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Nat. Sci. Soc.
Volume 30, Number 3-4, Juillet/Décembre 2022
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Page(s) | 226 - 237 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2023004 | |
Published online | 10 April 2023 |
Dépeindre la finance comme une « force pour le bien » : analyse de discours du Global Impact Investing Network (GIIN)
Portraying finance as a ‘force for good’: a discourse analysis of the Global Impact Investing Network (GIIN)
Sociologie, Université de Neuchâtel, Institut de sociologie, Neuchâtel, Suisse
* Auteur correspondant : daniel.burnier@unine.ch
Reçu :
28
Juin
2021
Accepté :
7
Juillet
2022
Cet article s’intéresse au discours de l’industrie de l’investissement d’impact à travers le cas du Global Impact Investing Network (GIIN), l’une des plus importantes organisations à faire la promotion de cette approche à travers le monde. À partir d’une analyse documentaire, nous décrivons le concept flou d’« investissement d’impact » qui se trouve au cœur de ce discours. Afin de favoriser la diffusion de ce concept et de son discours, le GIIN fait appel à deux techniques de « concrétisation » qui le rendent plus tangible : l’objectivation de l’impact social ou environnemental d’un investissement qui fait exister ce dernier à travers des mesures quantifiables et son exemplification, qui se focalise avant tout sur les investisseurs et leurs intentions plutôt que sur les entreprises bénéficiaires ou les populations et environnements visés in fine par ces investissements. Nous montrons enfin que ce concept est porté par un discours plus général qui est construit autour d’une logique dite « gagnant-gagnant ».
Abstract
This article looks at the discourse of the impact investing industry (a term that designates an investment whose stated intention is to produce both a social or environmental impact and a financial return on investment) through the case of the Global Impact Investing Network, one of the largest organizations promoting this investment approach worldwide. Illustrating the ‘caring’ shift (Barman E., 2015) in capitalist discourse at the beginning of the 21st century, impact investors argue that it is possible to finance businesses with a mission to solve social or environmental problems (poverty, poor access to education or health, non-renewable energy, climate or biodiversity crisis, etc.) without having to sacrifice financial returns. Based on a document analysis, we first describe the vague concept of impact investing which is at the heart of its discourse. To make impact exist and promote its discourse, the GIIN uses two ‘concretization’ techniques: objectification techniques make impact exist through measurements and quantifiable indicators. Exemplification techniques focus on investors and emphasize their intentions as opposed to investees or beneficiary populations. Finally, we show that the concept of impact investment is supported by a more general discourse that is built around a so-called ‘win-win’ logic. According to the GIIN, this new practice of sustainable finance would have the advantage of producing only winners, thus reversing the idea that what is gained on one side is lost on the other.
Mots clés : développement durable / dispositifs institutionnels / investissement d’impact / discours gagnant-gagnant
Key words: sustainable development / institutional framework / impact investing / win-win discourse
© D. Burnier et al., Hosted by EDP Sciences, 2023
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
Face aux inégalités sociales et aux menaces environnementales, le sentiment moral des investisseurs peut-il être un levier de changement de la finance ? Les sociologues de la quantification répondent par la négative étant donné l’étendue des marges d’appréciation dans les pratiques de commensuration, de négociation et d’utilisation stratégique des métriques. Dans cet article, les auteurs, qui sont sociologues, analysent le discours de promotion de cette offre commerciale d’investissement à impact à partir d’une étude du cas du Global Impact Investing Network et montrent que l’accent est mis sur les moyens beaucoup plus que sur les fins. Ces acteurs intermédiaires qui font leur affaire de « démontrer » l’impact social et environnemental des investissements et qui communiquent sur l’image de leurs clients « capitalistes attentionnés » ne seraient-ils pas en train de réinventer le commerce des indulgences ?
La Rédaction
Cet article s’intéresse au discours de l’industrie de l’investissement d’impact – un terme qui désigne un investissement dont l’intention affichée est de produire à la fois un impact social ou environnemental et un retour sur investissement – et aux procédés langagiers à travers lesquels ce discours est promu. Adoptant une stratégie d’échantillonnage visant à sélectionner ce que Michael Quinn Patton appelle un « cas critique » (Patton, 1990), notre analyse se concentre sur le plus vaste réseau de fournisseurs de services, de propriétaires et de gestionnaires d’actifs impliqués dans l’investissement d’impact : le Global Impact Investing Network. Lancé en 2009 par la fondation Rockefeller, ce réseau de plus de 20 000 membres peut être perçu comme le « principal instrument d’organisation1 » (Jackson, 2013, p. 97) de l’investissement d’impact à travers le monde. Ce sont les rapports annuels du GIIN qui estiment la taille de ce marché (à partir d’une large base de données d’investisseurs d’impact institutionnels) et permettent des comparaisons avec d’autres marchés similaires. Ses « forums » sont très suivis : celui d’octobre 2019 a, par exemple, rassemblé 1 200 professionnels de l’investissement d’impact à Amsterdam. Sa vision pour cette industrie est inclusive, cherchant à augmenter la taille de son marché en influençant des investisseurs traditionnels opérant à une grande échelle (Bouri, 2017). L’objectif du GIIN est de « construire une infrastructure cruciale et de soutenir les activités, l’éducation, la recherche qui aident à accélérer le développement d’une industrie de l’investissement d’impact cohérente » (site Internet du GIIN). Le GIIN dit vouloir réformer de l’intérieur les manières d’agir et de raisonner des acteurs de la finance – les investisseurs, en particulier – afin de faire des marchés financiers des instruments incontournables (aux côtés de l’action gouvernementale, des philanthropes et des organisations non gouvernementales) de la résolution des problèmes sociaux et environnementaux pressants de notre temps tels que le changement climatique ou les inégalités sociales. Cette approche d’investissement rencontre un certain succès : le marché mondial de l’investissement d’impact, s’il reste minoritaire parmi les autres types d’investissements dits « durables2 », pesait déjà 715 milliards de dollars en 2019, en croissance de près de 30 % par rapport à l’année précédente selon le GIIN (2020). En quelques années seulement, de grandes institutions financières traditionnelles comme J.P. Morgan, UBS, Goldman Sachs ou plus récemment BlackRock, ont adopté le terme pour décrire certains de leurs portfolios ou activités, tout comme certains États et organisations supranationales tels que la Banque mondiale, l’Union européenne, les Nations unies (International Finance Corporation, 2019) ou l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2015) qui y voient un moyen de financer la sécurité sociale et le développement international.
Bien que les acteurs du capitalisme moderne aient souvent affirmé poursuivre des buts moraux (Fourcade et Healy, 2007), la dernière décennie a été marquée par une tendance accrue parmi les défenseurs du marché à développer ce qu’Emily Barman (2016) qualifie de discours « compatissant » (caring). Parlant souvent le langage de la morale, ces capitalistes affichent une conception décloisonnée des buts économiques, sociaux et environnementaux, en faisant intentionnellement3 du bien commun un motif de leur action. Les investisseurs d’impact – exemples de capitalistes compatissants – se disent attentifs à toutes les parties prenantes affectées par leurs investissements (clients, fournisseurs, employés, actionnaires, communautés locales, etc.) et affirment chercher intentionnellement à résoudre ces problèmes sociaux ou environnementaux tout en poursuivant leur intérêt financier (Bugg-Levine et Emerson, 2011). Si notre texte peut ainsi être rattaché au cas plus général de l’incursion des préoccupations morales dans les marchés et les situations marchandes (Schiller-Merkens et Balsiger, 2019 ; Zelizer, 2011 ; Balsiger, 2021 ; Kabouche et Dubuisson-Quellier, 2020), nous développons ici, à travers une approche « abductive » (Tavory et Timmermans, 2014), une analyse discursive du contenu public du site Internet du GIIN, en particulier dix rapports de recherche et dix-neuf articles d’opinion écrits pour la plupart par le président-directeur général (PDG) du GIIN, Amit Bouri. Nous présentons tout d’abord 1) le concept flou et protéiforme d’« investissement d’impact » qui se trouve mobilisé au cœur de ce discours. Afin de favoriser la diffusion de ce dernier auprès d’un grand nombre d’acteurs au sein du champ de la finance durable et traditionnelle et au-delà, notamment dans les champs de la sécurité sociale ou du développement international, le GIIN fait appel à deux techniques de « concrétisation » qui rendent ce concept plus tangible 2) : d’une part, l’objectivation de l’impact social ou environnemental d’un investissement qui fait exister cet impact à travers des mesures quantifiables et, d’autre part, l’exemplification de l’impact qui se concentre avant tout sur les investisseurs et leurs intentions plutôt que sur les entreprises bénéficiaires ou les populations et environnements visés in fine par ces investissements. Nous montrons enfin 3) que le concept d’investissement d’impact est porté par un discours plus général construit autour d’une logique dite « gagnant-gagnant » : selon le GIIN, cette nouvelle pratique de la finance durable présenterait l’avantage de ne produire que des gagnants, prenant ainsi à rebours l’idée selon laquelle ce qui est gagné d’un côté est perdu de l’autre.
Une pratique hétérogène légitimée par un discours
Le terme « impact investing » fut inventé lors de deux réunions concomitantes à la crise financière de 2008 par un petit groupe d’une vingtaine d’investisseurs actifs dans la microfinance, le développement communautaire ou l’environnement, réunis au centre Bellagio de la fondation Rockefeller, situé au bord du lac de Côme (Bugg-Levine et Emerson, 2011 ; GIIN, 2018, p. xix). Aujourd’hui, les promoteurs de cette approche d’investissement sont essentiellement actifs dans le champ de la finance et de l’entreprise mais se trouvent aussi dans le secteur public, national ou international, ou encore dans certaines organisations non gouvernementales. Ces promoteurs la distinguent à la fois de la venture philanthropy (une démarche qui cherche à évaluer l’impact social et environnemental des dons sans retour financier attendu) et surtout des pratiques d’investissement durable précédentes, notamment les investissements socialement responsables (ISR) et les investissements intégrant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) [Barman, 2016 ; Chiapello, 2015 ; Leins, 2020]. Les investisseurs d’impact disent vouloir faire plus qu’aligner leurs investissements sur leurs valeurs en excluant certaines industries (l’industrie du tabac, du jeu, de l’alcool, du divertissement pour adultes ou des armes), qualifiées d’« immorales », ce qui reviendrait à adopter une approche fondée sur l’exclusion, caractéristique de l’ISR. Ils affirment également dépasser les approches dites « ESG », dans lesquelles la durabilité d’une entreprise (et pas nécessairement les produits ou services de l’entreprise eux-mêmes) est évaluée sur la base d’indicateurs standardisés tels que les émissions de CO2, l’égalité femmes/hommes, les pratiques de gestion, etc. Les investisseurs d’impact reprochent ainsi aux investisseurs ESG de ne pas privilégier les objectifs sociaux et environnementaux dans le choix de leurs investissements et de ne pas se soucier avant tout d’avoir un impact. A contrario, l’objectif premier des investisseurs d’impact serait l’accomplissement de l’impact environnemental et/ou social : tout en réalisant des bénéfices, ils cherchent à investir dans des entreprises qui certes respectent en interne certains critères de durabilité mais qui surtout ont un objectif social ou environnemental comme, par exemple, accroître l’inclusion financière des populations rurales vivant dans les pays en développement, améliorer la santé des communautés locales ou transformer les systèmes d’irrigation pour réduire leurs coûts énergétiques et leurs émissions de CO2.
L’investissement d’impact a récemment donné lieu à de multiples recherches en sciences sociales. Un certain nombre de travaux ont analysé l’investissement d’impact sous l’angle de la financiarisation des programmes sociaux, par exemple, en Grande-Bretagne (Golka, 2019), et le rôle joué par les États dans le développement de ces innovations financières (Chiapello et Knoll, 2020). D’autres insistent davantage sur l’étude des pratiques et des dispositifs de l’investissement d’impact ainsi que sur la manière dont ces derniers contribuent à la construction sociale de ce marché. Dans ce processus de construction, Emily Barman (2015) met en avant le rôle-clé joué par les infrastructures d’évaluation (compte rendu, gestion et indicateurs d’impact) qui « évaluent et donc construisent la valeur sociale et environnementale indépendamment de la valeur financière des entreprises et des fonds » (Barman, 2015, p. 35). Le monde de l’investissement d’impact est ainsi créé au quotidien par la combinaison des savoirs financiers des investisseurs et des buts sociaux poursuivis (Bourgeron, 2020 ; Hellman, 2020). Néanmoins, ce champ reste hétérogène. Roundy (2019) présente ainsi les différences interrégionales dans la prévalence et l’intensité de l’investissement d’impact, soulignant que les « écosystèmes d’investissement d’impact » les plus dynamiques (par exemple, Londres, Genève, la Silicon Valley, l’Afrique du Sud, etc.) se caractérisent par l’importance de leur diversité (dans les buts suivis, les classes d’actifs, les types d’entreprises bénéficiaires, le retour financier attendu, etc.), de leur cohésion (existence d’un groupe d’investisseurs ayant un intérêt en commun à poursuivre des buts financiers et sociaux/environnementaux) et de leur coordination (existence d’un réseau, échange d’informations, etc.). Analysant l’essor de l’investissement d’impact en Europe, Hehenberger et al. (2019) ont, quant à elles, relevé les dichotomies observables au sein de cette industrie, notamment les oppositions entre « standardisation » et « personnalisation », « héros » et « communauté », « mesure de l’impact » et « récits », etc. Dans leurs analyses des conflits, processus et négociations que peut masquer une idéologie en apparence cohérente, les auteures invitent d’autres chercheurs à s’intéresser à ces orientations qu’aurait pu prendre l’industrie de l’investissement d’impact, ces « bits and pieces of path not taken » (Hehenberger et al., 2019, p. 52). Si l’investissement d’impact est promu à un niveau international par des réseaux comme le GIIN ou encore le Global Steering Group for Impact Investment (GSG), les contextes locaux et historiques viennent influencer ses pratiques et ses effets. Ainsi, Ducastel et Anseeuw (2020) montrent, par exemple, que l’investissement d’impact, soutenu par le gouvernement sud-africain et ses institutions financières publiques, peut être perçu comme un redéploiement de l’État dans un contexte d’endettement public.
Certains travaux, enfin, cherchent à distinguer différents types d’investisseurs d’impact selon leur arbitrage entre impact social ou environnemental et retour financier (Grabenwarter et Liechtenstein, 2011) ou selon le type de rationalité soutenant leur action (Nicholls, 2010). Une étude de Roundy et al. (2017) met en lumière toute l’étendue des motivations des investisseurs d’impact à poursuivre des buts à la fois économiques et sociaux/environnementaux. Concernant ces décisions d’investissement, les auteurs soulignent le rôle joué par les valeurs personnelles et les émotions ou encore les causes spécifiques motivant les investisseurs d’impact, par exemple un attachement ou une expertise particulière dans un secteur particulier comme la santé ou l’agriculture. D’autres facteurs motivent encore ces investisseurs, notamment la possibilité qu’ils ont de réinvestir leurs capitaux afin de générer d’autres impacts sociaux/environnementaux, leur croyance dans les solutions de marché ou encore la nature moins rigide des investissements d’impact par rapport à la philanthropie.
Au sein de cette littérature consacrée principalement aux pratiques, aux processus d’institutionnalisation et aux motivations morales soutenant l’investissement d’impact, nous notons la faible place accordée à l’étude du rôle des discours officiels des promoteurs de l’investissement d’impact ainsi que des procédés langagiers et discursifs dans la construction, la légitimation et la diffusion de cette approche d’investissement. Il paraît pourtant essentiel d’aborder ces questions, dans la mesure où, pour ce qui concerne sa seule pratique, l’investissement d’impact est circonscrit à des contours très flous : comme le montrent Höchstädter et Scheck (2015) dans une vaste revue de la littérature scientifique et des textes de praticiens, le terme « investissement d’impact » est revendiqué par des acteurs engagés dans des modes d’investissements très variés (cotés, non cotés, avec impacts quantifiés ou pas, etc.). Ces conclusions montrent à quel point l’investissement d’impact, en tant que pratique, est composite, ce qui nous invite alors à questionner les aspects ne relevant pas exclusivement de cette dernière – en l’occurrence, les discours – qui octroient une réalité et une robustesse sociales au concept d’investissement d’impact, tout en œuvrant à sa diffusion.
Cet article se propose d’investir cet axe d’étude pour contribuer à la compréhension de la légitimation du concept d’investissement d’impact et du discours qui le porte à travers l’analyse du cas critique du Global Impact Investing Network (GIIN). Dans cette recherche, le concept de « discours » doit être compris comme le processus de représentation d’objets et de sujets prenant place à travers la régularité d’énoncés langagiers et de pratiques (Phillips et Hardy, 2002). S’ils reflètent le monde social, en étant influencés par des réalités non discursives (relations sociales, techniques, structures, etc.), ces discours constituent simultanément l’ordre social en définissant des concepts, des objets (normes, relations, identités, institutions, etc.) et des sujets qui ne sont pas des entités indépendantes des discours. En créant des représentations de la réalité et des catégories (par exemple la « bonne » manière d’investir), ils donnent un sens à cette réalité sociale, l’interprétant socialement (Berger et Luckmann, 1966). Ils constituent ainsi une manière, parmi d’autres qui lui sont concurrentes, de fixer et de réduire le sens et la complexité d’objets et de sujets (Fairclough, 1992).
Méthodologie : sélection et analyse de données
Nous avons développé ici une analyse discursive à partir du contenu public du site Internet du GIIN afin de faire ressortir les caractéristiques principales du discours de ce réseau global (le site Internet en tant que tel n’a pas fait l’objet d’une analyse). Les documents analysés proviennent avant tout de l’onglet « research & opinions » du site, qui permet d’accéder à des publications du GIIN et des organisations tierces comme CDC group, le Council of Development Finance Agencies (CDFA), Symbiotics, etc. Pour cet article, nous avons retenu les recherches dont le GIIN est l’auteur. Sur les 357 rapports figurant sous cet onglet (avril 2020), seuls 50 sont des publications du GIIN. Ces 50 documents concernant parfois des secteurs d’activité spécifiques (l’agriculture, l’environnement, le logement, etc.) et des régions particulières (Afrique, Asie centrale, Amérique latine, etc.), nous avons fait le choix de ne garder que les rapports traitant de l’investissement d’impact de manière générale, tant du point de vue géographique que du secteur d’activité. Ainsi, pour l’onglet « research & opinions », nous avons sélectionné, dans un premier temps, 24 rapports de recherche. Après les avoir lus attentivement, nous avons choisi d’analyser en détail 10 rapports du GIIN (de longueur variable, entre 10 et 80 pages), dont nous avons estimé qu’ils produisaient les données empiriques les plus riches nous permettant d’analyser le discours du GIIN. À ces rapports, nous avons ajouté la totalité des 19 articles d’opinion présents sur le site au moment de la récolte des données. D’une page environ chacun, ces articles sont pour la plupart écrits par le PDG du GIIN, Amit Bouri ; quelques-uns ont été écrits par le directeur de la recherche du réseau. Les contenus de l’onglet « about impact investing » (informations générales sur l’investissement d’impact) et « about the GIIN » (informations sur le réseau) ont été également inclus dans leur intégralité dans notre corpus de données.
Pour analyser ces documents, nous avons adopté une approche « abductive » (Tavory et Timmermans, 2014), c’est-à-dire un va-et-vient pragmatique entre la théorie et les données empiriques. Contrairement à la démarche inductive ancrée où les théories émergent des données, Tavory et Timmermans plaident pour qu’une base théorique solide (qui permet néanmoins des surprises observationnelles) guide la recherche. Ainsi, dans notre processus de codage, nous avons d’abord recherché des thèmes prédéterminés qui étaient tous liés à la moralisation des marchés financiers (par exemple les thèmes de la durabilité, la mission, le capitalisme des parties prenantes, etc.). Ce faisant, le problème de la légitimité du discours du GIIN est rapidement apparu comme un thème émergent prometteur. Cette découverte a induit de nouveaux questionnements théoriques pour lesquels nous avons recueilli davantage d’observations en nous concentrant sur les caractéristiques du concept même d’investissement d’impact ainsi que sur les manières dont les mots-clés des documents étaient hiérarchisés, préconstruits et tenus pour acquis (Fairclough, 1992), comme dans la croyance du GIIN, centrale dans son discours, qu’il est tout à fait possible pour un investisseur de poursuivre des buts économiques et sociaux/environnementaux de manière satisfaisante. Même si nos analyses concernant le GIIN ne s’appliquent pas à l’ensemble de cette industrie diverse, elles montrent que le rôle central de cette organisation, reconnu dans la promotion de l’investissement d’impact, en fait, selon nous, un « cas critique » (Patton, 1990), c’est-à-dire un exemple spectaculaire et particulièrement informatif, pertinent dans l’analyse du discours de l’investissement d’impact.
L’investissement d’impact comme concept flou et incertain
Le GIIN donne des investissements d’impact une définition que l’on peut qualifier de tautologique : ce sont des « investissements réalisés dans l’intention de générer un impact social et environnemental positif et mesurable ainsi qu’un rendement financier4 ». Mais qu’est-ce donc qu’un « impact social et environnemental » pour le GIIN ? Dans l’appendice d’un récent rapport sur la mesure et la gestion de l’impact, le GIIN (2020) donne cette définition de l’impact : « the social and/or environmental performance of investments ». Sur le portail du système de gestion et de mesure de l’impact développé par le GIIN (IRIS+), on trouve cette autre définition : « impact is a change in an important positive or negative outcome for people or the planet ». Cette définition non normative reste peu précise. Que faut-il comprendre par « changement » ou « important » et comment définir ce qui l’est pour les populations ou la planète ? Un changement social ou environnemental qui ne serait, par exemple, que provisoire ou superficiel, est-ce déjà un « impact » ? Est-ce que l’impact environnemental ou social d’un investissement diffère des résultats escomptés (outcomes) ? De plus, les facteurs qui déterminent si les produits financiers visant à améliorer les résultats environnementaux et humains peuvent atteindre leur double objectif sont, en effet, très incertains, se prêtant difficilement à une description probabiliste. Ainsi, les gestionnaires d’actifs qui placent l’argent des autres le font dans divers pays et différents secteurs, qui ont chacun leurs spécificités. Certes, l’outil de mesure de l’impact peut être normalisé par secteur (soins de santé, logement, agriculture, énergie, etc.) ou par objectif d’impact (promouvoir la santé et le bien-être, bâtir des infrastructures résilientes, assurer la sécurité alimentaire, garantir l’accès à des services énergétiques durables, etc.). Pourtant, la nature idiosyncrasique du contexte situationnel – par exemple, les tendances agroécologiques d’un pays ou les schémas de corruption – vient modifier l’impact des investissements sociaux et environnementaux (Rodin et Brandenburg, 2014, p. 58). Enfin, l’ensemble des effets positifs et négatifs provoqués par un investissement d’impact déborde largement les « impacts » escomptés et mesurés (Servet, 2006). Prenons le cas d’un investissement d’impact dans une institution de microfinance octroyant de petits prêts à des familles pauvres vivant dans un pays en développement. Si l’impact social de cet investissement peut être mesuré par le nombre de prêts octroyés par l’institution et, mieux encore, par l’augmentation du revenu de ces familles, cette augmentation de revenus signifie-t-elle nécessairement une amélioration des conditions de vie de ces personnes ? Cet investissement (et ces bonnes intentions de départ) peut pourtant charrier avec lui des effets non désirés tels que, pour ces familles, des pressions sociales pour rembourser leur dette (qui a augmenté), d’éventuelles pertes de propriété en cas de non-remboursement, des rapports sociaux modifiés par le processus de financiarisation, des conflits d’intérêts, etc. Comme le disait récemment un leader de cette industrie, l’impact social et environnemental de ces investissements n’est, à long terme, pas connu :
« Despite all our efforts to be evidence-based, informed by objective analysis and act according to enunciated strategy, in the end, we operate in ignorance of our ultimate outcomes. We want to believe what we do matters, that we may be a positive presence in our world, but we cannot know the long-term impacts of our actions. » (Emerson, 2018, p. 39)
Face à cette incertitude concernant les effets des investissements d’impact et la définition de l’impact en tant que tel, comment le GIIN rend-il tangible cet « impact » difficile à appréhender ?
Résultats
Objectiver l’investissement d’impact
Dans les documents analysés, l’impact social ou environnemental d’un investissement est principalement donné à voir de deux manières différentes. La première des techniques de « concrétisation » de l’impact développées par le GIIN consiste à tenter de « mesurer » et de « gérer » l’impact objectivement. Pour le GIIN, la mesure et la gestion de l’impact (impact measurement and management – IMM) consistent à identifier les effets positifs des actions de l’entreprise sur les individus et sur la planète en cherchant à les maximiser tout en identifiant également les effets négatifs de ces actions afin de les atténuer (GIIN, 2020, p. 61). Ce processus, que le GIIN considère comme itératif, est composé de quatre actions qu’un investisseur d’impact devrait suivre : 1) établir des objectifs et des attentes qui tiennent compte des risques, du retour financier, de la liquidité et de l’impact social ou environnemental d’un investissement ; 2) définir des stratégies soutenues par des pratiques exemplaires et des preuves ; 3) sélectionner des indicateurs (par exemple à l’aide de l’outil IRIS+) ; 4) mesurer, suivre, utiliser et rapporter les données5. Le GIIN dit avoir développé ces outils de mesure et de gestion afin de réduire les particularismes qui ont cours actuellement :
« The practice of impact measurement and management (IMM) is currently highly idiosyncratic, restricting the ability across the field to understand, communicate, or compare performance. The industry needs to focus on enhancing the standardization and rigor of IMM practice, so that investors can be significantly more effective in driving toward impact goals » (GIIN, 2018, p. 39).
Cette « standardisation » et cette « rigueur » assurent une présence concrète et prévisible à cet impact social et environnemental incertain. En effet, si la standardisation peut être comprise comme un « processus de construction de l’uniformité dans le temps et l’espace à travers des règles acceptées » (Timmermans et Epstein, 2010, p. 71), l’homogénéisation de la mesure et de la gestion de l’impact constituerait pour le GIIN une sorte de « preuve » de son existence :
« Developing metrics will be an essential way to draw attention to the results of an effective model developed by a fund of funds. Proof of impact is going to get a lot of people excited about investing for impact – because it will demonstrate that better, larger, different more sustainable social impact is achievable. » (Freireich et Fulton, 2009, p. 47)
Devant la diversité que l’on trouve au sein de cette industrie (types d’organisations, secteurs d’activité, pratiques, etc.), un impact standardisé « made in GIIN » octroierait une légitimité accrue à ce réseau international (qui « imposerait » ainsi sa norme) et, au-delà, à toute l’industrie de l’investissement d’impact. Comme l’explique sobrement son président : « In addition to its relevance to individual investors and organizations, IRIS [le système de mesure du GIIN] is a tool for industry development » (Bouri, 2011, p. 118). Une fois cette uniformité acceptée, c’est-à-dire après avoir vaincu les inévitables résistances accompagnant l’émergence d’un standard de la mesure de l’impact, celui-ci pourra apparaître plutôt « neutre, bénin, simplement technique, obscur, éloigné du quotidien » (Busch, 2011, p. 28). La standardisation masque, en effet, souvent les conflits et les désaccords lors du processus de construction de l’uniformité, apportant à celle-ci un aspect « naturel » et peu questionné qui peut renforcer sa présence et son maintien. À travers sa standardisation « naturalisée », l’impact social ou environnemental, tel que compris par le GIIN, pourrait alors circuler facilement, accepté par le plus grand nombre d’investisseurs sans qu’ils y pensent6, avec le risque, commun à toute mise en indicateurs du réel, d’inciter les compagnies et les investisseurs d’impact à se focaliser davantage sur l’indicateur que sur l’objectif final, comme la lutte contre les inégalités sociales ou le changement climatique (Bouleau et Deuffic, 2016 ; Paradeise, 2012). De peu tangible, incertain, l’impact social ou environnemental d’un investissement deviendrait ainsi, grâce à sa « gestion » et à sa « mesure », prévisible, sûr et tenu pour acquis, cette transformation répondant parfaitement aux attentes des investisseurs : « One of the frustrations I hear most frequently, both from those in and outside of the impact investing market, is that there are as many ways to define and measure impact as there are impact investors » (Bouri, 2018).
Cette technique de « concrétisation » développée par le GIIN n’est pas propre à cette organisation, mais elle nous semble rejoindre en un sens les tentatives de préservation de la nature (Bouleau et Deuffic, 2016 ; Tordjman et Boisvert, 2012) à travers sa mise en nombres afin de rendre cette nature « visible » pour le capital, pour reprendre le mot de Robertson (2006), c’est-à-dire commercialisable. Cependant, si l’investissement d’impact implique bien l’extension de la finance à de nouveaux espaces sociétaux, comme le développement international, il faut noter néanmoins avec Barman (2015) que, pour le GIIN, cette mise en nombres de l’impact social ou environnemental ne signifie pas qu’il faut traduire en termes financiers cette valeur sociétale ou environnementale. La mesure des actions d’une entreprise sur les populations et la planète (à l’aide d’indicateurs comme les émissions de CO2, le volume d’eau économisé ou le pourcentage de femmes ou de personnes appartenant à des minorités travaillant dans l’entreprise, etc.) n’est pas traduite en termes financiers par les investisseurs d’impacts. En d’autres termes, la valeur sociale ou environnementale d’une entreprise coexiste avec sa valeur économique.
Exemplifier les investisseurs d’impact
Le GIIN est un réseau mondial qui parle avant tout à ses membres qui sont des propriétaires ou gestionnaires d’actifs, fournisseurs de services impliqués dans l’investissement d’impact. L’adhésion au GIIN (5 500 dollars pour les organisations à but lucratif et les fondations situées dans les pays riches) est « investor-focused », d’après le site Internet. L’adhésion offre une plateforme permettant aux investisseurs de se rencontrer (par le biais d’événements virtuels et en personne, réservés aux membres) et de prendre part à des activités qui développent l’investissement d’impact. Les membres du GIIN ont aussi accès à des outils et à des ressources afin d’améliorer leur capacité à réaliser et à gérer ce type d’investissement7. Ce réseau vise principalement à soutenir les investisseurs d’impact et à développer leurs pratiques. Ce sont ces investisseurs d’impact (et non les bénéficiaires) qui doivent être imités, qui doivent inspirer, comme l’indique le GIIN : « We hope you will be inspired by the ways in which these leading impact investors are focusing on the SDGs, and consider how you can put your capital to work in this way, in order to transform our world » (GIIN, 2016).
La seconde technique utilisée par le GIIN pour rendre présent et tangible cet impact est l’exemplification. Pour concrétiser cet impact et faire croire à l’investissement d’impact, on pourrait s’attendre à ce que cette industrie cherche à exemplifier par des cas concrets cet impact pour donner corps à ce qui relève, comme nous l’avons montré, de l’incertitude, voire de l’abstraction. Pourtant, un des aspects les plus frappants dans les documents du GIIN est le fait que l’exemplification concerne bien davantage les organisations pratiquant l’investissement d’impact (leurs pratiques et leurs discours) que les entreprises bénéficiaires ou les populations et les environnements visés in fine par ces investissements. À travers l’exemplification des investisseurs, l’impact, bien qu’invisible, est mis en évidence indirectement à travers les pratiques et les discours de ces organisations ayant adopté l’investissement d’impact. Montrons-le à travers un exemple représentatif de la démarche du GIIN. Quand, quelques mois après l’adoption par les Nations unies des Objectifs de développement durable (ODD), le GIIN a voulu montrer comment des investisseurs d’impact participaient à la réalisation de ces ODD, il a publié un rapport intitulé Achieving the sustainable developement goals : the role of impact investing (GIIN, 2016). Ce court rapport d’une quinzaine de pages se concentre presque exclusivement sur les investisseurs d’impact, beaucoup moins sur les sociétés bénéficiaires et les populations ou les environnements. Il présente de manière détaillée six investisseurs d’impact de premier plan (par exemple, Encourage Capital, un gestionnaire d’actifs ayant son siège aux États-Unis, ou PGGM, un fonds de pension installé aux Pays-Bas) en décrivant leurs activités, en précisant aussi le lieu d’implantation du siège social, l’année de création de ces organisations, les montants gérés, les classes d’actifs utilisées, les secteurs d’activité visés par les investissements, etc. En lisant le rapport, on peut également saisir des discours sur la relation qu’entretiennent ces organisations avec les ODD : « This is putting the soul back into finance », dit, par exemple, le représentant de PGGM interrogé. Le lecteur peut aussi comprendre comment elles intègrent une stratégie d’investissement compatible avec ces ODD ou encore quelles implications générales ces ODD ont pour les investisseurs d’impact : « If you have big problems… you need to scale your solutions », dit le même représentant de PGGM. Dans ces profils d’organisations qui tiennent sur deux pages, les compagnies bénéficiaires, les populations et les environnements visés sont parfois présentés, mais jamais en détail. On apprend ainsi qu’Encourage Capital a investi dans Ujjivan, une compagnie de microfinance délivrant des prêts à 2,7 millions de femmes urbaines pauvres vivant en Inde. PGGM investit dans des fonds permettant la création de maisons de soins de qualité aux Pays-Bas, mais aussi dans des compagnies proposant des solutions techniques pour lutter contre la pénurie d’eau dans les pays en développement. Le rapport ne cherche pas à montrer comment précisément les clientes d’Ujjivan ont eu un meilleur accès à des services financiers ou une amélioration de leurs revenus. Dans le cas de PGGM, le nom des sociétés bénéficiant de leurs investissements dans les pays en développement n’est pas précisé, ni le type de population ou l’environnement visés. Le GIIN ne présente pas non plus le cas particulier d’une famille ou d’une personne (vivant, par exemple, dans une situation de pauvreté ou n’ayant pas accès à une longue éducation), comme le ferait une organisation qui chercherait à émouvoir son lectorat.
Ce qui est valable pour ce document particulier l’est aussi pour tout l’onglet « case studies » du site Internet du GIIN8. Les visiteurs y trouveront des dizaines d’exemples d’investisseurs d’impact, leurs points de vue, objectifs, stratégies d’investissement, mais très peu d’informations sur les compagnies bénéficiaires et encore moins sur les publics ou les environnements ciblés. La réalisation concrète des ODD, comme de façon plus générale, de l’impact social ou environnemental, est souvent exemplifiée par le GIIN à l’aide de la variable indirecte de l’activité et des discours des investisseurs d’impact eux-mêmes. Ces derniers peuvent être considérés comme des proxies, c’est-à-dire des approximations plus ou moins crédibles d’une réalité (l’impact social ou environnemental de ces investissements) difficilement mesurable ou observable : Dès lors, le discours du GIIN nous apparaît seulement indirectement lié aux réalités concrètes des entreprises bénéficiaires et des populations ou environnements visés par ces investissements. Quand bien même cet impact social ou environnemental est revendiqué comme étant le cœur de cette approche d’investissement, tout se passe comme si les moyens d’atteindre cet impact l’emportaient sur les fins. Comme le disent Hehenberger et al. (2019), l’investissement d’impact comme outil à développer et à appliquer semble parfois plus important encore que les problèmes sociaux ou environnementaux qu’il cherche à résoudre.
Un discours gagnant-gagnant
Le discours du GIIN se veut critique envers un capitalisme qui viserait uniquement la maximisation de la valeur actionnariale et du profit à court terme (GIIN, 2018, p. 15). Cherchant à transformer de l’intérieur le monde de la finance qu’il a pour ambition d’améliorer, c’est davantage une réforme de la finance qui est projetée par ce discours qu’une refonte totale des marchés financiers. Pour le GIIN, ces marchés financiers peuvent et doivent devenir un vecteur de prospérité pour les gens et la planète. Croire en l’investissement d’impact, c’est donc croire en son « potentiel de générer un progrès significatif et généralisé pour notre monde » (GIIN, 2018, p. 1), affirme Amit Bouri dans une phrase qui fait écho à la mission universaliste de la fondation Rockefeller qui le finance : « promouvoir le bien-être de l’humanité à travers le monde ». Ainsi, aux côtés des gouvernements, organisations non gouvernementales (ONG) et philanthropiques – auxquelles elle reproche le manque d’envergure et de viabilité financière – l’industrie de l’investissement d’impact peut participer à la création d’un avenir « plus radieux et plus équitable » (GIIN, 2018). Le GIIN, dont l’objectif est de créer une « new global industry » (Freireich et Fulton, 2009, p. 11), entend proposer « a new type of investing » (Freireich et Fulton, 2009, p. 5) souhaitant faire de l’intégration de l’impact social et environnemental dans les décisions d’investissement « the new normal » (GIIN, 2018). En voici un autre exemple représentatif tiré de la Feuille de route du GIIN publiée en 2018 à l’occasion du dixième anniversaire de la création de cette industrie :
« The Roadmap’s success will require deep commitment and concerted action from every leader who believes in impact investing’s potential to create significant, widespread progress for our world. We will need to engage people far beyond the boundaries of the market as it exists today. Ambitious as the Roadmap may be, I believe it is not only possible, but also essential to global progress » (GIIN, 2018, p. 1).
D’un point de vue rhétorique, cet argument valorise l’innovation, la nouveauté et le « progrès », en opposition au conservatisme et à la tradition. Plus fondamentalement, la capacité de séduction du discours du GIIN repose sur la construction d’une logique dite « gagnant-gagnant » (Giridharadas, 2018). Pour le GIIN, en effet, faire des profits tout en faisant une différence ou le « bien » – un bien mondial, planétaire – ne doit plus être pensé comme une contradiction. La promesse toute morale de cette industrie – faire de la finance une « force pour le bien » (GIIN, 2018) – s’accompagne d’une exigence : penser de façon décloisonnée entreprises avec but lucratif et entreprises sans but lucratif, actions privées et actions publiques :
« Ultimately, societal-level change will only come from a society wide shift in thinking. We need a global impact investing movement that demands more responsibility from our financial system and sees capital as something that can change the world, not just change hands » (Bouri, 2019)
Pour le GIIN (2018, p. 28), un changement dans les manières de penser s’avère nécessaire. Fonds privés et fonds publics pourraient et devraient se combiner dans une finance mixte profitable à tous : investisseurs, entreprises, finances publiques et société. Il s’agit de remettre en question les présupposés, les valeurs et les manières de faire des investisseurs, mais aussi des acteurs travaillant dans des organismes sans but lucratif. Il s’agit aussi d’intégrer sur le long terme l’impact aux côtés du risque et du retour financier dans les décisions d’investissement, en imaginant alors que les profits privés et le bien-être social ou environnemental puissent s’associer intentionnellement :
« We need a new generation of money managers who are open-minded to the possibility that values and returns are not bifurcated » (Freireich et Fulton, 2009, p. 21).
« At the Global Impact Investing Network (GIIN), we aspire to create a world in which social and environmental factors are routinely integrated into investment decisions, as the “normal” way of doing things » (GIIN, 2018, p. 4).
Le compromis entre retour financier et impact social et environnemental ne serait alors pas systématiquement nécessaire, ce double objectif étant même au cœur de la proposition de l’investissement d’impact (Rodin et Brandenburg, 2014, p. 7). Cet avis tranché, le GIIN le défend en s’appuyant sur l’autorité de quelques représentants de grandes banques et de l’avis de ses membres. Ainsi, dans une interview vidéo menée par le PDG du GIIN, un directeur général de la banque suisse UBS (Andrew Lee) déclare : « I don’t think there’s a requisite tradeoff between intentional impact and performance9 ». Le questionnaire annuel du GIIN à ses membres montre qu’environ deux tiers de ces investisseurs ciblent une rentabilité proche de celle du marché pour leurs investissements d’impact et que 90 % d’entre eux disent avoir atteint ces objectifs (GIIN, 2019). Le message des investisseurs d’impact à destination du monde semble être le suivant : le vieux schème de pensée « gagnant-perdant » n’est pas indépassable ; il est possible d’atteindre, dans le même temps, des objectifs en termes de retour financier et d’impact social ou environnemental. Maintenir ces contradictions entre retour économique et impact social ou environnemental est qualifié, par le GIIN, de pensée « binaire » (« bifurcated » suivant Freireich et Fulton, 2009, p. 21). C’est ce genre de raisonnement qui, pour le GIIN, serait à dépasser en vue de l’accomplissement des Objectifs de développement durable des Nations unies.
Ce scénario « gagnant-gagnant », que propose le GIIN, adossé à un idéal moral et social séduisant et plutôt rassurant – tout le monde y gagnerait –, est au fondement de la promotion de cette nouvelle forme de finance durable. Ce discours positif qui tend à gommer les contradictions se présente comme un discours « nirvana10 » qui propose « une vision où les contradictions seraient dissoutes, les impacts négatifs internalisés et les antagonismes réconciliés » (Molle, 2008, p. 132). Ce discours est en apparence consensuel et dépolitisé, comme dans l’exemple représentatif suivant où « inclusif », « résilient » et « durable » sont des concepts non polémiques qui défendent des causes sans adversaire : « The global impact investing community can help rebuild into a more inclusive, more resilient, and more sustainable future. We can shape a recovery that improves the lot of all the world’s citizens » (Bouri, in GIIN, 2020).
La dépolitisation du discours est, bien sûr, un acte profondément politique puisqu’elle peut maintenir ou renforcer des positions de pouvoir, des rôles traditionnels, un statu quo, etc. (Molle, 2008, p. 135). Affirmant viser la création de la « société décente et juste dans laquelle nous voulons vivre » (Bugg-Levine et Emerson, 2011), le discours du GIIN se focalise de facto très peu sur les causes des problèmes immenses qu’il promet de résoudre. Ainsi, on n’y trouvera pas de réflexion sur le changement social, pas plus que sur les causes de la pauvreté, du changement climatique ou encore de la crise financière de 2007-2008. En ne cherchant à identifier ni responsables de ces problèmes globaux (Comby, 2017), ni victimes, le discours du GIIN se concentre sur les solutions à y apporter. Il tend à se concentrer sur les bénéfices que le monde pourrait retirer du développement de cette industrie. On peut ainsi penser que l’absence d’accord sur la définition de l’investissement d’impact ainsi que la dépolitisation apparente du discours « gagnant-gagnant » qui le soutient permettent à toutes sortes d’institutions de s’emparer de ce concept, y compris pour présenter une image sociale ou environnementale flatteuse, voire trompeuse, fort éloignée de la réalité de ces institutions (impact washing).
Conclusion
L’investissement d’impact est un concept qui est parvenu à capter « l’imagination collective », comme l’affirme Graham Macmillan de la fondation Ford (GIIN, 2018, p. 29). Sa diffusion globale, prenant des formes distinctes selon les pays, s’est effectuée en partie grâce au travail d’une multitude d’acteurs nationaux et internationaux (dont la fondation Rockefeller ou le GIIN) reconnus et respectés qui en discutent le contenu dans des arènes politiques d’importance, le favorisent ou le mettent en œuvre dans des nouvelles normes de politiques publiques. Dans cet article, nous avons voulu mettre l’accent sur le langage, en soutenant que les caractéristiques du concept d’investissement d’impact, les manières dont ce concept est concrétisé par le GIIN (à travers son objectivation et son exemplification) ainsi que le discours gagnant-gagnant qui le porte jouent également un rôle dans le succès de sa diffusion internationale, là où ses dimensions pratiques, déjà explorées par la littérature, se présentent au contraire comme composites et fragmentées, ne permettant donc pas tout à fait de comprendre la croissance rapide des activités revendiquant le label « investissement d’impact ». Une des limites attachées à notre matériau vient du fait que les conditions de production de ce discours ne sont pas étudiées. Nous ne les avons pas analysées, à l’aide d’entretiens, par exemple, pour savoir si le discours du GIIN est délibérément ou non « aseptisé » à des fins stratégiques dans le but de favoriser son adoption par des organisations ou des secteurs dotés d’intérêts partiellement différents.
Le discours du GIIN octroie une responsabilité et un très beau rôle aux investisseurs privés dans la promotion du bien commun. Ceux-ci occupent désormais une place essentielle pour financer et penser la sécurité sociale et le développement international. L’image que l’on peut se faire des acteurs financiers se transforme alors, ces derniers devenant les piliers sur lesquels reposent en partie les Objectifs de développement durable des Nations unies. Ces financiers d’impact ne sont donc pas seulement « compatissants » (Barman, 2016), ils promettent également d’apporter une solution, un remède aux crises du moment. À l’heure du Covid-19 et de l’engagement massif des États sur les plans sanitaire, social et économique, la place de choix réservée à ces financiers « au service du bien » (GIIN, 2018, p. 14) pourrait avoir de quoi surprendre. D’un autre côté, la pandémie de Covid-19 a dévasté et perturbé la vie de millions de personnes à travers le monde, et augmenté les dettes publiques en exacerbant le déficit de financement des ODD11. Dans ce contexte, les capitaux privés détenus par les banques, investisseurs institutionnels (fonds de pension, assureurs, fonds souverains) et gestionnaires d’actifs n’ont peut-être jamais semblé aussi nécessaires et complémentaires des dépenses publiques pour le développement durable.
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Voir le paragraphe What is Impact Measurement & Management ? sur le site du GIIN, https://thegiin.org/imm/#what-is-imm.
François Molle (2008 ; 2012), chercheur en political ecology, appelle « concept nirvana » un concept incarnant un idéal souhaitable, mais difficile à atteindre (comme le nirvana bouddhiste). Ces concepts normatifs (comme développement durable ou bonne gouvernance) semblent toujours montrer la voie que devraient suivre individus et sociétés. Ils tendent typiquement à gommer les conflits d’intérêt. L’investissement d’impact est, selon nous, un concept analogue.
En 2014, ce déficit pour atteindre les ODD dans les pays en développement en 2030 avait été estimé à 2 500 milliards de dollars par an par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED, 2014). Selon l’OCDE (2021), il est passé à 4 200 milliards en 2020 à cause de l’incertitude économique mondiale créée par la pandémie et les plans de relance publics pour y faire face.
Citation de l’article : Burnier D., Balsiger P., Kabouche N. Dépeindre la finance comme une « force pour le bien » : analyse de discours du Global Impact Investing Network (GIIN). Nat. Sci. Soc. 30, 3-4, 226-237.
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