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Nat. Sci. Soc.
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DOI | https://doi.org/10.1051/nss/2025020 | |
Published online | 05 May 2025 |
De plume et d’os. La controverse autour des interactions entre vautours et élevage : une approche géographique comparée entre les Grands Causses et les Baronnies provençales
Of feathers and bones. The controversy surrounding interactions between vultures and livestock: a comparative geographic approach between the Grands Causses and the Provençal Baronnies
1
Géographie, ENS de Lyon, UMR EVS, Lyon, France
2
Géographie et aménagement, Université Savoie Mont Blanc, UMR EDYTEM, Chambéry, France
* Auteur correspondant : gaelle.picon@ens-lyon.fr
Reçu :
23
Mai
2023
Accepté :
17
Septembre
2024
Cet article interroge la notion de controverse au sujet des rapports entre l’élevage et les vautours qui rendent des services aux humains en éliminant les carcasses. Sur deux terrains distincts (les Grands Causses et les Baronnies provençales), les interactions observées dévoilent les mises en tension liées à la présentation de ces oiseaux charognards en prédateurs, lors d’épisodes où le doute s’est installé, entretenant des formes d’incertitude autour des décisions politiques à prendre au sujet d’espèces protégées, alimentant la controverse. L’analyse permet d’invoquer les notions de « dispositif spatial », appliqué aux placettes d’équarrissage, et de « juste place » des animaux. Les conflits générés par le retour des loups, le tissu associatif, social et culturel dans lequel se déploie la controverse expliquent des niveaux de tensions différenciés entre les deux terrains.
Abstract
This article addresses the notion of controversy (as distinct from tension and conflict) regarding the relationship between livestock farming and vultures which provide services by disposing of animal carcasses. In two distinct areas (the Grands Causses and the Provençal Baronnies), the interactions observed reveal the tensions linked to the portrayal of these scavenging birds as predators, concerning episodes where doubt had settled, thus maintaining forms of uncertainty about the political decisions to be made concerning protected species, and fuelling controversy as a result. The analysis makes it possible to invoke the notions of “spatial arrangements”, applied to the supplementary feeding stations for the vultures, and of the “rightful place” of animals. The role of representations, of exacerbated media coverage of cases of “attacks”, as well as the anteriority of the presence and reintroduction of vultures account for the more or less strong reactions to the birds. Besides, the conflicts generated by the return of wolves, the associative, social, and cultural fabric in which the controversy unfolds explains the differing levels of tension between the two areas. In a more general way, the article is part of the field of political geography of the environment, more precisely of polemogeography, by questioning the relations between humans and non-humans, as well as the co-presence of the latter with a pastoral industry weakened by national and international economic and political contexts.
Mots clés : environnement / recherche / vautour / élevage / controverse
Key words: environment / research / vulture / breeding / controversy
Publisher note: The English translated title and abstract were updated on 14 May 2025.
© G. Picon et L. Laslaz, Hosted by EDP Sciences
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
Cet article traite de la cohabitation entre éleveurs et vautours dans deux territoires où ces derniers ont été réintroduits dans les années 1980. Il montre comment l’équilibre initial, adossé à un équarrissage naturel mis en place par deux associations au bénéfice des éleveurs, a été altéré à la suite d’attaques présumées d’animaux vivants par les vautours. C’est alors toute la question du nombre et du comportement des vautours qui alimente une controverse et des demandes de régulation de leurs effectifs. Mais les trajectoires divergent entre les deux territoires étudiés en fonction de la nature des relations nouées entre acteurs et de la présence/absence du loup. L’article approfondit ce faisant l’analyse spatiale des controverses, et fait écho à celui de Romain Carrausse consacré aux conflits autour des bassines (NSS, 3-4, 2022).
La Rédaction
Le 15 septembre 2022, le quotidien régional La Montagne publiait un article faisant part du témoignage d’agriculteurs « victimes d’attaques de vautours dans le Cantal1 ». Cet article s’ajoute aux nombreux autres témoignages relatant de tels comportements chez ces rapaces charognards, en nombre croissant en France depuis les années 1980 après leur réintroduction dans les gorges de la Jonte et du Tarn2.
La France métropolitaine abrite quatre espèces de vautours : le Vautour fauve (Gyps fulvus), qui comptait en 2021 environ 3 000 couples3, le Vautour moine (Aegypius monachus), dont la population en France était de 180 à 250 individus en 2018 (Nadal et al., 2020), le Vautour percnoptère (Neophron percnopterus), dont les effectifs français en 2018 s’élevaient à 90 couples4, et le Gypaète barbu (Gypaetus barbatus), représenté en France par 79 couples en 20215. En raison de sa surreprésentation au sein de la population totale des vautours en France, il sera question principalement du vautour fauve. C’est ce dernier qui est visé dans les débats entre les différents acteurs que nous allons traiter dans cet article.
Depuis une quinzaine d’années, se font jour en effet des tensions sur les différents massifs où se sont installés ces vautours fauves : les Pyrénées (entre 2007 et 2009)6, les Grands Causses (dans les années 2010) et, plus récemment et avec une moindre ampleur, les Alpes. Dans ces trois massifs, des populations de vautours étendent progressivement leur domaine vital dans des régions où ils ne sont plus connus des éleveurs ; les interactions avec les troupeaux se multiplient et avec elles les interactions négatives, ou perçues comme telles. La figure 1 regroupe les deux terrains retenus, à savoir les Grands Causses et les Baronnies provençales, où ces tensions ont fait l’objet de développements récents.
Dans quelle mesure le développement de la controverse liée aux interactions entre les vautours fauves et le pastoralisme dans ces deux régions est-il sous-tendu par des enjeux locaux spécifiques à chaque massif, mais également par des problématiques plus larges, inhérentes à la cohabitation entre faune sauvage et activités humaines ?
Nous reviendrons dans un premier temps sur les méthodes mobilisées afin de cerner le contexte de territoires dans lesquels les politiques de réintroduction des vautours ont dessiné un large dispositif spatial et nous préciserons également notre acception de la notion de controverse. La deuxième partie traitera des déclinaisons locales de ces appréhensions générées par divers niveaux d’incertitude à l’égard de ces oiseaux, à travers les différents acteurs et actants en jeu, mais aussi au prisme des expertises et des protocoles de signalements d’interactions négatives entre troupeaux et vautours. Enfin, nous verrons que ce sujet s’inscrit dans des débats et des questionnements plus larges autour de la cohabitation des sociétés humaines avec la faune sauvage.
Composer avec l’incertitude, décrypter la controverse, penser le dispositif spatial
Une méthodologie principalement qualitative
La méthodologie, essentiellement qualitative, employée pour mener ce travail repose sur des entretiens semi-directifs auprès de différents acteurs locaux. Trente-cinq acteurs furent interrogés, dont 22 éleveurs (parmi lesquels 3 représentants de syndicats agricoles), 7 gestionnaires (parcs naturels régionaux), représentants de la filière pastorale (ADEM, chambres d’agriculture) et représentants des services de l’État (PN, OFB, DDPP7), 4 membres d’associations de protection de la nature et 2 scientifiques. Les entretiens avec les éleveurs constituent le matériau principal, complétés par les échanges avec les autres acteurs et des réunions. Ces entretiens menés de façon similaire d’un massif à l’autre mettent en évidence les spécificités qui peuvent jouer un rôle dans la spatialisation de la controverse, en particulier les pratiques d’élevage ou bien les diverses préoccupations locales. Les figures 2 et 3 résument les différentes modalités d’obtention des contacts. Enfin, des déplacements et des observations sur les espaces majeurs de réintroductions des vautours (Grands Causses et Baronnies) [Fig. 4] ont aussi permis d’appréhender les particularités de chaque terrain.
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Fig. 2 Les différents intermédiaires pour l’obtention de contacts dans les Causses. Les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre de personnes rencontrées dans la structure (© G. Picon, 2022). |
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Fig. 3 Les différents intermédiaires pour l’obtention de contacts dans les Baronnies provençales. Les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre de personnes rencontrées dans la structure (© G. Picon 2022). |
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Fig. 4 La réintroduction et le suivi des vautours dans les deux terrains d’étude (© G. Picon, 2023 ; sources : flux WMS, PNR des Baronnies provençales). |
La controverse : cadrage théorique, positionnement épistémologique
Nos précédents travaux ont montré comment la controverse s’établissait au sujet du vivant, qu’il s’agisse de la flore (construction de l’acceptation sociale autour du chardon bleu : Laslaz, 2008) ou de la faune, avec les grands prédateurs (Laslaz, 2005 ; 2020), révélateurs symboliques de la hantise du délitement des sociétés agropastorales. Les premiers emplois du terme de controverse dans le champ de la géographie sont dus à Tricot (1998), Lolive (1999), Tricot et Lolive (1999) et Cavaillé (1998) au sujet des autoroutes, mais cette antériorité n’a pas permis de stabiliser le terme et d’en définir précisément les contours, ce à quoi contribue cet article. Si le conflit environnemental passe par la violence, sous différentes formes (Laslaz, 2016) et une asymétrie de pouvoir, la controverse n’atteint pas cette violence. En effet, il existe un gradient d’opposition qui s’étire du litige et de la tension à la controverse, le passage au conflit nécessitant ce recours. Ces étapes peuvent néanmoins s’articuler et coexister. Lemieux (2007) rappelle que l’étymologie latine controversia suppose « un antagonisme fort entre deux parties » ; il considère que les « controverses ont toujours une structure triadique [car] un différend entre deux parties est mis en scène devant un public, tiers placé dès lors en position de juge », ce que confirme Fabiani (2007) ; « Il s’agit toujours de créer les conditions permettant de prendre à témoin, voire de constituer en ressource le public d’un débat. Ce public peut être virtuel, ou bien représenter la postérité ou l’universalité : la présupposition de son existence ouvre l’espace de la manifestation de la vérité ». Cette publicisation du débat, la médiatisation qui l’accompagne, comme dans le cas des vautours, est centrale pour Smadja (2012).
Toutefois, la controverse revêt aussi une dimension spatiale (Mounet, 2007), car elle « engage des acteurs s’opposant dans la définition de l’action collective sur l’espace » en contestant des arguments et des thèses censés la justifier. L’entretien des incertitudes dont il est question dans cet article (infra) en est une des manifestations. « Le but n’est pas de mettre tout le monde d’accord, de façon à clore la controverse, mais de faire en sorte que les discutants s’accordent au moins sur ce qui fait débat, pour transformer leurs “différends” (où il n’y a même pas d’accord possible sur l’objet même du désaccord) en “litiges” (où ce sont des valeurs qui s’affrontent, et non des registres de valeurs qui se heurtent les uns aux autres) » (Heinich, 2002, p. 125). En effet, selon Lyotard (1983), le différend serait marqué par l’absence d’équité (à la différence du litige) qui conduirait un des acteurs à être dépouillé de son argumentation et incapable de prouver sa validité, ce qui est le cas lorsque des arguments sont avancés pour faire des vautours des prédateurs : aucune preuve scientifique ne corrobore ces affirmations [Encadré 2]. Par ailleurs, « la controverse a besoin de lieux autant que les lieux ont besoin de controverses pour se fabriquer » (November et al., 2004, § 33). En effet, dans ce travail, l’approche comparative démontre l’importance de la spatialisation, puisqu’autour d’un même débat, la controverse prend différentes formes en fonction de l’espace dans lequel elle se déploie. À une échelle plus fine, cet article présente les infrastructures dédiées au soutien alimentaire des vautours comme des lieux de la controverse. Ces dispositifs spatiaux d’accueil et de suivi des animaux matérialisent la compétence sociotechnique de plus en plus partie prenante de la controverse (Lascoumes, 2002 ; Challéat et Lapostolle, 2014 ; Delhoume et Caroux, 2014).
Enfin, les acteurs sont multiples et leur positionnement peut fluctuer dans le temps (Gauchon, 2012). Mais indépendamment de cette évolution possible, ils demeurent caractérisés par la proximité et la coprésence. Callon et al. (2001, p. 49) considèrent la controverse comme un activateur démocratique (« un enrichissement de la démocratie »), tout en dénonçant le poids des experts et des élus. Elle reformule les problèmes, permet l’exploration de nouvelles voies (Callon et al., 2001, p. 49) et conduit à remettre en cause aussi bien les experts (censés trancher la controverse, mais ils peuvent au contraire l’alimenter) que la démocratie délégative. Elle oblige à reposer le problème autrement et à améliorer le système : dans le cas présent, il s’agit d’inventer une forme de cohabitation avec les vautours au titre des services qu’ils rendent au système pastoral. Pour Callon et al. (2001, p. 58), « la redéfinition des identités ouvre la voie à des compromis et à des alliances qui seraient inimaginables sans l’existence des controverses », elles ont donc un effet bénéfique.
Des réintroductions et des placettes : stratégies pour la mise en œuvre d’un dispositif spatial
Après avoir disparu dans les années 1930, des vautours fauves sont réintroduits en 1981 autour du ravin de Cassagnes (Fig. 4), sous l’impulsion du Fonds d’intervention pour les rapaces (FIR), aujourd’hui LPO Grands Causses (LPOGC), soutenu par le Parc national des Cévennes. Ces programmes ont par la suite inspiré des naturalistes de la région des Baronnies provençales qui ont initié leur propre projet de réintroduction de vautours fauves en 1987. En partenariat avec les acteurs locaux, l’association Vautours en Baronnies a œuvré pour mener à bien le travail de communication et d’information, notamment auprès des éleveurs. Certains se rappellent : « Ils ont toujours été assez proches des éleveurs, et ils ont eu raison », « Vautours en Baronnies ils ont fait un sacré boulot de sensibilisation etc., auprès des éleveurs ; ils font l’équarrissage, donc ils sont en lien avec tout le monde » (entretiens avec deux éleveurs des Baronnies).
Les réintroductions ont effectivement été soutenues par le rétablissement d’un système d’équarrissage naturel (Bobbé, 2017 ; Dupont, 2011) consistant à mettre les cadavres à disposition des vautours. Il se décline de deux manières : d’une part, une collecte d’équarrissage effectuée par la LPOGC et par Vautours en Baronnies qui alimentent des stations de soutien alimentaires (SSA, appelées aussi charniers) et, d’autre part, des stations de recyclage des carcasses (SRC, appelées aussi placettes d’équarrissage) directement chez les éleveurs, individuelles ou collectives et régies par autorisations préfectorales8 (Fig. 5). En contrepartie de l’installation de ces dernières, les éleveurs bénéficient d’une réduction de 60 % de la taxe d’équarrissage instaurée en 2008. Les PNR des Grands Causses et des Baronnies provençales peuvent soutenir l’installation des SRC, mais ils ne sont pas acteurs de l’équarrissage, à l’inverse de la LPOGC et de Vautours en Baronnies. En effectuant la collecte d’équarrissage, les deux associations maintiennent un lien avec les éleveurs, ces derniers profitant également de la rapidité d’intervention des membres des associations. À propos de la LPOGC : « Nous, on les voyait souvent [quand ils] venaient chercher les brebis […]. Avant la placette, on les voyait pour les vautours » (entretien avec un éleveur des Grands Causses). « Ah ça, c’est confort hein : t’as une bête morte, t’appelles et le lendemain ou dans l’heure qui suit ils sont là » (entretiens avec deux éleveurs des Baronnies provençales). En 2019, les Grands Causses disposaient de 121 SRC et d’une quinzaine de SSA, tandis que les Baronnies comptaient 7 SRC, 8 en projet et une SSA. En cela, ces placettes constituent bien des dispositifs spatiaux, dans le sens à la fois matériel et symbolique d’« un système qui rend concrets, efficaces mais discrets un pouvoir et des normes en les inscrivant matériellement en un lieu bien précis » (Estebanez, 2010). Elles revêtent une importance particulière puisqu’elles recréent une relation de complémentarité entre élevages et rapaces charognards tout en renforçant les liens entre la profession agricole et les associations de protection de la nature, dans le cadre de rapports de pouvoirs et de normes (sanitaires, naturalistes, etc.). Parmi les éleveurs rencontrés, tous reconnaissent les avantages des SRC, en particulier la rapidité du nettoyage des carcasses et la réduction d’émissions de CO2 des camions d’équarrissage9. Pour certains éleveurs cependant, ces dispositifs ont l’inconvénient d’attirer les vautours à la fois en période de mortalité élevée dans les troupeaux (durant l’agnelage, de janvier à avril) mais aussi lorsqu’il y a peu de ressources sur les placettes (généralement en été), ce qui favoriserait, selon eux, des comportements agressifs liés à la faim.
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Fig. 5 Les différents systèmes d’équarrissage des éleveurs rencontrés dans les Grands Causses (3a) et dans les Baronnies provençales (3b), comparés à l’indice de fréquentation de la population de vautours fauves. Un indice de fréquentation compris entre 50 et 75 définit la zone où il est le plus probable de trouver plus de 50 % de la population de vautours (© G. Picon, 2023 ; d’après Assali et al., 2019). |
De l’incertitude alimentant les controverses. Les déclinaisons locales d’une appréhension autour du sauvage
Des incertitudes exacerbées par la médiatisation
Suite à la disparition des vautours dans ces deux massifs, leur écologie a fini par être oubliée par les éleveurs et leur retour fut accompagné d’incertitudes10 (Dousset, 2018 ; Mauz et Granjou, 2008 ; Reghezza-Zitt, 2015) à propos de leurs comportements, ce qui s’est bien observé dans les Grands Causses, en périphérie de la zone centrale de la réintroduction (Duriez et al., 2019). Dans chaque massif, un cas célèbre a été médiatisé et représente soit l’emblème prouvant bien qu’il existe des interactions négatives générées par les vautours sur l’élevage, soit l’unique situation connue traduisant un phénomène peu répandu. Dans les Grands Causses, l’épisode est celui de la jument du Lévézou (Aveyron), retrouvée par sa propriétaire en train d’être consommée vivante par des vautours. L’animal serait mort d’une rupture de l’artère utérine, causée par des coups de bec des vautours11. La figure 6 montre l’ampleur prise par cet épisode, en particulier sur les réseaux sociaux, et sa diffusion auprès de tous les éleveurs de la région. Leurs craintes quant aux comportements des vautours ont été exprimées lors d’une manifestation devant la direction départementale des territoires à Rodez. Au sein du milieu agricole, la communication au sujet de ce genre d’événement peut alors prendre une dimension nationale s’il devient un sujet lors de réunions syndicales. Au cours de l’une d’entre elles, des éleveurs de Lozère disaient alors à ceux des Baronnies « qu’ils sont envahis, qu’ils ne savent plus comment faire quand il y a 30 vautours posés dès que tu poses une bête […] je me demande si on a raison de mettre de l’argent dedans [dans la création des placettes] » (entretien avec un éleveur des Baronnies). Cet enjeu de médiatisation, qui fomente et alimente la controverse, occupe donc une place centrale dans ce sujet puisqu’il peut peser sur des demandes et des décisions de gestion à l’échelle de massifs entiers, sous une éventuelle pression syndicale.
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Fig. 6 La rapidité du relais de l’information de la jument tuée sur le Lévézou, à travers Facebook et les médias régionaux. La première publication Facebook a été partagée 632 fois avec 138 commentaires, la publication des JA Aveyron 264 fois et les photos prises de loin des vautours sur la jument 69 fois. Entre-temps, des articles de médias locaux ont été publiés, dont un évoquant le cas d’une vache et d’un veau qui auraient été tués par des vautours. En moins d’une semaine, au moins 1 000 partages ont été faits du cas de la jument du Lévézou (nous n’avons ici pas pris en compte les partages de second niveau) [© G. Picon, 2022]. |
Différents acteurs aux ancrages et intérêts variables : composer avec l’adversité
La médiation des acteurs de la préservation des vautours joue un rôle dans l’apaisement de ces craintes, d’une part avec l’information et la communication au sujet de leurs comportements, mais aussi grâce à leur ancrage territorial plus ou moins marqué.
Dans les Grands Causses, même si la LPOGC est une antenne régionale dédiée exclusivement au suivi des vautours, elle reste fréquemment associée à la LPO France et, plus généralement, aux associations de protection de l’environnement aux yeux des éleveurs. Parmi les enquêtés, ce sont essentiellement ceux représentant la profession à travers les syndicats lors des réunions interdépartementales (Encadré 1) qui sont les plus critiques vis-à-vis de la LPOGC, à l’image de cet éleveur des Grands Causses : « On est face à un mur quand on discute avec la LPO, qui dit que les vautours n’attaquent pas des animaux vivants, ça c’est totalement faux ».
Le comité interdépartemental vautours et élevage (CIVE).
En septembre 2011 a été créé un comité interdépartemental vautours et élevage (CIVE) Massif central, sur demande des ministères chargés de l’agriculture et de l’environnement et coordonné par le préfet de Lozère. Le comité regroupe désormais des acteurs (représentants des services de l’État, des différentes chambres d’agriculture, d’associations, de parcs, des groupements techniques vétérinaires ainsi que des scientifiques) de l’Ardèche, de l’Aveyron, du Cantal, du Gard, de la Haute-Loire, de l’Hérault, de la Lozère, du Puy-de-Dôme et du Tarn. Son objectif est « d’être un lieu d’échanges, de concertation et d’information pour tous ces acteurs » (Comité interdépartemental vautours et élevage) en présentant annuellement un bilan de l’état des populations de vautours, de leurs interactions avec l’élevage mais aussi de l’équarrissage naturel.
Ce dernier, faisant référence aux craintes qui peuvent survenir lorsque les vautours s’approchent d’une vache en difficulté lors d’un vêlage, par exemple, estime que la LPOGC « n’a pas encore l’oreille attentive à [leurs] revendications ». Un autre éleveur (ayant également des fonctions syndicales) qualifiait les positions de la LPOGC d’« extrémistes » et estimait qu’« elle doit mettre de l’eau dans son vin » en ne niant pas certaines interactions négatives. Autour de la reconnaissance de celles-ci se devine la prise en compte de la parole des éleveurs. Pour certains, le fait que la LPOGC n’admette pas l’existence de comportements de prédation est signe qu’elle n’est pas à leur écoute, ce qui alimente l’opposition entre associations de protection de la nature et profession agricole. « Les moments de controverses se traduisent par une production d’actes, de discours, de figurations […] permettant de révéler les identités, qualités et compétences des acteurs » (Melé et al., 2003). La mobilisation des acteurs passe par un souhait de reconnaissance (forte dans la profession agricole) et une volonté d’intégration sociale (Caillé, 2009). Ainsi, la seule absence de consultation conduit parfois à mobiliser les opposants. Mais des coups de bec lésionnels ante mortem lors d’une mise bas difficile ne peuvent être qualifiés d’actes de prédation, ce qui relèverait d’une surinterprétation pouvant devenir un argument en faveur de mesures d’effarouchement ou de régulation, interdites en France sur les rapaces en tant qu’espèces protégées12. Il n’y a ainsi aucun débat dans les sphères scientifiques et naturalistes au sujet du caractère charognard des vautours, qui ne deviennent nullement des prédateurs (Choisy, 2014) [Encadré 2]. La confrontation semble donc ici plus institutionnelle que personnelle, chacun défendant des intérêts à un échelon supérieur à la simple relation individuelle.
Les vautours, charognards ou prédateurs ?
Une étude menée sur 156 constats et expertises vétérinaires visant à caractériser les circonstances des interventions de vautours sur des animaux morts, entre 2007 et 2014, a permis de quantifier ces interactions. Dans la majorité des cas, les vautours sont intervenus post mortem et parmi les 15 interventions ante mortem, ils ont été un facteur accompagnant la mort dans 50 % des cas et un facteur aggravant dans 20 % de ceux-ci, sur des animaux en perte de mobilité et souvent avec un élément attractif près d’eux comme un placenta ou un animal mort (Duriez et al., 2018).
L’ancrage dans la vie locale de Vautours en Baronnies est plus marqué que celui de la LPOGC, en particulier grâce à la proximité individuelle entre les salariés de l’association et certains éleveurs. En outre, le conseil d’administration est composé de représentants de la profession agricole, de la chasse, du milieu naturaliste et des élus locaux, ce qui est un réel atout selon cet éleveur : « [Puisqu’] il y a beaucoup d’acteurs au sein de l’association, c’est vraiment ancré dans le territoire et ici il n’y a aucune opposition, ni sur l’élevage ni sur rien […] ; ils ont toujours été partenaires de l’élevage avec l’équarrissage. » Cette interprétation est complémentaire de celle proposée par Kervinio et al. (2021), qui soulignaient en effet que « la diversité et la représentativité des acteurs du territoire au sein de [Vautours en Baronnies] ont beaucoup joué sur l’acceptation locale » de la réintroduction des vautours. En outre, l’association a multiplié débats et projections de documentaires afin d’informer et de sensibiliser les habitants au moment de la réintroduction. Cette connaissance des éleveurs et des préoccupations locales contribue à entretenir un climat apaisé dans lequel les éleveurs, même inquiets, accordent souvent leur confiance à l’association : « C’est ma crainte, la surpopulation [de vautours fauves ; cf. infra] ; alors d’après les experts […] de Vautours en Baronnies, la population se régule en fonction de l’alimentation. Donc jusqu’à maintenant, ça a été croissant, mais ça aura tendance à se réguler tout seul […] » (entretien avec un éleveur des Baronnies).
La force de médiation du PNC et des PNR est bien différente de celle des associations. Le pouvoir réglementaire du PNC est un facteur d’animosité pour les éleveurs et ces derniers n’ont pas un lien aussi direct avec le parc qu’avec la LPOGC, par exemple : « Il y a des éleveurs qui se plaignaient et qui disaient qu’à l’époque, les agents du parc, ils se promenaient à cheval, ils venaient, ils passaient boire le café avec les éleveurs, alors que maintenant ils passent en voiture et ils disent plus bonjour… Et puis avec leur sticker gendarmerie ou police machin chose là, ça passe moins bien » (entretien avec un éleveur des Grands Causses). L’acceptation du Parc – structure administrative contraignante – par les différentes populations locales ne va effectivement pas de soi (Depraz, 2005 ; Laslaz, 2005) et l’opposition pourrait davantage découler d’une défiance de la part des éleveurs : « Je pense qu’il y a un manque de confiance en l’administration, envers le personnel du Parc, les instances… c’est surtout ça le fond du problème » (entretien avec une éleveuse des Grands Causses). Les PNR ayant moins de prérogatives réglementaires que le PNC et n’étant pas dotés d’agents de terrain assermentés, leur présence est moins ressentie par les éleveurs et leur rôle d’interlocuteur pour ces derniers est moindre.
Protocoles de signalement et des expertises ou régulation : composer avec le doute
Afin de répondre aux interrogations des éleveurs lorsque ces derniers suspectent des vautours d’avoir été responsables de la mort d’un animal, un système de constats par agents assermentés et d’expertises vétérinaires a été mis en place dans les départements de l’ancienne région Languedoc-Roussillon à partir de 2007 et systématisé à partir de 2011. Ces constats sont menés par des agents de l’OFB ou du parc national et visent à collecter des informations, et non à tirer des conclusions, qui seront par la suite archivées par la DDT. L’expertise vétérinaire fait suite au constat si l’agent assermenté l’estime nécessaire, procédure schématisée dans la figure 7. Or grâce à leur expertise quotidienne, les vétérinaires aident à la compréhension, plus-value qui peut manquer si l’agent décide de ne pas demander d’expertise. Un vétérinaire (entretien) soulignait que l’expertise vautours n’est pas un fait scientifique mais une approche de clinicien reposant sur « des bases techniques et interprétatives ». Les conclusions des vétérinaires ne sont pas des preuves mais des « faisceaux de présomption » pouvant être remis en cause. Toutefois, cette approche est objectivante pour les éleveurs puisqu’apportée par des vétérinaires ; or ces derniers peuvent facilement jouer un rôle de médiation grâce au quotidien partagé avec les éleveurs et à la légitimité que ces derniers leur accordent, ce qui est moins le cas des agents de l’État. Mais la limite de ce système est son absence de systématisation à l’échelle nationale. Il fut initié en Aveyron suite à un contexte de tension, mais il n’existe pas dans le massif des Baronnies, ce que regrettent des représentants du PNR. L’instauration d’un tel système standardisé dépend de la volonté des services de l’État, mais ces derniers n’ont pas répondu aux demandes faites en ce sens par le PNR. Pourtant, cette standardisation permet une plus grande réactivité en cas de signalement et elle est aussi le signe d’une meilleure prise en compte des craintes des éleveurs.
Malgré la mise en place de cette procédure, les mesures souhaitées par les syndicats et les chambres d’agriculture lors des CIVE Massif central ne sont pas signes d’apaisement. Il est question, pour ces acteurs, de penser à une réduction de la ressource alimentaire des vautours, voire à des tirs d’effarouchement ou de régulation. Dans le CIVE Massif central de 2021, lors des interventions des neuf chambres d’agriculture, cinq s’opposaient à la création de nouvelles placettes d’équarrissage ou demandaient la fermeture de celles qui existaient, quatre appelaient à une régulation et une demandait des tirs d’effarouchement, voire de défense. Ces aspirations, représentées sur la figure 8, témoignent d’une non-considération de la part des chambres d’agriculture pour la démarche d’objectivation mise en œuvre par les constats et les expertises, dont les conclusions vont pourtant dans le sens d’une absence de changement de comportement des vautours.
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Fig. 7 Schéma résumant les procédures de constat et d’expertise vétérinaire (© G. Picon, 2022 ; d’après les informations fournies par l’OFB [entretien] et d’après Arthur et Zenoni, 2010). |
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Fig. 8 Les demandes de gestion des différentes Chambres d’agriculture présentes lors du CIVE Massif central 2021, avec les indices de fréquentation des Vautours fauves (0-100) (© G. Picon, 2023 ; sources : d’après Assali et al., 2019 ; comité interdépartemental Vautours et activités d’élevage, compte rendu de la réunion du 30 juin 2021, préfecture de la Lozère ; ADMIN-EXPRESS). |
Monter en tensions. Une controverse autour de la cohabitation entre faune sauvage et activités humaines
Les vautours, illustrations de la controverse autour du partage de l’espace entre humains et non-humains
En écho à la première partie, ces controverses ont aussi été pensées autour de la cohabitation entre les activités humaines et les animaux. Elles concernent essentiellement les mammifères terrestres : le castor (Le Lay et al., 2017), les grands ongulés (dégâts de sangliers : Mounet, 2012 ; Poinsot, 2012 ; Poinsot et Saldaqui, 2009) et les grands prédateurs, étudiés tant sous l’angle du conflit généré par les attaques sur les troupeaux (Benhammou, 2007 ; Mounet, 2007 ; Moriceau, 2014 ; Doré, 2015) que de la controverse autour de leur régulation (Audrain-Demey, 2016 ; Lalo et Degeorges, 2017), ou plus récemment des interactions avec les animaux marins (Clouette, 2022). La situation en espaces protégés renforce le caractère potentiellement conflictuel par la réglementation qui s’y déploie et les objectifs assignés (Redpath et al., 2013). Dans ces configurations, le zonage est couramment employé pour tenter de résoudre les tensions. Cependant, pour l’avifaune que l’on ne peut maîtriser spatialement, aucun zonage n’est envisageable et le partage de l’espace est souvent supplanté par des volontés d’actions directes sur les populations d’oiseaux (Gramaglia, 2010, au sujet des goélands leucophées).
Outre cette particularité spatiale de la controverse autour des vautours, la temporalité est également une clé de compréhension majeure de celle-ci, pourtant trop peu prise en compte lorsque ces demandes visant à réguler la présence de vautours sont émises. En effet, les distances parcourues chaque jour par un vautour (130 km en moyenne dans les Grands Causses) [Fluhr, 2017, p. 85] et le temps (jusqu’à deux semaines) que ces rapaces peuvent passer sans s’alimenter (Bahat, 1998) remettent fortement en question la pertinence d’une mesure telle que la fermeture de placette et le tir d’effarouchement : « Si tu as cent vautours et que tu tires en l’air, c’est sûr qu’ils vont s’envoler […] mais […] ils ne sont pas là en permanence, ils viennent là parce qu’il y a une bête qui est morte mais le lendemain ils sont à 100 km plus loin » (entretien avec la LPOGC). On peut donc s’interroger sur l’efficacité de ces mesures, compte tenu, d’une part, du faible nombre d’interventions ante mortem des vautours et, d’autre part, de l’absence de corrélation entre le nombre de plaintes et l’évolution démographique des vautours (Duriez et al., 2018).
Les prédations de loups : exacerbation des tensions ou complémentarités inattendues ?
Un autre sujet s’avère également source de tensions, qui s’ajoutent à celles présentées. Les deux massifs étudiés ont en commun une présence ponctuelle ou régulière de loups, avec davantage d’individus présents régulièrement dans les Baronnies que dans les Causses (Fig. 9). Cet éleveur des Grands Causses se rappelle des oppositions lors de l’arrivée des loups dans le secteur : « Le loup a un peu tout cassé, je crois, entre les éleveurs en général et les associations, la LPO en particulier. On avait construit quelque chose, on arrivait à échanger ; […] Depuis qu’on a eu des problèmes de loups un peu plus loin, il y a 4-5 ans, là il y a eu une rupture, il y a ça entre nous. […] On ne se parle plus, en gros, ça a jeté un froid. ». En outre, la coprésence des vautours et des loups peut, d’une part, exacerber des tensions lorsque les vautours consomment les proies des loups, ce qui fait disparaître les traces de prédation de ces derniers, utiles pour la procédure d’indemnisation des éleveurs. D’autre part, cette coprésence peut aussi donner lieu à des formes de complémentarité : plusieurs vautours qui volent au-dessus du pré où pâturent les bêtes est signe pour l’éleveur qu’un animal a peut-être été attaqué par un loup, ou du moins qu’il est en mauvaise santé. Les éleveurs situés dans des régions où des loups sont régulièrement présents ont aussi bien souvent des chiens de protection. Or ces derniers font également fuir les vautours, ce qui a même incité un éleveur rencontré dans les Grands Causses à prendre des chiens de protection pour faire fuir les vautours : « Quand [les brebis] sont dehors, il y a toujours les patous, et justement pour les vautours, pas pour les loups ! Je sais pas si ça marcherait pour le loup, parce que pour le loup… on a moins de problèmes avec le loup qu’avec les vautours, mais pour les vautours ça marche du tonnerre, ils les supportent pas » (entretien). Si la crainte qu’ont certains éleveurs vis-à-vis des comportements des vautours peut se cumuler au stress causé par les loups, ces derniers restent tout de même la préoccupation principale. Dans les Baronnies, par conséquent, bon nombre d’éleveurs et de gestionnaires estiment que lorsque les loups seront davantage présents, les vautours ne constitueront plus un tel sujet de débat dans les Causses. Ce facteur est majeur pour la compréhension de la différenciation de la controverse, qui est hiérarchisée, entre les deux massifs : la prégnance des préoccupations causées par les loups dans le quotidien des agriculteurs des Baronnies fait plus facilement voir le caractère anecdotique des « désagréments » – expression d’un éleveur des Grands Causses – que peuvent causer les vautours. Mais loups et vautours ont aussi été amalgamés, par manœuvre politique ou par manque d’information, comme cette éleveuse de Lozère l’expliquait : « Au moment où on avait pas mal de prédations de loups, où les syndicats étaient chauds, la Chambre avait fait un communiqué de presse […] où ils faisaient quand même le lien, entre vautours, loups, prédations. […] ça nous avait choqués ; on trouvait que ça nous faisait perdre de la crédibilité par rapport à la problématique du loup » (entretien). Le caractère politique de ces sujets est alors bien visible et l’instrumentalisation, que l’on a déjà pu observer au sujet des loups (Benhammou et Salvador, 2003), semble également s’étendre aux vautours.
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Fig. 9 Une coprésence entre loups (présence régulière) et vautours inégale d’un massif à l’autre (© G. Picon, 2023 ; d’après Assali et al., 2019 ; réseau Loup-Lynx). |
Définir et accorder une place au sauvage : le problème de l’état de référence
L’état de référence, pour divers paramètres, sous-tend une grande partie de cette controverse. D’une part, la question centrale pour bon nombre d’éleveurs est celle des effectifs de population de vautours fauves. Beaucoup craignent une « surpopulation » et d’autres estiment même qu’elle est déjà atteinte. Toutefois, il s’agit d’une notion extrêmement relative, qui se comprend au regard de la ressource alimentaire ou d’habitat disponible, ou alors d’un état de référence. Cette limite a plusieurs fois été évoquée : « Ici tu vas avoir un discours, mais que tu vas retrouver pour toute la faune sauvage, qui dit “ah mais, il y en a trop”. Mais trop par rapport à quoi ? Le “trop”, tu vas le retrouver souvent : il y a trop de buses, il y a trop de cerfs… Mais derrière “trop”, qu’est-ce qu’on met comme critère ? » (entretien avec un éleveur des Baronnies). En termes scientifiques et écologiques, définir les limites spatiales d’une population animale est complexe, d’autant plus pour des oiseaux pouvant parcourir des dizaines de kilomètres en une journée, ce qui rend l’idée d’un effectif optimal dénuée de sens. Généralement, les acteurs déplorant une surpopulation confrontaient le nombre d’individus à la quantité de ressource alimentaire disponible. Mais les travaux préliminaires de Tyssandier (2021) ont justement montré que le déséquilibre existant entre les besoins de la colonie de vautours des Grands Causses et la ressource apportée par les SRC (ne constituant en réalité qu’une part de leur alimentation) ne porte pas atteinte à leurs effectifs.
D’autre part, cet état de référence s’applique également à un autre paramètre central dans les discours des acteurs interrogés : le comportement. Certains éleveurs constatent et parfois déplorent une crainte atténuée des vautours vis-à-vis de la présence humaine (distance de fuite plus courte, repérage du tracteur qui amène les carcasses à la placette…). D’autres ont l’impression que certains vautours mettent en œuvre une stratégie d’affolement des troupeaux en les survolant de près, dans le but de créer un dérochement ou tout autre type de perte au sein des animaux. De telles actions brouilleraient alors la définition du comportement alimentaire des vautours (charognard/prédateur). C’est bien la notion de « juste place » (Mauz, 2002) qui est interrogée, impliquant que les différents groupes humains estiment que les animaux sont, ou non, à leur place, en fonction de différents critères qui se rapportent à leurs comportements. Un animal est plus ou moins sauvage selon sa docilité, son autonomie, son éloignement des hommes, mais ici cette catégorisation est faite sans disposer de connaissances sur les comportements des vautours avant qu’ils soient exterminés par les humains. S’ils commencent actuellement à se rapprocher des activités humaines et à être moins craintifs, ce qui renvoie au critère de docilité, cela pourrait probablement être compris comme une reprise d’habitudes qui furent autrefois naturelles. Sans archives en témoignant, il est difficile pour les écologues et les gestionnaires d’affirmer auprès de certains éleveurs inquiets que ces comportements sont normaux. Une connaissance de ces états de référence en termes démographiques et comportementaux s’avérerait bénéfique à la cohabitation entre vautours et pastoralisme. Si certains éleveurs ont le sentiment que les vautours deviennent moins sauvages car plus dépendants des hommes, comme cet éleveur dans la Drôme qui a l’impression de « nourrir leurs bestioles [celles des associations naturalistes] » (entretien), nous renvoyant cette fois-ci au critère d’autonomie, il a toutefois été montré que malgré la présence de SRC, le caractère routinier de la recherche alimentaire des vautours est resté faible (Fluhr et al., 2017).
Des enjeux de représentation alimentant la défiance
Si les syndicats agricoles sont les acteurs centraux dans les demandes de gestion des populations de vautours, les différents entretiens ont montré qu’il existe une déconnexion entre ce qu’ils expriment et le jugement des éleveurs (qu’ils en soient adhérents ou non). Par exemple, cet éleveur, dans les Grands Causses, pourtant adhérent au syndicat ayant proposé la mise en place d’un système d’indemnisation pour les dommages que pourraient causer les vautours13 ; « Ça ne serait pas une bonne image, pour le monde agricole ; on reçoit des aides par-ci, des aides par-là… Avec ça, l’idée serait de dire : “S’il se fait manger une brebis, c’est pas grave, il sera indemnisé” ». Un autre élément notable de divergence est la demande de gestion des placettes d’équarrissage : certaines chambres d’agriculture ont exprimé leur opposition à la création de nouvelles placettes (Hérault, Haute-Loire, Puy-de-Dôme), d’autres (Aveyron, Lozère) ont même menacé de demander la fermeture des placettes existantes. Or cette requête va à l’encontre des intérêts des éleveurs, au regard des nombreux avantages qu’ils y trouvent, et ne limiterait probablement pas la sédentarisation des vautours, comme le souhaiteraient les syndicats, puisque des dépôts illégaux prendraient vraisemblablement le relais. Pour certains éleveurs, l’adhésion à un syndicat rend audible : « Ce n’est qu’au niveau des syndicats qu’on peut parler au niveau préfectoral, au niveau des associations comme la LPO, avec des structures qui représentent quelque chose » (un éleveur des Grands Causses). Mais pour d’autres, la distinction entre les revendications des syndicats et les intérêts des éleveurs est réelle : « Les syndicats s’expriment, mais l’éleveur, lui-même, il ne dit rien » (un éleveur des Grands Causses).
Ces propos amènent à interroger le rôle des éleveurs à l’échelle individuelle. Pour la plupart des enquêtés, les médias ne sont pas le mode d’expression à privilégier en raison de leur tendance à faire « monter la tension » (pour reprendre les termes d’un éleveur rencontré dans les Grands Causses), comme la littérature mobilisée plus haut l’a montré. La parole et l’expérience des éleveurs, individuellement, sont probablement plus pertinentes pour désamorcer doutes et crispations. La crédibilité et la légitimité des acteurs sont en effet centrales dans cette controverse, avec un clivage entre endogène et exogène, « où la légitimité siège toujours dans l’endogène » (Gauchon, 2010). Avec ce genre de partition, la parole des associations naturalistes est rapidement délégitimée, d’où l’importance de l’ancrage territorial, évoqué précédemment. Certaines initiatives témoignent d’une prise en compte de ce rôle des éleveurs à l’échelle individuelle : « Le PNR de l’Aubrac est venu, avec du personnel, des vétos, parce que c’était assez chaud a priori sur les bovins. Ils sont venus chez nous, visiter le charnier, essayer d’avoir un témoignage… » (entretien avec une éleveuse des Grands Causses). La médiation que peuvent effectuer les éleveurs est toutefois assez peu exploitée, ce qui laisse en suspens la question du déverrouillage des discussions entre les différents acteurs réunis dans les CIVE Massif central.
Conclusion
Cette controverse donne à voir l’importance des contextes locaux propres à chaque massif dans son déploiement, mais elle s’inscrit également dans la lignée des diverses autres tensions concernant la cohabitation entre faune sauvage et activités humaines (Charlier, 2018). Sans que les niveaux de confrontations permettent de parler de conflit, leur caractère fluctuant peut faire glisser la controverse vers ce dernier (Laslaz, 2016). Ancrage territorial variable des associations naturalistes, intensité des prédations lupines, régularité des protocoles de signalement d’un massif à l’autre, vigueur de l’activisme et structuration de la profession agricole, sont autant de paramètres permettant de comprendre la spatialisation de cette controverse, où les dimensions symboliques et politiques jouent un rôle majeur. La comparaison conduite dans cet article souligne que la controverse ne vient pas de telle ou telle espèce, mais de la manière dont la sphère sociale s’en saisit, à un instant donné, justifiant l’analyse de conflictualités différenciées dans le temps et dans l’espace. Mais les enjeux de représentativité et de légitimité des acteurs, ceux de juste place de la faune, de contrôle de celle-ci, nous rappellent l’inscription de ce cas particulier au sein du vaste sujet de la coexistence entre humains et non-humains, à l’heure d’une emprise spatiale croissante des activités anthropiques sur les espaces de vie de la faune sauvage, et de l’affichage volontariste de l’extension des espaces protégés créés en partie pour les abriter.
Remerciements
Les auteurs remercient Quentin Martinez, chargé de mission Natura 2000, Parc naturel régional des Baronnies provençales ; Olivier Duriez, maître de conférences en écologie de l’Université de Montpellier pour la fourniture de couches SIG ; et Yves-François Le Lay, professeur des universités en géographie à l’ENS de Lyon, qui a évalué le travail de Master 1 à l’origine de cet article.
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- Tricot A., Lolive J., 1999. Pannes, conflits et pratiques urbaines autour de Nice, Les Annales de la recherche urbaine, 83-84, 185-195, www.annalesdelarechercheurbaine.fr/IMG/pdf/Tricot.Lolive_ARU_83-84.pdf. [CrossRef] [Google Scholar]
- Tyssandier M., 2021. Évaluation saisonnière des ressources trophiques mises à disposition par les éleveurs pour la population de Vautour fauve (Gyps fulvus) des Grands Causses. Mémoire de Master, Toulouse, Université Toulouse 3. [Google Scholar]
Cet article reprend le contenu d’un mémoire de Master 1 Gestion de l’environnement soutenu à l’ENS de Lyon le 1er juin 2022, issu d’un stage au laboratoire EDYTEM du 31 janvier au 31 mai 2022. Une partie de son contenu a fait l’objet d’une communication, « Concilier activités d’élevage et vautours : une géographie politique de la controverse au défi de la sensibilisation et de l’éducation à l’environnement », au colloque interdisciplinaire Cohabitation entre pratiques récréatives et faune sauvage organisé dans le cadre de l’ANR Humani les 29-31 mars 2023 à l’Université Savoie Mont Blanc (Chambéry).
LPO France, 7 septembre 2022, Fiche espèce « Vautour fauve », www.lpo.fr/decouvrir-la-nature/fiches-especes/fiches-especes/oiseaux/rapaces/vautour-fauve.
LPO, « Vautour percnoptère », www.lpo.fr/decouvrir-la-nature/fiches-especes/fiches-especes/oiseaux/rapaces/vautour-percnoptere.
LPO, « Gypaète barbu », www.lpo.fr/decouvrir-la-nature/fiches-especes/fiches-especes/oiseaux/rapaces/gypaete-barbu.
Nous emploierons ces termes plutôt que ceux de charniers et de placettes conformément aux suggestions de Duriez et al. (2022) abordant cette terminologie.
« L’incertitude désigne l’incapacité à “mettre en risque”, à convertir l’inconnu ou l’indéterminé en savoirs objectifs qui peuvent ensuite permettre un choix rationnel. » (Reghezza-Zitt, 2015, p. 38).
« Des agriculteurs dénoncent l’attaque d’animaux vivants par des vautours », Géo, 29 juin 2020, www.geo.fr/environnement/des-agriculteurs-denoncent-lattaque-danimaux-vivants-par-des-vautours-201095.
Citation de l’article : Picon G., Laslaz L., 2024. De plume et d’os. La controverse autour des interactions entre vautours et élevage : une approche géographique comparée entre les Grands Causses et les Baronnies provençales. Nat. Sci. Soc., https://doi.org/10.1051/nss/2025020
Liste des figures
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Fig. 1 Localisation des deux terrains pour l’étude de la controverse autour de la cohabitation entre vautours et élevage (© G. Picon, 2023 ; sources : flux WFS, ADMIN-EXPRESS, PNR des Baronnies provençales). |
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Fig. 2 Les différents intermédiaires pour l’obtention de contacts dans les Causses. Les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre de personnes rencontrées dans la structure (© G. Picon, 2022). |
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Fig. 3 Les différents intermédiaires pour l’obtention de contacts dans les Baronnies provençales. Les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre de personnes rencontrées dans la structure (© G. Picon 2022). |
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Fig. 4 La réintroduction et le suivi des vautours dans les deux terrains d’étude (© G. Picon, 2023 ; sources : flux WMS, PNR des Baronnies provençales). |
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Fig. 5 Les différents systèmes d’équarrissage des éleveurs rencontrés dans les Grands Causses (3a) et dans les Baronnies provençales (3b), comparés à l’indice de fréquentation de la population de vautours fauves. Un indice de fréquentation compris entre 50 et 75 définit la zone où il est le plus probable de trouver plus de 50 % de la population de vautours (© G. Picon, 2023 ; d’après Assali et al., 2019). |
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Fig. 6 La rapidité du relais de l’information de la jument tuée sur le Lévézou, à travers Facebook et les médias régionaux. La première publication Facebook a été partagée 632 fois avec 138 commentaires, la publication des JA Aveyron 264 fois et les photos prises de loin des vautours sur la jument 69 fois. Entre-temps, des articles de médias locaux ont été publiés, dont un évoquant le cas d’une vache et d’un veau qui auraient été tués par des vautours. En moins d’une semaine, au moins 1 000 partages ont été faits du cas de la jument du Lévézou (nous n’avons ici pas pris en compte les partages de second niveau) [© G. Picon, 2022]. |
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Fig. 7 Schéma résumant les procédures de constat et d’expertise vétérinaire (© G. Picon, 2022 ; d’après les informations fournies par l’OFB [entretien] et d’après Arthur et Zenoni, 2010). |
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Fig. 8 Les demandes de gestion des différentes Chambres d’agriculture présentes lors du CIVE Massif central 2021, avec les indices de fréquentation des Vautours fauves (0-100) (© G. Picon, 2023 ; sources : d’après Assali et al., 2019 ; comité interdépartemental Vautours et activités d’élevage, compte rendu de la réunion du 30 juin 2021, préfecture de la Lozère ; ADMIN-EXPRESS). |
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Fig. 9 Une coprésence entre loups (présence régulière) et vautours inégale d’un massif à l’autre (© G. Picon, 2023 ; d’après Assali et al., 2019 ; réseau Loup-Lynx). |
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