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Nat. Sci. Soc.
Volume 31, Number 2, Avril/Juin 2023
Dossier « Recherches sur la question animale : entre mobilisations sociétales et innovations technologiques »
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Page(s) | 207 - 208 | |
Section | Vie de la recherche – Research news | |
DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2023040 | |
Published online | 03 October 2023 |
Expertiser pour éclairer les choix d’actions
Agronomie, directeur de recherche honoraire, INRAE, UMR Sadapt, Saclay, France
* Auteur correspondant : papy.francois@numericable.fr
« Il ne concevait pas de savoir véritable auquel ne correspondit pas quelque pouvoir d’action ». C’est ce qu’écrivait Paul Valéry en 1942 parlant de Léonard de Vinci. En tant qu’agronome, je me pose la question du pouvoir d’action qu’il est possible de tirer de cette expertise scientifique collective1. Quel est-il pour les responsables européens qui, malgré une réglementation ambitieuse pour la mise sur le marché des produits phytosanitaires, s’inquiètent d’une érosion continue de la biodiversité ? Ou pour les différents ministères français qui ont commandité l’étude (les ministères en charge de la transition écologique, de l’agriculture et de l’alimentation, et de l’enseignement supérieur et de la recherche), mais aussi pour les agriculteurs, leurs conseillers, tous les acteurs de la filière des pesticides qui fait l’objet d’interrogations ?
Les résultats de cette expertise sont importants quant au bilan des connaissances scientifiques relatives aux impacts des produits phytopharmaceutiques sur la contamination des milieux et la biodiversité. Ils ont été obtenus par une forte collaboration entre écotoxicologues, chimistes et physiciens des milieux et écologues. Ils aboutissent à mettre en cause tout particulièrement les néonicotinoïdes et les pyréthrinoïdes sur la perte de biodiversité. C’est là certainement un des résultats importants de cette expertise collective. Quelles recommandations d’actions tire-t-on à propos de leur homologation ? La commande comportait un état des lieux des leviers permettant de limiter les impacts de l’ensemble des produits phytopharmaceutiques. Grâce à la mobilisation de nombreux experts, on trouve bien dans les résultats une liste de situations où les impacts sont plus faibles qu’ailleurs. Remarquons que certaines des recommandations de l’expertise sont en contradiction avec la commande qui voulait que les leviers à retenir permettent de réduire ces impacts « hors changement de pratiques visant à limiter voire éliminer l’utilisation de produits phytopharmaceutiques ». C’est pourtant le cas de la solution préconisant des faibles doses de matière active ou de celle proposant d’augmenter les distances entre zones traitées et non traitées. N’aurait-il pas fallu le souligner et dire que le pouvoir d’action implique de faire des choix ? Par exemple, vaut-il mieux préserver la biodiversité ou le rendement au moment de l’homologation des doses à utiliser ? Il est bien souligné dans le texte que les impacts des produits phytosanitaires sur les services écosystémiques comportent de nombreuses contradictions. Ces produits sont en effet à la fois favorables au service « d’approvisionnement » (le rendement des cultures) et défavorables au service « de régulation et de maintien » (préservation de tous les auxiliaires des cultures dont les pollinisateurs). Face à ce constat, quelles sont les conclusions en matière de pouvoir d’action ? Pourtant, pour surmonter ces contradictions, il existe dans la littérature une gamme de solutions, inspirées de l’agroécologie, relevant d’arbitrages entre recherche de rendement et préservation des milieux et de la biodiversité ; or ces pistes ne semblent pas avoir été explorées.
Un paragraphe fait exception : celui concernant la réglementation pour la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. On y trouve des critiques des méthodes employées et des propositions d’améliorations pour les rapprocher des conditions environnementales réelles. Cette partie d’expertise résulte d’un petit collectif de quelques écotoxicologues, une juriste, une sociologue. C’est l’exemple de ce qui aurait dû être généralisé. En effet, en s’attaquant à la question de l’usage des pesticides, il fallait s’attendre à affronter des contradictions venant à la fois de processus naturels (ennemis des cultures versus auxiliaires) et de relations sociales (intérêt privé versus bien commun). Aussi, plutôt que de répartir entre équipes pluridisciplinaires des sujets spécifiques, n’aurait-il pas été préférable de mobiliser d’emblée sur chaque thématique un panel de scientifiques équilibrant mieux sciences de la nature et sciences de la société pour étudier, par le croisement des regards, comment analyser et surmonter ces contradictions ?
Citation de l’article : Papy F., 2023. Expertiser pour éclairer les choix d’actions. Nat. Sci. Soc. 31, 2, 207-208.
© F. Papy, Hosted by EDP Sciences, 2023
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