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Nat. Sci. Soc.
Volume 25, Number 3, July-September 2017
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Page(s) | 255 - 267 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2017054 | |
Published online | 11 December 2017 |
La trajectoire d'un dispositif de conservation à l'épreuve du territoire
The conservation of mangroves in Senegal: a system out of control
Socio-anthropologue de l'environnement, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Centre européen de sociologie et de sciences politiques (CESSP),
Paris, France
* Auteur correspondant : julriegel@gmail.com
Reçu :
16
Août
2016
Accepté :
14
Septembre
2017
En reconstituant la trajectoire et les effets d'un dispositif de l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) au Sénégal conduit au début des années 2000, cet article questionne l'aptitude supposée des ONG vertes internationales à maîtriser la diffusion de normes de conservation d'un niveau de gouvernance à l'autre, jusqu'à des territoires socioécologiques singuliers. Il met en lumière l'aspiration du bureau national de l'UICN au Sénégal à promouvoir une utilisation durable des mangroves dans la réserve de biosphère du delta du Saloum, dont la mise en œuvre est contrariée par les dynamiques sociales et politiques auxquelles le dispositif se cogne. Celui-ci a cependant produit des effets inattendus et pérennes, en figeant notamment un récit du déclin des mangroves devenu inaltérable, et en générant un appel d'air pour d'autres ONG.
Abstract
At the end of the 1990s, the Senegal office of the International Union for the Conservation of Nature launched an ambitious management programme for the conservation of the Saloum delta to consolidate its biosphere reserve label. The initial design involved a public-private co-management of the protected area, with a series of conservation and development activities being planned for 47 localities. Our paper focuses on the divergence between the intentions and objectives of the green NGO and the actual implementation of the plan, due to the social and political dynamics it was faced with. Our paper finally highlights the present and unexpected impacts of this conservation plan, which depart considerably from the technical and scientific rationality originally promoted.
Mots clés : conservation / mangroves / ONG / Sénégal / Political Ecology
Key words: conservation / mangrove / NGO / Senegal / Political Ecology
© NSS-Dialogues, EDP Sciences 2017
Le rapport des interventions de conservation aux populations locales est un sujet largement traité dans la littérature scientifique. Ces publications dénoncent généralement le décalage entre les discours des ONG internationales, prônant une appropriation des espaces protégés par les populations locales, et leurs pratiques souvent normalisatrices ignorant la diversité des rapports de ces populations aux ressources et à leur territoire, en Afrique notamment. L'auteur de cet article nuance cependant le pouvoir supposé des ONG internationales à maîtriser ces décalages, montrant par un cas d'étude au Sénégal qu'elles peinent à contrôler la diffusion des normes qu'elles proposent, et leurs modalités d'appropriation par les acteurs locaux. L'article met en évidence, en contrepoint d'une lecture en termes de réussite ou d'échec des projets, que cette imprévisibilité est justement source d'innovations sociales et institutionnelles intéressantes.
La Rédaction
« Tout le monde s'est mis à travailler sur les mangroves. Les mangroves c'est très visible, c'est très beau ici. Et c'est bien financé1. »
Au tournant des années 1980, les ONG internationales de conservation comme le Fonds mondial pour la nature (WWF) et l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) sont soumises à de vives critiques. Le caractère éco-impérialiste des politiques de conservation qu'elles prônent dans les pays du Sud est dénoncé : ces politiques conduisent au déplacement et à l'exclusion des populations et de leurs usages, et stigmatisent les pratiques et les savoirs paysans (Dumoulin et Rodary, 2005 ; West et al., 2006). Les parcs nationaux sont présentés comme des États dans l'État, auxquels seule une élite aristocratique, cynégétique et blanche accède, aux côtés des scientifiques. De nouvelles organisations environnementales émergent alors en Europe, plus politisées et plus militantes, telles Greenpeace, GRAIN ou les Amis de la Terre, tandis que le concept d'écodéveloppement développé par Ignacy Sachs valorise les initiatives endogènes de préservation des ressources naturelles (Boisvert et Vivien, 2010). Le WWF et l'UICN amorcent alors une rupture discursive et stratégique, symbolisée par la publication en 1980 de la Stratégie mondiale pour la conservation, avec le Programme des Nations unies pour l'environnement (Chartier, 2004). En une décennie, ces ONG renouvellent les paradigmes de la conservation, désormais présentée comme conciliable avec le développement, et contribuant à la lutte contre la pauvreté. Leur rapprochement avec les agences de développement culmine après la conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement de Rio en 1992. C'est singulièrement le cas pour l'UICN, qui devient incontournable en matière de soft law : sa typologie des aires protégées et des espèces menacées dans le monde, de même que son implication dans les conventions onusiennes traitant de l'environnement contribuent à forger un droit international de l'environnement et un régime de biodiversité (Hufty, 2001). Mais la capacité des ONG internationales de conservation à concrétiser leur rhétorique de la participation et de l'intéressement des populations aux projets de conservation est contestée, notamment en raison de leur acception économiciste du développement durable (Vivien, 2005). L'éco-pouvoir qu'elles détiendraient est critiqué, en ce qu'il les amène à travailler en marge de l'État et à standardiser au niveau local des approches participatives technicisées conçues au niveau global, comme à Madagascar, au Mexique, en Indonésie, en Afrique de l'Est ou sur le littoral ouest-africain (Neumann, 2000 ; Dumoulin, 2003 ; Chartier et Sellato, 2003 ; Dahou et al., 2004 ; Rakoto Ramiarantsoa et al., 2012). Mais ces travaux semblent prêter à ces organisations la capacité d'exporter de façon linéaire leurs normes de conservation de la nature, de leur siège international vers des antennes nationales et locales, selon une vision centre/périphéries. Cette perception d'ONG globalisées et puissantes renvoie paradoxalement à l'image unifiée, homogène et dépolitisée que ces dernières construisent d'elles-mêmes (Jasanoff, 1996 ; Bryant, 2009). En reconstituant la trajectoire et les effets d'un dispositif de l'UICN au Sénégal, cet article éprouve l'aptitude supposée des ONG vertes à diffuser jusqu'à des territoires socioécologiques singuliers des valeurs, des paradigmes scientifiques, des modes de gestion standardisés des ressources naturelles, et interroge ce faisant leur puissance supposée2. Une posture de socio-anthropologie du développement et une sensibilité de Polical Ecology sous-tendent cette recherche, ces deux courants s'articulant avec cohérence dès lors que les ONG d'environnement mobilisent des « configurations développementalistes » (Olivier de Sardan, 1995 ; Riegel, 2016). L'enquête ethnologique a ainsi exploré les déterminismes structurels autant que les marges de manœuvre et les stratégies des acteurs sociaux à différentes échelles − ONG, communautés locales, agences publiques, experts. L'UICN est cependant un opérateur de développement spécifique car elle fonde sa stratégie sur des problèmes et des solutions traitant de l'environnement : elle n'est pas réductible à des faits sociaux à propos d'une nature qui serait sans histoire (Latour, 1999). Le courant d'inspiration anglophone et poststructuraliste de la Polical Ecology, influencé par la pensée foucaldienne et sa notion de « gouvernementalité », s'est avéré à cet égard éclairant par le fait qu'il appréhende la production scientifique sur l'environnement comme un régime de savoirs3. Dans cette perspective, les écosystèmes ne sont pas politiquement inertes, ils sont l'objet de discours dominants posés comme des « vérités » objectives sur les liens des sociétés à leur environnement, et l'évolution de ce même environnement (Adger et al., 2001 ; Gautier et Benjaminsen, 2012). Le contrôle de la production et du maintien de récits environnementaux structurés et linéaires, notamment sur les processus de crise écologique, est un enjeu de pouvoir en ce qu'il sous-tend des visions politiques et des scénarios de gestion quant à l'accès et aux usages des ressources naturelles (Forsyth, 2003 ; Benjaminsen et Svarstad, 2009). En outre, les approches de socio-anthropologie du développement et de Political Ecology s'efforcent conjointement de ne pas tomber dans un populisme naïf, en évitant de réduire les acteurs locaux à des catégories dominées et passives. Il s'agit à l'inverse d'explorer leurs stratégies, leurs marges de manœuvre, voire l'instrumentation de dispositifs exogènes (Fairhead et Leach, 1996 ; Robbins, 2000 ; Bierschenk et al., 2000 ; Li, 2007a). En premier lieu, cet article retrace les espérances et les ambitions placées par l'UICN dans son plan de gestion de la réserve de biosphère du delta du Saloum à la fin des années 1990. Il s'attache ensuite aux disjonctions entre la planification de ce dispositif et sa mise en œuvre opérationnelle, au regard des dynamiques sociopolitiques auxquelles il se confronte. Il analyse enfin les traces et les effets encore lisibles de ce dispositif aujourd'hui, ses réappropriations et ses requalifications imprévisibles compte tenu de sa rationalité technoscientifique initiale.
L'ambition de l'UICN dans le delta du Saloum
Des dispositifs de conservation tremplins
Dans la foulée de sa Stratégie mondiale pour la conservation publiée en 1980, l'UICN (Encadré) propose son appui aux États africains pour élaborer des politiques nationales de conservation. Les agences de coopération de la Suisse et des Pays-Bas, pays fondateurs de l'organisation et larges contributeurs financiers de l'Union comme de la Convention de Ramsar4, l'encouragent à développer des projets de protection des zones humides dans les pays sahéliens, alors frappés de douloureuses sécheresses. C'est grâce à leur appui que l'UICN ouvre ses bureaux nationaux permanents sur le littoral ouest-africain, pour appuyer les administrations publiques dans la gestion des aires protégées côtières. En 1994 au Sénégal, en écho aux paradigmes de la conservation participative portés par la Conférence de Rio, le jeune bureau national de l'ONG propose à la direction des parcs nationaux (DPN) d'élaborer le premier plan de gestion du parc national des oiseaux du Djoudj, en impliquant les populations des villages riverains, dans la lignée des programmes de l'UICN en Mauritanie et en Guinée-Bissau. Financé par la coopération néerlandaise, ce dispositif est bientôt présenté comme le fleuron d'une nouvelle politique de gestion participative des aires protégées du Sénégal, alors que la notion de participation devient hégémonique (Lavigne-Delville, 2011). En cinq ans, il génère un discours sans opposants, et fonde la notoriété et la légitimé du bureau UICN Sénégal dans le pays (Riegel, 2015b). Ce dernier propose à ses partenaires de répliquer cette approche dans le delta du Saloum, à une toute autre échelle. Cette aire protégée d'importance internationale est classée réserve de biosphère de l'Unesco et inscrite à la Convention Ramsar. La coopération néerlandaise soutient là encore l'ambition de l'UICN, en finançant un plan de gestion quinquennal à hauteur de 2 220 798 euros.
L'UICN, une ONG proche d'une organisation internationale
L'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), fondée en 1948, est une association internationale de droit suisse. C'est une ONG singulière en ce qu'elle se compose de membres civils et gouvernementaux, séparés en deux collèges, qui votent tous les quatre ans lors d'un congrès mondial la politique et le programme de l'organisation. Son secrétariat, qui compte environ mille salariés, se compose du siège basé à Gland, en Suisse, et de bureaux déconcentrés régionaux et nationaux sur tous les continents. Appuyé par les commissions d'experts de l'UICN et par les organisations membres, il est chargé de décliner la stratégie mondialisée de l'ONG, d'une part en renforçant les politiques nationales de conservation de ses pays hôtes, d'autre part en déployant des projets opérationnels. Au Sénégal, pays membre de l'UICN depuis 1976, le siège de l'UICN et le gouvernement signent en 1986 une convention appelée accord de siège, qui entérine l'établissement d'un bureau national pérenne de l'organisation, ayant les privilèges diplomatiques d'une organisation onusienne. Le terme d'accord de siège est cependant usurpé au regard du droit international, car il ne peut relever que d'un accord entre une personnalité étatique et une personnalité internationale (Olivier, 2005).
Prenant appui sur ces deux dispositifs, l'équipe du bureau UICN Sénégal croît considérablement entre 1994 et 2002, passant de trois à vingt-deux salariés. Une antenne déconcentrée est ouverte dans le delta du Saloum, à Sokone, à quelques kilomètres du siège de la communauté rurale de Toubacouta, centre névralgique du territoire (Fig. 1). Sur ces aires protégées emblématiques, l'UICN propose une triple expertise au gouvernement sénégalais. Elle se pose en référent scientifique, coordonnant en amont des diagnostics pour inventorier la faune et la flore et hiérarchiser les enjeux de conservation. Elle offre ensuite un savoir-faire technique pour planifier et structurer des plans de gestion sur cinq ans, puis en être le principal opérateur. Elle se présente enfin comme un facilitateur, à même de restaurer le dialogue entre les populations et les agents publics des administrations, ainsi qu'au sein même des populations, en organisant des formations et des concertations locales. Pour la DPN, administration en tutelle de ces aires protégées, cette collaboration est une plus-value : imposé par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, le premier plan d'ajustement structurel est alors à l'œuvre au Sénégal et le financement des aires protégées relève du luxe. Ce partenariat est vecteur de flux matériels, humains et financiers tandis qu'aux lendemains de Rio, de tels plans de gestion se présentent comme une rupture salvatrice avec l'historique répressif des parcs nationaux (Ece, 2012).
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Fig. 1 Limites de la réserve de biosphère du delta du Saloum au Sénégal et de son noyau, le parc national éponyme. Source : Modifié de M. Fall, 2009, avec son aimable autorisation. |
Un paradigme phare : l'utilisation durable des mangroves
Dans la décennie 1980, la notion d'utilisation durable des ressources naturelles monte en puissance dans les discours de l'UICN : elle fonde conceptuellement le lien revendiqué par l'ONG entre conservation et développement. Reprise dans la Convention sur la diversité biologique, elle est définie comme : « l'utilisation des éléments constitutifs de la diversité biologique d'une manière et à un rythme qui n'entraînent pas leur appauvrissement à long terme et sauvegardent ainsi leur potentiel pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures » (article 2). Au Congrès mondial de la nature de l'UICN en 2000, les avantages sociaux et économiques découlant de cette notion sont présentés comme un instrument efficace d'incitation aux politiques de conservation. La réserve de biosphère du delta du Saloum se prête parfaitement à la déclinaison de ce paradigme, son statut lui conférant autant une vocation de protection de la nature dans son noyau, que de développement durable dans ses zones tampon et périphérique. C'est une aire protégée de catégorie VI dans la typologie de l'UICN, qui doit donc être administrée aux fins d'utilisation durable des écosystème naturels (Dudley, 2008) − en l'occurrence de ses mangroves. Cette formation forestière amphibie a longtemps été considérée comme un milieu insalubre, pour devenir un habitat d'exception pour l'avifaune puis un écosystème essentiel aux activités halieutiques, selon les paradigmes de conservation successivement en vigueur (Cormier-Salem, 2014). Dans le plan de gestion de l'UICN, la mangrove fait figure d'écosystème emblématique du delta du Saloum, mais sa fragilité a justifié son classement en réserve de biosphère. Un triptyque de menaces est systématiquement associé aux mangroves du Sénégal : la péjoration climatique, la croissance démographique, et la surexploitation anarchique des mangroves censée découler de cette dernière. Le plan de gestion est présenté comme relevant « d'une impérieuse nécessité d'élaborer des stratégies à la fois concertées, durables et efficientes dans la perspective d'impulser une utilisation rationnelle des ressources de cette zone » (Dia, 2003, p. 4).
Le plan de gestion de l'UICN : planifier, normer, organiser
Le paradigme de l'utilisation durable des ressources naturelles est central dans le plan de gestion, mais sa terminologie reflète aussi les injonctions de l'aide alors en vigueur. Les objectifs du millénaire pour le développement adoptés en 2000, le Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg en 2002, puis la doctrine des documents de réduction de la pauvreté demandés par la Banque mondiale poussent à la décentralisation des projets (Froger et Andriamahefazaly, 2003). Collectivités locales, groupements économiques locaux, deviennent des cibles prioritaires des agences de coopération. L'heure est à la « bonne gouvernance », et les ONG passent du statut d'agences d'exécution à celui d'acteurs de la société civile choyés, y compris en tant que palliatifs aux carences présumées de l'État (Otayek, 2009). Le bureau UICN Sénégal se pose ainsi comme l'institution pivot, la structure de référence pour la gestion de la réserve de biosphère du Saloum. L'ONG porte des actions de biologie de la conservation et de gestion des ressources naturelles, mais aussi des appuis au développement local à déployer sur 47 villages. La création de nouvelles aires marines protégées est prévue, qui doivent être gérées par des communautés locales. L'édiction de codes de conduite d'utilisation des mangroves est programmée, afin d'établir des règles sur les coupes de bois de palétuviers, la saisonnalité du ramassage de coquillages, des interdits d'accès pour les pêcheurs étrangers, et la volonté de former avec des habitants volontaires des comités de plage, chargés de la surveillance. Le reboisement de mangroves de Rhizophora est planifié, avec la collecte et le repiquage de propagules5, ainsi que la promotion de techniques de culture des huîtres n'impactant pas les racines de palétuviers. La chronologie des actions est détaillée dans le cadre logique du dispositif : une action est d'autant plus prioritaire qu'elle répond à un double enjeu de conservation et d'écodéveloppement et qu'elle se situe en milieu insulaire. Son importance dépend aussi de la localisation des villages selon le zonage de la réserve de biosphère. ll en ressort que la restauration de la mangrove est l'action A2.R2/OG1 (UICN, 1999) : c'est une priorité n°1 dans la zone de transition de la réserve de biosphère, mais une priorité n°2 dans la zone de transition fortement humanisée et une priorité n°4 dans la zone tampon... Cette planification, construite sur des critères quasi comptables, laisse un sentiment de désarticulation du territoire. Pour autant, elle ne relève alors que d'une projection, d'un désir de gouvernementalité des usages des mangroves, et des usagers entre eux, au sens foucaldien de « conduite des conduites ». Et en tant qu'instrument d'action publique à la fois technique et social, ce dispositif de l'UICN repose sur un assemblage d'éléments hétérogènes, censés s'articuler pour servir un même objectif de changement social, mais ne répondant pas forcément à ce que l'on attend d'eux (Lascoumes, 2004; Li, 2007b).
La mise en œuvre contrariée du dispositif de l'UICN
L'implosion du cadre institutionnel initial
Les documents liés au projet laissent une impression de confusion : les rapports d'évaluation du projet sont ambigus, les retards dans la planification s'accumulent, les intervenants sont souvent des étudiants ou des sous-traitants. Le partenariat entre l'UICN et la DPN s'apparente plutôt à une délégation de gestion qu'à la promesse de cogestion initiale. D'autant que l'UICN n'est pas censée en être le maître d'œuvre, alors que ses salariés gèrent les financements, le choix des prestataires, l'évaluation des actions. Leur propension à œuvrer en cavaliers seuls dans la réserve de biosphère, en périphérie du parc national, irrite les agents publics, qui la perçoivent comme un contournement de l'État et une négation de ses prérogatives. En outre, dans le parc national lui-même, les rénovations prévues des bureaux et des postes de garde ne seront jamais achevées. Des éléments symboliques contribuent aussi à dégrader les relations entre représentants de l'ONG et de l'administration. Le véhicule fourni à la DPN porte le logo de l'UICN, sous couvert d'assurance, mais les marques des véhicules choisis pour la DPN et l'UICN diffèrent, ce qui est perçu comme un marqueur social d'inégalité humiliant. La publication du plan de gestion par les éditions de l'UICN au seul nom du coordinateur du programme, sans référence à la DPN, laisse également une rancœur encore palpable (Dia, 2003). Pour l'ambassade des Pays-Bas, qui ne nomme pas de coopérants techniques, son partenariat avec l'UICN fait de cette dernière une agence d'exécution, cumulant des pouvoirs techniques, financiers, symboliques, qui biaisent sourdement son partenariat avec la DPN. Mais en 2002, cette position hégémonique de l'UICN est bouleversée. Le gouvernement des Pays-Bas modifie sa politique de coopération : l'heure est à l'aide budgétaire ciblée, à destination directe des gouvernements, que la Déclaration de Paris généralise en 2005 (Séverino et Charnoz, 2005). La DPN bénéficie dès lors d'un soutien financier des Pays-Bas sans intermédiaire, et retrouve son libre arbitre quant au choix de ses partenaires techniques. Elle sollicite d'autres ONG internationales et rompt sa collaboration dans le Saloum avec l'UICN, qui doit revoir sa stratégie de positionnement dans le pays. Pour mettre en œuvre son dispositif au Saloum tant bien que mal, l'UICN se tourne vers d'autres bailleurs de fonds comme l'agence japonaise de coopération, ce qui lui permet tardivement de recruter en 2003 un chargé de projets dédié aux actions sur les mangroves. Celui-ci met enfin en place des protocoles de reboisement de palétuviers et de gestion des huîtres tels que projetés par le plan de gestion. C'est dans le cadre de sa thèse qu'il a acquis ses compétences scientifiques, réalisée avec l'Institut des sciences de l'environnement du Sénégal et une ONG belge, l'Aide au développement Gembloux (ADG), mobilisée sur la conservation des mangroves bien avant l'arrivée de l'UICN. ADG collabore étroitement avec une autre ONG fondée par des ressortissants du delta du Saloum, la West African Association for Marine Environment (WAAME). L'acquisition de connaissances sur l'écologie des palétuviers et leur reboisement, l'élaboration de normes d'utilisation durable des huîtres sont ainsi le fruit de multiples circulations entre WAAME, ADG et l'UICN (Fig. 2). La paternité revendiquée de l'UICN sur les normes de conservation effectivement diffusées dans le Saloum s'en trouve délicate à établir. Les frontières entre dispositifs sont brouillées par la mobilité des intervenants d'une organisation à l'autre et le chevauchement des financements entre agences de coopération.
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Fig. 2 Acteurs historiques porteurs de dispositifs de conservation des mangroves dans le delta du Saloum. Source : J. Riegel. |
Des promesses de gouvernance locale entravées
Les objectifs de l'UICN pour impliquer et structurer les populations se heurtent par ailleurs aux dynamiques sociopolitiques traversant le territoire. À partir de 2000, l'équipe de l'UICN stimule par exemple l'établissement de comités de plage, composés de volontaires devant faire respecter les règles de prélèvement des ressources halieutiques et du bois de mangrove. Selon Weigel et al. (2007), les comités de plage auraient contribué en trois ans à la fermeture saisonnière de 77 sites de collecte dans le delta du Saloum pour respecter la période de reproduction de poissons et de coquillages aux abords des villages. Mais la plupart de ces comités n'ont pas survécu au retrait de l'ONG, car privés des pirogues qu'elle fournissait, mais aussi en raison de leur manque de légitimité sociale couplé à une non reconnaissance légale. Le domaine maritime reste une prérogative intégrale de l'État, et sa tutelle est conflictuelle, car revendiquée par les services des Pêches comme des Eaux et Forêts, multipliant la confusion des interlocuteurs et des normes dans le delta. En outre, les comités de plage reflètent la tendance de l'UICN à structurer son action à partir des villages pour réguler l'exploitation des mangroves. Les primo-résidents, abusivement assimilés à des autochtones sur le continent (Crawhall et Rodary, 2011), ont été considérés comme les ayants droit légitimes à réguler l'accès et l'usage de ces espaces halieutiques, alors qu'ils n'en ont pas – ou plus – la maîtrise (Dahou et Ould Cheick, 2007). Enfin, les propositions de gouvernance portées par l'UICN semblent parfois périphériques, même au regard des enjeux halieutiques. Au port de Missirah par exemple, le président du comité local de pêche artisanale a mémoire des démarches de l'ONG dans son village, mais évoque l'utilité limitée des comités de plage6. Ce fils et petit-fils de pêcheur s'efforce surtout de réguler les usages dans les quatre embouchures du delta du Saloum. Il déplore les filets tendus à marée montante, quand les femelles viennent se reproduire, et à marée descendante, entravant la sortie des alevins vers la mer, qui doivent pourtant régénérer les populations. Il dénonce la réglementation des mailles qui n'est pas appliquée, et les infractions non sanctionnées par les fonctionnaires assermentés.
Les difficultés qu'ont rencontré les intervenants de projets de l'UICN pour emboîter leurs objectifs et leur grille d'actions aux réalités socioécologiques du territoire leur sont facilement imputées par les cadres du secrétariat de l'UICN des niveaux régional et national, ou par leurs bailleurs de fonds. Mais les intervenants des ONG sont fortement contraints par les sentiers de dépendance institutionnelle et financière de leur organisation, sur lesquels ils ont souvent bien peu de prise (Mosse, 2005). Dans le cas du bureau UICN Sénégal, les injonctions contradictoires émanant de son secrétariat international, et la précarisation croissante de son assise économique l'acculent à des logiques de survie et brouillent son identité. Ses enjeux d'autonomie dans sa propre organisation, voire de survie institutionnelle (Riegel, 2015a) contrecarrent la relation de service et de support qu'il est censé établir avec ses partenaires au Sénégal. En outre, la notion de réussite comme d'échec d'un projet est peu pertinente si ce n'est dans l'espace enclos et hors-sol du dispositif lui-même. Car si les disjonctions entre les discours et la mise en œuvre du dispositif de l'UICN sont patentes, elles ne présument pas de la façon dont les acteurs s'en sont saisis et de leurs effets inattendus, dont on trouve encore trace aujourd'hui.
Des effets pérennes imprévus
Conserver les mangroves, un appel d'air pour les ONG
Au début des années 2000, l'ONG Oceanium fait bruyamment son entrée dans la communauté rurale de Toubacouta, bousculant ses aînées jusqu'alors impliquées dans la conservation des mangroves du Saloum − WAAME, ADG et UICN (repères chronologiques en fig. 3). Son président, Haidar el Ali, est une figure au Sénégal, à la trajectoire étonnante. Pêcheur autodidacte, fondateur d'un centre de plongée, il s'engage activement dans le nettoiement des fonds marins puis crée le premier parti écologiste du pays. En 2012, le président Macky Sall lui confie le portefeuille de ministre de l'Environnement, puis de ministre des Pêches. Avec la venue d'Oceanium dans le Saloum, le récit dominant de la dégradation des mangroves reste stable, mais les modalités de leur conservation font polémique. En cela, les mangroves deviennent des objets de démarcation entre organisations : antériorité et représentativité des actions de reboisement, assise scientifique, niveau d'implication des populations sont des axes de revendications. L'absence d'ancrage scientifique d'Oceanium est par exemple dénoncée par les autres ONG. Oceanium revendique sans complexe son approche intensive du reboisement de mangroves : sa priorité est l'effet levier, la sensibilisation et la mobilisation à large échelle. L'ONG a planté 12 000 ha de palétuviers entre 2006 et 2013, en Casamance et dans le delta du Saloum, principalement en monoculture du genre Rhizophora (Fig. 4). Plus de 150 000 planteurs et collecteurs de 400 villages auraient participé aux replantations, la population identifiant elle-même les espaces à reboiser. Sa rhétorique d'ancrage sur le terrain n'empêche pas l'ONG de cultiver ses appuis transnationaux et de trouver les moyens de son ambition. Un ancien pilier de l'Agence française de développement a tenu un rôle important dans la trajectoire d'Oceanium. Séduit par le charisme et l'approche de son fondateur, il a facilité le financement de l'ONG par le Fonds français pour l'environnement mondial7. Consultant auprès de la multinationale Danone, il a également proposé le mécénat de l'entreprise pour la spectaculaire campagne de reboisement de palétuviers de l'ONG, bien couverte par les médias français8. Dans la foulée d'Oceanium, l'engouement des ONG pour la conservation des mangroves semble inépuisable depuis une décennie. Les treize dispositifs initiés entre 1995 et 2014, dont nous avons trouvé trace dans la seule communauté rurale de Toubacouta, montrent la standardisation des actions et la redondance des localités ciblées, qui interrogent sur la rationalité écologique. La multiplication des dispositifs entraîne aussi un « marché de la participation » : en fonction des ONG, les per diem proposés aux participants à une réunion varient de 3 000 à 10 000 FCFA9. Oceanium a également introduit le paiement du sac de propagules de Rhizophora à raison de 1,5 euro et le dédommagement des planteurs pour 7,5 euros par hectare reboisé (Sall et Durin, 2012). Selon WAAME, Oceanium a généré des rapports de concurrence entre opérations de reboisement et biaisé les motivations des participants. L'inattention portée à la nature des sols aurait conduit à des aberrations : des plantations ont eu lieu sur des vasières sursalées ou à l'inverse sur des espaces auparavant propices à l'accueil des oiseaux et la récolte de coquillages. Dans une publication récente, les représentants d'Oceanium veulent restaurer leur crédibilité scientifique : depuis 2008, les sites de reboisement sont géolocalisés et la croissance des plantations suivie (Sall et Durin, 2012). Mais ce virage relève aussi des exigences des bailleurs : le mécénat de 4 millions d'euros de Danone est un mécanisme de compensation carbone, inopérant dès lors que les plants de mangroves ne croissent pas. Dans le village de Soukouta, à quelques kilomètres de Toubacouta, la collaboration avec Oceanium est toujours prégnante de nos jours. Pourtant, la mémoire du dispositif de l'UICN y est encore vive et la plus-value singulière de l'ONG mise en avant, mais sur des déterminants inattendus.
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Fig. 3 Repères chronologiques des politiques et des dispositifs de conservation liés à l'action de l'UICN dans le delta du Saloum.Source : J. Riegel. |
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Fig. 4 Plantation de palétuviers Rhizophora pour le reboisement de mangroves, dans le delta du Saloum.Photo : J. Riegel. |
La capitalisation endogène du dispositif de l'UICN à Soukouta
Le village de Soukouta, à trois kilomètres au nord de Toubacouta, a particulièrement bénéficié du dispositif de l'UICN. Fatou Diame10 y préside le groupement d'intérêt économique (GIE) des femmes transformatrices de poissons, qui rassemble 80 femmes, soit pratiquement toutes celles du village. Elle préside également le GIE ostréicole de Sokone, qui rassemble quatorze femmes de quatre villages de la zone. Son petit frère a travaillé dans différents projets dans le Saloum, dont deux ans pour l'UICN. Pour Fatou, la nécessité de préserver les mangroves est d'une évidence banale : « Pour nous transformatrices, on est dépendantes du poisson et des huîtres, on doit reboiser. » Elle vient d'épouser en seconde noce Amadou Diame, fondateur du GIE ostréicole local, mais surtout figure historique de la fédération nationale des groupements de pêche, principal syndicat de la filière, dont il a été secrétaire général pendant dix ans. Un historique des actions de l'UICN est bien lisible dans les entretiens réalisés à Soukouta, au sein des deux lignages dominants du village dont font partie Fatou et Amadou Diame. Mais les savoirs sur une gestion durable des ressources sont présentés comme émanant d'un apprentissage endogène, acquis entre membres de la famille, et entre exploitants. En revanche, le rôle des intervenants de l'UICN comme leviers d'autonomie et de développement des deux groupements professionnels est mis en avant. L'ONG les a aidés à acquérir un statut légal, leur permettant d'ouvrir un compte en banque et d'accéder à un microcrédit. Celui-ci leur a permis d'investir dans de nouvelles activités (maraîchage, teinturerie, etc.) durant la période de repos biologique des huîtres − l'absence de collecte représentant un manque à gagner. Le bassin de conservation des huîtres, les équipements de transformation et de conditionnement des produits de la pêche améliorent progressivement les conditions de travail. Les formations en alphabétisation et en gestion administrative, l'achat d'un lot de motos permettant la vente sur des marchés plus éloignés sont pour les femmes des marqueurs du projet UICN. Paradoxalement, dans le plan de gestion de l'ONG, ces éléments représentent des activités périphériques et disparates, alors qu'ils ont été réceptionnés et capitalisés de manière cohérente à Soukouta, pour renforcer l'entrepreneuriat et les filières halieutiques locales. La longue durée de l'investissement de l'UICN à Soukouta a aussi permis à ses leaders d'acquérir des capacités de négociation et de positionnement mises à profit auprès d'autres organisations. Alors que l'antenne de l'UICN dans le delta du Saloum périclite au milieu des années 2000, Oceanium initie à proximité la première aire marine protégée (AMP) communautaire du Sénégal. À défaut d'une cogestion participative de cette AMP censée impliquer et bénéficier à huit villages, les leaders de Soukouta concentrent les pouvoirs, les retombées et la maîtrise de ce nouveau dispositif de conservation. Le dispositif de l'UICN leur a permis, à long terme, d'augmenter leur pouvoir d'accès à l'espace et aux ressources, c'est-à-dire leur capacité à en tirer des bénéfices, ce qui diffère de la notion de droits d'accès (Ribot et Peluso, 2003). L'intervention de l'UICN a d'abord renforcé l'accès au capital et au marché pour les GIE de Sokone et de Soukouta, et permis à leurs représentants de mobiliser de nouvelles catégories de connaissances et des systèmes de sens liés aux espaces et aux ressources, les posant dès lors comme de nouveaux médiateurs pour les ONG et les bailleurs de fonds. Des éléments d'un projet peuvent ainsi être investis et faire sens de manière imprévisible pour leurs promoteurs. Ils peuvent être sciemment mobilisés pour l'ascension économique et sociale de certains leaders et de leurs lignages, renforçant ce que M. C. Diop (2007, p. 25) qualifie « d'élite de terroir ». En s'affranchissant d'une lecture morale normative, la propension de certains villages à capter les projets permet finalement, à leur échelle, de produire une continuité et une cohérence entre des dispositifs souvent construits de manière disjointe et sans mémoire. En revanche, ce qui lie les dispositifs de conservation dans le delta du Saloum depuis trente ans relève d'un récit de crise écologique des mangroves statique, sur lequel ils s'appuient, sans que ce récit puisse être entamé ou infirmé même par des travaux scientifiques récents.
Un récit de crise écologique des mangroves figé
L'engouement récurrent des ONG et des bailleurs de fonds au Sénégal pour la conservation des mangroves est indissociable du discours alarmiste sur la dégradation de ces écosystèmes. Mais l'observation de reboisements récents de Rhizophora dans l'AMP de Bamboung, ou près du barrage de Némah Bâ à Missirah, interrogent même le profane : les plantations semblent impropres au sol très sableux, et peu respectueuses des préconisations des ONG elles-mêmes. L'ancien président du Conseil rural de Toubacouta de 1995 à 2002 s'en amuse : « Mais les ONG sont malignes ! Elles sont toutes ici. Il y a de la biodiversité, de l'organisation, elles peuvent surveiller leur argent, montrer des choses… La conservation, la restauration, c'est surtout de reboiser, de soutenir les initiatives communautaires, c'est bien… Mais les gros financements, ça devrait aller ailleurs, vers le centre du Sénégal, où il n'y a plus rien ! Là où tout est dégradé, où il faut tout reprendre 11 ! » Et la zone de Toubacouta n'est absolument pas une priorité pour le reboisement de mangroves (ADG, 2012). Mais la plantation de palétuviers est un produit d'appel pour les bailleurs et le reboisement de la variété Rhizophora est le plus simple à conduire, avec l'étendard de la participation des populations. À notre connaissance, il n'existe pas d'état des lieux des reboisements de mangroves effectués dans le Saloum depuis 1995 et les évaluations sont rares et localisées. Elles prévoient au mieux un bilan de la surface et du nombre de pieds reboisés, ce qui a peu de sens pour les projets ciblant la compensation carbone. Celle-ci dépend de la productivité végétale des palétuviers, de leur densité par hectare et de leur croissance, et ce sont les racines et les tiges qui assurent une plus grande séquestration de carbone relativement aux feuilles (Degue-Nambona, 2007). La mangrove a besoin d'une eau courante, et son milieu de prédilection est l'argile avec des sédiments inférieurs à 40 microns (Rüe, 1998 ; Guiral et al., 1999). Et le succès d'un reboisement dépend bien plus du niveau de submersion des palétuviers que de la salinité des eaux. Or les ONG ne prennent généralement en compte que les paramètres hydriques et non édaphiques dans le choix des sites à reboiser. Par ailleurs, certaines ONG opèrent un raccourci entre les enjeux de restauration des mangroves en Guinée-Bissau, en Casamance et au sein même du delta du Saloum. Mais selon les localités et l'échelle géographique considérées, les causes de leur régression ne sont pas de même ordre (Cormier-Salem, 1999 ; Andrieu et Mering, 2008). Par exemple la régression de la lagune de La Somone entre 1946 et 1978, au nord du delta du Saloum, serait surtout liée à la fermeture de l'embouchure de la rivière éponyme (Sakho et al., 2010). L'analyse d'Ackermann et al. (2006) sur l'évolution de palétuviers dans le Saloum entre 1972 et 1999 conduit à minorer l'impact des usages anthropiques et questionne la pertinence de projets axés sur les pratiques des populations. Dieye et al. (2013) dégagent des conclusions convergentes quant à la dégradation de la mangrove du Saloum dans les années 1970 et 1980 et sa reprise timide à partir de 1986, mais pour ces auteurs les ONG ont contribué à la prise de conscience et aux changements de pratiques. Ces exemples, même partiels, soulignent que les processus de dégradation et de reprise des mangroves sont finalement encore bien mal appréhendés.
Conclusion
En construisant son dispositif dans la réserve de biosphère du delta du Saloum, le bureau UICN Sénégal a porté les paradigmes d'utilisation durable des ressources naturelles, de cogestion des aires protégées, et de participation des populations à la conservation, toutes notions chères à son organisation. Se voulant en rupture avec la « conservation forteresse » et porteurs d'une vision « conservation-compatible » des populations (Gautier, 2011, p. 54), les intervenants de l'UICN et leurs partenaires ne voulaient surtout pas de coercition dans ce dispositif. C'est donc la planification et l’organisation d’actions techniques, découpées par portions de territoire qui devaient permettre de mettre de l'ordre et de l'efficacité dans les liens entre les acteurs du territoire, et entre les populations et les mangroves (Scott, 1999). Mais l'agencement temporel, spatial et technique de ce dispositif a été bousculé, entravé par des dynamiques d'acteurs imprévues, de l'échelle internationale de la coopération néerlandaise à l'échelle nationale des administrations publiques, jusqu'aux populations cibles sur le territoire. L'UICN a peiné à enrôler suffisamment d'acteurs (Callon, 1986), à construire du consensus autour de ses propositions normatives, notamment par occultation des rapports de pouvoir. Pour autant, les disjonctions et les failles dans la mise en œuvre du dispositif de l'UICN n'ont pas empêché la production d'effets inattendus, mais échappant largement à ses objectifs initiaux. En l'occurrence, l'UICN a promu un récit de dégradation des mangroves du Saloum articulé sur trois types de menaces écologiques, avec une lecture simplifiée des acteurs et de leurs comportements. Ce récit se présente depuis lors comme un régime de savoirs hégémonique, dominant les cadres de pensée et les arrangements institutionnels des ONG et des bailleurs de fonds. Comme d'autres travaux inspirés de Political Ecology l'ont montré, dans le cas de la déforestation en Afrique de l'Ouest et à Madagascar, ou de la désertification apparente au Maghreb, certains récits de crise écologique deviennent inaltérables dès lors qu'ils sous-tendent des stratégies politiques et économiques fonctionnelles, même si des dissonances scientifiques se font jour (Ribot, 1999 ; Kull, 2000 ; Davies, 2004). Finalement, les pratiques sociales empiriques des praticiens de l'UICN dans la mise en œuvre de ce dispositif sont peut-être à l'origine de ses résultats les plus probants. Comme à Soukouta, elles ont pu générer des espaces de pensée et d'initiatives, nourris par les propositions de l'ONG. C'est en fin de compte dans les interstices, les failles, les discontinuités des dispositifs des ONG que leur potentiel transformateur peut enfin, et comme malgré elles, prendre corps.
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Citation de l'article : Riegel J., 2017. La trajectoire d'un dispositif de conservation à l'épreuve du territoire. Nat. Sci. Soc. 25, 3, 255-267.
Liste des figures
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Fig. 1 Limites de la réserve de biosphère du delta du Saloum au Sénégal et de son noyau, le parc national éponyme. Source : Modifié de M. Fall, 2009, avec son aimable autorisation. |
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Fig. 2 Acteurs historiques porteurs de dispositifs de conservation des mangroves dans le delta du Saloum. Source : J. Riegel. |
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Fig. 3 Repères chronologiques des politiques et des dispositifs de conservation liés à l'action de l'UICN dans le delta du Saloum.Source : J. Riegel. |
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Fig. 4 Plantation de palétuviers Rhizophora pour le reboisement de mangroves, dans le delta du Saloum.Photo : J. Riegel. |
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