Open Access
Issue
Nat. Sci. Soc.
Volume 26, Number 2, April-June 2018
Dossier « La fabrique de la compensation écologique : controverses et pratiques »
Page(s) 170 - 188
DOI https://doi.org/10.1051/nss/2018034
Published online 10 September 2018

© NSS-Dialogues, EDP Sciences 2018

Depuis plusieurs décennies, le rythme d’extinction des espèces s’est accéléré : un cinquième de toutes les espèces vivantes pourrait ainsi disparaître dans les 30 prochaines années, en grande partie du fait des actions humaines et en particulier des changements d’usage des terres entraînant la destruction des habitats (Devictor, 2015). Pour enrayer ce phénomène, l’Union européenne s’est fixée pour objectif de limiter l’érosion de la biodiversité sur son territoire suite aux engagements pris au sommet de Nagoya (2010). En France, cet objectif se décline notamment par la séquence « Éviter, réduire, compenser » (ERC), selon laquelle toute réalisation de projet d’aménagement soumis à étude d’impact est conditionnée à un évitement et une réduction préalable des impacts environnementaux. Dans le cas où des impacts résiduels n’ont pu être évités, les aménageurs doivent proposer des mesures de compensation écologique permettant de produire des gains de biodiversité équivalents en qualité et quantité aux pertes résiduelles du projet. L’ensemble de cette séquence vise alors à atteindre une « absence de perte nette » (no net loss [NNL]) de biodiversité (Bull et al., 2014), bien que nous sachions que, dans les pratiques, les questions de coût des mesures ou même d’arbitrages entre développement économique et protection de la nature sont également considérées (Calvet et al., 2015).

Dans les faits, la possibilité d’atteindre « zéro perte nette de biodiversité » est restreinte par les difficultés de définition d’une équivalence écologique, économique et sociale entre gain et perte, ainsi que par l’existence de verrous scientifiques et techniques concernant les capacités de restauration des milieux dégradés, cibles de la compensation (Maron et al., 2012). Ces limites sont d’autant plus grandes que la plupart des milieux concernés par des mesures de compensation sont remarquables (Bull et al., 2013). Dans ce cadre, nous faisons l’hypothèse qu’appliquer le dispositif de compensation écologique à la « nature ordinaire » est une condition permettant d’atteindre plus facilement l’objectif de zéro perte nette de biodiversité, notamment par le maintien d’un ensemble de fonctions et de services au sein d’un territoire (Burylo et al., 2013). Le premier écueil est alors celui de la définition même de cette notion de nature ordinaire, qui ne fait l’objet d’aucun consensus (Godet, 2010) et qui, plus généralement, n’a suscité qu’un nombre très faible de publications.

Nous souhaitons, à travers cet article, proposer une définition opérationnelle de la nature ordinaire, adaptée au dispositif de la compensation écologique, puis la mettre à l’épreuve de données empiriques en localisant les espaces de nature ordinaire dans trois régions françaises contrastées : Centre-Val de Loire, Champagne-Ardenne et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Enfin, nous évaluerons l’adéquation entre artificialisation potentielle future et espaces de nature ordinaire disponible dans les trois régions d’étude.

Pourquoi compenser la perte de nature ordinaire ?

La compensation écologique est une obligation légale entrée dans la loi française en 19761. Elle s’applique aux maîtres d’ouvrage de projets d’aménagements qui doivent, si leur projet a des impacts sur la biodiversité, d’abord chercher à les éviter puis à les réduire au maximum2. Dans le cas où subsistent des dommages inévitables et irréductibles, le maître d’ouvrage doit les compenser, c’est-à-dire qu’il doit créer une biodiversité équivalente en quantité et en qualité à celle perdue du fait du projet. Cette approche a été initiée aux États-Unis où elle a d’abord orienté les politiques de protection des zones humides pour être, par la suite, appliquée plus généralement à l’ensemble des compartiments de la biodiversité (Calvet et al., 2015). Elle se fonde sur le concept « d’absence de perte nette » de biodiversité (Bonneuil, 2015), pour lequel les différentes étapes du processus visent à assurer un maintien du niveau de biodiversité globale à l’échelle du territoire. À ce titre, les méta-analyses sur l’évaluation des opérations de restauration écologique à l’échelle planétaire mettent en évidence les limites de la connaissance et des capacités scientifiques, techniques et socioéconomiques qui permettraient de restaurer l’intégralité des écosystèmes (Rey Benayas et al., 2009 ; Moreno-Mateos et al., 2012).

L’application effective de la séquence ERC étant relativement récente et la loi peu précise sur les formes de compensation acceptables, les acteurs de terrain instaurent de façon informelle, sur la base d’exemples de mesures de compensation existants, une forme de norme définissant les « bonnes » et les « mauvaises » pratiques de compensation. Cette norme s’inscrit dans la législation actuelle : or, malgré le fait que l’extinction d’espèces rares représente seulement « la partie immergée de l’iceberg de l’érosion mondiale de la biodiversité » (Devictor, 2007), la nature ordinaire n’est pas considérée comme un objectif légal de compensation écologique, contrairement aux espaces patrimoniaux (Quétier et al., 2014 ; Enviroscop et al., 2010). Sa protection est considérée comme « intégrée » dans les mesures de compensation visant à produire de la nature remarquable, c’est-à-dire que définir les mesures compensatoires en fonction des espèces rares et protégées (souvent décrites dans des listes) impactées et de leurs habitats servirait « indirectement, à conserver l’ensemble de la faune et de la flore locale, la biodiversité dite ordinaire » (Tissot et al., 2014). De fait, les mesures compensatoires sont définies sans tenir compte des pertes de nature ordinaire (Regnery et al., 2013a) et les méthodes de calcul de l’impact du projet sont centrées sur les habitats et les espèces protégés, la prise en compte de la nature ordinaire associée (forêts, bocage, etc.) étant limitée aux études d’impacts (Robert, 2012). Pourtant, la nature ordinaire est, au même titre que la nature remarquable, porteuse d’enjeux écologiques et soumise à destruction. Les populations de nombreuses espèces communes sont en diminution (Conrad et al., 2006 ; Donald et al., 2006) : la tendance décelée sur plus de 1 100 espèces de vertébrés montre que les espèces communes ont décliné de 25 % entre 1970 et 2000 (Loh et al., 2005). Les plantes communes, bien que moins bien suivies, présentent également des signes de déclin importants (Smart et al., 2005). Considérant que, depuis plusieurs années, on assiste à une normalisation de la compensation qui ne prend pas en compte la nature ordinaire, il devient donc urgent, à nos yeux, d’intégrer cette dernière dans les objectifs de la séquence « Éviter, réduire, compenser ». La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, adoptée le 8 août 2016, a bien étendu la définition de la biodiversité à sa forme dite ordinaire, mais elle n’a toutefois pas précisé si les dommages devaient être compensés et de quelle manière.

Par ailleurs, face à la difficulté intrinsèque que représente la recréation d’écosystèmes rares abritant des espèces endémiques, il devient évident que l’atteinte de l’objectif de zéro perte nette de biodiversité repose en partie sur la capacité d’évaluer l’ensemble des composantes et fonctions de la biodiversité impactées par le projet (Germaneau et al., 2012), mais également sur celle de les restaurer entièrement. L’appréciation de la faisabilité de la compensation constitue alors une étape cruciale dans la conception des mesures compensatoires (Regnery et al., 2013b ; CGDD, 2013). Une première voie pour maximiser la faisabilité des opérations à engager consiste à clarifier les objectifs en proposant différentes méthodes d’évaluation des dommages et du calcul de leur équivalence (Quétier et Lavorel, 2011 ; Bas et al., 2013 ; Dunford et al., 2004 ; Quétier et al., 2012). Une autre voie est de concevoir une méthode visant à estimer la « compensabilité » d’un projet en fonction des enjeux de conservation, de l’intensité des impacts et des possibilités de réalisation et d’efficacité des mesures compensatoires (Pilgrim et al., 2013).

Pour notre part, en suivant Pilgrim et al. (2013), nous faisons l’hypothèse que les milieux de nature ordinaire présentent une biodiversité certes moins importante que les zones à enjeux patrimoniaux, mais plus « facilement » restaurable. Nous considérons que la compensation écologique a plus de chances de succès lorsqu’elle concerne une biodiversité plus commune et répandue, parce qu’étant plus efficace, elle limite les risques pris par la société (Levrel et Couvet, 2016).

Comment définir la nature ordinaire ?

D’un point de vue opérationnel, intégrer la nature ordinaire dans les objectifs de compensation soulève plusieurs difficultés. La première, c’est qu’il n’existe pas de définition faisant consensus. Pour remédier à ce problème, nous présentons ici deux approches qui se dégagent de la littérature (nature ordinaire versus nature remarquable et nature ordinaire en tant que nature proche de l’homme), auxquelles nous proposerons également d’ajouter la notion de complexité des écosystèmes.

La nature ordinaire versus la nature remarquable

En écologie, la nature ordinaire se définit en opposition à la rareté, ce qui fait d’elle un objet subjectif, changeant selon l’écologie de l’espèce et l’échelle d’étude. Elle est le plus souvent utilisée dans des travaux à un niveau très local, mais peut également être considérée à une échelle plus large comme celle de la communauté ou du paysage. À l’échelon spécifique, la nature ordinaire désigne l’ensemble des espèces communes, non menacées et non protégées (Couvet et Vandevelde, 2014). Pour chaque espèce, un niveau de « banalité » peut être caractérisé en fonction de trois critères : l’aire de distribution, la taille de la population et le degré de spécialisation vis-à-vis d’un habitat particulier (Godet, 2010 ; Rabinowitz, 1981), qu’il est possible de synthétiser sur un gradient mettant en évidence leurs caractéristiques relatives (Fig. 1).

Les espèces les plus rares sont des espèces spécialistes à petites populations présentes sur des espaces restreints quand les espèces très communes, caractérisées par une large répartition géographique, occupent de nombreux habitats et comptent des populations importantes. Parmi elles, les espèces communes d’oiseaux ont été particulièrement étudiées (Couvet et Vandevelde, 2014). Elles présentent l’avantage d’être capables de se déplacer sur de larges espaces, d’être plus ou moins inféodées à un habitat particulier et comportent des populations de tailles importantes. La méta-analyse d’Eglington et al. (2012) a ainsi montré que, dans les mosaïques agricoles, l’étude des oiseaux à une large échelle peut permettre indirectement d’estimer la biodiversité totale.

thumbnail Fig. 1 Critères écologiques des espèces communes et rares (source : Godet, 2010 ; Devictor, 2007).

Le caractère commun d’une espèce dépend du nombre d’individus dans sa population, de l’aire dans laquelle elle se déplace et de son degré de spécialisation. Ainsi, selon leur abondance et leur répartition spatiale relatives, les espèces sont distribuées entre un pôle rare et un pôle commun.

Les fonctions support de la nature ordinaire

Le terme de nature « ordinaire » est parfois utilisé pour qualifier la matrice paysagère (Burel et al., 1998). Elle représente alors soit la dominante paysagère de l’espace étudié (Clergeau et Désiré, 1999), soit son organisation spatiale à travers les continuités écologiques (haies, cours d’eau…) et les niveaux de fragmentation des différents habitats. La nature ordinaire a aussi été étudiée pour son rôle majeur dans la stabilité des écosystèmes (Ellison et al., 2005) sur le plan de la structure, du fonctionnement et de la capacité des milieux à fournir des services : « To a first approximation, it is common species that shape the world around us » (Gaston et Fuller, 2008). À l’échelle du paysage, la nature ordinaire est constitutive des continuités écologiques (Couvet et Vandevelde, 2014). Il existe des enjeux de protection liés aux fonctionnalités qu’elles remplissent au sein du paysage : déplacement d’espèces, habitats d’auxiliaires de cultures, rôle de zone tampon/interstice, protection contre le vent, etc. (Mougenot et Melin, 2000). La nature ordinaire remplit donc un grand nombre de fonctions ou services dans l’écosystème : elle représente « une dimension indispensable pour assurer la durabilité d’un certain nombre de services rendus par les écosystèmes (pollinisation, contrôle de l’érosion, présence de parasites naturels des prédateurs des cultures…) » (Bertrand et Vanpeene-Bruhier, 2007, p. 5). En outre, la dominance paysagère d’un milieu est bien souvent caractérisée par les espèces communes qui la constituent et forment son architecture spécifique. Elles sont parfois qualifiées de « fondatrices » ou « structurantes » en raison de leur place capitale dans la construction de la majorité des communautés et des écosystèmes (Gaston et Fuller, 2008). Elles peuvent influencer de larges zones géographiques en raison de leur aire de répartition, généralement très étendue. Gaston et Fuller (2008) ont ainsi montré que la participation des espèces les plus largement répandues à la production de services écosystémiques est supérieure à celles des espèces rares. Par exemple, la productivité d’une prairie peut diminuer après destruction ou réduction de la densité d’une plante commune, alors que la perte équivalente d’une espèce rare ne présente pas d’effet à long terme. La nature ordinaire constitue donc un « support » de fonctionnalités écologiques essentielles au maintien de la biodiversité à l’échelle des territoires (Mougenot et Melin, 2000).

La nature ordinaire, une nature proche…

D’autres approches, en prenant en compte la proximité que les hommes entretiennent avec la nature ordinaire, peuvent compléter sa définition, la présentant alors comme « une nature proche, non protégée » (Skandrani et al., 2015 ; Mougenot, 2003). Participant de façon importante à la construction du rapport de l’homme à la nature (Mougenot, 2003), le déclin de la nature ordinaire peut être perçu par chacun (Robinson et al., 2005) et vécu comme une perte en soi (Krebs et al., 1999). La nature ordinaire constitue ainsi « un lien intime fondamental entre l’homme urbanisé et ce qui n’est pas (ou moins) artificiel » (Devictor, 2007, p. 5). Elle fait donc l’objet d’une demande sociale à la fois difficile à occulter et compliquée à cerner (Bigando, 2013) ; elle est notamment délicate à caractériser dans des approches cartographiques ou quantitatives, et donc complexe à opérationnaliser à l’échelle d’une action publique. Toutefois, en reprenant les propositions de Godet (2010), nous pouvons tenter de la définir via une vision spatialisée de la proximité entre nature ordinaire et société humaine. Il s’agit de considérer la nature ordinaire comme un espace d’entre-deux liant le monde de la nature « sauvage » (dans le sens nord-américain de « wilderness ») et le monde humain correspondant aux espaces artificialisés comme les villes. De fait, les éléments spatiaux se distribuent le long d’un gradient en trois catégories : espace artificialisé, nature ordinaire et espace naturel (Fig. 2). Dans une vision anthropocentrée, les limites de cet entre-deux sont déterminées par le niveau de présence des activités humaines. Cette définition, relativement intuitive, rend cependant facile la ségrégation des espaces en utilisant, par exemple, un gradient d’urbanisation. Elle considère les milieux strictement en fonction de leur proximité géographique à l’homme. Néanmoins, elle ne permet pas de les définir selon leurs caractéristiques intrinsèques. Elle ne prend notamment pas en considération l’historique des espaces étudiés qui est pourtant un élément déterminant dans l’évaluation de la qualité écologique des milieux (Bardat et al., 1997).

La seconde approche proposée par Godet (2010) pallie ce problème en posant les limites de la nature ordinaire en fonction d’une approche historique prenant notamment en compte l’importance du rôle des activités humaines dans sa genèse et son fonctionnement. La nature ordinaire ainsi définie correspond à des espaces qui ont été soumis à des forçages anthropiques arrêtés par la suite (par exemple des friches industrielles) ou bien qui ont perduré, influençant alors l’évolution de ces espaces (par exemple des pâturages) (Fig. 3).

Cette approche, qualifiée d’anthropogénique, repose plus sur le fonctionnement de l’écosystème en lui-même et sur la part que l’homme prend dans ce fonctionnement. Elle qualifie le lien intime entretenu par l’homme et la nature, non en fonction de l’usage ou de la perception de l’homme de ces milieux, mais bien au travers des impacts de l’activité humaine sur la structure et l’organisation de l’écosystème. Cette définition de la nature ordinaire caractérise donc les espaces étudiés en fonction du niveau de proximité à l’homme qui leur est nécessaire pour exister et perdurer. Néanmoins, seule, cette définition ne permet pas de statuer sur le caractère ordinaire d’un espace. En effet, sur un grand nombre d’espaces patrimoniaux, des pressions anthropiques plus ou moins importantes se sont exercées au cours du temps et une biodiversité remarquable s’y est installée du fait même de ces pressions : par exemple, la mise en place et le maintien des communautés de plantes caractéristiques du coussoul de la plaine de la Crau sont liés à une pression de pâturage ovin multiséculaire (Dutoit et al., 20183). Nous proposons donc ici de tenir compte à la fois de l’approche écologique et de la définition anthropogénique.

thumbnail Fig. 2 Visions anthropocentriques de la nature (source : Godet, 2010).

Les modèles hérités de la Rome antique ou de l’Amérique du Nord définissent trois types d’espaces : l’espace artificialisé, symbolisé par la ville ou la cité, l’espace naturel, correspondant à la wilderness ou à la silva (bois), et la nature ordinaire, qui constitue un milieu intermédiaire, lieu de rencontre et de cohabitation entre hommes et nature, dans les espaces agricoles, ager (champ cultivé), hortus (jardin) et saltus (prairies/marécages).

thumbnail Fig. 3 Vision anthropogénique de la nature (source : Godet, 2010).

L’approche anthropogénique de la nature définit la nature ordinaire comme le résultat de pressions humaines et naturelles égales.

Nature ordinaire, nature peu complexe ?

La troisième dimension qui nous permet d’aboutir à une définition de la nature ordinaire opérationnelle dans le cadre de la compensation écologique est la notion de complexité. La complexité d’un milieu correspond « aux propriétés émergentes de l’ensemble des interactions comportementales, biologiques, physiques et sociales qui affectent, maintiennent ou sont modifiées par les organismes vivants, dont les humains » (Michener et al., 2001, p. 1018). Ainsi, en écologie, elle permet de rendre compte des multiples interactions entre les différentes composantes d’un écosystème qui se développent au cours du temps, selon trois dimensions (spatiale, temporelle et organisationnelle), en incluant celles qui existent à différents niveaux d’organisation biologique et spatiotemporelle (Cadenasso et al., 2006). Cette notion permet de caractériser les écosystèmes de différentes manières : la complexité d’un milieu est un indicateur du degré de maturité d’un écosystème (Müller, 2005), elle est également corrélée positivement à sa résilience et à sa robustesse (Levin, 1998) ainsi qu’à la diversité des espèces présentes (Heck et Wetstone, 1977). En substance, plus un milieu est complexe, plus les différents éléments qui le constituent et en assurent le fonctionnement sont étroitement imbriqués, et plus la restauration de cet espace sera difficile. De fait, la forte complexité d’un écosystème nous semble être un bon indicateur de sa faible « restaurabilité » et nous l’utiliserons donc pour considérer que les niveaux d’« ordinarité » et de complexité sont négativement corrélés (Fig. 4).

thumbnail Fig. 4 Lien entre complexité et « ordinarité » d’un écosystème (source : C. Pellegrin).

L’« ordinarité » et la complexité d’un écosystème sont négativement corrélées : la densité des interactions entre éléments de l’écosystème augmente sa complexité et diminue son « ordinarité ».

Quelle définition de la nature ordinaire ?

Pour synthétiser, notre objectif est de proposer une première définition opérationnelle adaptée au cadre de la mise en œuvre de la compensation écologique. Dans cette perspective, la nature définie comme ordinaire doit présenter les particularités suivantes : ne pas être remarquable (si possible, ne pas être porteuse d’enjeux patrimoniaux), être peu complexe et se structurer sur une dépendance forte aux activités humaines dans son histoire et son fonctionnement actuel. Ces trois critères constituent trois polarités mesurables permettant de déterminer le caractère ordinaire de la nature (Fig. 5).

thumbnail Fig. 5 Ordinarité de la nature, un gradient évoluant selon trois variables (source : Pellegrin).

L’« ordinarité » d’un espace en fonction de sa rareté, de sa dépendance de fonctionnement aux activités humaines et de sa complexité. C’est une notion hautement subjective qui dépend étroitement de l’échelle spatiale et temporelle considérée. Les écosystèmes peuvent être toutefois utilement distribués sur un gradient d’ordinarité selon ces trois critères.

Application de la définition de la nature ordinaire à trois régions françaises

La mise en œuvre opérationnelle d’une compensation écologique à partir de la nature ordinaire amène des questions d’ordre pratique, notamment du point de vue de l’aménagement du territoire. Afin de tester empiriquement notre définition, nous l’appliquons à trois régions françaises : Champagne-Ardenne, Centre-Val de Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Pour ce faire, nous y avons estimé l’urbanisation à l’horizon 2040, de manière à confronter la localisation de la nature ordinaire telle que nous l’avons définie aux besoins prévisibles de compensation écologique (en faisant l’hypothèse que toute consommation d’espace par la ville doit être compensée). Notre approche sera simplifiée par une dichotomie franche entre nature ordinaire et nature remarquable, malgré la limite floue qui peut exister entre ces deux extrêmes. Cela nous permet de contraster les différents types et niveaux d’enjeux écologiques portés par les milieux et d’élaborer une clef de détermination (Fig. 6).

Pour définir le caractère ordinaire des espaces, en l’occurrence renseigner la dépendance d’un écosystème vis-à-vis des activités humaines et la complexité des milieux, nous avons fait appel aux informations disponibles sur la couverture et l’usage du sol fournies par les bases de données Corine Land Cover4 (CLC) (échelle 1/100 000). Dans un premier temps, nous utilisons la couverture la plus récente (2012) pour mesurer le niveau de dépendance des espaces aux activités humaines (Liénard et Clergeau, 2011), en intégrant les zones agricoles ou les jardins urbains5 et pour chacun des différents usages (Annexe 1). Dans un second temps, nous nous appuyons sur l’âge de l’écosystème pour définir son niveau de complexité (Parrott, 2010). Nous faisons ici l’hypothèse que les écosystèmes ayant évolué depuis peu peuvent être considérés comme moins complexes et plus ordinaires que les milieux dont les composantes ont développé sur le long terme de multiples interactions (Harris, 2007) (Tab. 1). Nous sélectionnons donc des zones dont l’occupation a été modifiée entre 2000 et 2012 et qui ont maintenant des sols non artificialisés. Les écosystèmes ainsi définis (dépendants de l’activité humaine ou peu complexes) ont été réunis dans une couche SIG au sein de laquelle ont été exclues les zones réglementairement protégées au titre de la biodiversité remarquable (Annexe 2).

Pour faire une projection de l’artificialisation future, nous nous sommes fondés sur les travaux de Pointereau et Coulon (2009) ainsi que sur les estimations d’évolutions démographiques régionales à l’horizon 2040 produites par l’Insee (Léon, 2010). Nous avons conçu une zone tampon (buffer) à partir des zones artificialisées des villes, en considérant que chaque nouvel habitant consomme 850 m2 dans une commune de moins de 5 000 habitants, 500 m2 dans une commune entre 5 000 et 50 000 habitants, et 100 m2 dans une commune de plus de 50 000 habitants. Nous avons appliqué cette méthode dans trois régions porteuses d’enjeux environnementaux de types et de niveaux contrastés (Champagne-Ardenne, Centre-Val de Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur). Sans surprise, mais il convient de le souligner, les espaces agricoles sont très fortement porteurs de nature ordinaire.

thumbnail Fig. 6

Clé de détermination du statut de nature ordinaire d’un espace (source : C. Pellegrin).

Tab. 1

Méthode de spatialisation de la nature ordinaire (source : C. Pellegrin).

Région Centre-Val de Loire

Les enjeux environnementaux de la région Centre-Val de Loire (nature remarquable) concernent essentiellement les milieux humides, avec notamment la Brenne et la Sologne qui portent des zones humides d’importance internationale, ou la vallée de la Loire qui constitue un couloir migratoire, notamment pour les poissons (Fig. 7). Les milieux ouverts ou semi-ouverts de la région accueillent également une biodiversité importante d’oiseaux nicheurs ; par exemple, la Beauce et les Gâtines sont des axes de migration importants, ainsi que la vallée de la Loire, fréquentée par plus de 240 espèces d’oiseaux qui y nichent, hivernent ou y font une halte lors de leur migration. Les espaces de nature ordinaire (Fig. 8) s’étalent sur plus de la moitié de sa surface totale et comprennent environ 98 % de surfaces agricoles : grandes cultures (ministère de l’Agriculture, 2010), céréales et oléagineux au nord, correspondant à 83 % du territoire, et élevage au sud. Les paysages sont liés aux types de cultures : la Beauce est marquée par un openfield tandis que le Boischaut est constitué de bocages vallonnés. Relativement peu artificialisés, ces espaces sont néanmoins soumis à la pression urbaine en provenance d’Île-de-France, en particulier sur les communes situées au nord de la région (Dreal Centre-Val de Loire, 2017).

thumbnail Fig. 7

Cartes des unités paysagères de Centre-Val de Loire (source : Observatoire de la biodiversité Centre, 2014).

thumbnail Fig. 8

Carte de la nature ordinaire en Centre-Val de Loire (source : C. Pellegrin).

Région Provence-Alpes-Côte d’Azur

En Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), la nature ordinaire ne représente que 16,7 % de la superficie totale de la région et y fait donc figure d’exception (Fig. 9). Cette région, située sur le pourtour de la Méditerranée, est en effet un « hot spot » mondial de biodiversité (Médail et Quézel, 1999), y compris sur certains de ses espaces agricoles comme les zones d’élevage pastoral extensif (montagnes). Elle abrite près des deux tiers des espèces végétales françaises métropolitaines (4 700 sur 6 000), des espèces de mammifères (100 sur 143) et des espèces d’oiseaux (237 sur 275) (Clap et Moral, 2010). La nature ordinaire n’est pas présente dans la partie est de la région (les Alpes du Sud) dont les paysages montagneux fortement contrastés par des sommets à pelouses et des versants très boisés accueillent de nombreux habitats d’intérêt communautaire présentant des enjeux forts : forêts alpines, fourrés à Pinus mugo, prairies à Molinia ou encore prairies de fauche de montagne (Fig. 10). Ces dernières sont façonnées en grande partie par des activités agricoles historiques comme l’estive des troupeaux d’ovins qui maintient la diversité des niches écologiques des alpages (Duclos et Mallen, 1998). Une grande partie de la Haute-Provence (dont les paysages de plateaux et de montagnes sèches traversées par le Verdon, l’Asse, la Bléone et ses principaux affluents) est également exclue des zonages de nature ordinaire. Le littoral est tout autant écarté, d’une part à cause de son niveau d’artificialisation très important (19 % contre 11 % en moyenne pour l’ensemble de littoraux français d’après le Medam6) et, d’autre part, du fait des paysages et des habitats exceptionnels qui le composent ; par exemple, la Camargue qui accueille 80 % des oiseaux hivernant sur la région (Tamisier, 1991) et de la Crau (Buisson et Dutoit, 2006). La nature ordinaire se divise donc en deux zones sur la partie ouest de la région :

  • dans le Vaucluse, elle correspond aux espaces périphériques de la ville d’Avignon : aires sous forte influence urbaine où l’artificialisation est intense et peu concentrée (Arrighi et Samyn, 2016). Ces zones sont majoritairement agricoles (viticulture et arboriculture) ;

  • le tracé des vallées et grands axes de communications occupés notamment par plusieurs autoroutes (Decoupigny et Passel, 2014). Les zones de nature ordinaire y sont majoritairement agricoles, essentiellement composées d’exploitations viticoles dans le Var et arboricoles le long de la Durance.

thumbnail Fig. 9

Carte de la nature ordinaire en région Paca (source : C. Pellegrin).

thumbnail Fig. 10

Carte des unités paysagères en Provence-Alpes-Côte d’Azur (source : Dreal Paca ; adaptation : C. Pellegrin).

Région Champagne-Ardenne

Notre approche de la nature ordinaire excluant les zones porteuses d’enjeux écologiques, les milieux naturels liés à l’eau, comme la Champagne humide, n’en font pas partie. Ils jouent un rôle considérable pour la biodiversité (très nombreuses espèces d’oiseaux en grands effectifs, nombreuses espèces de libellules, d’amphibiens, habitats patrimoniaux…) (Fig. 11). Les zones de protection à destination d’une avifaune patrimoniale à affinité montagnarde (Gélinotte des bois, Tétras lyre, Chouette de Tengmalm, Cigogne noire…) dans le pays Ardennais et en Haute-Marne, sont également exclues. De fait, la nature ordinaire de Champagne-Ardenne, avec 66 % de surfaces agricoles, présente une grande diversité de systèmes de production (Fig. 12) : viticulture sur les plateaux occidentaux, élevage bovin dans le sud du pays ardennais et grandes cultures en Champagne centrale. Historiquement, des pratiques agricoles intensives dans les milieux viticoles et céréaliers ont dégradé les ressources en eau et simplifié certains de ces milieux (Schott et al., 2010). La Champagne-Ardenne est un territoire moins artificialisé que la moyenne nationale mais elle est confrontée à un étalement urbain conséquent conduisant à une hausse des surfaces artificialisées, déconnectée de l’évolution démographique. Alors que le nombre de nouveaux logements a augmenté bien plus fortement que le nombre de ménages, leur taux de vacance est élevé (Dreal Grand-Est, 2017).

thumbnail Fig. 11

Carte des unités paysagères en Champagne-Ardenne (source : Dreal Champagne-Ardenne, 2016 ; adaptation : C. Pellegrin.).

thumbnail Fig. 12

Carte de la nature ordinaire en Champagne-Ardenne (source : C. Pellegrin).

Compenser la nature ordinaire : une illustration empirique

Pour confronter notre définition au cadre de la compensation écologique, nous avons comparé nos localisations de nature ordinaire aux besoins potentiels de compensation, en estimant l’augmentation du bâti dans nos trois régions d’étude à l’horizon 2040. Le premier résultat est leur capacité inégale à pourvoir dans le futur à la fois à leurs besoins d’urbanisation et à leurs besoins de protection de la nature.

En Champagne-Ardenne et Centre-Val de Loire, les besoins estimés d’artificialisation des sols à l’horizon 2040 correspondent respectivement à 4,1 % et 9,2 % de la surface de nature ordinaire existante (Fig. 13 et 14). Les futurs espaces artificialisés sont constitués majoritairement de nature ordinaire avec 80 % des futures zones artificialisées en Champagne-Ardenne et 56 % en Centre-Val de Loire, ce qui nous conduit à penser que la compensation écologique de la nature ordinaire est pertinente dans ces deux régions. En considérant maintenant un ratio surfacique de 1 ha à restaurer pour 1 ha de nature ordinaire détruit et de 5 ha compensés pour 1 ha détruit de nature remarquable7, 4,5 % des surfaces de nature ordinaire restantes devraient être affectées à des compensations écologiques en Champagne. Le taux est de 14,4 % pour la Champagne. Objectif a priori cohérent, au regard des ressources disponibles8.

En revanche, en Paca où la nature ordinaire fait office d’exception et où la population augmente rapidement, l’artificialisation à l’horizon 2040 représente 16 % de la surface de nature ordinaire existante. De plus, il apparaît clairement que l’étalement urbain prévisible ne concernerait principalement pas la nature ordinaire (36 % des terres potentiellement artificialisées) mais également la nature remarquable (76 %) (Fig. 15). Si l’on considère des ratios de 1 ha compensé pour un 1 ha détruit de nature ordinaire et de 5 ha compensés pour 1 ha de nature remarquable détruite, la compensation écologique concernerait l’équivalent de 27 % de la surface totale de la région Paca, ce qui dépasse largement le stock foncier disponible de nature ordinaire dans cette région. Toutefois, en diminuant le ratio surfacique de compensation de nature remarquable à 2 ha compensés pour 1 ha détruit, il serait possible de compenser ces destructions liées à l’artificialisation des terres sur l’équivalent de 81 % des surfaces de nature ordinaire en région Paca. Cette double menace, à la fois directe et indirecte que fait peser l’urbanisation sur la nature ordinaire, pourrait obérer la faisabilité de la compensation écologique dans cette région selon les ratios surfaciques de compensation retenus.

thumbnail Fig. 13

Estimation de l’urbanisation sur la nature ordinaire en Centre-Val de Loire (source : C. Pellegrin).

thumbnail Fig. 14

Estimation de l’urbanisation sur la nature ordinaire en Champagne-Ardenne (source : C. Pellegrin).

thumbnail Fig. 15

Estimation de l’urbanisation sur la nature ordinaire en région Paca (source : C. Pellegrin).

Discussion

Pour définir la nature ordinaire de façon opérationnelle et mobilisable dans le cadre de la compensation écologique, nous avons proposé une clef de détermination des espaces fondée sur trois critères : absence d’éléments remarquables, dépendance de fonctionnement vis-à-vis des activités humaines, faible complexité. Si les deux premiers critères sont classiques (Godet, 2010), le troisième est plus original. Il permet de sortir d’une approche strictement anthropocentrée (caractérisée en fonction d’enjeux de rareté sélectionnés par l’homme et/ou des impacts de l’homme sur son fonctionnement), pour aller vers une nature ordinaire définie en fonction des caractéristiques intrinsèques de l’écosystème. Notre démarche a pour intérêt d’être cartographiable car fondée sur des informations disponibles pour les acteurs de l’aménagement du territoire et utilisables à l’échelle de l’action publique. La procédure est donc automatisable, permettant une analyse à grande échelle (avec toutes les limites inhérentes aux approches globales). Bien que considérer la couverture du sol comme indicatrice de l’état de fonctionnement d’un écosystème soit une simplification importante, nous nous fondons sur l’hypothèse que la communauté végétale est la résultante de l’ensemble des relations existantes dans l’écosystème et qu’elle nous permet donc d’approcher au mieux son fonctionnement de façon homogène aux échelles que nous avons choisies (Liu et al., 2007 ; Koschke et al., 2012).

En revanche, une des limites de notre méthode est d’offrir une vision relativement binaire de l’espace (soit ordinaire, soit extraordinaire), sans proposer de gradient entre ces deux états. En outre, nous gardons à l’esprit que l’absence de biodiversité remarquable est impossible à déterminer avec exactitude, étant donné l’incommensurabilité de la biodiversité dans son ensemble et l’incapacité humaine à connaître et à recueillir des informations sur tous ses compartiments (Figuières et Salles, 2014). Il n’en demeure pas moins qu’il est possible d’étayer notre démarche en donnant une vision relativement précise de ce que la société considère comme remarquable9 (inventaires de biodiversité, listes rouges, etc.), ce qui présente l’avantage d’être fondé sur des connaissances scientifiques et d’être disponible à l’échelle de la France entière. Par ailleurs, théoriquement, la caractérisation du niveau d’implication de l’homme dans la genèse et le fonctionnement d’un espace naturel nécessite de connaître de manière complète l’historique de ce milieu afin de donner aux activités humaines un poids relatif en fonction de l’importance de leur impact sur l’écosystème. La réalisation de ce travail à de larges échelles est matériellement impossible et cette difficulté a été contournée en estimant l’usage du sol actuel comme indicateur de l’emprise de l’homme sur le fonctionnement du milieu. Ainsi les zones agricoles et les jardins urbains ont été classés comme milieux fortement dépendants de l’homme. Enfin, caractériser la complexité d’un écosystème constitue également un champ de recherche en soi (Atmanspacher, 2007), auquel nous n’avons fait qu’emprunter l’indicateur de jeunesse de l’écosystème. Le choix d’utiliser les informations de la base de données CLC, malgré l’impossibilité que cela implique d’intégrer des éléments naturels très proches de l’homme comme les bords de route, nous a permis de caractériser la nature ordinaire à l’échelle de l’action publique.

Cela étant, notre clef de détermination de la nature ordinaire et sa cartographie constituent une information utile pour une éventuelle mise en œuvre d’une compensation écologique à partir de la nature ordinaire. Mais de nouvelles questions opérationnelles et scientifiques se posent, notamment sur la nature du gain qui pourrait être considéré comme équivalent aux dommages. Dans le cas des milieux remarquables, l’équivalence entre pertes écologiques et gains se calcule en fonction d’un proxy d’indicateurs concernant les espèces rares impactées (Quétier et Lavorel, 2011). Une transposition de cette méthode pour des espèces plus communes manquerait de pertinence étant donné que les enjeux écologiques des milieux remarquables et ordinaires diffèrent. En effet, pour les premiers, l’objectif de la compensation est de conserver la richesse spécifique du territoire en préservant un nombre défini d’espèces ou des milieux extraordinaires circonscrits. En revanche, la perte localisée de nature ordinaire menace peu la richesse spécifique à l’échelle du territoire, mais les enjeux vont au-delà de la conservation d’espèces particulières : assurant la stabilité des écosystèmes (Ellison et al., 2005), la biodiversité qui compose la nature ordinaire conditionne leur capacité à fournir des services aux milieux et aux hommes (Gaston et Fuller, 2008). Ces fonctionnalités pourraient être l’objet de la mesure du gain dans une procédure de compensation. C’est, d’ailleurs, par ce biais que la nature ordinaire commence à être intégrée dans les objectifs de compensation. La fragmentation des habitats jouant un rôle majeur dans l’érosion de la biodiversité (Saunders et al., 1991 ; Marzluff, 2001 ; Balmford et Bond, 2005), les politiques des trames vertes et bleues10 visent ainsi à réduire les effets du mitage des habitats naturels (Bergès et al., 2010) en facilitant les flux d’espèces et de gènes (Bennett, 2003 ; Crooks et Sanjayan, 2006) par le maintien et la recréation des connectivités paysagères (Merriam, 1984 ; Taylor et al., 1993). À ce titre, Bourdil et Vanpeene-Bruhier (2013, p. 11) montrent « qu’au travers de la notion de réseau écologique […] les rôles fonctionnels de la nature “ordinaire”, jusqu’à présent non concernés par des mesures de protection, prennent alors toute leur importance ». La compensation des atteintes aux continuités écologiques ouvre donc le champ de la conception des mesures compensatoires par la nature ordinaire aux processus de fonctionnement écologique des écosystèmes et des services qu’ils produisent. Ce ne sont pas alors les espèces communes formant les continuités que l’on cherche à reproduire, mais bien les services qu’elles rendent (Bourdil et Vanpeene-Bruhier, 2013).

Formellement, notre étude empirique sur trois régions françaises a mis en évidence que la faisabilité d’une compensation s’appuyant sur la nature ordinaire était fortement dépendante du territoire dans lequel elle était conduite. Notre prospective se fonde sur une hypothèse de prolongation des processus actuels d’étalement urbain (Charmes, 2013). Il apparaît que dans les régions ayant un stock de nature ordinaire important et une artificialisation des terres raisonnée, les compensations de nature ordinaire et de nature remarquable consommées semblent pouvoir être mises en œuvre, sans effet de seuil. Notre projection montre, par ailleurs, que la grande majorité des espaces de nature ordinaire concernés par l’artificialisation étant des terrains agricoles (98 % des terres en Champagne et 99 % en Centre-Val de Loire), la compensation écologique de la nature ordinaire devrait donc intégrer les agriculteurs, notamment comme producteurs potentiels de gains écologiques. En revanche, dans d’autres régions (comme Paca) où les natures remarquable et ordinaire sont toutes les deux rares et où les rythmes d’urbanisation sont importants, la compensation écologique, quelle que soit la manière dont elle est administrée, ne peut permettre d’éviter la perte nette de biodiversité. La faisabilité de la compensation se heurte à des seuils dans les régions les plus soumises à des tensions de changement d’usage des sols. Cela signifie que dans ces espaces, le choix d’aménagement (versus de protection des milieux) est un arbitrage social et politique entre des options qui, chacune, ont un coût (économique si l’on empêche le développement, environnemental si l’on aménage).

Conclusion

La mise en œuvre récente de la séquence ERC en France conduit à l’instauration progressive d’une norme des différentes formes de compensation écologique qui repose sur des exemples existants de mesures de compensation et la législation en cours. Celle-ci s’attache principalement à la nature remarquable, bien que de plus en plus de travaux mettent en avant la difficulté à restaurer de tels milieux. La récente loi sur la reconquête de la biodiversité du 8 août 2016 modifie sensiblement les enjeux de la compensation, en prenant désormais en compte les fonctions écologiques (Fèvre, 2016). Toutefois, la nature ordinaire n’est toujours pas considérée comme un objectif à part entière, malgré les enjeux importants liés à sa protection et les menaces qui pèsent sur elle.

Jugeant qu’il devenait urgent de mettre en avant la considération de la nature ordinaire dans la compensation écologique, nous faisons ici une première proposition de définition de cette notion. En effet, selon les points de vue et les disciplines, la nature ordinaire peut être délimitée différemment : l’écologie la définit comme l’opposé de la nature rare, et la géographie comme l’intermédiaire entre monde humain et monde sauvage. Constatant également un manque de méthodes de représentation applicables à l’échelle de l’action publique, nous avons proposé une définition de la nature ordinaire fondée sur les critères de faible rareté et de proximité avec l’homme, en ajoutant un critère de faible complexité. Cette approche n’a pas pour objectif de catégoriser strictement la nature, mais d’offrir une première proposition susceptible d’être améliorée, précisée et adaptée aux différents contextes locaux de compensation.

Nous avons, par la suite, développé un certain nombre d’indicateurs permettant de caractériser les différentes catégories de nature et les avons testés sur trois régions françaises. Nous montrons qu’il est ainsi possible de cartographier la nature ordinaire sur de larges espaces au moyen d’indicateurs facilement calculables. Des améliorations de cette cartographie demeurent néanmoins nécessaires, notamment via une prise en compte des enjeux spécifiques des corridors écologiques, ou encore par une graduation plus fine du niveau d’« ordinarité » des espaces. L’information fournie par ces cartes serait utilement consolidée par l’utilisation d’indicateurs plus variés et plus précis pour caractériser les différents critères d’« ordinarité » de la nature que nous proposons. Nous montrons que de telles approches empiriques permettent de rendre compte d’effets de seuils spatiaux. En l’occurrence, dans les régions où la dynamique d’aménagement est relativement contenue et où les espaces de nature ordinaire sont abondants, il est possible de concevoir une procédure de compensation efficiente. Dans les régions où l’urbanisation est soutenue et où les milieux ordinaires sont rares, la mise en œuvre de mesures de compensation ne permet pas d’atteindre une absence de perte de biodiversité.

Bien que notre démarche présente de nombreuses limites, elle permet de faire passer la nature ordinaire du statut de tiers paysage (Clément, 2004), qui semble insaisissable, à un espace ayant une entité propre, cartographiable et donc protégeable. Une fois la nature ordinaire délimitée spatialement, il devient possible de cibler le développement territorial sur ces espaces, là où les impacts ont une probabilité plus importante d’être compensés afin de protéger, par ailleurs, les espaces de nature remarquable, dont la compensation se révèle pour le moins hasardeuse.

Remerciements

Ce travail fait partie du projet « CompAg » ayant pour objet « Offres agricoles de compensation et transition agroécologique » financé par l’Agence nationale de la recherche dans le cadre de l’appel à projets intitulé « AAP GENERIQUE 2017 » (ANR-17-CE32-0014-02). Les auteurs remercient Abdramane Diassé Samaké pour son soutien technique sur l’utilisation des outils SIG.

Annexes

Annexe 1

Niveau de dépendances des espaces en fonction des catégories par Corine Land Cover

Annexe 2

Liste des zonages réglementaires de protection de la nature pris en compte

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1

Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature.

2

Directive n° 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, modifiée par la directive n° 97/11/CE du 3 mars 1997 et par la directive n° 2003/35/CE du 26 mai 2003.

3

Voir dans ce numéro l’article de Dutoit et al. dans la rubrique Regards.

4

La base de données géographiques CORINE Land Cover, produite dans le cadre du programme européen CORINE de coordination de l’information sur l’environnement, a été réalisée à partir d’images satellitaires. C’est un référentiel d’occupation du sol proposant des informations sur couverture du sol de toute l’Europe depuis 1990.

5

Considérant le caractère exceptionnel des forêts dans les régions étudiées, avec des forêts patrimoniales porteuses d’espèces septentrionales en région Centre-Val de Loire (Observatoire régional de la biodiversité Centre-Val de Loire, 2016), des forêts méditerranéennes très riches en Paca (Amandier et al., 2012) et des forêts étant l’objet de la création d’un Parc national (Parc national des forêts de Champagne et Bourgogne) en Champagne-Ardenne, nous avons décidé de ne pas prendre en compte les forêts ici.

6

Medam (côtes méditerranéennes françaises. Inventaire et impact des aménagements gagnés sur le domaine marin), http://www.medam.org/index.php/fr/123-medam-le-bilan/124-taux-d-artificialisation-du-littoral-par-les-amenagements-gagnes-sur-la-mer.

7

Les mesures de compensation prévoient de restaurer une surface d’autant plus grande que l’incertitude sur la réussite de la restauration est importante, soit un ratio surfacique moyen observé de 1 à 5 ha compensés pour 1 ha détruit (Quétier et Lavorel, 2011). Concernant la nature ordinaire, dans la mesure où elle est définie en fonction de sa faible complexité, les ratios surfaciques peuvent être réduits.

8

Nous ne voulons pas, ici, entrer dans la complexité du débat sur les mesures elles-mêmes. Notre propos est général. Toutefois, si l’on considère la pluralité des modèles de production et la possibilité d’une agriculture productrice de nature, affecter des terres agricoles ne veut pas dire, à notre sens, les soustraire obligatoirement à l’activité agricole.

9

À titre d’exemple, dans le cas des zones Natura 2000, l’administration a dû rechercher un compromis entre protection de l’environnement et réalisme social compte tenu des rapports de force régionaux (Alphandéry et Pinton, 2007).

10

Voir les textes d’application des lois Grenelle 1 et 2 (décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 portant réforme des études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements).

Citation de l’article : Pellegrin C., Sabatier R., Napoléone C., Dutoit T., 2018. Une définition opérationnelle de la nature ordinaire adaptée à la compensation écologique. Le cas contrasté des régions Centre, Champagne-Ardenne et Paca. Nat. Sci. Soc. 26, 2, 170-188.

Liste des tableaux

Tab. 1

Méthode de spatialisation de la nature ordinaire (source : C. Pellegrin).

Annexe 1

Niveau de dépendances des espaces en fonction des catégories par Corine Land Cover

Annexe 2

Liste des zonages réglementaires de protection de la nature pris en compte

Liste des figures

thumbnail Fig. 1 Critères écologiques des espèces communes et rares (source : Godet, 2010 ; Devictor, 2007).

Le caractère commun d’une espèce dépend du nombre d’individus dans sa population, de l’aire dans laquelle elle se déplace et de son degré de spécialisation. Ainsi, selon leur abondance et leur répartition spatiale relatives, les espèces sont distribuées entre un pôle rare et un pôle commun.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2 Visions anthropocentriques de la nature (source : Godet, 2010).

Les modèles hérités de la Rome antique ou de l’Amérique du Nord définissent trois types d’espaces : l’espace artificialisé, symbolisé par la ville ou la cité, l’espace naturel, correspondant à la wilderness ou à la silva (bois), et la nature ordinaire, qui constitue un milieu intermédiaire, lieu de rencontre et de cohabitation entre hommes et nature, dans les espaces agricoles, ager (champ cultivé), hortus (jardin) et saltus (prairies/marécages).

Dans le texte
thumbnail Fig. 3 Vision anthropogénique de la nature (source : Godet, 2010).

L’approche anthropogénique de la nature définit la nature ordinaire comme le résultat de pressions humaines et naturelles égales.

Dans le texte
thumbnail Fig. 4 Lien entre complexité et « ordinarité » d’un écosystème (source : C. Pellegrin).

L’« ordinarité » et la complexité d’un écosystème sont négativement corrélées : la densité des interactions entre éléments de l’écosystème augmente sa complexité et diminue son « ordinarité ».

Dans le texte
thumbnail Fig. 5 Ordinarité de la nature, un gradient évoluant selon trois variables (source : Pellegrin).

L’« ordinarité » d’un espace en fonction de sa rareté, de sa dépendance de fonctionnement aux activités humaines et de sa complexité. C’est une notion hautement subjective qui dépend étroitement de l’échelle spatiale et temporelle considérée. Les écosystèmes peuvent être toutefois utilement distribués sur un gradient d’ordinarité selon ces trois critères.

Dans le texte
thumbnail Fig. 6

Clé de détermination du statut de nature ordinaire d’un espace (source : C. Pellegrin).

Dans le texte
thumbnail Fig. 7

Cartes des unités paysagères de Centre-Val de Loire (source : Observatoire de la biodiversité Centre, 2014).

Dans le texte
thumbnail Fig. 8

Carte de la nature ordinaire en Centre-Val de Loire (source : C. Pellegrin).

Dans le texte
thumbnail Fig. 9

Carte de la nature ordinaire en région Paca (source : C. Pellegrin).

Dans le texte
thumbnail Fig. 10

Carte des unités paysagères en Provence-Alpes-Côte d’Azur (source : Dreal Paca ; adaptation : C. Pellegrin).

Dans le texte
thumbnail Fig. 11

Carte des unités paysagères en Champagne-Ardenne (source : Dreal Champagne-Ardenne, 2016 ; adaptation : C. Pellegrin.).

Dans le texte
thumbnail Fig. 12

Carte de la nature ordinaire en Champagne-Ardenne (source : C. Pellegrin).

Dans le texte
thumbnail Fig. 13

Estimation de l’urbanisation sur la nature ordinaire en Centre-Val de Loire (source : C. Pellegrin).

Dans le texte
thumbnail Fig. 14

Estimation de l’urbanisation sur la nature ordinaire en Champagne-Ardenne (source : C. Pellegrin).

Dans le texte
thumbnail Fig. 15

Estimation de l’urbanisation sur la nature ordinaire en région Paca (source : C. Pellegrin).

Dans le texte

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