d’expression de l’entropie. La révolution industrielle, fondée sur l’exploitation des ressources minières, et en particulier fossiles (charbon puis pétrole), entraîne une diminution des stocks de ressources utilisables (énergie et matière), mais surtout une augmentation prodigieuse de la quantité de déchets présents sur Terre (chaleur, CO2, déchets nucléaires, etc.). Ces déchets s’accumulent dans divers « puits » : sous-sols (enfouissement), atmosphère (émission gazeuse), océans (déversement) ou régions pauvres (exportation). La croissance industrielle et l’accélération entropique qu’elle génère ne sont donc pas viables sur le long terme : dans un système fini – tant du point de vue des ressources mobilisées que des « puits » capables d’absorber les déchets –, il ne peut y avoir de croissance infinie sans destruction du système, ici la Terre.
Le concept de développement durable qui entend assurer ce type de croissance sur le long terme a fait l’objet de vives critiques par N. Georgescu-Roegen, qui le qualifie de « remède de charlatan » et de « charmante berceuse » (Georgescu-Roegen, 1993, p. 12). Selon lui, la « décélération » du processus entropique est incontournable en raison non pas d’une pénurie énergétique à venir, car la Terre est un système énergétique ouvert (notamment de par l’énergie solaire qu’elle capte), mais du fait de l’impossibilité de recycler la totalité de la matière utilisée et donc de l’inévitable dispersion de cette matière, accompagnée d’une saturation des puits à déchets. N. Georgescu-Roegen s’oppose ainsi à l’idéologie du progrès, au mythe scientifique de l’innovation selon lequel les humains trouveront toujours de nouvelles sources d’énergie et de matière pour subsister (Georgescu-Roegen, 1975). Il propose un « programme bioéconomique minimal », décliné en huit points appelant principalement à réduire drastiquement les prélèvements énergétiques et matériels exercés par les humains (Georgescu-Roegen, 1995, pp. 106-108) et dont la décroissance, qui est un mouvement politique, économique et social de contestation du paradigme de croissance, peut être considérée comme un « produit dérivé » (Grinevald, 2006).
L’économiste René Passet plaide lui aussi pour l’ouverture de la discipline économique aux lois biophysiques à travers une démarche « bio-économique » (Passet, 1979, p. 82). En désaccord cependant avec Georgescu-Roegen sur les questions de thermodynamique notamment (Passet et Vivien, 2011), il se positionne principalement par rapport à l’économie de l’environnement qui constituait, dans les années 1970-80, la principale réponse de la science économique aux « dérèglements » que le système était en train de connaître : chocs pétroliers, marées noires, accidents nucléaires, catastrophes écologiques, etc. Pour René Passet, considérer ces catastrophes en termes de dérèglements passagers ou d’épuisements ponctuels des ressources, comme des « effets externes » susceptibles d’être « internalisés », et non comme des composantes intrinsèques de l’activité économique, revenait à « nier la spécificité de ces phénomènes pour les réduire à une pure quantification de type économique » (Passet, 1984, p. 1387). La pensée bioéconomique qu’il développe alors rejette ce principe d’opposition externe / interne, car l’activité humaine et son environnement forment un système qu’il faut saisir globalement. Les problèmes écologiques causés par l’activité humaine résultent de la négation des aspects biophysiques du « développement », renvoyant à deux logiques en opposition : logique du capital contre logique du vivant (Passet, 1979). Pour dépasser cet affrontement, René Passet veut ouvrir l’économie à la biosphère et amorcer par la bioéconomie une nouvelle façon d’analyser les choses.
En ce sens, cette bioéconomie développée par Nicholas Georgescu-Roegen ou par René Passet, n’est pas une nouvelle branche de l’économie mais bien une nouvelle discipline, voire un nouveau paradigme scientifique à l’interface de la biologie et de l’économie. Les échos contemporains de cette pensée restent cependant principalement circonscrits au monde intellectuel et militant : « D’une manière générale, la visibilité de la pensée hétérodoxe de Georgescu-Roegen [...] reste encore très faible, non seulement dans le grand public et les milieux politiques et économiques, cela va sans dire, mais même dans les milieux scientifiques et académiques » (Grinevald, 1993, pp. 4-14).
La « nouvelle bioéconomie », émergence d’un nouveau référentiel d’action publique
À partir de la fin des années 1990, et sous l’impulsion notoire de l’OCDE et de la Commission européenne, le terme de bioéconomie sort du champ académique pour être saisi par de nouveaux acteurs, publics et privés, et fait l’objet de nombreux programmes de recherche, appels à projets et recommandations de politiques publiques (Delgoulet et Pahun, 2015). La bioéconomie y est définie comme l’économie de la biomasse et/ou des biotechnologies, c’est-à-dire comme une économie qui tire sa croissance de l’exploitation du vivant et répond aux besoins énergétiques et matériels des populations par le développement de la chimie du végétal ou chimie biosourcée. La bioéconomie entend ainsi substituer à l’utilisation du pétrole l’utilisation de ressources naturelles ou bioressources, afin de produire de la bioénergie (biocarburants ou biocombustibles), des biomatériaux (bois d’œuvre, matériaux composites) ou des produits biosourcés (bioplastiques, solvants, cosmétiques, etc.). Elle est sans lien avec les bioéconomies précédemment décrites, pourtant ses partisans utilisent parfois l’expression de « nouvelle bioéconomie » (ETC Group, 2010) pour la distinguer d’une « bioéconomie ancienne » (époque de l’avant charbon / chimie organique) ou d’une « bioéconomie traditionnelle » (sociétés contemporaines utilisant, par exemple, le bois pour se chauffer ou cuire leurs aliments), exploitant toutes deux la biomasse mais sans recours généralisé aux biotechnologies de pointe (OCDE, 2001, p. 18). Nous analysons ici l’émergence de la « nouvelle bioéconomie » au sein de l’OCDE et de la CE et son affirmation comme nouveau référentiel d’action publique.
La bioéconomie de l’OCDE, une profession de foi pour les biotechnologies
L’introduction du terme bioéconomie à l’OCDE s’inscrit dans le développement des nouvelles sciences de l’ingénieur initiées par la révolution scientifique que constitua la découverte de l’ADN et de l’ARN dans les années 1950 :
« L’identification d’enzymes capables de découper l’ADN ouvre la voie au génie génétique et laisse immédiatement entrevoir la possibilité d’une nouvelle révolution industrielle fondée sur une grappe d’innovations schumpetériennes13 […]. L’OCDE se mobilise alors pour produire une feuille de route à l’horizon 2030, afin de soutenir l’émergence des entrepreneurs schumpetériens. […] Le terme “bioéconomie” est alors retenu de préférence à celui de biotechnologies, probablement plus inquiétant et moins attractif » (Nieddu et Vivien, 2015, p. 147).
L’étude concrète du processus d’émergence de la bioéconomie à l’OCDE semble valider cette hypothèse.
Selon l’un des acteurs clés de sa mise à l’agenda au sein de l’organisation14, la bioéconomie a émergé à l’OCDE suite au rapport prospectif « Les technologies du XXIe siècle. Promesses et périls d’un futur dynamique » (OCDE, 1998). Son quatrième chapitre, « Biotechnologie et génie génétique au XXIe siècle », en particulier, prévoyait un changement de société majeur (bouleversement radical des modes de production, de consommation et des styles de vie) suite à l’arrivée des biotechnologies15 et appelait de ses vœux un travail de l’institution sur les innovations de rupture et l’économie qui en résulterait.
Au début des années 2000, l’OCDE définit la « bio-based economy » comme l’application des biotechnologies à des fins économiques et/ou de protection environnementale. C’est en 2004, lors d’une réunion des ministres des pays membres au sein du comité « politique de la science et de la technologie16 », que l’organisation fait de la bioéconomie un de ses axes de recherche à proprement parler et décide de mener une étude de cinq ans sur les biotechnologies et leur rôle dans « a more biobased-economy17 ». L’idée sous-jacente était que « l’économie n’utiliserait probablement pas spontanément ces bioprocessus18 » et que l’OCDE devait ainsi « renforcer sa contribution sur les biotechnologies, moteur d’une croissance durable19 ». On peut sans doute y voir en partie l’influence des États-Unis qui, à la fin des années 1990, développaient déjà un agenda de recherche sur les biotechnologies, à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé. Ils figuraient ainsi parmi les principaux financeurs de cette étude de l’OCDE20. Aujourd’hui encore, leur budget de recherche et développement sur les biotechnologies est quasiment deux fois supérieur (27 milliards de dollars PPA21) à celui de l’ensemble des autres pays du monde (16 milliards)22.
Au secrétariat de l’OCDE, c’est l’Internal Coordination Group for Biotechnology (ICGB) qui se chargea de l’étude. Le document exploratoire édité en 2006 positionne explicitement la bioéconomie comme un moyen de surmonter les obstacles à l’adoption large des biotechnologies : « L’objectif du projet de l’OCDE sur la bioéconomie est d’évaluer l’impact potentiel des biotechnologies et des biosciences sur l’économie et d’inventorier les domaines dans lesquels l’action publique peut efficacement supprimer les obstacles, encourager l’innovation et améliorer la compréhension mutuelle et la coopération des différentes parties prenantes23. »
En 2009, suite à cette étude et dans le prolongement direct du rapport de 1998 sur les nouvelles technologies24, l’OCDE diffuse sa publication phare intitulée « La bioéconomie à l’horizon 2030. Quel programme d’action ? ». Aux enjeux économiques et de légitimation scientifique, vient se greffer un impératif normatif que l’on retrouve aujourd’hui en exergue de la quasi-totalité des textes se référant à la bioéconomie : face à une pression accrue sur les ressources naturelles (accroissement de la population, changement climatique, etc.), les autorités publiques et privées doivent innover. Le rapport s’ouvre en soulignant que « les biotechnologies offrent des solutions techniques qui permettent de résoudre bien des problèmes de santé et de ressources auxquels le monde est confronté » (OCDE, 2009, p. 25). Ainsi serait-il « imprudent » de ne pas développer ces solutions25. Par exemple, « un manque de soutien en faveur des biotechnologies pourrait empêcher la mise au point de variétés améliorées qui bénéficieraient aux populations pauvres dans le monde entier » (OCDE, 2009, p. 274).
L’OCDE incite ainsi les gouvernements à mettre en place des programmes d’action encourageant le développement de la bioéconomie (OCDE, 2009, chapitres 5 et 8) et préconise diverses mesures : aide publique à la recherche en biotechnologies et collaboration avec le secteur privé dans ce domaine (pp. 278-307) ; simplification de la réglementation (pp. 273 et 280) présentée comme un surcoût pour les petites structures et un frein à la recherche (pp. 166-175) ; mise en place d’un droit de propriété intellectuelle adéquat pour favoriser soit la multiplication de brevets afin d’encourager l’investissement dans les biotechnologies, soit le développement de modèles de type open source (pp. 175-177 et pp. 307-310) ; dialogue avec le public sur les avantages des biotechnologies (p. 274).
Si la bioéconomie s’est institutionnalisée à l’OCDE comme économie des biotechnologies au cours des années 2000, l’organisation a recentré ses travaux à partir de 2015 autour des thèmes de production de biomasse, de biologie synthétique, du développement des biotechnologies industrielles et des bioraffineries26.
Une mise à l’agenda européen via la définition de nouveaux axes stratégiques de recherche
Le chantier « bioéconomie » émerge au niveau européen, via la Commission européenne, quelques années après celui de l’OCDE, selon des processus de diffusion d’idées et de recettes de politiques publiques similaires à ceux mis au jour dans d’autres domaines d’action publique (Fouilleux et Jobert, 2017). Aussi, la plupart des rapports de la CE sur le sujet renvoient aux documents de l’OCDE et attribuent une place centrale aux biotechnologies, « moteur » de la bioéconomie européenne (Aguilar et al., 2009 ; 2013).
Tout a formellement commencé en 2000 avec la stratégie de Lisbonne qui a mis en avant le terme de « knowledge-based economy » (KBE), définie comme une économie dont la compétitivité repose sur les applications d’innovations issues de la recherche. En 2005, la direction biotechnologies, agriculture et alimentation de la direction générale recherche et développement technologique (ou DG RTD, ancienne direction générale recherche et innovation) reprend cette terminologie à l’occasion d’une conférence dédiée27 en lui rajoutant le préfixe « bio ». La « knowledge-based bio-economy » (KBBE) renvoie alors de manière plus précise à la valorisation de l’explosion des connaissances sur le vivant. Pour Christian Patermann, ancien fonctionnaire européen d’origine allemande, surnommé le « champion » de la bioéconomie (Aguilar et al., 2013, p. 14), la KBBE sert alors à « développer l’application systématique des connaissances du vivant et des biotechnologies28 », c’est-à-dire à transformer les résultats de recherche sur les ressources biologiques en innovations pour le marché. La KBBE se serait ainsi affirmée comme nouveau mot d’ordre institutionnel grâce au travail conjoint de trois acteurs principaux au sein de la CE à l’époque : Christian Patermann alors chef de l’unité biotechnologies, agriculture et alimentation à la DG RTD (2004-2007)29, Janez Potočnik alors commissaire à la recherche et au développement technologique (2004-2009)30 et Máire Geoghegan-Quinn (2010-2014) qui a succédé à ce dernier. Le concept de KBBE avait été introduit dans le 7e Programme cadre de l’Union européenne (UE) pour la recherche et le développement technologique (FP7, 2007-2013) dans l’objectif de financer les activités R&D d’instituts de recherche, d’universités ou d’entreprises privées par le biais d’appels à projets. Grâce au programme « Alimentation, agriculture & pêche, biotechnologie », plus connu sous le nom de FP7-KBBE, les projets de recherche européens KBBE ont en effet bénéficié d’un budget de presque 2 milliards d’euros, auquel s’ajoutent plus de 50 millions d’euros des appels à projets FP7 relatifs au développement des bioraffineries, prototypes d’usines de transformation de biomasse.
Progressivement la KBBE, nom « trop compliqué »31, est devenue la bio-économie ou bioéconomie, et la stratégie « officielle » de la CE sur le sujet a été publiée en 2012, dans la communication « L’innovation au service d’une croissance durable : une bioéconomie pour l’Europe ». La bioéconomie vise alors à concilier la sécurité alimentaire et l’usage industriel des ressources renouvelables, tout en protégeant l’environnement (CE, 2012, pp. 9-12). Selon plusieurs fonctionnaires interrogés32, ce but officiel en cache en réalité un autre : « C’est un sujet immense et donc impraticable. Tout est dedans, comment est-ce possible de mettre ça en œuvre ? […] In fine, cette communication a un rôle politique : elle est là pour assurer le développement des partenariats public-privé […] et on se sert du mot bioéconomie comme d’une toute petite partie de ce qu’est la bioéconomie (mot non stabilisé) pour lancer des plans de financement de recherche sur les biotechnologies33. »
Le programme Horizon 2020, ou H2020 (2014-2020), qui fait suite au FP7, finance cette stratégie. Avec un budget de 77 milliards d’euros, il repose sur trois piliers : l’excellence scientifique, la primauté industrielle et un ensemble de sept « défis sociétaux ». Le deuxième défi aborde les thèmes de la sécurité alimentaire, de l’agriculture, de la pêche et de la bioéconomie, mais il est souvent présenté lors des réunions H2020 ou sur les pages web de la CE, comme le « défi bioéconomie ». Il bénéficie d’un budget de 3,8 milliards d’euros, auxquels peuvent être ajoutés les 500 millions attribués aux biotechnologies via le pilier « primauté industrielle ». La bioéconomie capte au total environ 5 % des ressources du programme H2020 (Delgoulet et Pahun, 2015).
Au-delà des budgets dédiés du FP7, puis du H2020, la bioéconomie s’est aussi institutionnalisée par la création de nouvelles instances européennes. En février 2013, un « observatoire de la bioéconomie » a été lancé34 afin de créer une base de données sur l’usage actuel des biotechnologies dans les bioraffineries européennes, et d’élaborer les « profils bioéconomiques » de chaque État membre selon ses politiques, la structuration de son marché et de sa recherche, etc. Un panel européen de la bioéconomie a également été créé en 2013, qui réunit plusieurs fois par an fonctionnaires européens, universitaires et industriels, dans le but de développer des synergies entre initiatives nationales. La bioéconomie européenne sort ainsi progressivement du champ strict de la recherche à travers des actions telles que la sensibilisation de l’opinion publique, la promotion de la bioéconomie dans les régions ou l’encouragement à la création de nouveaux produits commercialisables35.
Enjeux et tensions autour du référentiel bioéconomique européen
L’affirmation de la bioéconomie au niveau européen a mobilisé différents acteurs, au premier chef issus du milieu industriel. Elle n’est pas allée sans heurts ni tensions, notamment du fait de ses implications potentielles dans le domaine agricole, domaine historiquement majeur d’intervention publique de l’Union européenne.
Une politique européenne de recherche fortement influencée par les acteurs industriels
Avant d’inscrire la KBBE dans le FP7, la CE avait confié à des European Technology Platforms (ETP)36 le soin de définir l’agenda stratégique de recherche correspondant. Rassemblant des industries européennes en sciences du vivant, en biotechnologies et en chimie, ces ETP devaient identifier des grands axes de stratégies industrielles susceptibles de porter la KBBE à l’horizon 2025. Leurs « suggestions » ont défini près de la moitié des appels à projets FP7-KBBE (Levidow et al., 2013). La « sous-traitance » aux industriels du travail d’élaboration de l’agenda de recherche sur la bioéconomie a aussi été réalisée à travers la mise en œuvre du projet Becoteps (BioEconomy Technology Plateforms 2009-2011). Ce projet du FP7-KBBE, financé à hauteur de 713 899 euros, visait à définir les objectifs scientifiques des futurs agendas de recherche européens pour « contribuer à la création d’une bioéconomie européenne forte37 ». Son exécution a été confiée aux consortiums d’industriels des mêmes ETP qui, via leur rôle actif dans l’organisation d’événements publics38 et leur activité de publication39, ont progressivement redéfini le périmètre définitionnel de la bioéconomie européenne.
La mise à l’agenda européen de la bioéconomie a été particulièrement influencée par les industries de biotechnologies et de chimie, notamment à travers l’intense activité de leur représentant, EuropaBio. Cette association européenne compte un budget annuel de 1,3 million d’euros et 17 salariés à plein temps à Bruxelles40. Entre 2005 et 2014, elle s’est investie dans plusieurs projets de recherche financés par le FP7-KBBE, en partenariat avec Clever Consult, une société de conseil sur la bioéconomie créée par Dirk Carrez, ancien de chez Solvay et directeur du département biotechnologies industrielles d’EuropaBio de 2004 à 2011. Le duo EuropaBio / Clever Consult a ainsi touché 1 191 633 euros de fonds publics41 sur le programme FP7 et a fourni par ce biais une grande quantité de rapports, matériaux de communication, brochures et success stories à la Commission européenne en amont de sa propre communication de 2012 sur la bioéconomie. Cette intense activité a valu à Europabio d’être première au classement Trade Marks de 2013 dans la catégorie « association de commerce la plus efficace à Bruxelles tous critères et secteurs confondus42 ». Elle organise annuellement, depuis 2006, le « plus grand forum de discussion entre entreprises et politiques sur les questions de biotechnologies industrielles et de bioéconomie » sous le nom d’European Forum for Industrial Biotechnology and the Bioeconomy, véritable lieu de convergence entre industriels, investisseurs et décideurs publics. Elle est également présente dans plusieurs instances de consultation européenne, notamment dans le panel de la bioéconomie43. Aux dires des fonctionnaires de la CE, EuropaBio est « un bon allié », avec qui ils « travaillent très étroitement44 ». Ainsi, par exemple, jusqu’à sa parution officielle, le grand projet de partenariats public-privé (PPP) pour la bioéconomie de H2020 s’appelait Bridge2020, du nom même du programme interne de l’association sur le sujet:
« - Le nom du projet Bridge2020 fait bien référence au pont entre recherche et industrialisation dont parle la Commission ?
- Oui. On a décidé [du nom] entre nous. On a fait plusieurs brainstormings. […]
- Et vous avez soumis le nom à la Commission, qui l’a repris ?
- Oui, tout à fait45. »
Après plusieurs années d’utilisation du nom Bridge2020, le PPP s’appelle au final Bio-Based Industries. Il finance le développement des « technologies au sein de bioraffineries afin de transformer les ressources naturelles renouvelables en bio-produits, matériaux et combustibles46 » et octroie 975 millions d’euros de fonds publics européens à l’industrie, soit plus d’un quart de l’enveloppe totale attribuée au défi sociétal H2020 concernant l’agriculture et l’alimentation. Les appels à projets de ces PPP ont été préparés en amont par les entreprises qui en bénéficient aujourd’hui (70 industries regroupées depuis 2012 au sein du Bio-Based Industries Consortium [BIC]47, parmi lesquelles BASF, Dupont ou Total). Le fait que ces PPP aient pris la forme juridique de Joint Technology Initiatives, pilotées par le privé et non par les États membres, accentue d’autant plus le poids politique de l’industrie dans la mise en œuvre de la bioéconomie européenne. Cette forte mobilisation des industriels s’explique sans doute en grande partie par le fait que les budgets pour l’innovation et la recherche sont les seuls fonds publics européens auxquels ils peuvent avoir accès.
Contrastant avec l’intense activité des industriels, que certaines ONG dénoncent comme abusive48, on peut noter le nombre réduit de fonctionnaires européens impliqués dans l’élaboration de l’agenda bioéconomique. Comme l’explique l’un d’eux ayant suivi de près l’émergence de la bioéconomie au sein de la Commission, « il est drôle de voir que la construction de ce concept qui a mobilisé des centaines de personnes n’a en fait été déterminée que par une dizaine de personnes49 ». De même, les représentants de la société civile ont été particulièrement absents de cette construction. Par exemple, le panel de la bioéconomie devait statutairement compter un quart de ses membres issus de la société civile ; après le départ, en 2013 et 2014, des deux ONG y figurant initialement, plus aucun représentant de la société civile ne siégeait en 201550 aux côtés d’EuropaBio, de l’entreprise Roquette ou de James Philp, représentant « biotechnologies et business » de l’OCDE et chef du programme « OCDE-BNCT-Project on Bio-Production for a Bioeconomy ». Aussi, les fortes réticences du grand public concernant les biotechnologies continuent d’être abordées comme un défi à surmonter que souligne le coprésident de l’ETP Food for Life : « We need to change the public understanding of biotechnology. We have been successful in the health sector but we are facing difficulty in the food industry51. » Dans le but de changer les perceptions du public, la CE multiplie vidéos et articles sur les « successful cases » du secteur, études sur « comment communiquer sur les biotechnologies » et organise des événements comme l’European Biotech Week depuis 2013. Pour autant, la question ne fait pas l’unanimité à la Commission.
Quelles priorités pour la recherche européenne agricole ? Bataille à la Commission européenne
Si la bioéconomie est présentée par la DG recherche et innovation (DG R&I) comme un nouveau canal de financement pour la recherche agricole52, les avis sont plus mitigés à la DG agriculture et développement rural (aussi appelée DG Agri) :
« Ce qui se passe, c’est qu’il y a une bataille politique sur quel est le rôle de la recherche agricole à l’échelle européenne […]. Et ce genre de batailles ne s’explicitent jamais sur base d’une distribution des fonds, elles se font toujours sur base d’une position politique. Derrière la bataille de la bioéconomie, derrière le concept de bioéconomie, il y a un affrontement entre les différents possibles bénéficiaires de la manne du financement communautaire et des priorités à fixer53. »
Alors qu’historiquement la recherche agricole européenne était localisée à la DG Agri, elle est passée à la DG recherche (alors DG RTD) au début des années 2000. Et c’est avec la direction biotechnologies, agriculture et alimentation de cette dernière et une nouvelle communauté scientifique, bien plus versée dans les nouvelles technologies, que les fonctionnaires de la DG Agri ont dû collaborer pour l’élaboration des politiques de recherche européennes pour l’agriculture, ce qui fut source de tensions importantes. Selon un fonctionnaire de la DG recherche : « L’agriculture ce n’est pas tellement moderne, ils [les fonctionnaires de la DG Agri] ont du mal à s’ouvrir aux connaissances modernes. […] C’est dans la tête des gens, ils sont très conventionnels et très conservateurs54. »
Au-delà d’une technicisation des enjeux agricoles, les bénéficiaires de la politique de recherche associée ont aussi été changés :
« Quand la recherche agricole était à la DG Agri, c’était essentiellement les acteurs du secteur primaire qui étaient les principaux bénéficiaires, autant quand elle est passée à la DG recherche, c’est plutôt les autres acteurs, en particulier l’industrie et l’industrie des semences qui ont eu un plus grand accès […] à la fois en sujets de recherche et en financements55. »
La bioéconomie qui porte en elle une vision biotechnologique et industrielle du développement agricole risquerait ainsi de renforcer cette tendance. Selon un fonctionnaire de la DG Agri :
« Nous, à la DG Agri, nous ne sommes pas du tout opposés à la diversification des usages de la biomasse, à l’utilisation en cascade. On trouve ça au contraire très pertinent. Mais, quand la DG RTD défend la bioéconomie, c’est “bla bla les petits oiseaux bla bla, conclusion : c’est surtout important de faire de la recherche sur les biotechnologies” […]. [La bioéconomie] porte aussi en elle une philosophie impropre à celle de la DG Agri. La DG Agri essaye de “verdir” sa PAC (politique agricole commune) […]. Or, la bioéconomie de la DG recherche tente d’industrialiser l’agriculture. C’est une approche centralisée. La théorie de la bioéconomie va avoir des impacts en termes de normalisation, de vision du vivant et de développement économique56. »
Des tensions sont ainsi apparues autour de la labélisation du deuxième défi sociétal d’H2020, actuellement intitulé « sécurité alimentaire, agriculture et sylviculture durables, recherche marine, maritime et dans le domaine des eaux intérieures et bioéconomie ». Comme nous l’expliquait un fonctionnaire européen, la délégation allemande à l’UE (très active sur la stratégie européenne de la bioéconomie) voulait que le défi en question s’appelle « bioéconomie : sécurité alimentaire, agriculture, etc. ». Cette demande aurait été soutenue par la DG recherche avant d’être abandonnée, notamment sous la pression de la DG Agri et de la délégation anglaise, pour lesquelles le champ de la bioéconomie n’embrassait pas la totalité des enjeux de la sécurité alimentaire ou de l’agriculture. Pour autant, comme nous l’avons vu, le titre de ce défi est souvent abrégé en “défi bioéoconomie” et, dans l’organigramme de la DG recherche, la recherche agricole est effectivement aujourd’hui chapeautée par la direction de la bioéconomie57.
Au-delà des tensions administratives internes à la Commission européenne autour des budgets des politiques de recherche, on constate une absence relative de débat autour de la bioéconomie, de ses présupposés et critères de durabilité. Seul le Standing Committee on Agricultural Research ou SCAR (qui regroupe les représentants de trente-sept pays au niveau européen – États membres, associés et candidats – pour réfléchir à la recherche agricole et bioéconomique européenne) s’écarte un peu de la doxa innovation-croissance-compétitivité en menant des réflexions sur la durabilité de l’approvisionnement en ressources naturelles, les conditions agronomiques de production de biomasse ou l’organisation des marchés58.
Vers une agriculture bioéconomique ?
Pourtant, les conséquences du développement de la bioéconomie sur l’exploitation des ressources naturelles et sur l’agriculture pourraient être majeures. Nous développons ce point en analysant les présupposés et les implications de la notion de biomasse, notion centrale de la bioéconomie. La biomasse est définie comme la masse totale de matières organiques dans un espace donné, qu’elles soient d’origine végétale, animale, bactérienne ou fongique59. C’est donc un ensemble de ressources naturelles « en vrac » que les biotechnologies peuvent décomposer et réassembler selon les produits ou les usages souhaités : biopolymères, biocarburants, bioplastiques, biomatériaux, alimentation, etc.
Cette démultiplication des usages possibles des ressources naturelles engendre un changement de discours : elles ne sont plus perçues comme un ensemble de ressources « surexploitées », mais comme un stock de matières premières « mal exploitées ». Les algues, la paille, les micro-organismes ou les « déchets » agricoles sont autant de matières organiques jusque-là « non-utilisées », autant de puits de carbone vert « latents » qui pourraient être valorisés économiquement. En ce sens, ils constituent de nouveaux fronts pionniers pour la recherche et l’industrie de transformation. Exploiter le « potentiel latent » de la biomasse grâce aux biotechnologies constitue ainsi le programme fondateur de la bioéconomie « comprise comme l’ensemble des opérations économiques d’une société utilisant la valeur latente des produits et processus biologiques afin d’en répercuter les nouveaux effets positifs sur la croissance et le bien-être des citoyens et des nations » (OCDE, 2006, p. 3). La valeur latente de la biomasse renvoie donc, d’une part, à la démultiplication de ses usages grâce aux biotechnologies industrielles mais aussi, d’autre part, et ce à plus long terme, à l’augmentation et/ou l’amélioration de son stock initial grâce au génie génétique. Dans ce dernier cas, on parle de « biomasse optimisée », qui fait référence aux modifications génétiques apportées aux ressources naturelles. L’objectif de cette optimisation est de créer des « plantes usines » ou des « cellules usines60 », définies comme des « ordinateurs naturels » pouvant être reconfigurés à souhait via « la soustraction ou l’addition de gènes afin de créer quelque chose de nouveau61 ».
Cette vision décomposée du vivant, perçu comme un ensemble de « briques élémentaires » que l’on pourrait assembler et dissocier à l’envi, se retrouve aussi dans l’analogie que les discours de la bioéconomie opèrent entre biomasse et pétrole. Les lieux de concentration de biomasse sont en effet appelés « puits de carbone vert » en référence aux puits de pétrole. Certains biocarburants sont aussi appelés en anglais « biocrude », faisant référence au terme de « crude oil » qui signifie pétrole brut ou pétrole non raffiné. La biomasse serait ainsi une matière « brute » que l’on pourrait raffiner en lui faisant subir des opérations de craquage jusqu’à l’obtention de composants « structurellement semblables aux hydrocarbures à longue chaîne dérivés du pétrole62 ». Cette analogie se retrouve au niveau des champs agricoles que certains promoteurs de la bioéconomie considèrent comme les puits de pétrole du XXIe siècle : le réseau européen BiomatNet de promotion des biomatériaux présentait ainsi en 2006 les exploitations agricoles « as the “oil wells of the 21st century” » (Levidow et al., 2012, p. 52), futures grandes fabriques de biomasse pour approvisionner les bioraffineries en matière première. Cette vision a des répercussions sur la nature de la profession agricole dont l’objet ne serait plus de fournir un produit intègre, encore moins un aliment, mais de la biomasse en vrac à destination des industriels (Levidow et al., 2013). L’agriculteur devient ainsi un producteur de matières premières, voire un « moléculteur » (Nieddu et Vivien, 2015, p. 8). Dans la mesure où la bioéconomie va imprégner de manière croissante la recherche européenne sur les questions agricoles, un tel référentiel est susceptible de ne laisser que peu de place pour le développement de visions alternatives, restreignant les champs du possible aux innovations technologiques (Birch et al., 2010 ; Levidow et al., 2013).
Conclusion
La bioéconomie a été mobilisée au XXe siècle dans divers forums académiques autour des enjeux d’articulation entre ressources naturelles et échanges économiques, selon des approches et des visions du vivant distinctes. Elle renvoie ainsi à l’étude des populations en biologie, aux modèles de gestion des ressources naturelles et à l’approche entropique de l’économie à la façon de Nicholas Georgescu-Roegen.
À partir des années 2000, la bioéconomie a émergé sur l’agenda de l’OCDE puis de l’Union européenne. Si sa définition n’est pas vraiment stabilisée, elle s’articule cependant autour de l’économie de la biomasse, de la promotion des biotechnologies, du développement des bioraffineries et des produits qui en sont issus (bioénergie, produits biosourcés, etc.). Nous avons montré l’influence des acteurs industriels de la chimie et des biotechnologies dans le processus d’institutionnalisation de la bioéconomie au niveau européen, à travers trois canaux d’influence principaux : leadership des plateformes technologiques proposées par la Commission européenne (ETP), organisation et participation à des consortiums de recherche (Becoteps), activités de lobbying (EuropaBio). Cette influence s’est ainsi exercée à la fois sur la définition des priorités de recherche, sur la traduction de celles-ci en appels à projets et sur les modalités de financement de ces projets. Au final, par le biais des PPP, les industriels sont les premiers bénéficiaires des politiques de recherche dédiées à la bioéconomie. Leur investissement massif dans les processus de décision et de mise en œuvre de la politique européenne de recherche contraste avec l’absence de concertation publique sur la bioéconomie. Comme le souligne « hors micro » l’un de nos interviewés à la DG recherche : « Si on avait fait une consultation publique des citoyens européens pour leur demander où attribuer des fonds pour la recherche agricole entre agroécologie, agriculture biologique ou bioéconomie, il est très peu probable que la dernière proposition aurait été acceptée63. »
Pour autant, la bioéoconomie s’impose déjà à l’agenda européen de recherche agricole, générant des tensions importantes au sein de la Commission européenne, entre acteurs de la DG Agri et de la DG recherche. Mais les recompositions qu’elle induit sont susceptibles d’aller bien au-delà. En effet, via les agendas de recherche qu’elle façonne, la bioéconomie diffuse sa vision industrielle des enjeux agricoles, concernant autant la production de biomasse (améliorée et amplifiée grâce aux biotechnologies) que sa destination (matière première pour l’industrie). Dans quelle mesure ces représentations spécifiques influenceront demain les débats et décisions sur les politiques agricoles et alimentaires dans l’Union européenne et dans le reste du monde ? La question reste ouverte.
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Heather Youngs, Bioenergy connection V 3.1, www.academia.edu/10340099/The_Bioeconomy_is_Everywhere.
À l’international : OCDE, CE (direction générale recherche et innovation, direction générale agriculture et développement rural, direction générale environnement), Association EuropaBio, Corporate Europe Observatory. En France : ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Club des bio-économistes, Inra, Cirad, Toulouse White Biotechnology.
« La bio-économie : une stratégie d’avenir ? » (Inra-IFP Énergies Nouvelles), Salon de l’Agriculture, 01/03/2013 ; « The 2nd Bioeconomy Forum » (CommNet), Bruxelles, 30/09/2013 ; « The European Forum for Industrial Biotechnology and the Biobased Economy » (EuropaBio & Smithers Rapra), Bruxelles, 01-02/10/2013 ; « Bio-economy seminar » (Inra), Paris, 08/10/2013 ; « Assises du vivant. Les enjeux de la bioéconomie » (Unesco), Paris, 12-13/12/2013 ; « Colloque Bioéconomie 2020/2050 » (Inra), Paris, 9-10/06/2015.
Ces travaux de modélisation avaient débuté avec le biologiste marin russe Fedor Baranov et sa catch equation (Baranov, 1918, « On the question of the biological basis of fisheries »). L’auteur se référait déjà à une bioéconomie sans faire toutefois beaucoup de cas de facteurs économiques (Gordon, 1954).
L’OCDE définit les biotechnologies comme « l’application de la science et de la technologie à des organismes vivants, [...] pour modifier des matériaux vivants ou non vivants aux fins de la production de connaissances, de biens et de services », www.oecd.org/fr/sti/biotech/definitionstatistiquedelabiotechnologiemiseajouren2005.htm.
Cf. les derniers travaux de l’institution : « Project on Bio-Production for a Bioeconomy » (OECD Working Party on Bio-, Nano- and Converging Tech), www.innovationpolicyplatform.org/project-bio-production-bioeconomy-oecd-bnct.
Informations sur le site de Corporate Europe Observatory : http://corporateeurope.org/news/transformation-needed-transparency-looking-towards-lobby-register-review.
Classement établi par sondage auprès de 300 leaders politiques à Bruxelles, mettant en regard 55 groupes d’intérêt : http://trademarks.apcoworldwide.com/home.
Présentation sur le site web : www.bbi-europe.eu/about/about-bbi
Le BIC est présidé depuis sa création par Dirk Carrez, ancien directeur d’Europabio, qui est aussi vice-président du Comité OCDE sur les biotechnologies (Business and Industry Advisory Committee, BIAC) et du groupe de travail sur les biotechnologies industrielles de la même institution, renforçant de fait les interactions entre agenda de recherche public / privé et OCDE / CE.
La production annuelle mondiale de biomasse est estimée à 210 milliards de tonnes (Kircher, 2012).
On retrouve ces termes dans le programme FP7-KBBE (onglet « Benefits »), https://setis.ec.europa.eu/energy-research/content/fp7-cooperation-research-theme-knowledge-based-bio-economy, et dans certaines présentations des projets rattachés, non accessibles en ligne mais disponibles sur demande aux auteurs.
Citation de l’article : Pahun J., Fouilleux È., Daviron B., 2018. De quoi la bioéconomie est-elle le nom ? Genèse d’un nouveau référentiel d’action publique. Nat. Sci. Soc. 26, 1, 3-16.
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